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Alentours supprime les pourboires : « La stabilité salariale a un prix »

 
15 février 2024 | Par Marie Pâris
Crédit photo: Étienne Dionne

Ça n’est pas un concept nouveau ; les restaurants Lawrence, à Montréal, ou Parcelles, à Austin, ont déjà supprimé les pourboires de leur mode de fonctionnement. Le restaurant Alentours, installé dans la région de Québec, leur a emboîté le pas en janvier dernier pour prendre « la pleine possession de son budget et la responsabilité entière » des salaires de ses employés.

Une décision « logique » pour ce restaurant gastronomique, qui travaille avec des ingrédients locaux, de l’énergie hydroélectrique et une gestion écoresponsable de ses déchets. « En plus de notre conscience environnementale, nous voulons nous assurer que nos ressources humaines soient éthiques et même avant-gardistes pour notre industrie », indique l’établissement dans un communiqué.

Ce restaurant ouvert quatre jours par semaine - une journée pour la mise en place et trois soirs pour les clients -, avait déjà amorcé un changement dans son mode de rémunération en mettant en place un système de partage des pourboires à parts égales entre tous les membres de l’équipe. Entre 40 et 55% des salaires du personnel provenaient du pourboire.

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« Quand les pourboires étaient distribués seulement entre l’équipe de service, le personnel avait parfois tendance à donner moins d’importance à la journée de mise en place, raconte Tim Moroney, le chef-propriétaire. Finalement, on trouvait que ce système n’était pas si fonctionnel non plus. On a fait des essais... Notre stratégie, c’est de prendre des risques pour élaborer notre méthode et rendre la restauration plus soutenable. »

Une hausse graduelle

Ouvert en 2021, Alentours a essayé quelques fois de changer son modèle d’affaires dans le contexte post-pandémique, en proposant par exemple une offre à emporter, en lançant un menu bar ou encore en adaptant l’achalandage de sa salle à manger.

« Tout changement au revenu global de l’entreprise a un effet direct sur le salaire final de nos employés, souligne le chef. J’ai des employés qui ont travaillé avec nous pendant trois ans en ayant eu la patience de ne pas savoir exactement le montant de leur salaire à la fin de la semaine... C’est cette instabilité de salaires des employés qui a motivé ma décision d’arrêter complètement les pourboires. »

Ainsi, depuis mi-janvier, les terminaux de paiement d’Alentours n’offrent plus l’option de pourboires. Pour compenser, le propriétaire a augmenté les salaires des employés, mais également les prix : le menu dégustation est passé de 95 à 105$, franchissant ainsi la ligne symbolique des 100$. « Pour les clients, c’est pratiquement une autre gamme de menu, reconnaît-il. Mais c’est un risque à prendre. »

Cette hausse de prix de 10% ne représente pas la moyenne des pourboires laissés auparavant, qui avoisinait les 18%, mais le restaurateur veut il y aller graduellement, en fonction de la réponse de la clientèle, afin notamment de ne pas brusquer les clients habitués aux anciens prix. Un nouveau fonctionnement qui pour le moment se passe « super bien » d’après le propriétaire, qui n’a pas constaté de baisse d’achalandage.

Tim Moroney / Photo : Etienne Dionne

« Le pourboire ne change pas le service »

L’équipe prend le temps de souligner que pour le client, le prix est toujours exactement le même. « Certains clients comprennent plus vite que d’autres, mais la plupart des gens sont touchés qu’on veuille rendre l’expérience un peu plus honnête au niveau du prix et éviter ce moment un peu malaisant à la fin du repas, où ils ont le serveur devant eux tandis qu’ils décident de son salaire... »

Plus possible donc pour le client d’évaluer la qualité de son expérience dans le montant de son pourboire ? Cette idée, Tim Moroney la qualifie de plutôt traditionnelle, de vision datée de la façon dont un restaurant fonctionne aujourd’hui.

« On donne du bon service parce qu’on veut donner du bon service, pas parce qu’on veut du bon pourboire. On se donne des notes entre nous tous les soirs sur la façon dont notre service s’est passé, le timing de sortie des plats, la réponse apportées aux besoins spéciaux, etc. Le pourboire ne changeait pas notre façon de faire. »

L’attrait du crédit d’impôt

Avec ce nouveau mode de fonctionnement, les salariés d’Alentours n’auront plus au crédit d’impôt sur le pourboire. La perte de ce crédit, qui représentait 2 à 3% du chiffre d’affaires d’Alentours, sera cependant absorbée par le restaurant.

« C’est ok pour un petit restaurant comme nous, mais je peux comprendre que ce n’est pas pareil pour une grosse entreprise, ajoute le chef. Il y a des restaurants qui s’intéressent à notre système, plus équitable et facile à gérer, mais le crédit d’impôt est encore trop important pour eux. »

En attendant, le propriétaire et son équipe semblent ravis de ce changement et de cette stabilité salariale souvent rare dans le milieu. « Oui, un système à pourboire peut parfois donner des salaires plus élevés, mais la stabilité a un prix aussi, elle vaut vraiment quelque chose, insiste Tim Moroney. Les gens disent souvent que les serveurs aiment les pourboires, mais non : les serveurs aiment surtout gagner un beau salaire. »

Nommé dans le Top 10 des Nouveaux Meilleurs Restaurants d’Air Canada en 2022, ainsi qu’aux Lauriers de la Gastronomie en 2023, Alentours voit ces nominations une belle reconnaissance de son concept et de ses objectifs, le poussant à « agir comme entreprise modèle » et à s’ « imposer le défi constant d’aider la restauration à se moderniser ». Une grosse ambition !

Photo : Laurence Baker

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Mots-clés: 03 Capitale Nationale (Québec)
Rémunération / Salaires
Restauration

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