En 2021, les restaurants à service complet et services de restauration spéciaux tardent à rattraper leur retard par rapport à 2019. Les achats en aliments et boissons accaparent une trop grande part de leur chiffre d’affaires pour générer une marge bénéficiaire nette raisonnable. Quant aux restaurants à service restreint et aux débits de boissons, ils ont retrouvé ou dépassé en 2021 les marges bénéficiaires de 2019 en pourcentage des ventes (voir les définitions en fin d’article). En période de pandémie et malgré la fermeture prolongée des établissements commerciaux, la structure de coûts des restaurants est donc en général restée sensiblement la même qu’en 2019 et le secteur a continué de présenter des marges bénéficiaires négatives dans certaines catégories.
Statistique Canada a publié ses résultats de 2021. Ces statistiques montrent de faibles marges bénéficiaires dans toutes les catégories de restaurants (tableau 1). L’année 2019 étant la dernière année de référence fiable, on constate que les années 2020 et 2021 ont été particulièrement difficiles du côté des restaurants à service complet et des services de restauration spéciaux, tandis que les établissements à service restreint et les débits de boissons se sont maintenus et ont même progressé et bénéficié d’une hausse importante de leurs profits en 2021.
TABLEAU 1
MARGE BÉNÉFICIAIRE D’EXPLOITATION
|
2019 |
2020 |
2021 |
Services de restauration et débits de boissons |
3,9 |
1,2 |
3,4 |
Restaurants à service complet |
3,2 |
-1 |
-0,4 |
Établissements de restauration à service restreint |
3,8 |
3,7 |
7,9 |
Services de restauration spéciaux |
7,9 |
-0,8 |
-0,3 |
Débits de boissons (alcoolisées) |
5,1 |
0,6 |
3,1 |
Source : Statistique Canada / Tableau 21-10-0171-01 Services de restauration et de débits de boissons, statistiques sommaires.
Note de STACAN : La marge bénéficiaire d’exploitation est calculée comme suit : le revenu d’exploitation moins les dépenses d’exploitation, le tout exprimé en pourcentage du revenu d’exploitation. Cette donnée dérivée ne comprend pas l’impôt sur le revenu des sociétés payé par les entreprises constituées en société et l’impôt sur le revenu des particuliers payé par les entreprises non constituées en société. Pour les entreprises non constituées en société, la marge bénéficiaire d’exploitation comprend la rémunération non payée aux associés et aux propriétaires, qui n’est pas enregistrée comme salaires, traitements et avantages sociaux. Pour cette raison, l’estimation des bénéfices sera plus élevée dans les industries où les entreprises individuelles et les sociétés en nom collectif sont des contributeurs importants.
Les graphiques suivants comparent la part des différents types de dépenses en pourcentage du chiffre d’affaires des établissements de restauration du secteur commercial seulement, au Québec.
À des fins de statistiques, nous avons défini les dépenses :
- les frais généraux comprennent les frais suivants : honoraires et frais professionnels, frais de bureau et dépenses liées à l’informatique et aux télécommunications (téléphone, Internet et autres), redevances, redevances de franchisage et droits d’adhésion, réparation et entretien, amortissement et dépréciation, publicité, marketing, promotion, repas et divertissement, frais de déplacement, de réunions et de congrès, frais de services financiers et tous les autres coûts et dépenses ;
- le poste Loyer, permis et services publics comprend la location, les services publics, les taxes d’affaires, les permis et les assurances.
La structure de coûts a peu changé en 2021 par rapport à 2019. La clé de la rentabilité a été d’abaisser les dépenses en aliments et boissons ainsi que les dépenses en main-d’œuvre, malgré la faiblesse des ventes.
| GRAPHIQUE 1
ENSEMBLE DES CATÉGORIES DE RESTAURANTS
Coût nourriture et boisson
Salaire et avantages sociaux
Loyer, permis, services publics...
Sources : Statistique Canada / Tableau 21-10-0172-01 Services de restauration et de débits de boissons, dépenses de l’industrie et Tableau 21-10-0171-01 Services de restauration et de débits de boissons, statistiques sommaires
Services de restauration 2019-2021
Malgré les augmentations de prix généralisées, on constate que les dépenses en aliments et boissons sont trop élevées pour permettre un bénéfice net raisonnable. Les loyers, permis, services publics et assurances accaparent également une part importante – plus de 11 % du chiffre d’affaires –, ce qui réduit la capacité de générer une marge intéressante. Quant aux dépenses en main-d’œuvre (salaires et avantages sociaux), bien qu’elles dépassent les 32 % en 2021, la pénurie de personnel et l’inflation qui touchent les biens de consommation de base et le logement interpellent les gestionnaires dans l’évaluation de la juste part que l’on attribue à ce poste budgétaire. Peut-être que les dépenses en main-d’œuvre devraient dorénavant occuper une part plus grande afin de correspondre à des sommes suffisantes pour pouvoir rémunérer davantage le personnel, notamment en cuisine et à la plonge.
| GRAPHIQUE 2
RESTAURANTS À SERVICE COMPLET
Coût nourriture et boisson
Salaire et avantages sociaux
Loyer, permis, services publics...
