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Point de vue

Vous, les magiciens

 
22 juin 2021 | Par Robert Dion

Ce n’est pas en sortant un lapin d’un chapeau, en coupant votre assistant en deux ou en faisant disparaître un concurrent que vous avez été des prestidigitateurs. Hôteliers, institutions et restaurateurs, vous avez réalisé un grand numéro : vous avez opéré de la magie en étant innovants, travaillants et rassembleurs. Vous avez programmé des plateformes de livraison, cherché des emballages plus pratiques, créé des recettes et monté des offres spectaculaires, le tout en respectant de nombreuses règles de sécurité.

Nous voilà rendus à l’étape du retour à la normale. Mais quelle normale ? J’oserais plutôt parler de « la nouvelle normalité ». Celle où l’on fait plus avec moins, où l’on compose avec les nouvelles habitudes des clientèles. Celle où l’on repère ce qui va revenir et ce qui va rester des habitudes d’avant et de pendant la pandémie.

Servir, faire plaisir, performer : il n’a jamais été simple d’être un entrepreneur ou un employé des HRI. Mais ce sera encore plus difficile dans les semaines, mois et même années à venir. Une vague de clients empressés de sortir et de revivre va s’entasser dans vos établissements comme si rien ne s’était jamais passé ; or, il n’y a rien de plus faux.

Pendant cette crise, des milliers d’employés ont décroché, les salaires ont augmenté, les prix des aliments et ingrédients ont bondi, et les habitudes ont changé. Vous, cependant, devez faire comme avant ! Plusieurs clients comprendront, mais d’autres, non. Cette pandémie vous aura cependant — je l’espère — rendus encore plus forts !

J’admire votre capacité à vous adapter et je vous souhaite un bon été dans un retour à la normale !

Robert Dion, éditeur
[email protected]

 
 
Billet de la rédaction

Voyager dans l’histoire et le terroir

 
30 juin 2021 | Par Marie Pâris

Chers lecteurs,

Cet été, les voyages à l’étranger seront peut-être compliqués, voire impossibles, mais qu’à cela ne tienne : on a encore tellement à découvrir au Québec ! En cette période pandémique où tout se fait depuis la maison, du travail aux concerts en passant par les 5 à 7, on vous propose de nous accompagner en voyage(s) depuis chez vous. Et cette fois, pas besoin d’écran ou de séance Zoom : un magazine suffit.

On vous invite à partir en voyage dans notre terroir, à la rencontre d’une culture de chez nous mais encore trop méconnue : la culture autochtone. Cette culture qui prend de plus en plus sa place dans l’industrie des HRI se décline dans nos pages entre cuisine et savoir-faire.

À l’heure où le Québec se recentre sur ses produits locaux et son terroir, il est en effet grand temps d’apprendre à mieux connaître la cuisine des Premières Nations. Je crois fermement qu’on ne pourra pas pleinement définir la gastronomie québécoise ou l’identité culinaire de la province tant qu’on n’aura pas appris à connaître, à réutiliser et à mettre en valeur ces connaissances et saveurs purement d’ici.

Toujours dans cet esprit de voyage, nos pages vous invitent à vous promener dans le temps à la rencontre des semences ancestrales qui permettent de goûter aux saveurs d’autrefois. Ces légumes et fruits centenaires font d’ailleurs un retour remarqué dans les potagers et assiettes. Parlant d’histoire, on étudie également la façon dont l’héritage culinaire des Premières Nations a façonné la cuisine québécoise végétale au fil des siècles…

Bref, cet été, soyons un peu chauvins : c’est chez nous que ça se passe. Et il y a beaucoup à y apprendre.

Bons voyages,

Marie Pâris, rédactrice en chef
[email protected]

 
 
Personnalité HRI

FRANÇOIS-EMMANUEL NICOL

Cuisiner le Québec sauvage

 
6 juillet 2021 | Par Marie Pâris

François-Emmanuel Nicol vient juste de fêter ses 30 ans, mais il est déjà partenaire du restaurant Tanière³ et l’un des chefs en vue de la relève. Il ne se destinait pourtant pas à la restauration il y a quelques années. « La cuisine m’intéressait, mais je trouvais que c’était un métier très difficile sur le plan de la vie de famille et des conditions salariales… », confie le chef. Né à Gaspé de parents bretons, François-Emmanuel a grandi dans la capitale et se voyait plus tard membre de la Garde côtière. Puis, en travaillant dans un café, le jeune étudiant apprend les bases de la cuisine et y prend goût en préparant des déjeuners maison.

