Tristan Lambert (Le Bistango) : Le couronnement du prince héritier
Un chef exécutif plus jeune que le restaurant dans lequel il exerce, cela n’arrive pas tous les jours. Et quand le « nouveau » venu récupère les clés des cuisines dirigées pendant des années par son propre père, cela pique encore un peu plus la curiosité. Formé à l’École hôtelière de la Capitale, Tristan Lambert, 25 ans à peine, maître des fourneaux du Bistango depuis quelques semaines, confie pourtant ne ressentir que peu de pression. Mais sait qu’il est attendu au tournant.
HRImag : Tristan Lambert, les responsables du Bistango vous décrivent comme un chef « artistique », « savoureux » mais également « inventif ». Quelle place l’innovation prend-elle dans un restaurant ouvert depuis 32 ans ?
Pour durer, il faut évoluer. Bien sûr, vous trouvez à la carte du Bistango des plats qui sont là depuis trois décennies, comme les pâtes, et auxquels on ne peut pas toucher. Mais cela n’empêche pas d’innover. Depuis que je suis arrivé dans cet établissement voilà six ans, j’ai par exemple noté davantage de complexité dans les assiettes. On ne peut pas révolutionner le menu, il faut y aller par petites touches, essayer, tester, corriger… Il faut surtout prendre son temps. Et là, on est en pleine phase de transition.
En prenant les commandes du Bistango, quels objectifs vous êtes-vous fixés ? Quels changements allez-vous apporter ?
Encore une fois, même si je veux améliorer certains points, je ne veux rien bouleverser. Nous avons une clientèle fidèle et chaque changement doit être analysé et effectué avec prudence. Mais par exemple, le système de fonctionnement interne à nos cuisines pourrait être amélioré. On y réfléchit.
Quels produits aimez-vous cuisiner ? Comment décririez-vous votre style ?
J’adore travailler les pâtes fraîches : j’aime l’attention et la minutie que cela requiert. Ça me permet de rentrer dans ma bulle. Les produits locaux, je trouve ça intéressant à plusieurs niveaux, mais je n’en fais pas une obsession. Je ne me vois pas me passer de citron. Nous n’avons pas une carte 100 % québécoise et ce n’est pas un objectif. Ce n’est de toute manière pas la formule idéale pour un restaurant de 80 places qui fait aussi des banquets de plusieurs centaines de personnes.
Vous semblez excessivement calme et posé. Êtes-vous aussi serein en cuisine ?
Je me lance souvent sur plusieurs idées, je me concentre sur des formes, des couleurs, des textures, et je vois où ça me mène, sur quoi ça débouche. C’est une façon pour moi de me donner des défis, des contraintes, et ça m’amène aussi à explorer et à réfléchir davantage.
Parlant « contraintes », votre jeune âge en est-il une ou est-ce plutôt un atout ?
Le restaurant existe depuis plus longtemps que moi, mais ce que je retiens surtout, c’est qu’il y a au Bistango des employés qui travaillent ici depuis ma naissance. Je bosse avec des gens qui m’ont vu avec la couche aux fesses ! Je les connais, je les respecte, mais je dois aussi me faire respecter. Comme j’ai fait une grande partie de ma carrière ici (il a également travaillé un an au Laurie Raphaël de Montréal et quelques mois au Sonoma Resort, en Colombie britannique, NDLR), je pense avoir fait mes preuves depuis mon arrivée. Mes équipes savent ce que je vaux.
Votre père, Sylvain Lambert, a dirigé les cuisines du Bistango durant plusieurs années et travaille toujours en salle. N’avez-vous pas peur de l’inévitable comparaison ?
Non, car nous avons des styles distincts, des cuisines très différentes. Mon père est un excellent gestionnaire et faisait une cuisine très traditionnelle. Avec les évolutions dont je vous parlais tantôt, je ne pense pas qu’il serait encore à l’aise en cuisine aujourd’hui. Moi, je travaille différemment, mes assiettes sont plus modernes.
Votre père évolue depuis trois décennies dans ce restaurant. Pourriez-vous, comme lui, cuisiner durant 20 ou 30 ans dans le même établissement ?
Ça dépend de plein de choses. L’industrie de la restauration évolue rapidement, les modes changent vite. J’ai toujours voulu avoir mon propre restaurant : si j’en suis capable, si j’en ai l’occasion, peut-être que je me lancerai. Mais si ça roule au Bistango, que ça me plaît durant les 30 prochaines années et, surtout, que j’y suis heureux, pourquoi ne pas faire ma carrière ici ? Seul l’avenir nous le dira…
(Photos fournies par TacTic Marketing)
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