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Point de vue

Protectionnisme globavore

 
15 mars 2021 | Par Robert Dion

Plus que jamais, le local a la cote. Que ce soit les ingrédients, les plats au menu, les boissons, les emballages ou encore les meubles et accessoires, tout doit être pensé et recherché pour encourager le « Fait au Québec ».

Si les ingrédients sont d’ici, le goût, le décor et le concept doivent refléter l’exotisme et mener au dépaysement. La clientèle veut certes du produit québécois, mais avec une inspiration mondiale. Peu importe comment vous interprétez le « local », vous devez dire que vous achetez québécois, le faire savoir dans sles moindres détails. N’ayez pas peur de nommer les fournisseurs locaux ou les artisans qui sont derrière les plats. Vous remplacez un ingrédient parce qu’il n’est pas disponible en cette saison ? Dites-le !

L’idée n’est pas de faire le procès des produits d’ailleurs - en fait, tout ne se trouve pas au Québec -, mais bien de se poser les bonnes questions afin d’être conséquent sur le plan de l’offre locale. J’ai voyagé dans plusieurs pays en compagnie d’hôteliers et de restaurateurs pour découvrir qu’on peut adapter beaucoup de choses à la saveur d’ici. Comme je le dis souvent : rien ne s’invente, tout se réinvente !

Pour avoir une saveur locale, il faut plus que du contreplaqué et du vieux fer, des mots en joual ou des plats de cabane à sucre. Maintenant, il est temps d’être raffiné et de créer une identité qui va au-delà du smoked meat style Montréal et la poutine. Le Québec a tant à offrir...

Robert Dion, éditeur
[email protected]

 
 
Billet de la rédaction

Jouer dehors

 
17 mars 2021 | Par Marie Pâris

Chers lecteurs,

Si le printemps qui arrive est chaque année synonyme de liberté et d’extérieur, il l’est cette fois plus que jamais. Après un an de pandémie et de longs mois d’hiver confinés, voici venu le temps de jouer dehors ! Certes, le virus est encore présent, mais la distanciation sera plus facile et agréable à l’air libre, sous le soleil.

Ce printemps, on réapprivoise l’extérieur. Des hôtels ouvrent à la journée l’accès à leurs sites extérieurs, d’autres proposent les leurs aux visiteurs pour camper, tandis que les résidences investissent leurs espaces verts. Les camions de cuisine de rue prennent la route, et les restaurants vont sortir les terrasses et les équiper spécialement - car on veut manger dehors, mais au chaud !

Le design s’y met aussi. En pensant l’intérieur des nouveaux établissements qui émergeront après la pandémie, les professionnels optent désormais pour des espaces plus grands et plus aérés : on veut de l’air, dehors comme dedans.

Le printemps, c’est aussi le temps des sucres. L’occasion pour nous de (re)découvrir le sirop d’érable, emblème du terroir québécois qui reprend actuellement ses lettres de noblesse. On vous emmène donc jouer dans la neige des érablières, qui reprennent vie après l’hibernation.

Bref, si le syndrome de l’enfermement nous a pris avec la pandémie, ce printemps nous ramène à l’air libre ! Et alors que je fais mon entrée officielle dans la joyeuse équipe de HRImag, je vous propose de sortir et de respirer un grand coup...

Bonne lecture !

Marie Pâris, rédactrice en chef
[email protected]

 
 
Personnalité HRI

Philippe Champagne

Le sens de l’accueil

 
17 mars 2021 | Par Marie Pâris

Son enfance annonçait déjà la couleur. Le dimanche, au lieu de jouer au hockey et à son grand désarroi, Philippe Champagne brunchait au Château Frontenac avec son père, critique culinaire qui a signé dans les pages du Soleil pendant plus de 50 ans. Une ascendance parfois difficile à assumer pour le jeune homme, notamment lorsqu’il commence à travailler dans les restaurants de la capitale. « Quand vous êtes le fils de Pierre Champagne et que vous rentrez au Parmesan, son ombre reste là. Il faut donc performer, confie Philippe Champagne, aujourd’hui directeur régional, ventes et marketing, pour Le Reine Élizabeth, ainsi que pour l’est du Canada chez Accor.