Après le cégep, il décide de s’inscrire à l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec (ITHQ) plutôt qu’à l’université et opte pour le programme Gestion de la restauration. « Comme je voulais avoir mon restaurant plus tard, je me suis dit que je ne pourrais pas apprendre la gestion sur le tas — contrairement à la cuisine, que j’apprendrais en travaillant dans les bonnes maisons », raconte François-Emmanuel.

Il travaille au Bonne Entente et au Panache à Québec — aujourd’hui Chez Muffy. C’est Louis Pacquelin qui dirige alors la cuisine du restaurant de L’Auberge Saint-Antoine. « J’ai beaucoup appris là-bas, raconte le chef. C’était un environnement très dur, à l’ancienne, mais extrêmement formateur. »

Il enchaîne avec le concours Young Chef San Pellegrino et se retrouve en finale à Toronto. Ses professeurs de l’ITHQ lui conseillent alors de candidater à la bourse Les Grands chefs Relais & Châteaux. Son objectif : faire de la cuisine de haut niveau pendant un an. Grâce à la bourse, il se rend dans trois restaurants : Quay à Sydney, Arzak au Pays basque et Mirazur en France. « J’ai formé mon identité culinaire autour de ces expériences très différentes », souligne François-Emmanuel. De retour au Québec, il tente sa chance auprès de Frédéric Laplante du groupe La Tanière. Dès la rencontre, « ça clique » entre les deux cuisiniers.

Pousser la recherche sur la culture culinaire

François-Emmanuel commence comme commis garde-manger au Légende, puis y devient sous-chef et chef avant de s’associer dans le projet de Tanière³, un restaurant gastronomique construit autour de quatre voûtes ayant chacune leur univers. Le point d’orgue, c’est l’histoire, présente dans chaque recoin du restaurant et jusque dans l’assiette. « Je veux que chaque service raconte une histoire, souligne le chef propriétaire. Un plat parle du quartier, un autre d’un artisan, un autre encore raconte une tradition culinaire du Québec… » Son menu actuel est par exemple travaillé autour des arbres du Québec.

« Notre terroir sauvage a des produits uniques au monde et très méconnus, que j’essaie de transmettre dans ma cuisine, explique François-Emmanuel. Il y a de beaux produits aussi dans le terroir agricole, mais ils sont souvent inspirés des traditions européennes ; en explorant le côté sauvage, on a une identité plus forte du terroir naturel. Tanière³ m’a vraiment permis de m’exprimer là-dedans. » Le chef aime aussi surprendre constamment sa clientèle par des présentations ou des techniques auxquelles elle ne s’attend pas, mais toujours en gardant des assiettes lisibles. « On travaille avec des ingrédients rares, il faut donc qu’ils se sentent… »

Avant la pandémie, Tanière³ a connu une première année d’ouverture « exceptionnelle », qui a hissé l’établissement dans le top 100 des meilleurs restaurants au Canada. Ambitieux, le jeune chef vise maintenant une portée internationale, tout en développant les collaborations avec d’autres restaurants, en invitant des producteurs et, bien sûr, en continuant de pousser la recherche sur la culture culinaire du Québec.

Son projet de restaurant à lui ? Finalement, François-Emmanuel est trop bien dans sa Tanière. « Mes associés me font énormément confiance, et peu importe l’idée que j’amène, on y va tous ensemble, affirme le chef. Et je n’ai pas l’impression d’avoir besoin d’être en solo pour m’épanouir ; j’ai largement la place pour le faire dans la structure qu’on a actuellement… ».

 
 
Dossier

PREMIÈRES NATIONS

Préserver un patrimoine grâce au tourisme

 
12 juillet 2021 | Par Marie Pâris

15 à 20% : c’est le taux de croissance annuel des adhésions à l’organisme Tourisme Autochtone Québec, qui rassemble sous sa bannière des entreprises détenues par des Autochtones et développées en lien avec la culture de leur nation. Si la restauration et la gastronomie constituent une part importante de l’offre touristique autochtone au Québec, les secteurs de l’hébergement et de la culture ont connu une belle croissance, note Andrew Germain Gros-Louis, conseiller en marketing de l’organisme. « Le tourisme autochtone est un secteur d’activité économique très important qui est encore en développement, mais qui a beaucoup de potentiel quand on regarde d’autres provinces comme l’Alberta et la Colombie-Britannique. La découverte de la culture et des traditions autochtones fait partie des piliers forts de notre industrie touristique. Avant la pandémie, le tourisme autochtone vivait vraiment une croissance fulgurante. »

