Tout au long de cette année du 25e anniversaire de HRImag, je ne peux que faire le point sur ces années passées à suivre l’évolution de l’industrie des HRI. Même si je dis souvent que rien ne s’invente mais tout se réinvente, certaines choses ont quand même évolué. Et ce qui a évolué le plus, c’est la cadence du changement.
Autrefois, on fonctionnait selon des périodes de 10 à 15 ans ; il n’y a pas si longtemps encore, des périodes de 5 à 10 ans ; et maintenant, les plans sont pour 2 à 5 ans. On vient à peine de réaliser un projet que les données ont déjà changé ! Voilà bien encore une fois une preuve que les HRI ne sont plus seulement un domaine de passionnés, mais aussi une industrie de professionnels.
Celles et ceux qui naviguent à l’aveuglette et qui regardent l’arbre au lieu de voir la forêt sont les plus susceptibles de se trouver à la fin du peloton et de devoir ensuite prendre des décisions déchirantes.
Mais en regardant ces deux dernières années, je crois aussi sincèrement que cette pandémie a fait ressortir le meilleur des entrepreneurs et que nous sommes à la croisée des chemins des HRI : vers un secteur plus moderne et plus organisé.
C’est un fait, l’hébergement ne sert plus seulement à héberger ; il sert avant tout à offrir une expérience. Le client ne se rend pas à l’hôtel ou au chalet pour simplement avoir un endroit où dormir en cours de déplacement : il se déplace en partie pour profiter de ce lieu. L’hébergement, devenu destination, est parfois même la raison unique du déplacement.
Au-delà d’un lit, l’hôte doit donc pouvoir offrir un concept complet, dont on évoque des exemples dans le dossier de ce numéro : dormir dans les arbres, au milieu des loups, dans un igloo… Il faut trouver son créneau, l’élément particulier pour différencier son offre de celle des autres. Or, si tenir un lieu d’hébergement est un défi en soi, ces concepts apportent des enjeux supplémentaires de coûts et de gestion.
D’autant que si l’on trouvait un confort standard dans environ la moitié des hébergements insolites il y a 20 ans – les autres se passant parfois d’électricité ou de salle de bain intérieure –, on observe depuis une montée en gamme qui suit les attentes de la clientèle. Il faut donc être différent et nouveau par rapport à une chambre d’hôtel, mais garder le même niveau de confort et d’accueil. Tout un défi !
Cette recherche d’une offre différente, on la retrouve aussi en restauration, où les menus qui étaient autrefois divers et variés se concentrent aujourd’hui de plus en plus sur un concept bien précis. Comptoir à tartares, restaurant de calzones ou bar à mozzarella voient ainsi le jour, déclinant leur offre autour d’un plat en particulier. Mais cela demande aussi de maîtriser parfaitement le segment de restauration concerné et de devenir un expert en la matière...
Bref, on le répète souvent dans nos pages, mais il semblerait que, plus que jamais, les HRI soient une affaire de professionnels formés et informés. Alors, sur ce, bonne lecture !
À 37 ans, Marie-Michèle Thibault présente un curriculum vitæ impressionnant. Spécialisée dans les ouvertures et les repositionnements d’hôtels, elle a déjà développé la stratégie marketing de 25 établissements en vue de leur lancement, dont les luxueux Humaniti Montréal et le Bisha Hotel à Toronto. Retour sur un parcours inspirant.
Marie-Michèle Thibault n’était pas destinée à l’hôtellerie. Elle a tout d’abord étudié en langues au Cégep de Sainte-Foy à Québec, un peu par hasard. Elle ignore alors ce qu’elle désire faire de sa vie, et se dit qu’il peut être plaisant d’apprendre l’anglais, l’allemand, le russe et, surtout, l’espagnol, dont les sonorités chantantes la séduisent particulièrement. Diplôme en main, elle s’accorde une pause et s’installe six mois dans l’archipel espagnol des îles Canaries.
Tandis qu’elle fait le plein de soleil sur ces terres volcaniques, son téléphone sonne. C’est sa mère, qui lui rappelle que la période d’inscription à l’université se termine dans deux semaines. La voyageuse choisit alors à la hâte un baccalauréat en tourisme de l’UQAM, « avec aucun plan en tête, juste parce que les cours avaient l’air le fun », avoue Marie-Michèle en riant. En plus des heures en classe, la jeune femme doit se former sur le terrain. Elle décroche un emploi à l’hôtel W Montréal, et une belle histoire d’amour commence. « L’endroit venait d’ouvrir et l’ambiance était vraiment le fun. J’ai su que c’était un domaine pour moi », se souvient-elle.
Après ses études, elle se joint à l’équipe responsable de l’ouverture de l’Hôtel Le Crystal, à Montréal. Elle occupe ensuite différents postes de direction marketing pour Loews Hotels & Co, où elle s’épanouit durant 10 ans. En 2018, elle prend part à la mise sur pied de 22 hôtels en faisant un saut chez Marriott, une organisation qu’elle quitte en 2020 pour devenir la directrice marketing du futur complexe Humaniti Montréal.
Entre deux langues
Pour comprendre la spécialisation en marketing de Marie-Michèle, il faut remonter jusqu’au secondaire, où on la perçoit comme l’artiste de son école. « J’étais bonne en arts plastiques, je faisais de la peinture ; je suis même allée au bal des finissants avec du body painting, confie-t-elle. Je suis quelqu’un de vraiment créatif. Le marketing, c’est tellement visuel ! Le branding, les couleurs, les photos, ça vient chercher ce côté de moi qui a toujours été là », explique celle qui se considère comme très crafty et agile de ses mains. « Je bricole souvent avec mes enfants. On fait des dessins, des collages, des bijoux… » La jeune femme a des jumelles de neuf ans : « Mon hyperactivité se voit aussi dans ma capacité reproductive ! » dit-elle à la blague.
La trentenaire aime lorsque ça bouge. Elle carbure à l’adrénaline, aux nouveaux défis. « Je m’ennuie vite quand je fais la même chose pendant plus de 12 à 18 mois », admet-elle. Si elle se spécialise en ouvertures et repositionnements, c’est pour se pencher sur de multiples projets, lesquels l’amènent chaque fois à se familiariser avec de nouveaux marchés, de nouvelles villes et une diversité de propriétaires et de directions générales. « Il y a un côté très stressant, et en même temps tellement rewarding quand tu y arrives ! Passer à autre chose ensuite, ça me convient tout à fait. »
Marie-Michèle cherche par moments ses mots, car l’anglais est désormais sa langue de travail. Depuis quelques mois, elle est en effet vice-présidente de Lotus, une agence de marketing spécialisée en hôtellerie qui a démarré l’an dernier aux États-Unis et qui compte déjà 35 employés, presque tous américains et anglophones. Les deux fondatrices de la startup, des anciennes collègues, lui ont attribué le mandat de constituer une équipe au Canada et d’y percer le marché. Le projet est toutefois en attente en raison des mesures sanitaires plus strictes imposées de ce côté de la frontière. « L’hôtellerie a repris plus vite aux États-Unis, explique la consultante. À l’agence, on a tellement de contrats qui rentrent qu’on ne fait plus de prospection : on essaie juste de répondre à la demande. »
Elle prend sous son aile les adresses de luxe et les ouvertures. À titre de première francophone de l’entreprise, elle s’occupe également de la révision et de la traduction des outils de ventes et participe notamment à la mise en place d’un service bilingue de gestion des réseaux sociaux. Sa formation en langues s’avère donc un atout. Que lui souhaite-t-on pour l’avenir ? Que son employeur poursuive son spectaculaire élan et qu’elle participe à son expansion internationale s’il y a lieu, une volonté qu’elle a déjà partagée avec ses patronnes. « Et aussi, que l’industrie du voyage redémarre au Canada… »
Dormir entouré de sculptures de glace, dans une cabane perchée ou flottante, au milieu d’une yourte ou d’une maison de Hobbit inspirée du Seigneur des anneaux, ou encore face à des loups… « Les gens veulent vivre quelque chose de différent. Assurément, l’hébergement d’expérience est une tendance amorcée depuis plusieurs années dans le monde et au Québec, mais qui prend de l’ampleur », affirme Véronyque Tremblay, PDG de l’Association Hôtellerie Québec (AHQ). D’abord synonyme d’aventure spartiate, l’hébergement insolite s’est peu à peu converti en glamping, mot-valise apparu au début des années 2000 pour associer à l’inusité davantage de confort et de services et ainsi toucher une plus vaste clientèle dans toutes les gammes de prix.