Comme tout bon jeune Québécois, Philippe part un jour dans l’Ouest pour travailler au sein de la société Hôtels et Villégiatures Canadien Pacifique et y « faire [ses] preuves ». C’est là qu’il tombe amoureux de l’hôtellerie. « Je trouvais ça grandiose. La capacité était tellement énorme : on servait un millier de personnes ! » se souvient-il. Il décide ensuite de reprendre l’école pour obtenir un baccalauréat en gestion hôtelière à l’UQAM, en collaboration avec l’ITHQ. Son stage de fin d’études, il le fait au Château Frontenac. « On m’a dit : “Vous parlez beaucoup, vous ! Les ventes, ça ne vous intéresserait pas ?” » Philippe Champagne venait de trouver sa voie.

S’ensuivent de beaux postes, d’abord au Centre Sheraton de Montréal. Il se promène dans plusieurs hôtels de la compagnie Starwood et ouvre notamment le premier W au Canada en tant que directeur des ventes et du marketing. Il devient directeur des ventes des comptes principaux Starwood pour l’est du Canada, puis reprend la direction des ventes aux groupes au Sheraton. Il se met ensuite dans les souliers du client en tant que courtier en hôtellerie et vice-président, ventes et marketing, pour Hotel Management International. « Comme intermédiaire, je suis allé chercher une expertise sur le processus décisionnel des clients et sur les méthodes de négociation de chacune des chaînes, explique Philippe Champagne. Et j’ai ramené tout ça à Fairmont. »

SE RECENTRER SUR L’HYPERLOCAL

En 2018, il intègre en effet Accor comme directeur régional, ventes et marketing, pour l’est du Canada, avec Le Reine Élizabeth comme hôtel maison. Il supervise ainsi Le Château Frontenac, le Manoir Richelieu, le Château Montebello, le Fairmont Tremblant et le Sofitel Montréal. « Les plus beaux hôtels d’Amérique du Nord ! On ne peut pas dire non à un terrain de jeu comme celui-là quand on a une passion de l’hôtellerie », assure Philippe Champagne, qui égrène son portfolio avec fierté.

Naturellement, on le verrait bien diriger un hôtel plus tard... Ce à quoi il ne dit pas non. Mais avant ça, un gros défi l’attend : accompagner l’industrie dans la sortie de crise et la ramener à un niveau de rentabilité, en plus de réécrire complètement l’expérience et la façon d’accueillir la clientèle. « Il faut réorganiser notre image et notre marketing autour de l’hyperlocal, pense Philippe Champagne. Le focus est sur les marchés d’ici afin d’essayer de redonner nos hôtels aux Québécois. » Il travaille aussi à démocratiser Le Reine Élizabeth et à le rendre plus accessible, notamment en montrant ses espaces au moyen de partenariats avec les émissions Sucré Salé et Star Académie. Pour occuper les 950 chambres de l’hôtel montréalais, il faut en effet se réinventer et trouver de nouvelles avenues - comme les offrir en bureaux ou en local d’études pour universitaires...

Mais Philippe Champagne n’est pas inquiet pour l’hôtellerie québécoise, notamment grâce à ses hôtels boutiques. « On a une très belle offre en la matière, et les grands hôtels n’ont pas eu d’autres choix que de s’adapter en matière d’accueil et de personnalisation du service. Les Québécois sont très axés sur l’expérience... » Selon lui, ce sens de l’accueil s’explique en partie par le fait que les employés sont fiers de leurs établissements, et surtout qu’ils aiment les gens - la qualité essentielle d’un hôtelier. « Quand tu vas dans les plus beaux hôtels au monde, un lit, ça reste un lit. Et s’il n’y a pas d’accueil ou de personnalisation, c’est pas grand-chose, au final... ».

 
 
Dossier

Tendances

À quoi ressemblera le design post-COVID-19 ?

 
17 mars 2021 | Par Claire-Marine Beha

« ADAPTATION », C’EST L’UN DES MOTS QUI REVIENNENT LE PLUS DANS LA BOUCHE DES RESTAURATEURS, HÔTELIERS ET DESIGNERS LORSQU’ON LES QUESTIONNE À PROPOS DE L’IMPACT DE LA PANDÉMIE SUR LES ESPACES INTÉRIEURS. DE QUELLES TENDANCES ISSUES DE LA CRISE SANITAIRE LES RESTOS, CAFÉS ET HÔTELS SERONT-ILS IMPRÉGNÉS ? LA DISTANCIATION SERA-T-ELLE LA NOUVELLE NORME ? TOUR DE PISTE.

La dernière année a été marquée par l’apparition massive de zones de lavage de mains, de signalisation au sol pour faire respecter les deux mètres de distanciation, ainsi que de plexiglas et autres objets séparateurs plus ou moins esthétiques. Afin d’accueillir leur clientèle, les commerçants ont dû redoubler de créativité pour faire coexister mesures sanitaires avec convivialité, sécurité avec expérience. Alors que la solution d’urgence pour plusieurs restaurants a été de distancer tables et meubles, Davide Bazzali, propriétaire du restaurant italien Il Bazzali, situé dans la Petite Italie à Montréal, a bâti lui-même des panneaux entre ses tables en recyclant de vieilles portes en bois verni et d’anciennes fenêtres de sa maison. Lavable et originale, cette solution a le bénéfice de bien s’intégrer au style du restaurant, estime-t-il. « Et on a pu respecter les règles sans avoir à trop investir dans de nouveaux matériaux ! »

Malgré plusieurs périodes de fermeture des salles à manger et des défis manifestes, Sylvie Lajoie perçoit la crise comme étant une occasion d’affaires. Elle a en effet complètement changé la configuration de son établissement, Station Billard, qui réunissait initialement un pub, un billard et une discothèque sous le même toit à Saint-Lin–Laurentides. « On en a profité pour agrandir, aménager un restaurant et deux grandes terrasses », explique-t- elle. Même si les prochains mois s’annoncent encore laborieux pour l’industrie, Station Billard aura donc encore beaucoup de place pour – et entre – les clients.

PLUS DE FLEXIBILITÉ, PLUS D’AÉRATION

Les cloisons (ou alcôves) qui créent des zones semi-privées (comme chez Davide Bazzali), le mobilier interchangeable ou évolutif ainsi que la conception de lieux très aérés avec un accès facile aux fenêtres seront plus courants désormais, analyse Louise Dupont, associée de la firme de design et d’architecture LEMAYMICHAUD. Selon elle, la versatilité des espaces séduit, pour des raisons sanitaires immédiates ou en prévision de besoins et activités à venir. Des systèmes de filtration d’air plus performants sont aussi pris en compte dans les constructions et rénovations en cours.

« Le défi de 2021, c’est de créer des espaces qui pourront évoluer dans le temps, de respecter les normes actuelles sans avoir l’air d’être une grande salle vide sans âme, et de pouvoir se réadapter au fil des mois afin qu’on puisse un jour retourner à une densité traditionnelle », relève l’experte, qui pense à l’après-crise depuis plusieurs mois. Zébulon Perron, designer intérieur dans le domaine de la restauration, a quant à lui conçu au printemps 2020 des séparations en verre pour le restaurant Montréal Plaza. « On a essayé d’avoir une approche où elles ne paraissent pas trop, puisque ça restera après la pandémie, mentionne-t-il. De plus, toutes ces mesures palliatives de design sont coûteuses. Beaucoup de restos ont vécu comme un double échec la fermeture annoncée par le gouvernement. »

Les projets dont s’occupe actuellement Louise Dupont comportent donc deux plans : un plan de salle modifié pour lutter contre la contamination, et le plan initial, plus serré et convivial, qui correspond à l’ambiance imaginée par son équipe et son client. « Car on aura sûrement le goût de se coller quand tout ça sera derrière nous », s’enthousiasme-t-elle. « On n’en est pas au point dramatique où l’on doit complètement repenser la création d’un resto, heureusement ! tranche Zébulon Perron, assez optimiste depuis que l’arrivée des vaccins a redonné un peu de force à l’industrie. J’espère que ce ne sera jamais la nouvelle normalité. Oui, j’ai en tête un restaurant COVID-proof et je pourrais le dessiner. Mais comme tout le monde, je garde espoir qu’on n’en aura pas besoin. »

DES SURFACES DE TAKE-OUT ET DE LIVRAISON OPTIMISÉES

Ce qui a bel et bien évolué au cours des derniers mois, c’est la façon dont les clients consomment. L’expérience du restaurant doit nécessairement se déplacer à la maison, que les restaurateurs en sortent gagnants ou non. La livraison et le service à emporter vont-ils modifier les plans des restos ? Fort probablement, estiment les deux designers. À Montréal, Il Miglio a adapté sa salle à manger en petit marché de produits fins, Moccione a transformé la sienne en comptoir de plats à emporter, le San Gennaro a troqué ses étagères de sauces tomate et pâtes pour un présentoir de vins d’importation privée, Le Flamant s’est installé en vitrine pour concocter des pâtes fraîches... Et comme les services de livraison sont eux aussi de plus en plus nombreux, les livreurs et les clients se bousculent parfois, note Louise Dupont. « On pourrait améliorer le service à la fenêtre et créer un espace plus accueillant, comportant une section meuble d’accueil où l’on entreposerait les commandes et produits afin que ce soit fluide. »