Du côté des restaurants, la redécouverte du terroir et le retour aux racines entraînent une curiosité accrue envers les saveurs et techniques autochtones. En sont pour preuve le festival Présence autochtone, qui rassemble de plus en plus de monde autour de chefs des Premières Nations, ou encore l’engouement médiatique autour du travail de Stéphane Modat, qui part régulièrement à la rencontre d’Autochtones pour cuisiner à leurs côtés. Pour Marlene Hale, alias Chef Maluh, originaire de la nation Wet’suwet’en en Colombie-Britannique et installée à Montréal, la définition de la cuisine autochtone est simple : « C’est une cuisine qui transmet la culture des Premières Nations, une cuisine qui se nourrit de la terre et qui en dépend, comme le faisaient nos ancêtres. On pêche, on chasse, on cueille des baies, et on apprend à produire tous nos aliments nous-mêmes. Il y a par exemple beaucoup de nourriture à trouver juste à partir d’un arbre… »

Très présente, la nature dicte le menu en fonction des saisons de pêche, de trappe et de chasse. Pour le chef Manuel Kak’wa Kurtness, de la communauté innue de Mashteuiatsh, cette cuisine n’est « pas si élaborée que ça et rapide ». Elle dépend autant des ingrédients que des techniques, car elle part de la récolte et de la matière première immédiate. Pour les viandes, il faut ainsi maîtriser la partie boucherie — préparation, transformation, conservation, etc. — avant de cuisiner l’animal. « Tout est utilisé et transformé, les os comme les gras corporels, souligne le chef. Mais aujourd’hui on est assis chez nous à commander des pièces de viande pour faire ce qui n’est donc qu’une “interprétation” d’une cuisine autochtone. »

Manuel Kak’wa Kurtness s’échauffe sur la question. S’il reconnaît qu’elle s’inspire quand même de certains savoirs et pratiques, cette cuisine d’interprétation reste selon lui très moderne, d’autant plus qu’elle est servie dans un contexte et un décorum bien différents. « Si on mange autochtone, ça n’est pas sous la forme d’un potage en entrée, d’un plat principal chaud, d’un dessert, etc., estime le chef. La restauration est un acte commercial et non saisonnier ou culturel. Or, la cuisine autochtone ne pourra jamais être commerciale. » En attendant, il regrette que cette cuisine commerciale entretienne des mythes, comme la consommation de la banique, un « pain écossais » puisque très peu d’Autochtones faisaient pousser du blé au Canada.

Manuel Kak’wa Kurtness

« Aller à la rencontre des gens »

D’aucuns dénoncent en outre le fait qu’on entend surtout des non Autochtones s’exprimer sur la question, à l’image de Jean-Paul Grappe ou du chef Stéphane Modat pour la cuisine de gibier. Pour sa part, Andrew Germain Gros-Louis pense que le fait de reprendre des traditions autochtones ne constitue pas de l’appropriation culturelle en soi : « C’est le terroir. Stéphane Modat, par exemple, a vraiment à cœur de mettre en valeur la culture autochtone et les saveurs de notre terroir sans faire d’appropriation. Il va plutôt parler de l’histoire de la personne qu’il a rencontrée et qui lui a transmis ce savoir. Ce n’est pas un chef autochtone, mais c’est un chef qui travaille beaucoup avec les Autochtones. »

Pour François-Emmanuel Nicol, associé du restaurant Tanière³ à Québec, il s’agit en effet d’aller à la rencontre des Premières Nations avant de suivre ces traditions. S’il travaille au plus près du terroir boréal, le chef ne trouverait pas légitime d’essayer de reproduire lui-même des plats ou des recettes autochtones, car il n’en a pas les racines. Il se souvient d’un événement culinaire où il était allé à la rencontre de la nation de Kahnawake et avait appris à travailler une farine de maïs iroquois blanc : « Là, je me suis senti à l’aise de me coller sur cette tradition, parce que j’avais fait une recherche poussée avec des gens qui m’expliquaient ce qu’ils faisaient. » Cette culture, il la voit plutôt comme un bassin d’inspiration. « Je lis beaucoup là-dessus, mais j’ai un certain malaise à dire que je fais une cuisine autochtone si je n’ai pas les connaissances ou si je n’ai pas été à la rencontre des gens. »