« L’idée de l’Hôtel de Glace vient d’un homme, Jacques Desbois, qui s’est dit que si l’on pouvait construire un hôtel de glace en Suède, on pouvait le faire au Québec où la neige est abondante », rappelle Catherine Dumont, coordonnatrice marketing du Village Vacances Valcartier. Au retour d’un voyage au nord du cercle arctique à la fin des années 1990, le Québécois rapporte dans ses valises le concept et les idées techniques de l’Icehotel pour ériger en 2001, d’abord au parc de la Chute-Montmorency, son Hôtel de Glace. Aujourd’hui implanté au Village Vacances Valcartier à proximité de Québec, après son rachat par le groupe en 2016, l’établissement reste encore le seul du genre en Amérique.
« Il faut un peu déconstruire l’idée que l’on se fait d’avoir froid. C’est sûr qu’une nuitée à l’Hôtel de Glace est un défi, mais la majorité des gens disent qu’ils y ont eu chaud », mentionne Catherine Dumont. Pour rassurer les visiteurs, une chambre à l’Hôtel Valcartier, plus classique et situé dans le Village, est incluse avec toute réservation pour leur permettre de laisser leurs bagages et d’accéder à une salle de bain. « Dans le cas où la nuit ne se passerait pas comme prévu, ils peuvent retourner dans cette chambre-là pour y finir la nuit », précise la coordinatrice. Un service de restauration, de bar et même de spa accompagne également cette offre, qui représente selon la PDG de l’AHQ un bon exemple de « portefeuille d’hébergements touristiques différents ».
Un hôtel recréé chaque année
À ses débuts, « l’Hôtel de Glace était peut-être un peu plus niché, orienté vers les adultes, les couples, les touristes étrangers, qui représentent une grande partie de notre clientèle. Mais maintenant qu’il est sur le site du Village, dont la clientèle est à la base très familiale et québécoise, c’est sûr qu’on souhaite avoir une offre accessible à tous », soutient Catherine Dumont. L’Hôtel propose également des mariages dans sa chapelle, des visites des suites et des zones ludiques décorées. « La nuitée est le genre de choses qu’on trouve sur une bucket list. Mais pour la simple visite, on invite les gens à revenir parce que l’Hôtel change chaque hiver », ajoute-t-elle.
Au printemps, les fondations de l’Hôtel de Glace s’évaporent pour laisser place au mois de novembre suivant à des milliers de tonnes de neige artificielle moulée et façonnée selon un plan d’architecture et un thème inédits. « Cette année, les gens se reconnaissent dans le voyage, qui est très rassembleur et qui leur manque beaucoup depuis le début de la pandémie, avec un clin d’œil aux voyages dans l’espace réalisés dans les derniers mois », rappelle Catherine Dumont. Sous les sculptures d’artistes du monde entier, on parcourt ainsi l’Inde, le Mexique, Buenos Aires ou encore New York, guidé par le cosmos représenté dans les aires communes.
En octobre dernier, l’Hôtel de Glace a remporté le prix de l’Événement et attraction touristique de l’année à la 38e édition du gala des Fidéides, présenté par la Chambre de commerce et d’industrie de Québec (CCIQ). Puis, en décembre, c’est au tour de l’Association de l’industrie touristique du Canada (AITC) de lui décerner le Prix d’excellence en affaires, notamment pour sa capacité à innover et sa viabilité à long terme. « Malgré le début de la pandémie, l’année 2020 a été une année record à tous points de vue, affirme Catherine Dumont. Ces prix nous apportent beaucoup de fierté et nous poussent à évoluer. »
Des cabanes perchées en forêt
La pandémie n’a pas non plus ralenti les activités de Canopée Lit. Ciblant d’abord les touristes internationaux — notamment français — en quête du rêve canadien, l’entreprise d’hébergement s’est aperçue au fil des années que la clientèle québécoise était tout aussi intéressée par son offre. « Avec la pandémie, on a eu exactement le même taux d’occupation, mais seulement avec des Québécois ; c’était très agréable à voir et à vivre », précise Claire Rommelaere, la copropriétaire.
Canopée Lit, c’est l’histoire d’une famille française, d’un coucher de soleil magnifique au bord du fjord du Saguenay, au quai de l’Anse-de-Roche, et d’une rencontre avec les propriétaires de 24 hectares de forêt à vendre. « Tout ça s’est fait dans l’euphorie de la découverte. Ma belle-mère et mon conjoint sont rentrés de ce voyage au Québec à l’automne 2018 avec un coup de cœur et l’idée d’imaginer des hébergements insolites, très peu nombreux à l’époque, raconte la copropriétaire. C’était de toute évidence une belle aventure qui commençait pour notre famille. »
Installée à Sacré-Cœur depuis 2010, l’entreprise propose exclusivement des hébergements sur pilotis. Des cabanes pour deux ou quatre personnes, mais également des bulles, ces chambres entièrement sphériques et transparentes. « Pour moi, "insolite" va de pair avec "écotourisme", parce qu’on propose une expérience dans le respect et l’observation de la forêt dans laquelle on s’inscrit et dans une conscience d’économie d’énergie », souligne Claire Rommelaere. La forêt de Canopée Lit voit ainsi tout type de clientèle suffisamment à l’aise en extérieur et sportive pour accéder aux hébergements. « On n’est pas dans un couloir de chambres d’hôtel habituel », glisse l’entrepreneure.
Toujours stimulée par la forêt et la créativité qu’elle lui permet, l’entreprise familiale compte bien suivre la demande et enrichir son offre d’hébergement et d’activités gravitant autour du bien-être, comme le yoga ou le vélo de montagne électrique. « Il y a 12 ans, les gens venaient nous voir pour découvrir quelque chose qu’ils ne connaissaient pas du tout. Maintenant, on sent qu’ils connaissent un peu mieux ce genre d’offres », reconnaît Claire Rommelaere.
