Son enfance annonçait déjà la couleur. Le dimanche, au lieu de jouer au hockey et à son grand désarroi, Philippe Champagne brunchait au Château Frontenac avec son père, critique culinaire qui a signé dans les pages du Soleil pendant plus de 50 ans. Une ascendance parfois difficile à assumer pour le jeune homme, notamment lorsqu’il commence à travailler dans les restaurants de la capitale. « Quand vous êtes le fils de Pierre Champagne et que vous rentrez au Parmesan, son ombre reste là. Il faut donc performer, confie Philippe Champagne, aujourd’hui directeur régional, ventes et marketing, pour Le Reine Élizabeth, ainsi que pour l’est du Canada chez Accor.
Comme tout bon jeune Québécois, Philippe part un jour dans l’Ouest pour travailler au sein de la société Hôtels et Villégiatures Canadien Pacifique et y « faire [ses] preuves ». C’est là qu’il tombe amoureux de l’hôtellerie. « Je trouvais ça grandiose. La capacité était tellement énorme : on servait un millier de personnes ! » se souvient-il. Il décide ensuite de reprendre l’école pour obtenir un baccalauréat en gestion hôtelière à l’UQAM, en collaboration avec l’ITHQ. Son stage de fin d’études, il le fait au Château Frontenac. « On m’a dit : “Vous parlez beaucoup, vous ! Les ventes, ça ne vous intéresserait pas ?” » Philippe Champagne venait de trouver sa voie.
S’ensuivent de beaux postes, d’abord au Centre Sheraton de Montréal. Il se promène dans plusieurs hôtels de la compagnie Starwood et ouvre notamment le premier W au Canada en tant que directeur des ventes et du marketing. Il devient directeur des ventes des comptes principaux Starwood pour l’est du Canada, puis reprend la direction des ventes aux groupes au Sheraton. Il se met ensuite dans les souliers du client en tant que courtier en hôtellerie et vice-président, ventes et marketing, pour Hotel Management International. « Comme intermédiaire, je suis allé chercher une expertise sur le processus décisionnel des clients et sur les méthodes de négociation de chacune des chaînes, explique Philippe Champagne. Et j’ai ramené tout ça à Fairmont. »
SE RECENTRER SUR L’HYPERLOCAL
En 2018, il intègre en effet Accor comme directeur régional, ventes et marketing, pour l’est du Canada, avec Le Reine Élizabeth comme hôtel maison. Il supervise ainsi Le Château Frontenac, le Manoir Richelieu, le Château Montebello, le Fairmont Tremblant et le Sofitel Montréal. « Les plus beaux hôtels d’Amérique du Nord ! On ne peut pas dire non à un terrain de jeu comme celui-là quand on a une passion de l’hôtellerie », assure Philippe Champagne, qui égrène son portfolio avec fierté.
Naturellement, on le verrait bien diriger un hôtel plus tard... Ce à quoi il ne dit pas non. Mais avant ça, un gros défi l’attend : accompagner l’industrie dans la sortie de crise et la ramener à un niveau de rentabilité, en plus de réécrire complètement l’expérience et la façon d’accueillir la clientèle. « Il faut réorganiser notre image et notre marketing autour de l’hyperlocal, pense Philippe Champagne. Le focus est sur les marchés d’ici afin d’essayer de redonner nos hôtels aux Québécois. » Il travaille aussi à démocratiser Le Reine Élizabeth et à le rendre plus accessible, notamment en montrant ses espaces au moyen de partenariats avec les émissions Sucré Salé et Star Académie. Pour occuper les 950 chambres de l’hôtel montréalais, il faut en effet se réinventer et trouver de nouvelles avenues - comme les offrir en bureaux ou en local d’études pour universitaires...
Mais Philippe Champagne n’est pas inquiet pour l’hôtellerie québécoise, notamment grâce à ses hôtels boutiques. « On a une très belle offre en la matière, et les grands hôtels n’ont pas eu d’autres choix que de s’adapter en matière d’accueil et de personnalisation du service. Les Québécois sont très axés sur l’expérience... » Selon lui, ce sens de l’accueil s’explique en partie par le fait que les employés sont fiers de leurs établissements, et surtout qu’ils aiment les gens - la qualité essentielle d’un hôtelier. « Quand tu vas dans les plus beaux hôtels au monde, un lit, ça reste un lit. Et s’il n’y a pas d’accueil ou de personnalisation, c’est pas grand-chose, au final... ».