Cette cuisine d’interprétation peut en outre servir à préserver et à transmettre un savoir qui a malheureusement tendance à disparaître. Ainsi, François-Emmanuel Nicol s’est inspiré d’une soupe crie à base de fémur d’original pour créer une recette, après avoir fait une recherche sur l’histoire de la soupe au Québec qui l’a amené à constater qu’elle a souvent été un élément de subsistance chez différentes nations. « Sans pour autant présenter un plat autochtone, car je n’ai pas assez de connaissances pour lui rendre honneur, j’ai pu parler de l’histoire de cette soupe en servant ma recette aux clients », explique le chef.

La transmission des saveurs autochtones ne peut pas être abordée sans parler de la viande des bois, dont la vente est interdite au Québec. Le bœuf, le poulet ou le porc ne sont pas des viandes courantes dans certaines communautés, note Manuel Kak’wa Kurtness. Or, de nombreux Autochtones ne peuvent pas mettre d’orignal sur la table. Et le gibier d’élevage (wapiti, cerf rouge, etc.) reste cher. « J’ai un jour reçu un appel d’une infirmière du Nord du Québec dont le patient, un Innu, n’avait pas pu manger de caribou depuis plus d’un an et demi, raconte Marlene Hale. C’est pourtant son alimentation, sa culture culinaire ! Je lui en ai fait livrer le lendemain. »

Hôtel-Musée des Premières Nations, Wendake

Une expérience éducative et culturelle

De nombreux Québécois ont encore une notion très limitée des cultures des Premières Nations, note-t-on à Tourisme Autochtone Québec. « Quand on leur demande combien de dialectes ou de communautés il existe, par exemple, ils ne le savent pas », mentionne Andrew Germain Gros-Louis. Par contre, ce dernier note une ouverture à apprendre : si l’organisme était auparavant plutôt tourné vers les marchés internationaux, la pandémie a recentré son mandat sur le Québec, et la réponse a été très positive. « Les gens recherchent plus qu’un lieu pour manger ou dormir. Dans des entreprises tenues par des Autochtones qui ont à cœur l’enseignement de leur culture, on sait qu’on a affaire à une expérience authentique, qui peut être d’hébergement ou de gastronomie, mais aussi éducative et culturelle. »

Il cite en exemple l’Hôtel-Musée des Premières Nations de Wendake, dont les chambres sont décorées avec des objets traditionnels qu’il est possible d’acheter. Un modèle qui est de plus en plus reproduit dans les communautés, afin d’avoir une offre touristique permettant l’hébergement de même que la transmission du savoir, par un musée, des activités culturelles ou de la gastronomie. « L’hôtel de Wendake a été pionnier, mais aussi très formateur pour plusieurs autres membres, raconte Andrew Germain Gros-Louis. L’établissement sert d’école, et les communautés qui ont l’objectif d’offrir de l’hébergement y envoient leurs employés en formation pour apprendre. Notre objectif, c’est d’avoir plus d’un établissement de formation. »

En attendant, Tourisme Autochtone Québec travaille beaucoup avec les écoles Garneau et Mérici, qui offrent des formations en hôtellerie et en tourisme. Chaque année, l’organisme participe à un volet Tourisme autochtone pour sensibiliser les jeunes du domaine à l’offre autochtone. « Peu importe où ils vont travailler plus tard, ils vont être à proximité d’une nation et d’une offre touristique autochtones, note le conseiller en marketing. On offre donc des formations en commercialisation, en marketing, en représentation ou en développement de l’offre touristique. » La formation manque encore malheureusement en cuisine. Manuel Kak’wa Kurtness a pour sa part enseigné au Centre de formation professionnelle de Jonquière, mais c’était « en cuisine normale, parce que la cuisine autochtone n’existe pas dans les systèmes d’enseignement ».

« Ce champ de connaissances qui se seraient normalement transmises de génération en génération et partagées entre familles a été entravé », comme l’indiquait le chef George Lenser, issu des Premières Nations de Colombie-Britannique, lors du festival Présence autochtone. Mais tranquillement, il se reconstruit, notamment grâce à la restauration et à l’hôtellerie.

 
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