Dormir avec les loups
La création d’une expérience immersive en continu avec la nature est également l’objectif au cœur du parc animalier Oméga, situé à Montebello, qui propose également des hébergements. « Le but de la cabane des loups est vraiment de pouvoir être au premier plan pour observer une meute à travers de grandes baies vitrées le temps d’une nuitée », avance Mélanie Benoit, responsable des hébergements. Lancées en 2018 pour compléter une offre de prêt-à-camper, ces cabanes connaissent un vif succès auprès des Québécois et sont rapidement suivies par des chalets et des lodges de plus grande taille qui permettent d’observer une seconde meute. La popularité des cabanes est telle que la saison 2022 affiche déjà complet.
« Contrairement à un gîte, une résidence touristique ou un hôtel, on ne passe pas forcément une semaine dans un hébergement d’expérience, mais ça devient un attrait touristique en soi. C’est une belle vitrine pour le tourisme au Québec, pour mettre de l’avant nos plus beaux atouts naturels », affirme Véronyque Tremblay. Alors que Bonjour Québec, le site touristique officiel du gouvernement, répertorie plus de 50 hébergements de ce type dans toute la province, et l’offre insolite semble plus que jamais complémentaire à celle de l’hôtellerie classique. « Je pense que ce n’est pas juste une tendance qui va s’essouffler, conclut la PDG de l’AHQ. C’est là pour de bon ».
71 % des Canadiens de 18 à 79 ans ont bu un café dans la dernière journée, selon un chiffre de 2020 de la Coffee Association of Canada, qui présente le café comme la boisson la plus consommée au pays chez les 18-79 ans. Quelle attention les HRI lui portent-ils aujourd’hui ?
À l’Auberge Saint-Antoine à Québec, environ 80 % des clients commandent du café au petit déjeuner, tandis qu’ils sont plutôt 60 % à en prendre au repas du soir, laissant plus de place aux thés et aux infusions. Si des lattes, cappuccinos ou encore mocaccinos sont offerts, le café filtre reste le plus gros vendeur. Des torréfacteurs locaux, comme Tatum Café et Brûlerie, sont alors sollicités. « Le plus difficile est de trouver un café qui va plaire au plus grand nombre, explique le directeur de la restauration de l’auberge, Jean-François Bédard. On a essayé des cafés de spécialité, mais ils étaient plus amers, et les gens étaient plus réticents à en prendre. On reste un hôtel qui sert du café et non pas un café où les clients se font offrir différentes boissons bien précises. » Les entreprises avec qui il fait affaire sont sélectionnées pour leurs produits biologiques et écoresponsables, ainsi que pour leur offre de service qui inclut la réparation et l’entretien des machines.
Sophie Dallaire, propriétaire de la Maison du café l’Armorique à Val-d’Or et présidente de l’Association des torréfacteurs artisans du Québec, propose aux HRI une offre café adaptée à leur clientèle, par exemple peu corsé pour une cafétéria qui accueille tôt le matin les camionneurs venus prendre leur petit déjeuner ou haut de gamme pour un restaurant gastronomique équipé d’une machine de barista. Le choix s’est élargi parallèlement aux procédés de traitement : les traitements « naturel » et « miel » se sont ajoutés aux procédés semi-lavé et lavé. « Mon plus gros défi a été d’aller chercher les restaurateurs, parce qu’ils n’ont jamais priorisé le café, regrette Sophie Dallaire. J’essaie de faire en sorte qu’ils choisissent leur café avec autant de soins que leurs pièces de viande. »
Le copropriétaire de Structure Torréfacteurs à Montréal, Jérôme Grenier-Desbiens, compare d’ailleurs à la certification AAA d’une viande le café de spécialité, qu’il décrit comme étant l’avenir : « Il y aura toujours des clients qui consomment du café pour se réveiller et ne seront pas à la recherche de goût. Par contre, ils sont de plus en plus nombreux à s’intéresser tant à ce qu’il y a dans leur assiette que dans leur tasse, et le café de spécialité rejoint directement ceux-là. Les milléniaux ne finiront pas avec un café qui goûte l’eau de vaisselle ! » Il choisit son café selon trois critères : pas de défaut dans l’aspect ou le goût du grain, un côté sucré et du caractère. « On se retrouve avec du café qui ne goûte pas nécessairement le café. Par exemple, notre café d’Éthiopie est fait selon un procédé "miel" : seule une partie du fruit est enlevée, ça donne un café plus capiteux, mais très floral. On a quelque chose qui goûte le jasmin et la cerise confite, à mi-chemin entre un jus de fruits et un kir, un thé et un café. » Le copropriétaire travaille à enlever l’association de « café de qualité » avec « café italien » et la recherche absolue d’un goût précis de café.
Du café dans l’assiette
« On a des menus de bières, de vins, d’aliments, mais on n’a pas de menus de cafés ; c’est une grande aberration, pense quant à elle Allison Van Rassel, copropriétaire de deTerroir Café, à Québec. Donner le choix à son consommateur, ça envoie en partant un message quant à la façon dont on consomme le café : "Comment est-ce que je le consomme chez moi ? Est-ce vraiment transparent, traçable et équitable ?" Il y a une super opportunité, pour cette industrie, d’embellir l’expérience du consommateur. Elle a intérêt à la saisir, parce que sinon, c’est le consommateur qui va la saisir, mais chez lui. » Elle indique que les gens ne prennent pas uniquement du café pour l’effet caféiné, mais aussi pour le plaisir que son goût procure et qui peut se rendre jusqu’en cuisine, par exemple dans un chili ou une sauce barbecue.
Justine Tavernier travaille depuis un an à l’Auberge Saint-Antoine à titre de cheffe pâtissière et elle intègre le café dans le déjeuner, le brunch et les menus des deux restaurants de l’auberge. Il représente notamment une solution de rechange au chocolat et à la noisette lorsqu’il s’agit de concevoir un dessert plus rond en bouche. « Il a un goût particulièrement tranché et apprécié par beaucoup de clients. Il en existe de nombreuses variétés : florales, fumées, corsées… Selon la durée ou la température d’infusion, il sera plus amer ou plus doux. Et on peut l’intégrer à différents produits, dont la crème, le lait ou le beurre. Il nous donne beaucoup de possibilités de goûts et de textures ! » Au cours de sa formation en pâtisserie, elle l’a exploré dans des desserts classiques comme l’opéra – un gâteau comprenant un biscuit Joconde, de la crème au beurre au café et une ganache au chocolat. Sa curiosité et son plaisir à consommer le café l’amènent aujourd’hui à l’utiliser dans un appareil à madeleines, une ganache, une crème montée, une gelée ou encore un sorbet.
Pour éviter de jeter le grain infusé, Justine Tavernier le déshydrate et le mixe pour en faire une poudre qui pourra être intégrée dans une pâte à biscuit, une pâte à chou ou encore comme élément de décoration. Une collaboration a aussi été mise en place entre les différents services : si le bar infuse du café dans de l’eau pour en faire un sirop, la pâtisserie peut récupérer le grain, de même qu’un maraîcher qui fournit l’auberge en fruits et légumes et qui en aurait besoin pour repousser des organismes nuisibles.
Des machines qui jouent sur les sens
Comme tous les établissements membres de l’association Relais & Châteaux, l’Auberge Saint-Antoine a un partenariat avec Nespresso, dont les machines se retrouvent dans chacune de ses chambres. « Le produit reconnu internationalement est rassurant pour une clientèle étrangère, et c’est très simple d’utilisation pour la qualité du produit offert, estime Jean-François Bédard. Très peu de clients l’utilisent, bien que ce soit inclus dans le prix, car soit ils ont pris leur café avant d’entrer dans la chambre, soit ils le consomment plutôt dans notre restaurant. » Les produits Nespresso se retrouvent aussi au restaurant pour des expressos, des allongés ou encore des décaféinés.
