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Varier les sucres

 
29 juin 2023 | Par Sophie Poisson
Crédit photo: Le Croquembouche

Sucre glace, sucre blanc, sucre muscovado, sucre d’érable ou encore isomalt : le vaste éventail de sucres existants laisse encore de la place à la découverte du côté des clients. Quant aux restaurateurs, ils profitent de ce produit pour mettre de l’avant leurs valeurs d’entreprise et les monnayer.

Le sucre a de nombreux rôles. Sucrer : en plus d’ajouter une saveur, il rehausse le goût des autres ingrédients d’une recette. Colorer : le brunissement des produits est le résultat de la caramélisation et de la réaction de Maillard, qui ont lieu lorsque les sucres sont chauffés. Attendrir les masses : la grande quantité de sucre présente dans les gâteaux permet d’avoir une mie tendre et fondante en bouche (les sucres interagissent en effet avec la farine et freinent le développement du gluten). Aérer : lorsque le beurre est battu en crème avec un sucre granulé, le frottement des cristaux contre le gras aide à incorporer des bulles d’air qui sont libérées plus tard dans la pâte ; elles prennent alors de l’expansion et assurent une mie légère et aérée. Conserver : le sucre permet d’augmenter la durée de conservation en attirant et en retenant l’eau.

« Le sucre est l’un des ingrédients que l’on utilise le plus en pâtisserie, annonce d’emblée Mathilde Carrier, pâtissière à Croquembouche Pâtissier Traiteur, à Québec. Mais si on forme une population très gourmande, les clients aiment les desserts bien équilibrés, pas trop sucrés. »

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Pour créer une pâtisserie, le choix du sucre se fait en fonction de la recette et de l’intention de base. Le sucre glace est ainsi privilégié pour faire des glaçages, des éléments de décor et des macarons. Et si l’on veut mettre en valeur un produit de saison au printemps ou un produit local, le sucre d’érable est tout indiqué.

Pouvoir sucrant

« La part de la clientèle qui souhaite un substitut au sucre est tout aussi grande qu’avant, mais elle est plus consciente de ce qu’elle mange. Elle est aussi plus ouverte à poser des questions aujourd’hui », précise Mathilde Carrier. Parmi les options disponibles, on trouve l’isomalt, un édulcorant naturel deux fois moins calorique que le sucre blanc. La pâtissière estime que son intérêt est plus visuel que gustatif. Elle l’a d’ailleurs utilisé au Mondial des Arts Sucrés 2022 pour confectionner ses pièces en sucre, car il limite la reprise d’humidité : les pièces restent sèches et conservent plus longtemps leur éclat ainsi que leur tenue. En outre, il ne produit aucune couleur brune tant qu’il n’est pas chauffé à 392°F.

Il est aussi possible d’opter pour le sucre de coco, plus naturel, qui contient des vitamines et des minéraux, principalement du potassium, du zinc et du fer. Convenant aussi aux besoins des diabétiques, il est offert en version plus ou moins transparente, et son parfum peut être plus ou moins doux – comme dans le cas du sirop d’érable une fois décliné en sucre. « Chaque sucre est unique, se réjouit la pâtissière. C’est vraiment plaisant de voir la variété d’options offertes par un même produit ! »

Côté goût, Mathilde Carrier dit adorer le sucre muscovado, qui se distingue des autres sucres bruns par sa texture, son humidité et sa saveur prononcée de mélasse et de caramel. Elle l’utilise pour faire une glace « Muscovado et fève de tonka ». « Comme c’est un sucre que peu de gens connaissent, je trouve intéressant de l’indiquer dans le nom, explique-t-elle. Surtout que, dans la glace, il faut quand même un aspect sucrant, tant pour éviter qu’elle gèle trop que pour le goût. Alors, pourquoi ne pas remplacer le sucre de base et son goût très neutre ? La fève tonka, plus vanillée, fait en plus ressortir le goût du sucre muscovado. C’est sucré, mais léger en même temps… » La curiosité du client est ainsi piquée : sans en rajouter, le fait de décrire le produit utilisé engendre des ventes.

Payer pour des valeurs

« Le goût unique, l’aspect local et la faible empreinte environnementale du sucre d’érable sont les trois points à mettre de l’avant pour rejoindre le plus de clients possible », renchérit Gabriel Richard, directeur à La Griffe d’Érable de Saint-Wenceslas (Centre-du-Québec). Parallèlement, il reconnaît que le plus grand frein envers son produit, comme dans le cas du sucre muscovado, est le prix : « J’ai toujours considéré les produits d’érable comme étant de luxe. On fait du biologique et on est à peu près à 3 $ les 100 g. C’est pourquoi ce produit peut faire partie des ingrédients qui s’offrent en cadeau, mais ceux qui en ont les moyens peuvent très bien l’utiliser au quotidien. On promeut aussi l’idée de “Sucrer moins, mais sucrer mieux !” »

Le directeur a confiance en l’avenir, car l’industrie acéricole évolue : les techniques, les rendements et les volumes de production s’améliorent. « Avec les années, on pourra diminuer le coût de production, surtout du côté de la transformation. On ne réussira jamais à être au même prix que le sucre raffiné, mais on pourrait diminuer l’écart. » Il surenchérit quant à la part de marché à aller chercher, car nombre de clients ne connaissent pas encore le sucre d’érable. Il y a donc un travail de sensibilisation à faire, notamment de la part des producteurs qui, comme lui, vendent au détail. Soulignons aussi le travail de la Fédération des producteurs acéricoles du Québec, qui développe notamment des partenariats avec des restaurateurs comme Philippe Mollé. « Devant la vague d’achat local, il est important que les restaurateurs mettent la main à la pâte et prennent parfois le temps de mettre en évidence des produits comme celui-ci en lui donnant plus d’espace et de visibilité », ajoute Gabriel Richard.

En attendant, plusieurs substituts existent, comme les pépites de sucre d’érable issues du premier tamisage de sucre granulé d’érable, qui sont considérées comme un rejet. Certains producteurs font alors le choix de les vendre, mais à prix moindre. Le produit se heurte à un enjeu d’approvisionnement, car la quantité produite varie d’une production à l’autre. Autre possibilité choisie par certains producteurs : opter pour de plus petits formats de vente pour alléger aussi le prix. Pour sa part, Mathilde Carrier estime que la population est de plus en plus disposée à payer pour avoir de la qualité ; encore faut-il l’informer : « On utilise les produits d’érable d’un seul producteur et on fait de la publicité l’un pour l’autre. On met tant le produit que le producteur en valeur dans nos pâtisseries et en vendant certains de ses produits. Les clients aiment en connaître l’origine, et certains se rendent même ensuite à l’érablière ! »

Mots-clés: Québec (province)
Restauration

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