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Les guides et critiques gastronomiques en péril ?

 
20 octobre 2008

Les guides gastronomiques et les critiques de journaux ont fait l’objet de plusieurs débats lors du colloque Tourisme, gastronomie et médias. Tenu les 6 et 7 octobre derniers à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), dans le contexte des Entretiens Jacques-Cartier, l’événement avait pour but principal de tracer un portrait de l’effet que peuvent avoir les médias sur le tourisme. Des invités de marque tels que le directeur du Guide Michelin France et le président de Gault Millau étaient parmi les conférenciers.

L’intérêt des participants a rapidement glissé vers le rôle d’Internet dans la mort ou la survie des guides imprimés et des critiques de restaurants dans les journaux. La couverture des régions par les médias a aussi tenu une bonne place dans la rencontre.

Mais d’abord, c’est le sens même de l’expression « critique gastronomique » qui a retenu l’attention. Faisant partie d’une première table ronde de conférenciers, la journaliste Françoise Kayler s’en est prise à la conception étroite souvent associée au mot gastronomie. « Réduire la gastronomie à la cuisine et la cuisine aux recettes, c’est presque criminel, s’est exclamée l’ancienne critique du quotidien La Presse. La gastronomie, c’est tout ce qui tourne autour de l’estomac. » Mme Kayler a rappelé qu’au-delà de la cuisine, il y avait dans la gastronomie un volet alimentaire qui comprend notamment l’agrotourisme.

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Des catégories de restaurants sous-représentées

Le colloque a également permis à des restaurateurs et producteurs des régions de lancer un cri du cœur aux différents critiques dans la salle « Dans les régions, on est les derniers servis dans les guides », a déploré la chef Diane Tremblay, de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Ce à quoi Lesley Chesterman, critique de restaurants pour le quotidien montréalais The Gazette, a répondu : « À la Gazette, on n’a pas le droit d’accepter des voyages payés. Si on va en région pour faire une critique de restaurant, il faut revenir le soir même. Malheureusement, les journaux n’ont plus le budget pour payer des chambres d’hôtel. Si on veut rester pour la nuit, on doit défrayer la chambre de notre poche ». Mme Chesterman a par ailleurs indiqué aux restaurateurs des régions qu’elle ne demandait pas mieux que de recevoir de l’information à leur sujet.

Pour sa part, Françoise Kayler aurait aussi aimé visiter des restaurants en région à l’époque où elle était critique : « Quand j’étais à La Presse, on me disait “On ne sort pas de Montréal parce que nos clients sont là.” Ça, ça n’aide pas le tourisme ! » Selon Mme Kayler, il y aurait donc tout un travail de sensibilisation à faire auprès des patrons des grands journaux.

En plus des établissements régionaux, il est un autre type de restaurants qui tend à être délaissé par les critiques : ceux qui ne se classent pas dans le haut de gamme. C’est du moins ce qu’est venu affirmer Martin Gauthier, du Cabaret du roi et de l’Auberge du Dragon Rouge, de Montréal. M. Gauthier déplore que des restaurants qui servent pourtant des mets de qualité et qui connaissent un certain succès populaire soient le plus souvent ignorés de la critique.

Internet est-il en train de tuer les guides gastronomiques ?

Mais, pour que les guides puissent améliorer leur couverture des régions et des différents types de restaurants, encore faut-il qu’ils survivent à Internet. « Les guides sont morts. Ils ont été tués par les foodies qui font des blogues », a lancé Lesley Chesterman. La critique avance que les informations dans les guides se périment trop vite alors qu’il y a toujours de l’information fraîche sur Internet. « J’ai écrit mon dernier guide en 2004. Il y a déjà trente restaurants qui y apparaissent qui sont fermés. C’est encore en vente et j’ai honte », s’est exclamée Mme Chesterman, qui s’est aussi permis un petit aparté à l’intention des restaurateurs : « Sur 40 restaurants pas chers apparaissant dans le guide, seulement deux sont fermés. C’est là l’avenir de la restauration », a-t-elle assené.

En ce qui concerne les guides, Mme Chesterman a avoué que lors d’un récent voyage en Toscane, elle n’a même pas pensé en acheter pour planifier ses visites au restaurant. « Si je cherche un restaurant dans Google, je trouve des centaines de critiques. »

Mais il n’y a pas qu’Internet qui s’acharne sur les guides gastronomiques. Les coûts reliés à leur réalisation seraient si élevés que la rentabilité serait presque une utopie, selon André Gayot, président du célèbre guide Gault Millau. « Si on faisait de l’argent avec les guides gastronomiques, vous verriez qu’il y en aurait aux États-Unis ».

Or, ce qu’on trouve aux États-Unis est un tout autre type de guide, le Zagat Survey, réalisé par compilation de sondages faits auprès des consommateurs. Des intervenants présents au colloque ont vivement critiqué la publication et ses méthodes. Le Zagat Survey avait tenté de s’implanter à Montréal pour une première fois il y a quelques années mais avait échoué. « Les sondages avaient été distribués seulement en anglais », a expliqué Lesley Chesterman. Ce qui n’a pas empêché l’entreprise de récidiver et de lancer un petit guide qualifié de « catastrophe » par la critique de The Gazette, qui n’a pas caché son indignation face au classement donné par le guide. Selon Mme Chesterman, le bar laitier Le Bilboquet se classait premier, Fairmount Bagel en second, et Toqué !... en 4e place.

Internet au service du guide gastronomique

Au contraire de Lesley Chesterman, le rédacteur en chef de l’hebdomadaire Voir Montréal et du Guide Restos Voir, Christian Bergeron, considère Internet comme un complément au guide. Auparavant, les acheteurs du guide imprimé étaient les seuls à pouvoir consulter le guide sur Internet. Toutefois, voulant élargir leur auditoire, les dirigeants de Voir ont décidé récemment de rendre accessibles à tous cette section du site. Bien qu’ils n’aient pas encore pu évaluer le bien-fondé de cette décision, le constat en général avec les différentes publications de Voir est celui-ci, selon Christian Bergeron : « Plus on fait de Web, plus la distribution grandit. »

Quel est l’effet des médias sur le tourisme ?

La question principale abordée lors du colloque, soit l’effet des médias sur le tourisme, est restée pratiquement sans réponse. On n’a pu que coller des fragments d’expériences des divers intervenants. Les critiques de journaux ont mentionné qu’ils avaient connaissance qu’une critique favorable pouvait avoir un effet de une à trois semaines dans un établissement.

L’un des exemples les plus forts de l’influence des médias sur le tourisme a été donné par Charles Lapointe, de Tourisme Montréal : « Une édition spéciale de la revue américaine Gourmet avait été faite sur Montréal en 2006. Deux ans plus tard, les restaurateurs me disent encore qu’il y a des clients qui viennent à Montréal avec leur copie de la revue. »

À propos des Entretiens Jacques-Cartier

Les Entretiens Jacques-Cartier célèbrent annuellement les liens entre la France et le Québec, et plus particulièrement entre Lyon et Montréal. Ils permettent à des centaines de chercheurs, mais aussi d’artistes, de gens d’affaires et de décideurs des deux côtés de l’Atlantique de partager leurs expériences et, parfois, de lancer des projets communs. Les EJC, qui ont eu lieu au Québec cette année, proposaient 22 colloques.

Mots-clés: 06 Montréal
Restauration

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