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Courir les concours

En plus des cours, des devoirs, des leçons et des examens obligatoires, certains élèves participent tout à fait volontairement à des compétitions (de pâtisserie, sommellerie ou autre) où on les évalue sous toutes les coutures, sans aucune indulgence. Sont-ils fous,
ces jeunes amateurs de concours ? Le témoignage de deux Québécois - un enseignant et un étudiant - ayant participé au Mondial des Métiers nous donne un aperçu de ce genre
d’expérience.

Pour savoir ce que l’on vaut, il n’y a pas de meilleure école que de se lancer en affaires ou de faire des concours, estiment bien des gens du métier. Dans cette perspective, quelle bonne idée que de se tester quand on est encore près des bancs d’école !

 
15 novembre 2006 | Par Marie-Carole Daigle

« La participation à un concours international - junior ou non - est une histoire de dépassement et de perfectionnement, estime Olivier Courcoux, enseignant en pâtisserie au Centre de formation professionnelle Jacques-Rousseau de Longueuil. Il faut que le participant souhaite vivre une expérience de cette nature, voir où se situent
ses limites. Ensuite, sa victoire dépend des compétences qu’il a développées. »

La participation à un tel concours ne s’improvise pas, loin de là. « Nous nous préparons plus d’un an à l’avance, poursuit Olivier Courcoux. Cette année, par exemple, pour mériter de représenter son pays au Mondial des Métiers,
le jeune doit d’abord faire partie des gagnants des olympiades régionales et nationales. Il passe donc par Longueuil en mars, par Québec en mai, puis par Halifax en juin... avant de se retrouver au Japon en 2007 ! »

Avant...
Ne participe pas à un concours junior qui veut. Car, s’il faut présenter un talent supérieur à la moyenne, cette aptitude naturelle ne suffit pas. « Dès que nous repérons un jeune particulièrement doué, nous lui proposons une
formation intensive, affirme M. Courcoux. Il doit cependant être extrêmement participatif et bien comprendre l’envergure de l’investissement attendu de lui. S’il comprend dès le départ qu’il devra s’y consacrer ardemment, nous voyons quelles sont ses disponibilités et nous tentons
de concilier le tout avec celles du reste de l’équipe. » Mais attention : cette préparation, qui s’étale souvent sur plus d’une année complète, n’est pas une question d’heures, mais bien d’heures par semaine ! En fait, l’équation est
très simple : plus on consacre de temps à la préparation, plus il y a de résultats à espérer ! Aussi bien ne pas prévoir une vie sociale très intense tout au long de l’entraînement...

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« Ce n’est pas toujours évident, puisqu’un jeune de 20 ans n’a pas nécessairement la maturité nécessaire pour agir de la sorte, dit Olivier Courcoux. Heureusement, il s’agit généralement de jeunes que nous avons pu observer pendant
quelque temps et avec lesquels nous avons déjà instauré une relation de confiance. »

Ne seront en outre sélectionnées que les personnes très solides intérieurement, car la compétition fait passer par toute une gamme d’émotions qu’il faut savoir gérer sur-le-champ.

Par ailleurs, les moyens financiers du participant ne sont pas immanquablement un critère de sélection. Les frais d’inscription à la plupart des concours sont en effet assumés par sa commission scolaire. On trouve aussi différentes façons de générer des fonds, par exemple la vente des produits préparés en cours de formation et l’apport de commanditaires comme Natrel ou Cacao Barry. Enfin, les formateurs acceptent de fournir une bonne partie de leur investissement en bénévolat. Dans le cas d’une compétition à l’international, les commissions scolaires
donnent encore généralement un coup de pouce, et les organismes responsables (comme Compétences Québec et Compétences Canada) fournissent eux aussi une aide financière.

Pendant...
Extrêmement exigeante, une compétition internationale peut comporter 24 heures de compétition en quatre jours : essoufflement garanti ! « On a beau les avertir, les jeunes vivent un rush incroyable et ils doivent passer au travers : si ça a raté un jour, il faut absolument
tourner la page et être capable dès le lendemain
d’oublier ce qui s’est passé », souligne M. Courcoux.

Le jour J arrivé, la production des plats, dans le cas d’une compétition culinaire, doit se faire selon une chorégraphie parfaitement orchestrée où le droit à l’erreur est grandement limité. La gestion du temps, l’efficacité des méthodes utilisées et le respect des règles d’hygiène
ont autant d’importance que le goût et la
présentation finale.