Dans les projets que Zébulon Perron conçoit actuellement, c’est une nouvelle composante importante. Puisque l’offre pour emporter a gagné en qualité, il estime qu’elle risque de durer, un peu comme le télétravail, et de rester en demande. « Mais beaucoup de restaurateurs ne se sont pas lancés dans la restauration pour ça. Il y a toute la partie humaine, le plaisir de faire découvrir des choses aux clients, etc. », nuance-t-il. Les compromis sont donc courants pour combler ces besoins rapidement. En février, le chef Davide Bazzali a agrandi sa cuisine afin de répondre aux besoins d’une production plus variée comprenant la confection, le stockage et la collecte de plats à emporter. « Mais il a fallu sacrifier le comptoir et les tabourets donnant sur la cuisine », dit-il.

« Le défi de 2021, c’est de respecter les normes actuelles sans avoir l’air d’être une grande salle vide sans âme »

L’HÔTELLERIE, PLUS MODERNE ET CONNECTÉE QUE JAMAIS ?

Le design intérieur des hôtels, quant à lui, ne connaîtra pas de bouleversement radical, croit Louise Dupont. Par contre, deux critères risquent de rythmer la vie des hôteliers, encore plus que celle des restaurateurs : « une hygiène impeccable » et le fait que « les gens ne voudront plus toucher à plein d’objets ». Sa firme a d’ailleurs dû devancer la mise en route de projets technologiques chez certains clients, dont l’Hôtel Bonaventure à Montréal, où se mettent en place des bornes virtuelles d’accueil et un système de clés sans contact, ainsi qu’une technologie facilitant le partage d’information et l’accès aux services de façon électronique. « La porte qui s’ouvre automatiquement quand on est devant, avec du Purell à disposition, c’est aussi un gros point positif », ajoute Louise Dupont. La tendance du touchless semble être là pour de bon.

Pour la propreté, c’est dans les chambres d’hôtel que le plus gros effort doit être mis, souligne l’experte. « On met un collant ou un sceau sur la porte pour assurer que la chambre est propre. J’ai l’impression que cette certification va rester pour un très long moment, sûrement plusieurs années. Cette communication est un gage de sécurité qui rassure la clientèle. » Une réflexion sur les matériaux est aussi en cours. Car qui dit « désinfection en profondeur » dit « recherche d’efficacité » et donc « de rentabilité ». Les surfaces très brillantes comme le verre noir où les traces de doigts sont plus longues à enlever seront désormais peu retenues, illustre la designer. « On va favoriser des matériaux faciles d’entretien, hyper hygiéniques, avec le défi de ne rien perdre en cachet. »

« On va favoriser des matériaux faciles d’entretien, hyper hygiéniques, avec le défi de ne rien perdre en cachet »

À l’Hôtel Bonaventure, on penche vers des portes de douche en acier inoxydable et en verre. « La pandémie nous aura poussés à nous questionner sur nos méthodes et nous aura incontestablement amenés vers l’aire technologique plus rapidement qu’on ne l’aurait pensé ! » explique le propriétaire, Claude Chan. Mais qu’en serat- il des télécommandes, des machines à café et autres objets incontournables des chambres d’hôtel ? Et les restaurants de type buffet... vont-ils prospérer ? Pour les designers du domaine de l’hôtellerie-restauration, toutes les solutions ne sont pas encore trouvées, mais les équipes assurent mettre toute leur énergie à intégrer ces exigences accrues dans l’esthétique et l’ergonomie de leurs concepts.

Car les designers restent bien occupés. Zébulon Perron confie que plusieurs projets en pause depuis plusieurs mois ont été remis sur la table. Tout comme Station Billard, de nombreux entrepreneurs n’ont pas attendu la fin de la pandémie pour se lancer en affaires et prendre en compte la crise sanitaire dans leur choix de design. C’est le cas du restaurant et bar à vin BarBara à Montréal, dont la grande table centrale et les plexiglas seront aisément modulables, voire interchangeables, selon les besoins. Depuis son ouverture en janvier dernier, la vente de produits pour emporter va bon train dans le jeune établissement. « On a eu la chance, si on peut dire ça, d’ouvrir en pandémie et donc de créer un projet qui convient dès le départ à la situation actuelle, soulève la copropriétaire Catherine Draws. On a un magasin séparé du reste de la salle, qui va rester. On y vend du prêt-à-manger, du vin, et il nous permet de faire des ventes en ce moment. On a aussi fait changer les fenêtres pour avoir une excellente aération, et il y aura une grande terrasse cet été. » Face aux incertitudes, l’adaptation, encore.