L’auberge dispose en plus de sa propre machine à café, choisie selon plusieurs critères : simple d’utilisation pour ne pas nécessiter une formation d’envergure, multifonction pour ne pas nécessiter de modification des réglages selon le type de café à préparer, et rapide d’exécution pour convenir aux heures d’affluence. « On a une clientèle qui reste plusieurs jours ou qui revient régulièrement chez nous ; ça leur assure une qualité de café constante, quelle que soit la personne qui le prépare ou le moment de la journée. »
L’offre en machines commerciales contient de nombreuses subtilités. Par exemple, une automatique peut faire mousser le lait pour avoir un processus standardisé, mais dispose d’une touche manuelle pour procurer un résultat perçu comme étant artisanal. « Les HRI ont la possibilité de créer quelque chose de très distinctif, mais tous ne vont pas aller jusque-là, parce que ça nécessite d’avoir les fonds et l’envie de le faire », explique Didier Reolon, directeur ventes et marketing de la société d’importation et de distribution montréalaise Édika. En plus du design de la machine, le design sonore devient de plus en plus important. « Les clients veulent entendre suffisamment le moulin pour savoir qu’il s’agit de café frais moulu, complète Hind Kaddouri, représentante et barista pour Édika. Mais pas trop pour qu’ils puissent encore s’entendre parler ou faire une demande au barista… »
Du café à tout prix
« Quand les clients n’ont pas de comparatif, ils se contentent de ce qu’on leur donne, mais quand ils ont l’habitude de consommer du très bon café chez eux, ils s’attendent à avoir la même chose ou mieux quand ils se déplacent », prévient le directeur ventes et marketing. Édika signale que les institutions qui proposent gratuitement du café pas cher mais de moindre qualité en jettent beaucoup. Certaines ont donc choisi de débourser deux fois plus pour éviter le gaspillage et avoir l’appréciation des visiteurs. « Dans le milieu de la restauration, le café est l’une des choses les plus rentables ! assure Hind Kaddouri. Il est facile à entreposer, à garder frais et à utiliser. Il coûte 0,30 $ et peut être revendu trois ou quatre dollars. » Il peut en outre représenter un élément de différenciation, et ses multiples déclinaisons – mocktail, café limonade ou café infusé à froid – permettent d’élargir l’offre et la clientèle.
« Comme le chocolat, le café est appelé à disparaître s’il n’y a pas de changements majeurs qui sont faits dans les habitudes de consommation, avertit Allison Van Rassel. Le client beaucoup plus informé veut avoir un produit beaucoup plus traçable – ce qui, selon moi, est un symbole de qualité – et plus éthique tant pour les êtres humains impliqués dans le processus que pour l’environnement. »
Plusieurs facteurs expliquent la hausse du prix du café, dont les enjeux climatiques. « Il y a de la neige et du gel au Brésil, qui est le plus gros producteur mondial, rappelle Sophie Dallaire. C’est de plus en plus difficile de faire de la culture, donc beaucoup de pépinières poussent un peu partout, notamment en Colombie, pour avoir le maximum de caféiers. La politique entre en jeu, les coûts du transport explosent… Le café va devenir un produit de luxe ! » Mais elle assure qu’il est là pour de bon.
Encore balbutiantes il y a quelques années, les technologies sans contact sont perçues aujourd’hui comme l’une des solutions incontournables pour répondre à plusieurs enjeux qu’affronte l’industrie. Quelles sont celles que nous avons déjà adoptées, ainsi que celles, prometteuses, qui devraient prochainement voir le jour ? Et est-il légitime de craindre la déshumanisation d’un milieu reconnu pour son hospitalité ?
Lorsque les premières technologies sans contact sont apparues dans le secteur des HRI, à savoir la commande de repas et la réservation de places au restaurant ou de chambres à l’hôtel à partir de plateformes virtuelles, elles ont été saluées par une industrie en quête de nouvelles clientèles. La plupart de ces technologies ne sont pas québécoises, ni même canadiennes, en plus d’utiliser à leurs propres fins les données générées par les clients et d’exiger des établissements participants des sacrifices financiers importants. Mais les UberEat, OpenTable et Trivago de ce monde ont l’avantage d’avoir pavé la voie à beaucoup d’autres initiatives qui sont en train de transformer en profondeur un secteur d’activités aux prises avec de vieux et de nouveaux démons : une gestion archaïque, une productivité limitée, un service client inconstant, un manque de flexibilité et des conditions de travail et salariales menant à une désertion du milieu.
Au cours de la crise causée par la pandémie qui a fait trembler les fondations des industries de la restauration et de l’hôtellerie, les professionnels qui hésitaient encore à automatiser certains de leurs services n’ont eu d’autre choix que de s’y résoudre pour survivre et demeurer concurrentiels. Cette même crise a également fait émerger de nouveaux besoins et des solutions technologiques portées par de nouveaux acteurs.
Une restauration simplifiée
À l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec, depuis cet automne, les restaurateurs, hôteliers et propriétaires de bars sont nombreux à vouloir bénéficier d’un nouveau programme gratuit consacré aux nouvelles technologies et aux meilleures pratiques de gestion. Cette formation virtuelle a pour objectif de doter les établissements de solutions novatrices locales pour augmenter leur efficacité et leur rentabilité, et les aider à faire face à la pénurie de main-d’œuvre qui les frappe.
Parmi les intervenants issus de plusieurs entreprises technologiques, on retrouve notamment Alfred Technologies, un système qui a révolutionné la manière de gérer une cave à vin grâce à une plateforme automatisant certains pans de la sommellerie, comme les inventaires, et en offrant grâce à l’intelligence artificielle la possibilité d’optimiser les stocks et la valeur des vins en cave. Alfred vient également de greffer à cette offre celle d’Alfred Menu, une plateforme numérique qui permet de partager avec la clientèle des menus et des fiches informatives. Alfred Menu peut s’afficher sur une tablette mise à la disposition des clients, ou encore directement sur leur appareil mobile en les invitant à scanner un code QR. Finis les menus papier abîmés, sales ou à remettre constamment à jour. « De plus, si le client sélectionne une bouteille dont il ne reste plus qu’un exemplaire, cette dernière s’enlève en temps réel de la carte des vins – un gain de temps et d’explications assuré », indique Ian Purtell, expert pour Alfred.
Alfred n’est cependant pas le seul acteur québécois à implanter des solutions en restauration. Tandis que des plateformes comme CHK PLZ, RestoLoco et Pizzli tentent de compétitionner avec les multinationales de la commande en ligne de repas à livrer, des entreprises à l’image de Libro se démarquent en matière de réservations en ligne. Créée en 2014, cette société auparavant connue pour des guides web de restaurants à Montréal et à Québec s’est munie d’un système permettant aux établissements de créer leur propre plateforme virtuelle de réservations, et du même coup de conserver les données de leur clientèle. « Vu que 98 % des réservations se font à présent en ligne, le fait de pouvoir les contrôler de manière autonome est précieux, explique Jean-Sébastien Pothier, cofondateur de Libro. Il fallait une alternative de ce type aux OpenTable qui se permettent de nous suggérer d’autres adresses que celle où l’on veut réserver, quitte à faire perdre des clients au restaurant. »
En plus de proposer aux restaurants de gérer leurs réservations en ligne ainsi que d’automatiser les rappels par texto pour éviter des no-shows, Libro leur a aussi offert des outils sans contact utiles pour gérer plus efficacement leur salle à manger et leurs commandes de nourriture. « Nous nous sommes inspirés des formules de plusieurs cabanes à sucre et d’événements pour mettre en place une billetterie permettant aux clients de prépayer leur repas, comme ils le feraient pour un spectacle. » Le billet est émis en ligne et vérifié quand le client arrive au restaurant, ce qui lui évite de faire la file à l’entrée ou d’attendre sa facture. L’initiative a, selon l’entrepreneur, beaucoup de succès, puisque 10 millions de transactions de ce type ont été enregistrées au cours de la dernière année.
Sur le même principe, Libro a également mis au point une manière de limiter les files d’attente, qui peuvent parfois transformer les entrées de restaurants en lieux d’attroupement. « En leur envoyant un code QR et en les textant lorsque leur table est prête, on permet aux clients de ne plus devoir attendre sur place, sans devoir se munir d’un buzzer », précise Jean-Sébastien Pothier. Il travaille déjà avec ses partenaires à d’autres développements, comme la création de sections de tables express pour la clientèle pressée, la sélection dès la réservation de menus fixes – par exemple à l’occasion d’événements comme la Semaine de la Poutine – ou encore la personnalisation des offres des restaurants sur la base des préférences qui ressortent des données de leurs clients.
Un meilleur service client en hôtellerie
Du côté des hôtels, l’Amérique du Nord est loin d’être arrivée au stade des couchettes autonettoyantes, des chambres autonomes et des machines à repas que l’on peut croiser en Asie, des exemples que certains pourraient comparer à une déshumanisation du milieu de l’hébergement. Il est cependant possible, en restauration comme en hôtellerie, de viser un juste milieu et d’intégrer des technologies qui facilitent le quotidien des professionnels sans nuire à l’expérience des clients. Comme le rappelle Ian Purtell d’Alfred, qui travaille avec plusieurs genres d’établissements, l’idée des initiatives technologiques n’est pas de dénaturer la mission des restaurateurs, hôteliers et propriétaires de bar, mais de les libérer des tâches les plus rébarbatives, énergivores et gourmandes en main-d’œuvre pour qu’ils se concentrent sur le volet relationnel de leur métier et augmentent leurs ventes.
Jean-Cédric Callies, directeur des ventes et du marketing de l’hôtel Monville, à Montréal, a bien compris ce principe. Il a même été le premier au Canada à doter dès 2018 cet établissement de 269 chambres de 4 bornes électroniques disposées à l’entrée, permettant aux clients de s’enregistrer la veille par Internet comme ils le feraient pour un vol d’avion, puis de confirmer par un code QR leur arrivée aux bornes, qui leur remettent immédiatement la clé de leur chambre. « Ça a vraiment bonifié notre expérience client, puisque nos visiteurs n’ont plus à attendre leur tour à l’accueil et que notre personnel libéré peut leur offrir des services de conciergerie personnalisés à la place », indique-t-il.
Cette stratégie numérique a aussi été adoptée pour le service aux chambres. Un robot au nom évocateur, H2M2, a été conçu pour réaliser de manière autonome le service des repas aux différents étages de l’hôtel. « Une fois la commande du client passée, explique M. Callies, on l’entre sur l’écran du robot, on dépose la nourriture commandée, et c’est tout ! » H2M2 est en effet capable de s’orienter seul dans l’établissement, de commander et de prendre l’ascenseur, de se rendre jusqu’à la chambre concernée et d’envoyer un petit appel pour prévenir de son arrivée. Dès que le client ouvre sa porte, le boîtier contenant la nourriture s’ouvre pour que la personne prenne possession de sa commande, puis le robot retourne au rez-de-chaussée. « Ce système fonctionne très bien, et en plus les gens adorent notre robot, qui est devenu une vraie mascotte avec laquelle on se prend en photo », indique le directeur en souriant.
Parallèlement, le gestionnaire a aussi commencé à intégrer des codes QR dans les chambres de l’hôtel Monville pour se débarrasser du papier. En scannant ces codes, les clients trouvent une boutique en ligne leur permettant de commander tout aussi bien une brosse à dents qu’un repas, ainsi que l’histoire de l’hôtel (et même celle des meubles qui le garnissent) et des offres promotionnelles exclusives chez des partenaires (musées, spas, restaurants, etc.). « C’est une autre manière d’ajouter de la valeur à une expérience au Monville », dit M. Callies, qui considère que les technologies sans contact font du Monville un établissement innovant et certainement pas déshumanisé.
Certaines plus grosses structures, comme les hôtels Hilton et Marriott, disposent de plateformes web et d’applications mobiles exclusives (Hilton Honnors et Marriott Bonvoy) proposant, en plus d’un programme de fidélisation, de réserver sa chambre (les Hilton permettent même de la choisir sur un plan), de préenregistrer sa venue, de recevoir sa clé sous forme électronique, ou encore de clavarder avec le personnel lorsqu’on a des questions. L’utilité des technologies sans contact n’est plus à prouver. « De toute manière, il n’y a plus assez de personnel pour pouvoir assurer des services traditionnels de bonne qualité », signale Dany Thibault, un responsable du groupe Hôtels Urgo, qui gère une partie de ces hôtels et bien d’autres partout en Amérique du Nord, dont 14 juste au Québec. Ce dernier a effectivement constaté que même si les établissements avaient pu fonctionner cet été à 85 ou 90 % de leur capacité, il leur était impossible de le faire en raison du manque de main-d’œuvre. L’avenue technologique est donc la bienvenue pour son caractère pratique, son efficacité et son attrait auprès d’une clientèle souvent entrepreneuriale qui ne veut pas perdre de temps. « Mais il est hors de question de dénaturer l’hôtellerie pour autant, dit-il. Les clients cherchent un second chez-eux à l’hôtel. On est encore très loin du robot préparant le petit déjeuner ou faisant le ménage dans les chambres. »
Une démocratisation irréversible
Même si l’approche adoptée par une proportion croissante d’hôtels et de restaurants du Québec peut sembler de prime abord un peu avant-gardiste pour d’autres types de structures d’accueil – comme les résidences pour aînés (RPA) –, elle se démocratise de plus en plus. On a longuement parlé au cours de la dernière année des problèmes de personnel que ces résidences ont elles aussi à gérer, avec une clientèle moins amenée que d’autres à maîtriser de nouvelles technologies. Jean-Éric Lemieux, directeur régional des services alimentaires au groupe COGIR et à la tête de 40 RPA au Québec, le confirme : « La totalité des services, en salle à manger comme ailleurs, est encore assurée par le personnel. Même les réservations se font en personne ou par téléphone. La seule technologie sans contact utilisée jusqu’à aujourd’hui, ce sont les cartes magnétiques que les résidents glissent dans le système de commandes pour valider leur repas. »
Toutefois, là encore, les choses sont appelées à changer, puisque COGIR est en train de mener des tests avec un tout nouveau système, Avatar, qui devrait être déployé à compter de 2022 et qui reposera sur la mise en place d’une tablette multifonctionnelle dans chaque appartement. « On y verra les activités et les menus du jour, on pourra y précommander ses repas en salle à manger ou livrés, et on s’en servira pour communiquer différentes demandes. Bref, ce sera une sorte de concierge virtuel », explique M. Lemieux. Alors, incontournables, les technologies sans contact ? Absolument, et ce, dans toutes les sphères des HRI ! Et elles n’en seront pas moins humaines.
« Quelle est votre spécialité ? » Un nombre croissant de restaurateurs qui pouvaient avoir un établissement généraliste ont choisi de s’appuyer sur cette question souvent posée aux serveurs par les nouveaux clients pour ouvrir un restaurant de spécialité.
« Le consommateur est de plus en plus informé ; il sait de plus en plus ce qu’il veut, et c’est pour ça que la spécialité va devenir un incontournable », annonce Gilles Trépanier. Son entreprise, Restolutions, se veut un guichet unique d’offres complètes en services utiles aux industries de la restauration et de l’alimentation. Il remarque une tendance de plus en plus marquée depuis une dizaine d’années, avec une spécialisation se faisant par région ou par produit. « L’élément principal qui fait que les restaurants se spécialisent est l’envie d’offrir aux clients un rappel de leur voyage », estime l’homme d’affaires. Il ajoute que ce sont souvent des entrepreneurs originaires d’un pays étranger qui ouvrent un restaurant de spécialité dans leur pays d’adoption et font ainsi découvrir la cuisine de leur pays natal. Le modèle serait particulièrement propice aux chaînes en raison de leur processus de standardisation.
Jean-Michel Paquet est président de Küto – comptoir à tartares, qui compte une trentaine d’adresses dans la province. Il a possédé plusieurs restaurants dans le passé : un bistro haut de gamme, un steakhouse Apportez votre vin et un bistro. Et chaque fois, le tartare était le plat le plus populaire, qu’il soit à base de bœuf, de thon ou de saumon. Pour développer son concept, il a aussi pris exemple sur le restaurant L’Entrecôte Saint-Jean à Montréal, qui pendant 29 ans a uniquement servi du steak frites. « Le tartare est assez "santé". Il reflète la tendance des dernières années, qui amène la société à bien manger et à faire attention aux calories. On a plusieurs bonnes années devant nous ! » Jean-Michel Paquet considère que de nombreux produits — notamment la poutine — se prêtent bien au concept de spécialisation, mais il émet des réserves quant aux produits de créneau, comme le ris de veau.
« La spécialisation est un élément de différenciation, affirme le propriétaire du restaurant Casa Calzone à Québec, Richard Gauvreau. Il y a des risques liés à ça : dans notre cas, le calzone – une pizza pliée en deux – n’est pas un produit que tout le monde connaît. Mais l’avantage est qu’on n’est pas nombreux à le proposer. Ça nous positionne donc sur le marché. Et ceux qui ont le goût d’en manger peuvent avoir le réflexe de penser à nous, puisqu’on en fait une spécialisation et que le nom du produit se retrouve dans celui du restaurant. » Si les généralistes s’adressent plutôt à une clientèle locale, les établissements spécialisés visent plus large. Le propriétaire reconnaît ne pas être dans un circuit touristique particulier, mais il assure que certains n’hésitent pas à faire un détour pour s’attabler dans son restaurant.
Faire revenir sa clientèle
Tous s’accordent pour dire qu’il faut être le meilleur – tant comme généraliste que comme spécialiste –, car les clients ont beaucoup de choix, dont celui d’aller manger ailleurs. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles Richard Gauvreau a choisi le calzone plutôt que la pizza classique : « Si l’on cuit des saveurs à l’intérieur, le résultat est très différent de ce qu’on peut retrouver dans une pizza sur laquelle les ingrédients sont déposés et peuvent sécher. On a aussi un peu modifié le calzone traditionnel, qui est à mon avis un produit banal. On se fait une fierté de dire que le nôtre est plus gonflé et qu’il a une croûte plus croustillante, qu’il faut casser. Et on a une façon de le servir, avec de l’huile en accompagnement, qui est propre à notre établissement. »
Question de plaire au plus grand nombre, le menu de Richard Gauvreau offre une vingtaine de pizzas, notamment des variantes qui tiennent compte des différents allergènes et régimes alimentaires. Il y apporte régulièrement des nouveautés, par exemple en ajoutant le calzone au homard ou le calzone mac & cheese, pour répondre aux attentes d’une clientèle curieuse de toutes les essayer. Sous l’appellation « Signatures » se retrouvent par contre des plats qui resteront toujours au menu, par exemple l’Infarctus – à base de sauce bolognaise, pepperoni, saucisse, jambon, bacon, boulettes et mozzarella –, car la majorité de ses clients passent toujours la même commande. « Quand ils ont aimé un plat, ils veulent le retrouver à la visite suivante. Les restaurants qui ont 50 ans d’existence ont souvent le même menu qu’à leurs débuts. À un moment donné, tu es obligé d’offrir quelque chose et d’y croire. Ça signifie aussi garder une constance, une qualité et un goût. »
Du côté de Küto, les classiques tartares de bœuf et de saumon ont été retirés du menu après trois ans, car ils n’étaient pas les plus populaires. Par contre, comme les ingrédients sont utilisés dans d’autres versions, ils restent disponibles à la demande. Les clients ont le choix parmi 16 plats tirés de concepts, par exemple un tartare de saumon fish’n’chips avec citron, mayonnaise et cornichon ou un tartare style pub avec cheddar fort et émulsion à la bière noire. « On veut toujours amener de la nouveauté pour rester intéressant pour la clientèle et avoir la meilleure qualité. Malgré ça, on ne fait pas de tartare de bœuf avec du filet mignon parce que ce ne serait pas achetable. » Comme Casa Calzone, Küto considère ne pas avoir beaucoup de concurrence du côté des restaurants spécialisés, malgré l’arrivée du tartare aux menus de restaurants généralistes comme La Cage – Brasserie sportive et St-Hubert, qui sont davantage connus pour leur poulet.
Enjeux de rentabilité
Le fondateur de Restolutions fait savoir que la spécialisation amène à avoir de plus petits restaurants, ce qui signifie de plus bas loyers, mais aussi une plus petite équipe, et donc une masse salariale moindre. Cela signifie aussi utiliser moins d’ingrédients, donc avoir moins de commandes à passer auprès de fournisseurs et avoir de meilleurs prix en achetant les ingrédients principaux en plus grande quantité.
« Tous les aspects de la restauration sont avantagés par le fait d’être spécialisé », assure Gilles Trépanier, qui précise que sa société-conseil est elle aussi spécialisée : la restauration a été divisée en différents modules au sein desquels se trouve un spécialiste, par exemple de la cuisine, des opérations, du marketing ou encore du design.
