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SERVICES D’HÉBERGEMENT ET DE RESTAURATION (SECTEUR 72)

Qu’est-ce qui est vendu (et acheté) dans un restaurant ?

 
20 novembre 2010 | Par Christian Latour | Chasseur de connaissances | Mérici Collégial Privé

QU’EST-CE QUI EST VENDU (ACHETÉ) DANS UN RESTAURANT ?

« Je peux me tromper, mais il me semble que dès qu’on s’arrête pour y réfléchir un peu, la question se pose de savoir ce qui est vendu (et acheté) dans un restaurant ou un bar, en réalité. »

La réponse des Frères Holder

« D’abord, il faut dire que généralement, dans nos sociétés, les gens achètent avant tout une expérience complexe et non pas simplement un objet utilitaire qui réponde à un besoin étroitement défini. Il y a des exceptions – un médicament, du lait, du riz, etc. Mais dès qu’on s’éloigne du strict nécessaire, l’aspect pratique se combine avec beaucoup d’autres dimensions : qu’on pense à des chaussures Nike, à un véhicule de type VUS ou à pratiquement n’importe quel objet de consommation, il est clair que c’est une perception de soi-même que recherche le consommateur.

À la base, un bar ou un restaurant sont des espaces caractérisés par des activités propices aux rencontres ou aux échanges : prendre un verre, manger, écouter de la musique, danser, jouer au billard, etc. Sinon, comment expliquer que quelqu’un soit prêt à payer quatre dollars et demi une bière qui se vend un dollar et vingt-cinq à l’épicerie, ou encore dix-sept dollars un steak qui en coûterait cinq à la boucherie ? Dans le type de commerce que nous exploitons, l’expérience est centrée avant tout sur une dimension sociale de rencontre, d’échange. Dans la majorité des cas, on n’entre pas dans un bistro comme le Holder, par exemple, ou le Cube uniquement parce qu’on a faim et qu’on veut manger. On vient s’asseoir avec d’autres devant une bouteille de vin pour partager un moment.

Or manger et boire sont, dans beaucoup de cultures, une occasion de partage accepté et d’intimité relativement plus grande que dans d’autres situations de la vie courante. Parler et rire ensemble peut alors devenir un rituel qui permet de sortir des relations convenues du milieu de travail, par exemple. Si je vais dîner avec un collègue, je m’attends à ressortir de là en en sachant un peu plus sur lui que si je n’avais fait que le côtoyer dans les couloirs ou les salles de réunion du bureau. Il va de soi que l’alcool joue un rôle certain dans ce phénomène de rapprochement.

L’être humain est toujours à la recherche d’un rapprochement avec son semblable, mais on n’invite pas nécessairement un collègue, et encore moins un inconnu, à dîner chez soi. Le restaurant ou le bar constituent un terrain neutre permettant un certain laisser-aller et une certaine ouverture à l’inconnu – sans danger. L’aspect sécurité est particulièrement important pour une femme, qui peut souhaiter un contexte favorable à des rencontres sans se retrouver dans des situations désagréables. Il y a donc une combinaison importante de connu et d’inconnu. Aller dans un bar avec des amis, c’est la donnée connue de la sortie. Mais la fille au bout du bar, ou le voisin qui m’adresse la parole, c’est la donnée inconnue, qui est perçue comme pouvant, dans un petit nombre de cas, déboucher sur une amitié ou une relation amoureuse.

Par conséquent, la clientèle recherche un espace bien défini, offrant à la fois une certaine impression de sécurité et une possibilité relativement grande et ouverte d’interaction avec d’autres personnes, dans une atmosphère et un contexte vécus comme favorables à l’établissement d’une proximité librement choisie. Ce que nous vendons, c’est un contexte social contrôlé, reposant sur un produit ou une activité (manger, boire, danser) qui n’est, au fond, qu’une occasion ou un prétexte de rencontre. Ça explique pourquoi le client déplie bien d’avantage son portefeuille que ne le justifierait, à elles seules, la faim ou la soif. Il achète un moment de loisir, de divertissement. Il n’a pas besoin de faire d’effort ni de travailler : il n’a qu’à commander, il est servi.