 
 
Produits

Sirop d’érable : L’or québécois

 
17 mars 2021 | Par Marie Pâris

Note de la rédaction : Pier-Alexis Soulière est actuellement en compétition à Paris en vue de remporter le titre du Meilleur sommelier du monde. Dans cet article, il nous avait parlé de son amour pour le sirop d’érable.

« L’érable a le vent dans les voiles ». Mylène Denicolaï, directrice du service de promotion et de développement des marchés chez Érable du Québec, le souligne avec enthousiasme : la consommation de sirop d’érable est en explosion. La vente à l’international a augmenté de 21 % en 2020. De plus, selon les projections des Producteurs et productrices acéricoles du Québec (PPAQ), le Québec aura besoin de 168 millions d’entailles d’érables d’ici soixante ans afin de répondre à la demande croissante - soit 120 millions de plus qu’actuellement. « C’est sûr, il se passe quelque chose, affirme Pier-Alexis Soulière, cinquième génération de sa famille à produire du sirop. Quand c’est rendu qu’il y a des annonces pour l’érable au Bye Bye avec Claude Legault... »

L’ancien sommelier (Meilleur sommelier des Amériques 2019) a grandi à Saint-Pierre-Baptiste, dans le Centre-du-Québec, où de nombreux habitants travaillent dans les érablières. Le Festival des sucres que le village accueille chaque année est d’ailleurs le deuxième festival au Québec par son ancienneté, souligne fièrement Pier-Alexis. « À cinq ans, je savais déjà qu’il y avait deux qualités de sirop : celui qu’on gardait pour nous, les habitants, et celui pour les gens de la ville. » S’il a travaillé dans différents endroits du monde, il s’est toujours dit qu’il reviendrait un jour au Québec, dans son village natal, pour faire du sirop d’érable. L’année dernière, il a donc loué 500 entailles dans l’érablière d’un oncle et y a installé sa production de sirop artisanal : sans électricité, sans eau courante et à la chaudière.

Crédit photo : Frédéric Laroche

UN PRODUIT FIN, MAIS QUI DOIT RESTER ACCESSIBLE

« Aujourd’hui, seulement 2 % du sirop d’érable dans le monde est fait artisanalement, explique le trentenaire. Dans certaines érablières, la génération actuelle n’a jamais vu un fourneau au bois ou les chaudières sur les érables, et ne sait même pas comment faire chauffer une bouilleuse au bois. Les anciens ne rajeunissent pas, et si on ne sauve pas ce savoir-faire passé par la parole de père en fils, ça va disparaître pour de bon. » Si l’objectif était au départ de vendre sa production à des restaurants, la pandémie en a décidé autrement, et les bouteilles de sirop ont finalement été distribuées à des particuliers. « La qualité est incomparable, s’enthousiasme le sucrier. Tout notre stock est parti ! »

Et il remet ça cette année. Ses conditions de travail font certes réagir les producteurs du village, qui alternent entre admiration, stupéfaction et incrédulité. « C’est sûr que c’est un peu jusqu’au-boutiste, mon histoire, mais c’est mon interprétation du sirop d’érable, se défend Pier-Alexis. Je crois que, quand on a des contraintes, c’est là qu’on est capable d’extraire des choses intéressantes. C’est sûr, c’est aussi plus facile de faire de la qualité avec une petite production... » L’ancien sommelier a joliment travaillé le design de son produit, vendu dans d’élégants flacons numérotés et scellés à la cire. Un travail qui a un prix : 35 $ la bouteille. « Faire du sirop à 35 $, c’est à la portée de n’importe qui, mais en produire en gros volume avec des méthodes artisanales et à un prix raisonnable, ça, pour moi, c’est le futur », indique Pier- Alexis. Son rêve : que tout le monde ait accès à du sirop de qualité, des hôpitaux aux écoles. Le sucrier vise à utiliser à l’avenir des contenants moins chers, plus légers et accessibles.