Jean-Michel Paquet aborde aussi les avantages du restaurant spécialisé en matière de main-d’œuvre : « Comme nos techniques de travail sont beaucoup plus spécialisées, nos employés font souvent la même chose, ce qui limite les marges d’erreur et rend le travail tellement simple que n’importe qui peut préparer les plats et les monter. On est en plus dans une formule de grosse bannière, bien qu’on n’en soit pas une. On a néanmoins une cuisine centrale, qui fabrique la plupart de nos ingrédients, comme nos croûtons et nos sauces. Le produit est aussi assez standardisé, ce qui limite également les marges d’erreur. »
Quant à l’offre générale, elle peut se retrouver dans des regroupements de restaurants spécialisés. « Je rêverais d’être au centre d’une rue de spécialisation ! confie le président de Casa Calzone. S’il y avait plus de restaurants spécialisés dans ma rue, elle deviendrait une destination. Ça apporterait une belle complémentarité dans la restauration ! »
Les restaurateurs cherchent de plus en plus à faire de l’achat local pour répondre aux attentes de la clientèle, mais ils se heurtent à des difficultés d’approvisionnement en produits du Québec. C’est ce qui ressort de l’étude de la firme Axiome, réalisée pour le compte de l’ARQ et HRImag à la mi-décembre 2021 auprès de 508 restaurateurs québécois représentant tous les types de restauration. À la question « Quel pourcentage de vos produits achetés provient du Québec ? », seulement 25,2 % des restaurateurs affirment acheter entre 75 % et 100 % de provenance québécoise.
À LA QUESTION « AVEZ-VOUS DE LA DIFFICULTÉ À VOUS PROCURER DES PRODUITS DU QUÉBEC ? », 43,7 % AFFIRMENT QUE OUI, TANDIS QUE SEULEMENT 56,3 % DES RESTAURATEURS RÉPONDENT PAR LA NÉGATIVE.
Pourtant, les discours actuels liés aux chaînes d’approvisionnement, à notre dépendance aux marchés étrangers et aux préoccupations environnementales placent l’achat local sur toutes les lèvres, et de nombreux restaurateurs cherchent à mettre l’idée en pratique. La population en général est très sensible à la provenance québécoise des produits qu’elle consomme, surtout les produits de saison (fraises, pommes, maïs, camerises, sirop d’érable, thon, etc.). On promeut avec force les produits alimentaires du Québec grâce aux étiquettes « Aliments du Québec », sans compter que les vins québécois sont mis en évidence à la SAQ et sur beaucoup de cartes des vins. De plus, de nombreux menus de restaurant insistent sur la provenance locale de leurs produits. Alors, pourquoi un pourcentage si élevé de restaurateurs expriment des difficultés à s’approvisionner en produits québécois ? Est-ce en raison des fournisseurs, des catalogues de produits, des prix élevés ou simplement de la disponibilité souvent limitée des produits made in Quebec ?
L’intention de se servir de l’achat local comme attrait auprès des consommateurs est bien réelle. L’étude révèle que le concept ou l’approche la plus populaire qui sera déployée par les restaurateurs en 2022 sera l’approvisionnement local (37 %), devant les plats végétariens (35 %), les aliments du terroir québécois (28,7 %) et les plats sans gluten (26,8 %).
CONCEPTS ET APPROCHES PRÉFÉRÉES POUR 2022
Approvisionnement local
37 %
Plats végétariens
35 %
Aliments du terroir québécois
28,7 %
Plats sans gluten
26,8 %
Écoresponsabilité / protection de l’environnement / zéro déchet
14,2 %
Provenance certifiée
13 %
Produits les plus naturels possible (Clean label)
12,6 %
Plats végétaliens
12,2 %
Aliments cultivés sur place (potager, miel, herbes, etc.)
10,6 %
Traçabilité (mentionner nom du producteur / lieu de production) d’un/des aliment(s)
7,5 %
Partenariats avec des organismes de réduction du gaspillage (p. ex., La Tablée des Chefs)
4,7 %
Utilisation de produits équitables
2,4 %
Plats ou boissons fortement colorés afin d’améliorer leur aspect photogénique (c.-à-d. : « instagrammables »)
2,4 %
Ingrédients certifiant le bien-être animal
2 %
Aucune de ces tendances
20,1 %
Autre tendance
1,6 %
L’intention de recourir à l’approvisionnement local comme concept et approche est plus populaire auprès des restaurants d’hôtel (48,9 %) et des cafétérias (44,4 %). Le même concept occupera moins l’attention des établissements de restauration rapide (23,1 %) et des restaurants avec service aux tables (36,9 %).
Du côté des boissons, l’utilisation des « vins ou spiritueux du Québec » retient l’attention prioritaire de 32,3 % des répondants, juste derrière les « cocktails créatifs faits maison » (33,9 %).
Cocktails créatifs faits maison / mixologie
33,9%
Vins ou spiritueux du Québec
32,3%
Partenariat avec une ou quelques microbrasseries
29,5%
Mocktails, bières et vins sans alcool
18,1%
Offre diversifiée de cafés ou de thés
17,3%
Offre diversifiée de produits de microbrasseries
14,2%
Sodas artisanaux ou locaux
7,5%
Café infusé à froid
5,5%
Cocktails prémélangés en portions individuelles
5,1%
Boissons fermentées
3,2%
Aucune de ces tendances
29,5%
Autre tendance
3,2%
Hausses significatives des prix des menus
En ce début d’année 2022 particulier teinté par des taux d’inflation des aliments, il sera primordial de réfléchir sérieusement à la fixation rigoureuse des prix de vente afin de garantir la rentabilité opérationnelle. L’étude d’Axiome révèle que 83 % des restaurateurs interrogés ont l’intention d’augmenter leurs prix en 2022. Seulement 9,5 % pensent les conserver au même niveau ou les baisser, et 7,5 % ne savent pas ce qu’ils feront.
Prix en 2022
Types d’établissements
Service aux tables
Hôtel
Rapide
Bistro, etc.
Traiteur
Cafétéria, etc.
Total
Plus bas
1,0 %
0,0 %
0,0 %
0,0 %
0,0 %
0,0 %
0,4 %
Mêmes prix
11,8 %
4,4 %
10,3 %
10,3 %
0,0 %
11,1 %
9,1 %
Plus élevés
83,5 %
91,1 %
71,8 %
86,2 %
100 %
77,7 %
83,0 %
Ne sais pas
3,9 %
4,4 %
17,8 %
3,4 %
0,0 %
11,1 %
7,5 %
L’intention de hausser les prix de vente dans les restaurants en 2022 est unanime chez les traiteurs (100 %) et très forte du côté des hôtels (91,1 %), bistros (86,2 %) et restaurants avec service aux tables (83,5 %). Dans les restaurants à service rapide (71,8 %) et les cafétérias (77,7 %), les hausses seront moins généralisées. Bien que cette hausse des prix semble une idée populaire et logique dans un contexte de forte inflation, il peut sembler étonnant que plusieurs restaurateurs ignoraient encore en décembre quelle orientation donner à leurs prix de vente en 2022 ; c’est le cas notamment des restaurants à service rapide (17,8 %) et des cafétérias (11,1 %).
Des hausses de 6 % à 10 %, voire jusqu’à 20 %
Du côté des établissements qui ont l’intention d’augmenter leur prix de vente, la hausse des prix sera approximativement de « 6 % à 10 % » pour 48,8 % des répondants, de 11 % à 15 % pour 16,1 % d’entre eux, et de 16 % à 20 % pour 8,1 % des restaurateurs. Seulement 1,4 % des répondants ont l’intention d’appliquer une hausse supérieure à 20 %, et 6,6 % des répondants ignorent de combien ils augmenteront leurs prix. La hausse des prix aura des impacts difficiles à estimer sur l’achalandage et la propension des clients à dépenser dans les restaurants. La pandémie actuelle et la succession de fermetures et d’ouvertures bouleversent l’équilibre entre l’offre et la demande. L’ouverture complète et définitive des restaurants sera le symbole de la fin de la crise.