Ainsi lorsque nous concevons un projet, nous assemblons un certain nombre de composantes, divers ingrédients complémentaires, qui doivent se combiner afin de contribuer à créer un cadre approprié pour ce type d’expérience sociale. Parce qu’en fin de compte chaque lieu que nous créons vend une sorte de climat, d’ambiance. En apparence, tout cela repose principalement sur un produit quelconque.

Dans un restaurant, c’est la nourriture, qui est peut-être l’occasion d’une expérience mais qui est aussi une réalité bien concrète, et il faut que nous fournissions ce produit de manière à répondre le mieux possible aux attentes du client.

Par contre, au-delà de quelques critères objectifs comme la qualité de la nourriture, il est difficile de prévoir comment tout cela se déroule véritablement et comment les différents facteurs s’associent pour créer l’expérience qui en résulte. Nous privilégions un certain confort, une certaine sobriété. Nous nous efforçons d’offrir un bon service. Nous mettons beaucoup de soin et d’énergie pour traiter le client d’une manière à la fois respectueuse, agréable et efficace, parce que cela répond à un besoin normal d’être reconnu, de se sentir considéré, d’être bien traité, et que c’est souvent un facteur clé du succès.

On doit songer aussi au décor, qui est extrêmement important : dans ce domaine, nous espérons que ce qui nous fascine et nous allume plaira et attirera bon nombre d’autres personnes. Le décor peut avoir n’importe quel aspect, son rôle sera toujours déterminant. Bref, nous essayons de mélanger harmonieusement plusieurs ingrédients de bonne qualité. Si nous ouvrons un bar, nous essayons d’avoir le meilleur disque-jockey et la meilleure musique, un système de son et un éclairage qui impressionnent, etc. Notre but est de créer un cadre qui suscite la sensation de participer à un événement, et qui en marque clairement la nature.

C’est ainsi que, dans la mesure où tout le monde y croit, un lieu peut avoir une magie qui devient véritable même s’il y entre une part d’illusion. Ce n’est qu’une hypothèse, mais disons que tout le monde se bat contre la morbidité de l’ordinaire, contre la médiocrité, contre le vieillissement, et le fait en jouant un rôle, en vivant dans une monde à moitié imaginaire, en se créant une expérience collective où l’on se sent un peu sous les feux de la rampe. Pour un instant, c’est comme une petite fête où les lumières brillent sur soi. Les clients partagent la scène du bar ou du restaurant et tout se passe comme s’ils se disaient les uns aux autres : tant que ça ne va pas trop loin, si tu me laisses jouer ma petite comédie je vais te laisser jouer la tienne et dans une certaine mesure nous allons y croire tous ensemble.

On a tous besoin de jouer, de se créer une expérience, une image de nous-mêmes qui nous montre sous notre meilleur jour. Ce n’est pas vrai seulement dans nos établissements. Dans les entreprises, les bureaux des patrons sont plus grands et plus luxueux que ceux de leurs subordonnés et toute cette hiérarchie est une sorte de théâtre social. Même chose pour les VUS : la dame avec ses bijoux dans un Land Rover de cent vingt mille dollars, ça a aussi quelque chose d’irréel… En ce sens, tout n’est qu’image, En un autre sens tout est réel : chaque jour il faut réellement manger ; les rencontres qui se produisent sont de vraies rencontres…

Une chose est sûre, les gens ne viennent pas chercher au restaurant simplement ce qu’il y a dans leur assiette. Le client vient aussi marquer son appartenance à un cercle social, un milieu qui lui convient et qui, d’une certaine façon, lui ressemble – ou du moins ressemble à l’image de lui-même qu’il aimerait projeter. »

Référence : Vacher Laurent-Michel, Bars, cafés, restos Scènes de la vie urbaine, Entretiens avec les Frères Holder, Liber, Montréal, 2005.

CE QU’IL FAUT RETENIR

Vous devez offrir à chaque client une expérience sensorielle complète

La restauration moderne doit se construire en prenant comme ultime fondement la satisfaction de tous les sens. Plus une expérience implique de sens, plus elle marque celui qui la vit.

Les gens vont au restaurant pour satisfaire des besoins :

Besoin de se nourrir

Les gens au restaurant pour se restaurer, c’est-à-dire pour manger et boire.

Besoin de sécurité

Ils recherchent, lors de leur visite au restaurant, un environnement sécuritaire à tous points de vue.

Besoin d’appartenance

Au lieu de manger à la maison, les gens décident de sortir manger dans un endroit public afin de satisfaire leur besoin de socialisation.

Besoin d’estime

Le restaurant est également un espace de consommation qui sert à satisfaire le besoin d’estime de soi qui permet de se réaliser, de se valoriser à ses yeux et à ceux des autres.

Besoin d’apprentissage et besoin d’esthétique

Les restaurants ont joué historiquement un rôle important pour ce qui est de l’apprentissage de la gastronomie, de la découverte des vins et d’autres boissons, de la découverte des arts de la table, etc. Les gens vont donc au restaurant dans le but d’apprendre tout en satisfaisant leur besoin d’esthétique.

D’après Abraham Maslow, nous avons tous un besoin naturel d’esthétique. Notre besoin de voir du beau est un besoin existentiel. Dès que nos besoins primaires sont satisfaits, nous commençons notre « quête » du beau.

Ils sont à la recherche de l’aventure fantastique en toute sécurité

L’aventure fantastique répond à ce besoin, que nous avons tous, de vivre de nouvelles expériences. Les gens ont envie de vivre des expériences qui leur donneront l’illusion d’une vie de rêve. Ils veulent du sensationnel ! L’aventure fantastique est une escapade, une évasion par l’entremise de ce que l’on consomme.

La force de cette tendance vient du fait que l’on donne au consommateur la possibilité de prendre des risques, sans qu’il y en ait vraiment. Les gens demandent simplement à être transportés sans risque en dehors de leur vie de tous les jours.

Ils veulent faire parti d’un « clan »

En pratique, ça veut tout simplement dire : « qui se ressemble s’assemble ». Les gens ont tendance à fréquenter des restaurants où ils rencontrent des clients qui leur ressemblent ou avec lesquels ils veulent être associés. Il est donc important de vous interroger pour savoir avec qui vous avez envie de faire des affaires. Cette réflexion est d’une importance capitale pour la réussite de votre entreprise.

Chacun revendique son droit à l’ « égonomie »

Tout le monde consciemment ou non, recherche l’attention et la reconnaissance. Nous devons donc définitivement apprendre à composer avec cette réalité et nous empresser de mettre l’accent sur la reconnaissance des individus. Vous devez entretenir dans votre établissement le culte du « je » et faire du sur mesure personnalisé. « Je » veux un plat sur mesure ; « Je » ne veux pas être un numéro ; « je » exige un service personnalisé.

N’oubliez pas que pour vos clients, ce qui compte le plus, c’est le « je ».
Nous pouvons facilement prévoir qu’à l’avenir, les restaurateurs qui feront en sorte que chaque client fréquentant leur établissement se sente unique, auront beaucoup plus de succès. Le principe est logique et très simple à comprendre. Je suis toujours surpris d’entendre un restaurateur dire que les clients sont de plus en plus infidèles. Je crois qu’en fait, les clients sont très fidèles aux restaurateurs qui leur témoignent de l’attention. La fidélité envers vos clients appelle la fidélité de vos clients envers votre établissement.

Les clients ne veulent pas juste être des spectateurs comblés... ils veulent (sans nécessairement le dire), être considérés comme - LE ROI/LA REINE de la place.

Références : Pourquoi les gens fréquentent-ils votre restaurant ? et Ce que vous devez savoir concernant la majorité des consommateurs.


MÉDIAGRAPHIE

Manuel de gestion-réflexion / Christian Latour


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