Dernièrement, un de nos journalistes a publié un article très préoccupant sur l’évolution des MEV, qui a mis en lumière une certaine incapacité de notre milieu à s’adapter aux changements. Cette capacité d’adaptation, l’industrie de la restauration doit pourtant l’enclencher pour rester concurrentielle et attrayante aux yeux de clientèles qui se font courtiser par un nombre incalculable d’entreprises dans le secteur de la consommation alimentaire hors domicile.
Je pensais bien que, après la diffusion de cet article sur toutes nos plateformes, il y aurait plus de réactions de votre part, une grande manifestation d’intérêt envers un dossier qui vous concerne au plus haut point !
Chaque jour, le secteur perd des professionnels des HRI. Pas par manque de passion, mais bien par manque d’organisation, de solidarité et d’intérêt. Les nouveaux qui prennent leur place arrivent avec un bagage différent, ou portés par les avantages du regroupement qu’offrent les chaînes.
L’industrie de l’alimentation, plus précisément celle de la restauration, représente bien plus que ce que l’on peut imaginer, et ce, dans des domaines comme l’agriculture et le tourisme, en passant par la culture. Tout passe par la bouffe. Le seul problème, c’est que le secteur n’est pas écouté à la mesure de cette importance.
Comment se faire entendre quand on n’a pas ou peu de cohésion dans notre industrie, et que le chacun-pour-soi fait office de règle d’or ? À HRImag, notre mission est de vous écouter et de porter votre voix pour qu’elle trouve un écho partout au Québec sur les sujets et les revendications qui vous concernent.
Depuis plus de 25 ans, je dis à qui veut bien l’entendre que cette industrie devra se professionnaliser et s’affirmer si elle veut se faire respecter.
Avec la saison froide reviennent les festivals gastronomiques et leurs alléchants rabais. Des occasions de se réunir et de festoyer tant pour le public que pour les restaurateurs, qui voient plusieurs avantages à y participer.
Après le festival Myco consacré aux champignons sauvages qui s’est déroulé fin septembre en Mauricie, le festival Ramen Ramen a pris ses quartiers à Montréal en octobre, proposant de découvrir une foule de versions de ce plat emblématique. Au mois de novembre s’installe ensuite MTLàTABLE qui, pendant trois semaines, annonce des menus à prix réduits dans 135 restaurants de la métropole. Au même moment, Québec Table Gourmande offre la même chose à Québec, cette année dans 80 établissements. Montréal en Lumière viendra ensuite animer la scène culinaire en février, suivi de Trois-Rivières à table au mois de mars. Les huîtres, la poutine, la pizza et même la viande de phoque sont également tour à tour les vedettes d’événements culinaires récurrents.
Organisés le plus souvent pendant les mois les moins occupés de l’année, ces festivals visent à créer un achalandage. Et si les restaurateurs y participent en si grand nombre et sont de retour année après année, c’est qu’il y a plus d’une raison pour eux d’apprécier ces festivités qui les mettent en lumière.
Atteindre un public différent
Le restaurant Le Richmond, situé dans le quartier montréalais de Griffintown, en est à sa quatrième participation à MTLàTABLE. « Chaque automne, cet événement nous donne beaucoup de visibilité et nous permet de joindre une clientèle qui ne penserait pas nécessairement à venir nous voir, signale Patricia Moreau, directrice des ventes et événements spéciaux au Richmond. Le fait de proposer un menu trois services attire des gens qui, ensuite, reviennent. On est en mesure de l’évaluer par les témoignages, et surtout par les statistiques de réservation : on sait qui a réservé pour MTLàTABLE, et ça reste dans le dossier du client, auquel on peut se référer. »
Xavier Dahan, chef exécutif du Bivouac, installé dans l’hôtel Double Tree by Hilton Montreal, constate en outre qu’une clientèle différente se présente lors de ces événements. Renouveler la clientèle est primordial pour les restaurateurs, et il croit que les festivals gastronomiques y contribuent largement. « Autant en ce qui concerne l’hôtel que le restaurant, on peut constater durant MTLàTABLE et Montréal en Lumière qu’on atteint des gens qu’on ne joint pas habituellement. Si on arrive à les séduire, ils pourraient devenir des clients fidèles ! » confie le chef.
Plusieurs festivals culinaires imposent aux restaurateurs de composer des menus à prix fixe, de façon à offrir à la clientèle une expérience gastronomique à coût moindre. L’opération peut sembler contraignante et moins représentative du menu courant, mais les restaurateurs interrogés disent y trouver leur compte. « Ce n’est pas nécessairement une contrainte puisque, justement, c’est ce qui nous permet d’aller chercher une nouvelle clientèle, ajoute Xavier Dahan. En composant le menu, on va par exemple y aller avec de la truite plutôt que des pétoncles, mais il y a moyen de travailler. Si on sait que 60% de la clientèle du festival va choisir ce menu, on commande en plus grande quantité et on peut négocier les prix avec les fournisseurs. Puisqu’on les nomme sur le menu, ils profitent eux aussi d’une belle visibilité. »
Des retombées pour les producteurs
Les producteurs sont aussi mis de l’avant dans le menu du restaurant Le Richmond, conçu spécialement pour MTLàTABLE. « On ne le fait pas d’habitude, mais MTLàTABLE nous le demande, alors on est très heureux de le préciser puisqu’on utilise des produits québécois. C’est intéressant pour notre clientèle », dit Patricia Moreau.
Regroupant une quinzaine de restaurants mettant les champignons et comestibles de la forêt au menu, le festival Myco vise parallèlement à valoriser le travail des cueilleurs et autres fournisseurs. « On participe avant tout par passion pour les ingrédients locaux et les comestibles de la forêt, qu’on aime faire découvrir, explique Roxanne Roy, copropriétaire du bistro Le Chenapan (Shawinigan). Pour Myco, on fait affaire avec des cueilleurs et fournisseurs suggérés par le festival. De plus, il y a un marché public organisé dans le cadre de l’événement, ce qui permet de les rencontrer directement. Ça crée des liens que l’on maintient par la suite… Bref, une belle communauté de proximité entre restaurateurs, fournisseurs, cueilleurs et consommateurs. »
Échanges de compétences et réseautage
Pour plusieurs restaurateurs, la participation à un festival culinaire relève également du défi professionnel. Dans le cadre de Myco, un concours est organisé entre eux sur un thème imposé. L’année dernière, il s’agissait d’un dessert contenant un champignon comme ingrédient ; cette année, il fallait créer une trilogie de tapas. Roxanne Roy y voit non seulement un défi mais aussi une occasion d’apprentissage. « Au Chenapan, on cuisine déjà les comestibles de la forêt, mais on pousse un peu plus loin quand vient Myco. On essaie de surpasser notre menu de l’année précédente, d’explorer des techniques différentes, de cuisiner des produits qu’on ne connaît pas. Le festival nous fournit un guide pour savoir comment apprêter les différentes sortes de champignons. On apprend des choses ! »
Au Renoir, restaurant de l’hôtel Sofitel, le sous-chef exécutif Félix Duquet reçoit un chef de l’étranger chaque année dans le cadre de Montréal en Lumière. En février, un chef de la Norvège est venu cuisiner avec eux. « Il a apporté certains produits de chez lui, et on l’a fait cuisiner avec des produits d’ici. Ça nous permet de rencontrer des gens qui ont la même passion mais qui évoluent dans d’autres environnements. Ces gens-là repartent chez eux et parlent de nous ; ça fait rayonner la scène culinaire montréalaise à l’extérieur et attire du tourisme. On le constate entre partenaires hôteliers. »
Constant Mentzas, chef propriétaire du restaurant Garde-Côte dans le centre-ville de Montréal, est du même avis : « Montréal en Lumière est une belle occasion de réseautage et une expérience professionnelle intéressante avec l’accueil des chefs invités. MTLàTABLE est un exercice différent : on fait face à plus de volume, car la visibilité que ça nous donne attire beaucoup de monde. C’est fracassant ! » lance-t-il.