Teneur de la hausse
L’incidence de la hausse des prix se fera sentir également sur les budgets disponibles pour la rémunération de la main-d’œuvre et les frais fixes comme le loyer, puisque ces derniers seront sensibles à la hausse prévue des taux d’intérêt. Indéniablement, la hausse des prix aura aussi des répercussions sur les bénéfices, les pourboires du personnel de service et les taxes de vente perçues par les gouvernements fédéral (TPS) et provincial (TVQ), voire sur les taxes d’affaires perçues par les municipalités.
« Au commencement du printemps, de leur écorce il sort une liqueur sucrée, qu’avec grand soin les habitants recueillent dans chaque contrée. Ce breuvage me sembloit bon, et je le beuvois en rasade ; il ne fallait que du citron pour en faire une limonade », écrit poétiquement le sieur de Dièreville au début du 18e siècle. Eh oui, c’est bien de « l’eau » d’érable dont il est question, ici ! Si les produits de l’érable sont des incontournables des tables québécoises en toute saison, c’est au printemps qu’on les associe le plus volontiers, depuis la récolte de l’eau d’érable jusqu’à la traditionnelle « partie de sucre » à la cabane. Profitons du redoux printanier pour revisiter l’histoire de notre patrimoine sucré.
La fabrication du sirop d’érable relève d’une tradition et d’un savoir-faire qui s’est élaboré au fil des siècles. Il faut dire que l’on trouve au Québec les types d’érables les plus appropriés pour la production sucrière : sur la centaine d’espèces répertoriées de par le monde, c’est ici qu’existe la plus grande concentration d’érables à sucre (acer saccarum). Sans que l’on sache exactement depuis quand, les Premières Nations connaissaient et récoltaient l’eau d’érable bien avant l’arrivée des colons européens. Le mois pendant lequel on recueillait le précieux liquide était surnommé la « lune de sucre ». La plus ancienne mention écrite relative à l’érable remonte au milieu du 16e siècle. Un compagnon de voyage de Jacques Cartier, le cosmographe André Thévet, relate ainsi la « découverte » de la sève d’érable : « Le pais et terrouër de Canada, est beau & bien situé & de soy tres bon. Il porte plusieurs arbres et fruits, entre lesquels y a un arbre de la grosseur & forme d’un gros noyer. Quelcun le voulant coupper en faillit un suc, lequel fut trouvé d’autant bon goust, & delicat, que le bon vin d’Orleans ou de Beaune. »
Non seulement considère-t-on les produits de l’érable comme excellents au goût, mais ils passent aussi comme des remèdes efficaces contre les affections pulmonaires. Cette utilisation thérapeutique est attestée dans la médecine traditionnelle des Autochtones. Plusieurs missionnaires du début du 17e siècle rapportaient que l’eau d’érable était utilisée comme boisson fortifiante par les nations huronne-wendate, innue et micmac. Le recours à l’eau, au sirop ou au sucre d’érable pour se soigner se transpose chez les colons canadiens. Dans une lettre qu’il écrit le 16 novembre 1755, l’ingénieur Louis-Joseph Franquet, en poste à Louisbourg, vante les vertus médicinales du sucre d’érable : « fondant légèrement, il humectoit la poitrine », soulageant ainsi la toux due au rhume. La célèbre Encyclopédie de Diderot et d’Alembert partage aussi cette excellente impression, précisant que le sucre d’érable est « beaucoup plus sain que le sucre ordinaire & l’on en vante l’usage pour les rhumes & pour les maladies de la poitrine. »
Les débuts du « sucre du pays »
Les premières installations, qu’on ne peut pas encore considérer comme de véritables érablières, sont les sucreries de ferme. Situés à proximité de la maison familiale, ces petits bâtiments rudimentaires permettent aux gens de subvenir à leurs propres besoins en petites douceurs. Le sucre est conservé en « pain » dont on casse des morceaux en fonction des besoins. Si l’essentiel de la production est autarcique, on voit toutefois surgir certaines initiatives à visée commerciale. C’est ainsi qu’au début du 18e siècle, Agathe de Saint-Père confectionne de petites dragées à l’érable à titre expérimental et pousse l’audace jusqu’à en envoyer en France afin de les faire découvrir au roi Louis XIV ! Une modeste industrie se développe. Le gouverneur Rigaud de Vaudreuil et l’intendant Raudot confirment qu’il se fabrique alors plus de 30 000 livres de sucre annuellement dans la seule île de Montréal, sans compter ce qui se produit ailleurs. Les Britanniques poursuivront tout naturellement l’exploitation de cette formidable ressource après 1763.
Au début du 19e siècle, les « sucreries des grands bois » permettent de transformer l’eau d’érable des terres avoisinantes, que les colons recueillent dans des auges d’écorce ou de bois, puis versent et transportent dans des seaux, à dos d’homme ou dans une barrique placée sur un traîneau. Ces installations sont le plus souvent de simples abris formés de quelques planches, la « cuisine » étant à l’extérieur : l’eau d’érable est mise à bouillir dans un grand chaudron de fonte suspendu à une étemperche, sorte de crémaillère faite de branches solides, au-dessus d’un feu. C’est vers 1850 que cette activité jusqu’alors plutôt traditionnelle commence à se moderniser. La cueillette, d’abord, se voit facilitée par l’emploi de chalumeaux, de goudrelles d’acier et de chaudières de fer-blanc. De véritables cabanes remplacent les vieux abris. Joseph-Charles Taché note que la production de sucre d’érable au Bas-Canada au milieu du 19e siècle atteint les 10 millions de livres par année, sans compter le sirop. La transformation s’accroîtra bientôt prodigieusement grâce aux bouilloires en tôle et aux évaporateurs à fond plat.
La révolution industrielle produit aussi un effet secondaire intéressant : elle fait naître le phénomène des visites à la cabane à sucre. Bien des gens ont quitté les zones rurales pour aller travailler en ville… Mais, nostalgiques de la vie à la campagne, ils aiment beaucoup y revenir au printemps afin de participer à une partie de sucre. Que ce soit pour une activité en famille ou entre amis, la cabane devient le lieu de rassemblement où, le temps de quelques heures, on s’immerge dans le mode de vie d’antan : nourriture, musique, danse, promenade en traîneau et bien sûr tire d’érable sur la neige sont au rendez-vous. Déjà au début du 20e siècle, les cabanes à sucre font intimement partie du paysage rural québécois.
Structuration du marché de l’érable
Les goûts changent et se raffinent au 20e siècle. Les années 1930 voient apparaître le beurre d’érable. Quant au sirop, désormais classé par catégories, il finit par détrôner le sucre d’érable sur nos tables. La célèbre conserve métallique de 591 ml ornée de son petit dessin traditionnel fait son apparition dans les marchés d’alimentation en 1951.
Outre le marché local, le sirop a conquis les consommateurs de tous les continents, grâce aux efforts de l’industrie et à une mise en marché soignée. Les produits de l’érable sont aujourd’hui parmi les denrées d’exportation les plus importantes du Québec : la province est la plus grande productrice mondiale (plus de 70 %) de sirop d’érable. Les producteurs d’alcool québécois se sont mis de la partie en intégrant l’érable à une foule de boissons : les vins, crèmes, gins, brandys, vodkas et whiskys au parfum d’érable se retrouvent aussi bien dans nos armoires que dans les paniers de produits du terroir offerts aux diplomates…
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