Je faisais dernièrement la file au salon funéraire pour rendre hommage à une personne influente dans le domaine de la restauration et de l’hôtellerie. Pendant que j’attendais, je discutais avec une femme qui m’a dit : « Lui, il en a mis des restaurants sur la map ! » À ce moment-là, j’ai réalisé combien les Françoise Kayler, Pierre Champagne et Marie-Claude Lortie ont contribué à la popularité de centaines d’établissements au Québec.
Dans le domaine des évaluations et des critiques, un gros joueur se pointe à l’horizon à Québec, et sûrement aussi au Québec : le guide Michelin. Qu’il soit critiqué ou adulé, il n’en demeure pas moins qu’un guide affichant un tel rayonnement international a des répercussions non seulement sur notre culture culinaire, mais aussi sur la popularité de notre destination.
Si les journaux du samedi qui présentaient les bonnes tables sont chose du passé, il n’en reste pas moins que le domaine de l’hôtellerie et de la restauration repose sur les bonnes recommandations. Peu importe la quantité de publicité, rien ne vaut un commentaire positif, la recommandation d’un ami ou, comble de l’éloge, une critique professionnelle de son établissement. Les Google reviews et TripAdvisor de ce monde comme les cuisinomanes locaux sont maintenant les références en matière d’adresses à visiter, et plusieurs s’y fient dans leurs choix de fréquentation.
Quand on consulte les listes des Top 50 mondiaux et autres palmarès du genre, la présence de certains établissements, bien qu’extrêmement méritée par le travail et la qualité, est aussi due à un jeu de haute voltige en communications et relations publiques. Qu’il s’agisse d’un restaurant haut de gamme, d’un hôtel en ville ou en région ou bien d’une cantine gourmande, rien ne vaut un article senti et élogieux pour catapulter les ventes et la popularité vers des sommets inégalés.
Vous êtes des entrepreneurs, des artistes, des artisans, mais votre métier vous amène maintenant à être également des communicateurs. Vos tâches ont bien changé : actualiser vos heures d’ouverture sur votre site web, répondre aux commentaires sur les réseaux sociaux et refuser les demandes de souper gratuit de certains influenceurs, tout cela fait maintenant partie de votre définition de tâches. Comme l’hôtellerie et la restauration sont plus que jamais ultra compétitives, il est d’autant plus important de vous démarquer. Un bon plan de communications bien conçu est gage de références positives et de clientèle nouvelle.
Un tiers de la nourriture produite dans le monde est perdue ou jetée, soit l’équivalent de 1,3 milliard de tonnes de vivres, selon la société d’État RECYC-QUÉBEC. Voici quelques bonnes pratiques destinées à réduire le gaspillage alimentaire en cuisine professionnelle.
« Je gaspille quelle quantité d’aliments ? S’agit-il de restes d’assiette ou plutôt de pertes survenant au moment de la préparation ou de l’entreposage ? Ai-je des pertes parce que je produis des surplus dont je dois ensuite me débarrasser ? » En entrevue, l’auxiliaire de recherche à l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec (ITHQ) Jade Lévesque énumère quelques-unes des questions que doivent se poser les chefs et le personnel de cuisine. Car pour éviter de gaspiller, il faut commencer par savoir ce que l’on gaspille. Autrement dit, on doit examiner avec minutie le contenu de ses bacs à ordures. « La première étape, c’est de peser et quantifier le contenu des poubelles. On va donc aller sur le terrain, s’informer des raisons pour lesquelles on jette un aliment », résume-t-elle.
Dans le cadre de son doctorat en sciences des aliments mené à l’Université Laval (Québec), Jade Lévesque se penche notamment sur les stratégies de réduction du gaspillage alimentaire en restauration. Certaines entreprises européennes et américaines (Orbisk, KITRO, etc.) ont développé des poubelles intelligentes qui dressent l’inventaire des denrées dirigées vers les sites d’enfouissement. Si ces technologies facilitent énormément le travail d’analyse et font gagner du temps, elles peuvent s’avérer dispendieuses pour les restaurateurs indépendants qui réalisent de minces marges de profit, croit la doctorante. Celle-ci a visité plusieurs régions du Québec pour connaître les astuces de leurs restaurateurs.
Dans les restaurants végétaliens Lola Rosa, le chef consultant en alimentation durable Bobby Grégoire fournit un coup de main pour analyser ce qui finit au dépotoir : « Durant une heure et demie à deux heures, il reste près de la poubelle et de la plonge et note ce qui est gaspillé », explique Éric Bieunais, le copropriétaire des deux succursales. Les séances d’observation ont permis de constater que 85 % des contenants de crème sure et de « poiscamole » (un guacamole de petits pois verts) servis avec les burritos reviennent pleins. Doivent-ils être retirés des assiettes ? Devrait-on ajouter les sauces directement dans les tortillas ? L’équipe évalue encore la meilleure solution.