« Au moment de la formation, nous écrivons carrément un scénario de production minuté, raconte Olivier Courcoux. L’élève peut ainsi plus facilement se retrouver. Puis, nous le faisons pratiquer en pièces détachées. Il peut ainsi
passer plusieurs séances à faire strictement une seule chose, par exemple, souffler du sucre. Une fois diverses techniques maîtrisées, on les regroupe pour exécuter la préparation d’une seule traite. Le moindre geste est compté, y compris le temps nécessaire pour se déplacer
de la sorbetière au comptoir de préparation, etc. Au début, l’élève peut avoir besoin d’un certain temps pour y parvenir. Au fur et à mesure que la date de la compétition approche, il parvient à réduire son temps de travail, idéalement à s’exécuter en un peu moins de temps que la
période qui lui sera dévolue au concours. »

Elle a gagné ses épaulettes...
Chapeau !
C’est le moins que l’on puisse dire après avoir entendu Catherine Guillet parler de sa participation au Mondial
des Métiers 2005 à titre de représentante du Canada en pâtisserie-chocolaterie. « J’ai tout arrêté, y compris
mon emploi, pour m’entraîner intensivement à raison de cinq jours par semaine durant six mois. Ces journées-là
finissaient... quand le travail était fini ! », raconte celle qui a travaillé d’arrache-pied et qui a finalement
décroché la médaille d’argent au concours tenu à Helsinki, en Finlande. Ses cours se sont terminés en janvier, et le circuit des concours commençait quelques semaines plus tard. Les trois premières compétitions se succédaient à un mois d’intervalle ! Catherine Guillet se rappelle très clairement la fébrilité qui régnait sur les plateaux de la compétition finale, à Helsinki. « C’était une véritable course contre la montre. De plus, nous nous exécutions devant tout le monde afin de sensibiliser les jeunes du monde entier à la qualité de la formation professionnelle offerte dans notre pays. » La participante a bien sûr reçu, au retour, des propositions de divers employeurs, mais elle est restée fidèle à la chocolaterie qui avait accordé le précieux congé nécessaire à sa préparation. « Je dirais aux jeunes qui ont envie de participer à un tel concours de s’investir pleinement une fois leur décision prise. Il ne faut pas oublier que la personne choisie prend la place
de quelqu’un d’autre : elle ne peut donc pas faire les choses à moitié ! Par exemple, tout au long de l’entraînement, il faut se coucher pour être en forme le lendemain, même si les copains sont partis s’amuser. Il faut garder les deux pieds sur terre et se lancer pour vrai, se dire que c’est maintenant ou jamais ! Les "j’aurais donc dû " , ça ne vaut pas grand-chose une fois en compétition ! », lance sagement la lauréate.

La technique est aussi notée, et les attentes en matière de salubrité sont très codifiées : tout doit être ramassé et aseptisé au fur et à mesure. « Si la table du jeune est devenue un vrai bazar, il est cuit ! », avertit
M. Courcoux.

Dans certaines compétitions, la nature des épreuves est définie à l’avance. Dans un concours de pâtisserie, par exemple, on saura qu’il faudra produire cinq sortes de petits gâteaux de 4 à 5 centimètres, un entremets traditionnel et un entremets moderne, tout en utilisant au moins une fois du chocolat. Par contre, les concours internationaux comportent généralement une partie à l’aveugle, c’est-à-dire que les juges et les experts décident sur place de ce qui sera imposé aux concurrents. Ils pourront en outre imposer quelques ingrédients.

Ces contraintes techniques ne sont que la pointe de l’iceberg. S’ajoutent au défi du jeune participant la barrière des langues, le fait qu’il se retrouve
bien souvent hors de son pays pour la première fois, qu’il est bousculé dans ses habitudes alimentaires et de sommeil et que, par surcroît, il est maintenant laissé à lui-même. Relégués au rang de spectateurs, son formateur et son accompagnateur sont en effet à peine autorisés à lui adresser la parole quelques minutes par jour tout au long de la compétition.

Comble de pression, les installations culinaires ne sont pas toujours adéquates. Les participants expédient leurs malles à l’avance afin de disposer de l’équipement de leur choix, mais la compétition en tant que telle a généralement lieu dans un stade ou un autre grand bâtiment similaire aménagé pour l’occasion. Beaucoup se souviennent entre autres de cette compétition tenue il y quatre ans en Suisse, dans un stade dont le toit de verre créait une canicule artificielle, obligeant les concurrents à s’activer dans une véritable fournaise !

Et après...
Confiance en soi, confirmation de ses choix... les retombées de la participation à un tel concours sont immensément positives. « À cet âge, on se connaît plus ou moins bien. Les répercussions ne sont pas nécessairement quantifiables, mais je vois très bien que les jeunes ne
sont plus les mêmes après », avoue Olivier Courcoux.

D’un autre côté, certains jeunes sont un peu déboussolés de se retrouver devant une vie « normale » une fois de retour.
Après avoir été encadré, chouchouté et encouragé au quotidien ou presque - bref, après avoir vécu dans un monde à part durant 18 mois ou plus - le jeune doit bien souvent
relever le défi de se faire une place sur le marché du travail. Il a au moins alors l’assurance d’être bien outillé !

Ils viennent de partout !
La fierté de gagner est certes présente, et c’est ce qui prime au début. Mais petit à petit, celle de représenter sa région, sa province ou son pays confère un attrait additionnel à la démarche. Les jeunes Québécois ont de la chance de ce côté, car nous nous démarquons sur le marché international sur le plan de la gastronomie. Au fil des ans, nous finissons par identifier les adversaires
particulièrement doués, les nations contre lesquelles on se bat particulièrement, selon la discipline. Par leur régime politique, certains pays incitent d’ailleurs leurs représentants à livrer une bataille assez... féroce !

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