Inflation : un tiers des restaurants canadiens fonctionneraient à perte
Un tiers des restaurants fonctionneraient à perte, selon un nouveau rapport de Restaurants Canada. Le rapport annuel de l’industrie 2023, publié lundi par l’organisme, prévoit que les ventes totales des services alimentaires atteindront 110 milliards de dollars d’ici la fin de l’année, contre 100 milliards de dollars l’an dernier. Les deux dernières années ont dépassé les ventes de 95 milliards de dollars de 2019, soit avant la pandémie.
Mais même si le chiffre d’affaires augmente, les restaurateurs disent qu’ils sont confrontés à une pression croissante quant à leurs résultats en raison de la hausse des coûts des ingrédients, des assurances et des salaires. Il est donc difficile de réaliser des bénéfices : 34% des restaurants étaient déficitaires en mars 2023, contre 7% avant la pandémie, indique le rapport. Et 17% ont déclaré qu’ils n’atteignaient que le seuil de rentabilité, comparativement à 5% il y a quatre ans.
« Tout cela est lié aux suites de la pandémie, a déclaré la présidente de Restaurants Canada, Kelly Higginson, en entrevue à The Globe and Mail. Nos membres sont lourdement endettés. Les exploitants doivent faire face aux mêmes problèmes de taux d’intérêt que les Canadiens au quotidien, et à la lourde inflation qui vient frapper l’industrie. »
12$ le chou-fleur
Les restaurateurs augmentent les prix des menus à des taux records, mais à un rythme plus lent que celui de la hausse de leurs coûts. Par exemple, en mars 2023, les prix des menus ont augmenté de 6,4%, tandis que le prix des aliments vendus dans les épiceries a augmenté de 9,1%, selon Statistique Canada. Cela contribue à la baisse des bénéfices des restaurants, mais les clients sont très sensibles à tout changement de prix du menu, indique la présidente de Restaurants Canada : « Ce qui est effrayant avec l’augmentation des prix, c’est que quand vous découvrez que vous êtes allés trop loin, les gens ont déjà cessé de revenir dans votre établissement. »
Leslie Echino, propriétaire du restaurant Annabelle’s Kitchen à Calgary, raconte à The Globe and Mail comme elle a vécu cette pression avec l’exemple d’un de ses plats préférés, un chou-fleur pané à la tempura inspiré d’une recette de sa grand-mère. Si le prix d’une tête de chou-fleur était d’environ 3$ il y a quelques années, il est désormais de 4 ou 5$ cette année.
« Mon équipe a ramené une caisse de légumes récemment, et le prix était de plus de 12$ par chou-fleur. J’ai failli avoir une crise cardiaque, confie la restauratrice. Le plat n’est qu’à 15$ sur notre menu... » Elle indique avoir supprimé d’autres articles de son menu en raison de leur coût. « Nous ne mettons pas de steak au menu en ce moment parce que je ne veux pas avoir à le facturer 45$ aux clients. Ce niveau de prix m’effraie trop... »
Une forte demande des consommateurs
Les chaînes de restaurants ont mieux absorbé ces dépenses plus élevées, suggère le rapport. Les données de la firme d’études de marché Circana montrent qu’il y avait 34 583 chaînes de restaurants au Canada en 2023, en légère hausse par rapport aux 34 413 de 2019. Cependant, le nombre de restaurants indépendants a chuté à 27 400 en 2023, contre 29 877 en 2019. Le secteur des services de restauration et de l’hébergement a été le secteur qui a enregistré le plus grand nombre de dépôts d’insolvabilité ; il y a eu 70 dépôts pour le mois d’août seulement.
« Certains de nos membres ont contracté une deuxième hypothèque, déclare Mme Higginson. Ils ont épuisé leurs marges de crédit et leurs cartes de crédit. Cela ne peut durer qu’un certain temps... » Pourtant, les dépenses globales dans le secteur continuent d’augmenter, ce qui suggère qu’il y a une forte demande des consommateurs, donnant aux restaurateurs des raisons d’espérer.
Leslie Echino, qui dirige des restaurants à Calgary depuis 2007, a déclaré qu’elle voyait enfin des ventes proches des chiffres d’avant la COVID, et que l’un de ses trois établissements a récemment mis fin à trois années consécutives de pertes mensuelles. Cela la rend optimiste quant à l’instauration d’une nouvelle normalité dans l’industrie. « On est habitués à une pression et à un stress élevés, conclut-elle. La COVID a définitivement fait de moi une meilleure restauratrice, car j’ai accordé plus d’attention que jamais aux résultats. »