Lola Rosa bénéficie de l’aide du chef Bobby Grégoire grâce à l’initiative montréalaise Mon commerce zéro déchet, qui offre aux entrepreneurs un accompagnement de groupe facilitant leur transition écologique. Elles profitent aussi du financement du Guichet unique pour la transition alimentaire (GUTA). Éric Bieunais ne s’en cache pas : ses gestionnaires et lui n’auraient certainement pas eu le temps de faire « le piquet » près des grands sacs noirs entre deux réunions et services. Aux restaurateurs qui manquent de temps ou de ressources financières pour engager un expert, il suggère de questionner le personnel en salle et derrière les fourneaux au sujet des pertes alimentaires dont il est témoin. Il est essentiel de « mettre en place un système de communication qui permet aux employés de dire : “Attention, ce n’est pas mon restaurant, mais l’environnement et le gaspillage m’importent ; voilà donc ce qui a été jeté aujourd’hui” », explique-t-il.
Réutiliser
Une fois que l’on a identifié les sources de gaspillage, il faut trouver des façons de l’éviter. Si l’on jette essentiellement des ingrédients achetés en trop, il est possible de réévaluer ses achats, de miser sur de plus petites commandes auprès de fermes locales et de faire plus fréquemment le tour de ses réfrigérateurs et garde-manger. On peut aussi revoir les portions si l’on constate que les assiettes reviennent souvent encore bien remplies. Pour ce qui est du gaspillage lié à la production, le plus simple demeure de concevoir à l’avance des plats qui seront créés à partir des résidus générés par les activités de la semaine. Le mot clé ? Planification. Jade Lévesque cite en exemple une situation survenue au restaurant-école de l’ITHQ. Lorsqu’on prépare des tartares, la couche externe des pièces de bœuf est retirée, pour des raisons esthétiques et sanitaires ; les chefs ont donc imaginé des manières d’intégrer à certains plats la viande ainsi récupérée.
Au Lola Rosa, les déchets de préparation de cuisine (cœurs de poivron, pelures de tomate et d’oignon, têtes de brocoli…) servent à la préparation des bouillons. Les croustilles de maïs en miettes, impossible à intégrer aux assiettes de nachos, sont transformées en farine utilisée dans les pains accompagnant les bols de chili. Les zestes de lime, de citron ou d’orange trouvent une seconde vie dans des sauces. Bobby Grégoire aide l’établissement à développer des recettes de marmelades qui seront proposées au brunch. Le recours à un chef consultant apte à fournir des conseils en matière de réduction des pertes de matière organique s’avère une option intéressante si le budget le permet. Enfin, certains outils technologiques peuvent fournir un coup de main aux restaurateurs en manque d’inspiration. Pensons notamment à l’intelligence artificielle, comme celle sur laquelle mise le site Internet ChefTouski pour générer des idées de plats.
Il est également possible de se tourner vers les entreprises spécialisées en réemploi, comme Still Good. Son équipe de recherche et développement, installée à Montréal, travaille avec les restaurateurs et les transformateurs alimentaires pour concevoir des manières inusitées de revaloriser les ingrédients autrement mis à la poubelle. C’est ce qu’elle a fait pour la chaîne 3 Brasseurs, qui tire désormais de la farine de ses résidus de brassage de bière. « Aujourd’hui, si vous allez manger dans un 3 Brasseurs, il y a six ou sept articles sur le menu qui comportent des drêches. C’est le cas des pains à hamburger », explique fièrement Jonathan Rodrigue, fondateur de Still Good.
Selon lui, les chefs et propriétaires doivent éviter une erreur : celle de conclure que les quantités jetées à la poubelle sont trop négligeables pour que l’on puisse en faire de nouveaux produits. « Si un restaurant a un type de matière organique dans ses déchets, c’est que c’est probablement le cas de d’autres établissements. » Still Good rassemble ainsi les pains restés dans les présentoirs de plusieurs boulangeries pour en faire de la chapelure, ensuite revendue.
L’entreprise trouve aussi son utilité dans la mise en réseau de commerces soucieux de réduire leur empreinte écologique. Elle invite tous les maillons de la chaîne alimentaire à développer des partenariats pour favoriser l’économie circulaire. « J’ai déjà vu des endroits où il y avait une collaboration entre les acteurs locaux, dit-il. Quand il y a des surplus, ils s’appellent et découvrent qu’un autre a besoin de ce qui les encombre. Il y a des manières de s’entraider. Pour moi, il s’agit d’aiguiser ce réflexe-là. »
Économiser
Éric Bieunais et son équipe ont imaginé un guacamole de petits pois pour accompagner leurs assiettes de nachos. Le poiscamole se garde trois ou quatre jours au réfrigérateur sans prendre de coloration brunâtre, contrairement à la recette traditionnelle à base d’avocat. Le pois est également un ingrédient plus local, qui se conserve mieux et coûte moins cher que l’avocat. L’entrepreneur originaire du sud de la France évite ainsi de jeter une tonne de fruits trop mûrs, « ce qui coûtait un bras », souligne-t-il.
En aspirant à une approche zéro déchet, on réduit les dépenses en transport des déchets. L’adoption de bons comportements s’avère en fait la plupart du temps avantageuse sur le plan financier, selon les recherches de Jade Lévesque. Un argument de taille en contexte d’inflation : « Ce qu’on a observé, c’est que ça apporte pas mal tout le temps des bénéfices économiques intéressants à long terme, dans les six mois » La clé : implanter des mesures simples et sollicitant peu de travail. « Dans la sauvegarde de la planète, chaque petit geste compte », rappelle Éric Bieunais.
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