Mais la tendance ne semble pas aller dans ce sens, alors que de plus en plus de producteurs délaissent la traditionnelle boîte de conserve pour des bouteilles stylisées, comme dans le cas de la compagnie Bretelles. « Une catégorie de consommateurs est prête à débourser davantage pour aller chercher la finesse du produit, note Mylène Denicolaï. Je pense par exemple à NOS CABANES, qui peut dire de quel rang vient telle bouteille de son sirop. Et les gens veulent de plus en plus savoir ça. » Chez Érable du Québec, on essaie de valoriser le sirop au même titre que le sont les ingrédients fins, comme une huile d’olive ou une bonne vanille.

DES VINAIGRETTES AUX COCKTAILS

En plus d’être un agent sucrant plus fin que le sucre blanc, le sirop d’érable est un bel agent de saveur. Et ça, les chefs l’ont bien compris ; d’autant que l’érable rentre parfaitement dans la tendance de consommer local. Jean-Sébastien Giguère, chef partenaire des restaurants h3 à Montréal et Le Coureur des Bois à Beloeil, produit de 1250 à 1500 gallons de sirop par année dans son érablière située à Saint-Marc-sur-Richelieu, en Montérégie. Le groupe paie un employé à l’année pour s’occuper de la forêt et s’assurer que les érables sont en bonne santé. Un modèle dont il est fier : « À part le Pied de Cochon, il n’y a pas de restaurants qui ont leur propre cabane à sucre, à ce que je sache. »

Il vend son sirop à la cabane à sucre en saison et à la clientèle des restaurants, et il en fait vieillir une partie en fûts de bourbon chaque année. L’autre moitié de sa production est utilisée dans les restaurants. L’objectif : remplacer le sucre raffiné par l’érable, en sucre transformé ou en sirop. Dans les établissements du groupe, des sachets de sucre d’érable sont distribués avec le café. « On a déjà remplacé environ 60 % du sucre classique, note Jean-Sébastien Giguère. Mais le sirop d’érable ne se substitue pas au sucre à tous les coups, et parfois les recettes ne fonctionnent pas. C’est aussi un produit avec un goût assez particulier... On fait donc de la recherche et des tests. »

Crédit photo : Érable du Québec

Les équipes du h3 et du Coureur des Bois utilisent ainsi le sirop dans la cuisine comme dans la pâtisserie, dans les vinaigrettes et les sauces comme dans les gâteaux et les cocktails. Le chef, qui adore le sirop de bourgeons, vante le goût qui change au fil de la saison, prenant des notes de vanille, de caramel ou de cannelle... « Le sirop d’érable est un produit de chez nous ; ça serait un peu bête de ne pas l’utiliser », conclut Jean-Sébastien Giguère.

L’ÉLAN DU LOCAL

Mais le Québec est un peu le cordonnier mal chaussé, regrette Mylène Denicolaï : aucun cours ne se donne sur l’utilisation de l’érable en cuisine. « Le sirop d’érable a été au fil du temps un peu oublié ; il fait partie du Frigidaire depuis toujours et est devenu presque galvaudé. Dans les écoles, on sait comment découper un poulet ou travailler un fond de veau, mais personne ne donne de cours sur le produit phare du Québec, parce que la connaissance n’est pas assez développée. » Depuis deux ans, Érable du Québec travaille ainsi avec les chefs Philippe Mollé et Arnaud Marchand pour mettre au point une plateforme de contenus, qui sera à long terme amenée dans les écoles hôtelières pour enseigner à mieux cuisiner avec le sirop d’érable.

En attendant, la directrice du service de la promotion travaille également avec des ambassadeurs gastronomiques pour démocratiser l’utilisation de l’érable et montrer sa polyvalence. Les chefs participants s’engagent ainsi à offrir du sirop d’érable dans tous types de plats, pas seulement en saison mais tout au long de l’année. Mylène Denicolaï a toujours senti chez les chefs d’ici une volonté de mettre l’érable de l’avant, notamment dans les desserts mais, depuis quelque temps elle retrouve de plus en plus l’emblème du terroir local dans les plats principaux, jusque dans les mets de cuisine asiatique. « L’engouement pour les produits locaux a beaucoup aidé, mais pas que. En 15 ans, l’évolution de l’utilisation de l’érable dans la cuisine des chefs québécois est tout à fait exceptionnelle. »

Crédit photo : Frédéric Laroche

 
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