Visibilité et achalandage
Reste que l’objectif principal des restaurateurs qui participent aux festivals culinaires est de profiter d’une bonne visibilité. Pour attirer de la clientèle dans leurs établissements en plein mois de mars – saison plutôt creuse –, le Groupe Antonopoulos, maintenant scindé en deux (Gray Collection et Corner Collection) avait déjà lancé, cinq ans avant la création de MTLàTABLE, son propre festival avec menus à prix réduits : le Happening Gourmand. Ce festival tiendra sa 16e édition en 2024.
« On a fait ça à l’image de plusieurs autres festivals du même type ailleurs dans le monde, dit Alexandre Cossette, directeur marketing de Gray Collection. C’est beaucoup de travail, mais si on ne le faisait pas, on ferait moins d’argent. Ça donne en plus un coup de pouce à tout le quartier du Vieux-Montréal. Les gens vont dans les hôtels, les boutiques, La Grande Roue… »
Yann Latouche, président d’EvenTouch et organisateur de Québec Table Gourmande, a de son côté réussi à attirer plus de restaurants participants cette année, comparativement à l’an dernier. « Puisque Destination Québec Cité, notre agence de tourisme, mettra de l’avant Québec Table Gourmande dans la première phase d’un plan de positionnement de Québec comme destination gourmande, j’ai pris le téléphone et appelé les restaurateurs. Cette visibilité en a convaincu plusieurs d’embarquer : l’année dernière, on avait 51 restaurants participants ; cette année, on en compte 80. Ce n’est pas rien pour une petite ville comme Québec ! Ce qu’on veut, c’est faire du festival un produit d’appel, pour faire venir les gens à Québec et aider les restaurateurs… »
Si la fin de la pandémie marque le retour des clients dans les hôtels, la popularité des chalets ne perd pas de son élan. On veut toutes les commodités d’une chambre de luxe, dans le confort d’une résidence touristique. Et les hôtels l’ont bien compris.
Les clients sont de retour dans les hôtels, assure Véronyque Tremblay, PDG de l’Association Hôtellerie du Québec (AHQ). Selon des données récentes publiées par l’AHQ, le taux d’occupation au Québec était de 75,7% en août dernier, alors que, en 2019 à la même période, il était de 79,6%. « On l’a vu cet été : on a récupéré sensiblement les chiffres de 2019 », se réjouit-elle. Malgré tout, l’engouement pour les chalets est « là pour rester », pense la PDG. Elle voit d’ailleurs que de plus en plus d’acteurs de l’industrie diversifient leur proposition : « Il y en a qui vont tenir un hôtel, mais auront peut-être également des chalets sur leur site ». Cette tendance vise à répondre aux besoins de plus en plus variés des voyageurs.
C’est entre autres le cas de La Cache à Maxime, un complexe situé à Scott (Chaudière-Appalaches), qui comprend 47 suites et 30 chalets en location. Différents services combinant ceux des hôtels et des résidences en nature sont proposés à la clientèle : on retrouve notamment un resto-pub, des salles de réception, une terrasse, une piscine, un beer garden doté d’une section où allumer des feux de camp, un bar, un spa et une chapelle.
Ouvert cet été, le Domaine des Constellations gagne en popularité depuis son inauguration. Situé à Lac-aux-Sables (Mauricie), le site propose des mini-chalets « éco-luxueux » et des dômes insolites. « Ça va vraiment bien. On a beaucoup de bouche-à-oreille, et c’est réservé toutes les fins de semaine », se réjouit Stéphanie Gagné, directrice générale et propriétaire de l’entreprise.
De son côté, William Burgess, directeur marketing et associé de Monsieur Chalets – une plateforme en ligne qui offre la location de chalets de luxe –, ne note pas de baisse d’achalandage depuis la fin de la pandémie, mais il remarque une évolution dans les habitudes de la clientèle. « On voit une réduction quant à la durée de la réservation des chalets. Et les demandes se feront plus à la dernière minute, alors que, pendant la pandémie, les gens se ruaient dessus dès qu’il y avait une place de disponible », se rappelle-t-il.
Des services complémentaires aux hôtels
« Les services de Monsieur Chalets sont 100% complémentaires à l’hôtellerie traditionnelle, précise William Burgess. Il sera difficile de loger 15 personnes à l’hôtel, mais chez nous, non. » Selon lui, une résidence revient à coût moindre, comme la facture est partagée entre les occupants : « Le chalet permet des échanges et des interactions plus naturels que si l’on divisait le groupe dans plusieurs chambres. À l’inverse, il est plus dispendieux de louer un chalet en couple ou en solitaire. Les établissements hôteliers sont alors une très bonne option qui offre une belle flexibilité. »
Pour la directrice générale de La Cache à Maxime, Claudia Plamondon, les chambres d’hôtel et les chalets bonifient l’offre. « Dans les chambres, on verra plus de gens d’affaires ou des voyageurs en solo. Les chalets vont être plus populaires auprès des familles ou des groupes d’amis qui veulent venir passer une fin de semaine », fait-elle remarquer.
Les chalets représentent une concurrence pour les hôteliers au même titre que tous les établissements entre eux, estime la présidente de l’AHQ. « C’est toujours un concurrent, peu importe le type d’hébergement touristique. Mais de la compétition, ce n’est pas mal. Ce qui est primordial, c’est de satisfaire la clientèle et de répondre à ses besoins : il faut lui offrir ce qu’elle souhaite avoir », précise-t-elle.
Des besoins de plus en plus diversifiés
Véronyque Tremblay note d’ailleurs des attentes de plus en plus diversifiées de la part des visiteurs. Sphère dans les arbres, hôtel de glace, chalet en nature ou en bord de mer, gîte en plein cœur de la ville… « Quel que soit le format, je pense que ce qui est important, c’est de répondre aux besoins de la clientèle et lui donner ce qu’elle recherche. Il faut aussi s’adapter et s’assurer d’être toujours à son écoute. » La PDG de l’AHQ relève également qu’il y a une plus grande attention portée à la protection de l’environnement. « Le luxe, ce n’est plus seulement du marbre. Les voyageurs prônent de plus en plus des pratiques durables et une expérience unique et significative, ancrée dans la communauté locale », souligne-t-elle.
Le Domaine des Constellations mise ainsi sur le côté insolite de son établissement. « Ce sont des expériences uniques : on ne retrouve pas ça dans plusieurs régions. On a également nos spas privés encastrés dans les galeries, qui donnent l’impression d’être assis dans le vide avec vue sur la rivière et les montagnes », décrit la copropriétaire. Ses hébergements proposent aussi de l’équipement de calibre hôtelier, obtenu d’un fournisseur local. L’entreprise compte en outre bientôt inclure dans ses chalets des shampooings et des gels douche, comme c’est le cas dans les chambres individuelles des grands établissements.
Pour William Burgess, le regroupement de toutes les résidences de luxe sur une même plateforme permet une offre plus « nichée » que les sites traditionnels. Monsieur Chalets a d’ailleurs mis sur pied des partenariats aux quatre coins du Québec avec La Montagne, Le Maelstrom, Les Chalets Alpins et Beside Habitat, afin de centraliser la proposition de chalets de luxe. Sur son site web, l’entreprise suggère des critères de recherche en fonction des différents types de clientèle : entreprise, séjour en ski, détente en nature… « Je pense que, à l’avenir, chaque site va être "niché". Si tu sais que tu veux un chalet de luxe, il vaut mieux aller sur une plateforme qui en recense 500 plutôt que de consulter une page proposant 300 000 résidences de toutes sortes. Il est plus facile comme ça de trouver un hébergement adapté à ses besoins », croit-il.
Et l’inflation dans tout ça ?
Malgré la situation économique incertaine, Véronyque Tremblay est d’avis que les hébergements luxueux réussissent encore à tirer leur épingle du jeu. « Cette clientèle est moins touchée par les taux d’intérêt. Il y a quand même un besoin pour ça », note-t-elle. La PDG de l’AHQ estime que ces voyageurs sont davantage en télétravail, ce qui leur donne la possibilité de combiner loisirs et affaires, dans des forfaits de workation. « C’est une clientèle beaucoup plus flexible. Ces clients peuvent se permettre de partir loin de chez eux, peut-être encore plus qu’avant la pandémie, parce que ça ne les empêche pas de continuer à travailler à distance. »
Les hausses succinctes du taux directeur par la Banque du Canada depuis mars 2022 ont un effet sur les réservations, constate Claudia Plamondon. « Les clients sont prudents, et leur budget est moins festif que durant la pandémie. Ils vont se gâter moins souvent, mais ils vont tout de même le faire… »
L’ail importé de Chine et d’Espagne règne en maître dans nos assiettes. Cependant, celui qui est cultivé au Québec s’y fait de plus en plus remarquer, grâce aux efforts des producteurs d’ici. Tour d’horizon de cet aliment en plein essor.
Arianne Faucher est catégorique : « L’ail du Québec a tellement meilleur goût ! C’est incomparable : il est beaucoup plus fort, frais, juteux, piquant ! À côté, l’ail de Chine n’est pas bon. » La copropriétaire du bar à vin Baumier privilégie en effet les aliments locaux : à son établissement de Piedmont, dans les Laurentides, la cheffe commande l’ensemble des têtes utilisées dans ses recettes chez des agriculteurs des environs. Le défi demeure de préparer les bulbes, une tâche chronophage qu’elle délègue aux plongeurs. « Plusieurs restaurateurs se disent que c’est trop long et ils commandent de l’ail déjà pelé qui vient de l’étranger, mais le travail en vaut vraiment la peine », estime-t-elle.
Pour les cuisines des restaurants et des institutions, il serait difficile de mettre la main sur des quantités importantes sans enveloppes. « Actuellement, l’ail pelé vient exclusivement de Chine ou d’Espagne. On ne fait pas d’assez grands volumes pour ça au Québec, explique le producteur d’ail Nicolas Taillefer. S’il y en avait, ce serait une petite révolution… » Une révolution qui ne devrait pas tarder à survenir, si l’on se fie au sourire malicieux du jeune homme : ce dernier s’affaire, sans vouloir en dire plus, à développer un produit qui viendrait répondre aux besoins des artisans de la table de la province.
Et Nicolas Taillefer n’en serait pas à sa première innovation. Lui et sa conjointe Karine Fournier sont devenus cet été, à 22 ans, les premiers agriculteurs québécois à même de fournir une grande chaîne d’épicerie en ail toute l’année durant. Les bulbes de leur entreprise, Une Touche d’Ail, ont en effet débarqué dans les rayons des supermarchés IGA en août dernier. Une réussite qu’ils doivent à leur croissance exponentielle : en 2020, le couple possédait 8 acres de champ à Saint-Anicet (Montérégie) ; en 2023, 88.
Une production en hausse
Si aucun producteur local n’avait encore réalisé cet exploit, ce serait notamment pour une question d’argent, suppose Nicolas Taillefer : « Ça prend des investissements massifs pour faire du volume. » Comme dans toutes les récoltes, il faut de la machinerie, mais dans ce cas-ci, de grandes surfaces sont également nécessaires. « Quand on parle d’ail, si l’on dit qu’on cultive 4 acres, ça en prend 12 pour réussir. Il faut compter 4 fois la superficie qu’on produit pour faire des rotations de culture, car il y a beaucoup de préparation à faire pour les années suivantes afin que la terre soit saine », soutient Amélie Lessard, qui laboure, elle, le sol beauceron pour offrir des produits à base d’ail noir sous la marque La terre du 9.
Le Québec tire également de l’arrière en raison de ses hivers. La plante potagère herbacée a en effet besoin de plusieurs mois de croissance, et les bulbes peuvent être plantés au printemps pour être récoltés plus tard en été, ou encore à l’automne pour être sortis de terre après les jours froids. Pendant la saison polaire, l’ail de chez nous est en dormance, à l’inverse d’autres pays où il fait plus chaud, explique Nicolas Taillefer. « On n’a pas les mêmes rendements qu’en Europe, en Espagne ou en France, à cause de la neige. La culture est beaucoup plus productive là-bas », argue le maraîcher.
Le prix du condiment québécois est donc de 2 à 5 fois plus élevé que celui de la Chine. Il coûte entre 10 et 12 $ le kilo en période de récolte et peut monter à 15 ou 20 $ le kilo en hiver, contrairement à son concurrent asiatique qui se vend entre 3 et 4 $ le kilo. N’empêche, dans la province, la production d’ail connaît une croissance fulgurante. Selon Statistique Canada, 53 tonnes ont été récoltées au Québec en 2005, contre 445 en 2017 et 685 en 2022. Mais notre territoire peut se rhabiller face au plus grand producteur mondial, la Chine, qui a généré plus de 20 millions de tonnes d’ail en 2021, selon les dernières données de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture.
Entreposer et conserver
Pour plusieurs restaurateurs, se procurer de l’ail auprès de maraîchers locaux entraîne un casse-tête logistique. Arianne Faucher se voit ainsi contrainte de commander tout l’ail dont elle a besoin dans l’année en même temps, soit au moment des récoltes. Heureusement, le bâtiment de son restaurant dispose d’une pièce qui sert à ranger les têtes ; elle y a installé un ventilateur pour prévenir les mauvaises surprises.
Si l’ail se garde très bien et longtemps, il faut toutefois l’entreposer dans des conditions optimales, dans un endroit pas trop sec pour éviter qu’il ne sèche et pas trop humide pour empêcher qu’il ne germe. Nicolas Taillefer suggère un lieu à l’abri du soleil, tempéré à 18°C, où l’on retrouve 60% d’humidité. « L’avantage de l’ail du Québec, c’est qu’il a une belle durée de vie, fait remarquer Amélie Lessard. On peut très bien le conserver entre 10 et 12 mois. Les consommateurs commencent d’ailleurs à s’en rendre compte, car il y a un engouement : les gens en stockent de plus en plus. »
La maraîchère fait partie de ceux qui, par leur travail, propulsent le secteur de l’ail québécois. Rien ne laissait toutefois présager qu’elle porterait un jour ce chapeau, mis à part une enfance passée dans une ferme laitière : elle a étudié en gestion hôtelière, puis s’est spécialisée sur le marché du travail en comptabilité avant d’acquérir, avec son conjoint, une parcelle de terre en Beauce. « On aime faire découvrir plein de saveurs. On veut amener le consommateur ailleurs. On fait de l’ail, oui, mais on en fait plusieurs variétés, à peu près une dizaine par année. On en ajoute, on en enlève, et il y en a qu’on garde parce que ce sont des coups de cœur », confie-t-elle.
L’ail noir a la cote
Dans leur désir de démocratiser l’étendue gustative du condiment québécois, le couple, qui travaille avec ses deux adolescents, propose non seulement aux consommateurs, mais également aux restaurateurs, des produits bien spéciaux : une purée, du sel et du vinaigre à l’ail noir. L’ail noir n’est pas une variété ; c’est plutôt le résultat d’un processus thermique. On dispose l’ail blanc à température et humidité contrôlées durant 30 à 40 jours. « Ce sont les sucres de l’ail qui deviennent naturellement sucrés, et le bulbe va vraiment acquérir une nouvelle saveur. On perd le goût fort, brut de l’ail qu’on connaît, car il va goûter un peu le vinaigre balsamique, avec un petit côté caramel torréfié », explique Amélie Lessard.
En fait, l’ail noir, que l’on retrouve de plus en plus dans les plats des chefs, aurait un goût d’umami. Il peut être utilisé dans les sauces, les bouillons, les marinades, les vinaigrettes et même les desserts. « À la maison, on fait une crème fouettée à l’ail noir : c’est vraiment succulent. Et on fait toujours notre shortcake aux fraises avec ça ! » ajoute la productrice. Elle adore également en mettre dans ses grilled cheese et ses plats de poisson… De son côté, Arianne Faucher indique en riant qu’elle confectionne de l’ail noir dans la cuisine de son restaurant à l’aide de cuiseurs à riz : il suffit d’emballer les gousses dans du papier d’aluminium et de les laisser deux semaines à température « keep warm ». « Mes rice cookers servent juste à ça ! »
HRImag est un média francophone (site Web et magazine papier) qui offre de l'information de pointe sur l'industrie des HRI (hôtels, restaurants et institutions).