Sources : Statistique Canada / Tableau 21-10-0172-01 Services de restauration et de débits de boissons, dépenses de l’industrie et Tableau 21-10-0171-01 Services de restauration et de débits de boissons, statistiques sommaires
Restauration à service complet
Du côté des restaurants à service complet, les résultats démontrent une baisse en 2021, soit de 0,4 % du chiffre d’affaires comparativement à 3,2 % de profits en 2019. Les dépenses en nourriture et boissons ont légèrement augmenté, passant de 35,0 % à 35,8 % du chiffre d’affaires, tandis que les dépenses en main-d’œuvre ont reculé, passant de 35,1 % à 33,1 %. On note une hausse des frais généraux et du loyer, qui grugent de plus en plus les faibles marges depuis 2019.
| GRAPHIQUE 3
RESTAURANTS À SERVICE RESTREINT
Coût nourriture et boisson
Salaire et avantages sociaux
Loyer, permis, services publics...
Sources : Statistique Canada / Tableau 21-10-0172-01 Services de restauration et de débits de boissons, dépenses de l’industrie et Tableau 21-10-0171-01 Services de restauration et de débits de boissons, statistiques sommaires
Restauration à service restreint
Les restaurants à service restreint ont profité de la pandémie pour réduire leurs dépenses en nourriture et boissons ainsi qu’en salaires et avantages sociaux ; les frais généraux et les loyers se sont maintenus, ce qui a néanmoins permis de dégager de meilleures marges bénéficiaires nettes.
| GRAPHIQUE 4
SERVICES DE RESTAURATION SPÉCIAUX
Coût nourriture et boisson
Salaire et avantages sociaux
Loyer, permis, services publics...
Sources : Statistique Canada / Tableau 21-10-0172-01 Services de restauration et de débits de boissons, dépenses de l’industrie et Tableau 21-10-0171-0 Services de restauration et de débits de boissons, statistiques sommaires
Restaurants à services spéciaux
Grands perdants de la pandémie et du confinement qui ont frappé le Québec en 2020 et 2021, les restaurants à services spéciaux ont toutefois réussi à contenir leurs dépenses en nourriture et boissons. Cependant, leurs dépenses en main-d’œuvre ont fait un bond important, passant de 34,1 % des ventes en 2019 à 38,2 % en 2021. On constate la même chose du côté des frais généraux et du loyer, ce qui réduit le bénéfice net à -0,3 % du chiffre d’affaires, alors qu’il atteignait 7,9 % en 2019.
| GRAPHIQUE 5
DÉBITS DE BOISSONS
Coût nourriture et boisson
Salaire et avantages sociaux
Loyer, permis, services publics...
Sources : Statistique Canada / Tableau 21-10-0172-01 Services de restauration et de débits de boissons, dépenses de l’industrie et Tableau 21-10-0171-01 Services de restauration et de débits de boissons, statistiques sommaires
Débits de boissons
La catégorie des débits de boissons s’est maintenue au-dessus de la barre de rentabilité et a réduit significativement ses dépenses en nourriture et boissons ainsi qu’en main-d’œuvre durant la pandémie. Tout comme dans le cas de la catégorie précédente, les frais généraux et les loyers ont fortement affecté sa rentabilité en 2021 par rapport à 2019.
Somme toute, nous pouvons présumer que les pourcentages de coûts ont été contrôlés grâce à l’augmentation des prix des menus, mais que les baisses des ventes en dollars, provoquées par des mois de fermeture, ont fait ressortir davantage le poids des frais fixes (frais généraux et loyer, taxes, permis, services publics et assurances). Ce constat est d’une certaine manière encourageant, puisque les ventes de ces secteurs tendent à retrouver les niveaux de 2019, et les frais fixes devraient occuper une part moins importante du chiffre d’affaires. Soulignons toutefois que l’inflation n’aura pas dit son dernier mot en 2022 et 2023. De plus, la menace de récession peut réduire la demande et créer une forte et longue pression à la hausse sur les taux d’intérêt.
Définitions – SCIAN utilisées par Statistique Canada
Restaurant à service complet : Cette classe canadienne comprend les établissements dont l’activité principale consiste à fournir des services de restauration à des clients qui commandent et sont servis aux tables et qui règlent l’addition après avoir mangé.
Restaurant à service restreint : Cette classe canadienne comprend les établissements dont l’activité principale consiste à fournir des services de restauration à des clients qui commandent ou choisissent les produits à un comptoir de service ou de cafétéria (ou par téléphone) et qui paient avant de manger.
Services spéciaux : Ce groupe comprend les établissements dont l’activité principale consiste à fournir des services de restauration chez le client, dans un lieu désigné par le client, à partir de véhicules motorisés ou de chariots non motorisés.
Débits de boissons : Ce sous-secteur comprend les établissements dont l’activité principale consiste à préparer des repas, des repas légers et des boissons commandés par les clients pour consommation immédiate sur place ou à l’extérieur de l’établissement. Il ne couvre pas les activités de restauration menées dans divers établissements comme les hôtels, les associations de citoyens et les associations sociales, les parcs d’attractions et de loisirs, ainsi que les salles de spectacles. Toutefois, les locaux loués pour les services de restauration offerts dans diverses installations comme les hôtels, les centres commerciaux, les aéroports et les grands magasins sont compris. Les groupes faisant partie de ce sous-secteur sont définis en fonction du niveau et du genre de service fourni.
François Pageau, M. Sc., est professeur à l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec.