François-Emmanuel Nicol vient juste de fêter ses 30 ans, mais il est déjà partenaire du restaurant Tanière³ et l’un des chefs en vue de la relève. Il ne se destinait pourtant pas à la restauration il y a quelques années. « La cuisine m’intéressait, mais je trouvais que c’était un métier très difficile sur le plan de la vie de famille et des conditions salariales… », confie le chef. Né à Gaspé de parents bretons, François-Emmanuel a grandi dans la capitale et se voyait plus tard membre de la Garde côtière. Puis, en travaillant dans un café, le jeune étudiant apprend les bases de la cuisine et y prend goût en préparant des déjeuners maison.
Après le cégep, il décide de s’inscrire à l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec (ITHQ) plutôt qu’à l’université et opte pour le programme Gestion de la restauration. « Comme je voulais avoir mon restaurant plus tard, je me suis dit que je ne pourrais pas apprendre la gestion sur le tas — contrairement à la cuisine, que j’apprendrais en travaillant dans les bonnes maisons », raconte François-Emmanuel.
Il travaille au Bonne Entente et au Panache à Québec — aujourd’hui Chez Muffy. C’est Louis Pacquelin qui dirige alors la cuisine du restaurant de L’Auberge Saint-Antoine. « J’ai beaucoup appris là-bas, raconte le chef. C’était un environnement très dur, à l’ancienne, mais extrêmement formateur. »
Il enchaîne avec le concours Young Chef San Pellegrino et se retrouve en finale à Toronto. Ses professeurs de l’ITHQ lui conseillent alors de candidater à la bourse Les Grands chefs Relais & Châteaux. Son objectif : faire de la cuisine de haut niveau pendant un an. Grâce à la bourse, il se rend dans trois restaurants : Quay à Sydney, Arzak au Pays basque et Mirazur en France. « J’ai formé mon identité culinaire autour de ces expériences très différentes », souligne François-Emmanuel. De retour au Québec, il tente sa chance auprès de Frédéric Laplante du groupe La Tanière. Dès la rencontre, « ça clique » entre les deux cuisiniers.
Pousser la recherche sur la culture culinaire
François-Emmanuel commence comme commis garde-manger au Légende, puis y devient sous-chef et chef avant de s’associer dans le projet de Tanière³, un restaurant gastronomique construit autour de quatre voûtes ayant chacune leur univers. Le point d’orgue, c’est l’histoire, présente dans chaque recoin du restaurant et jusque dans l’assiette. « Je veux que chaque service raconte une histoire, souligne le chef propriétaire. Un plat parle du quartier, un autre d’un artisan, un autre encore raconte une tradition culinaire du Québec… » Son menu actuel est par exemple travaillé autour des arbres du Québec.
« Notre terroir sauvage a des produits uniques au monde et très méconnus, que j’essaie de transmettre dans ma cuisine, explique François-Emmanuel. Il y a de beaux produits aussi dans le terroir agricole, mais ils sont souvent inspirés des traditions européennes ; en explorant le côté sauvage, on a une identité plus forte du terroir naturel. Tanière³ m’a vraiment permis de m’exprimer là-dedans. » Le chef aime aussi surprendre constamment sa clientèle par des présentations ou des techniques auxquelles elle ne s’attend pas, mais toujours en gardant des assiettes lisibles. « On travaille avec des ingrédients rares, il faut donc qu’ils se sentent… »
Avant la pandémie, Tanière³ a connu une première année d’ouverture « exceptionnelle », qui a hissé l’établissement dans le top 100 des meilleurs restaurants au Canada. Ambitieux, le jeune chef vise maintenant une portée internationale, tout en développant les collaborations avec d’autres restaurants, en invitant des producteurs et, bien sûr, en continuant de pousser la recherche sur la culture culinaire du Québec.
Son projet de restaurant à lui ? Finalement, François-Emmanuel est trop bien dans sa Tanière. « Mes associés me font énormément confiance, et peu importe l’idée que j’amène, on y va tous ensemble, affirme le chef. Et je n’ai pas l’impression d’avoir besoin d’être en solo pour m’épanouir ; j’ai largement la place pour le faire dans la structure qu’on a actuellement… ».