Vers des terrasses à l’année
De plus en plus d’entrepreneurs innovent et prolongent l’accès à leur terrasse une fois l’été passé - et encore plus en ces temps de pandémie. « On savait qu’il y allait avoir beaucoup de défis et on a eu beaucoup de " bonne chance ", raconte Mathieu Villeneuve, propriétaire du bar de quartier Le Sacrilège, à Québec. Avec la COVID-19 qui a beaucoup touché nos établissements, ça nous a motivés à agrandir l’espace disponible en hiver et à attirer plus de monde avec un projet exceptionnel. » Située dans une cour intérieure de la rue Saint-Jean, sa terrasse était préalablement ouverte de mai à octobre, ajoutant 100 places assises aux 90 disponibles en intérieur. Depuis l’automne dernier et jusqu’au printemps, elle reste ouverte avec 30 places.
« On ne voulait pas toucher aux arbres de notre terrasse qui lui donnent sa beauté l’été [bien qu’ils restreignent la capacité de la terrasse couverte en hiver]. On ne voulait pas se limiter non plus à un abri Tempo avec des toiles et des chaufferettes. Il fallait que ce soit dans le même thème que Le Sacrilège, avec un projet architectural assez unique, appelé Jardin d’hiver », explique le propriétaire.
Il a ainsi fait appel à Boon Architecture qui, en collaboration avec Atelier Mock/up et Cas Par Cas, a utilisé des solutions techniques issues de l’univers maritime - pour la toile notamment - et des technologies de fabrication numérique - entre autres pour concevoir la structure en bois, en forme de voûte. Le projet, qui a été réalisé avec un an de retard à cause de la pandémie, rappelle l’aspect d’une maison longue, telle que celles construites par les Hurons-Wendats il y a plusieurs siècles.
Quatre jours ont été nécessaires pour cette première installation, un temps qui devrait être réduit de moitié à l’avenir grâce à la conception d’un guide numérique qui reprend toutes les étapes du montage. À l’intérieur, deux chauffe-terrasses sont installés et 12 ampoules de 360 W chauffent les banquettes et l’air ambiant, dont la température avoisine 22°C. « On est allé chercher des partenaires financiers pour nous aider, précise Mathieu Villeneuve. On avait une enveloppe budgétaire de 60 000 $ pour les architectes et elle a été respectée. Pour nous, le projet est déjà rentable : on a beaucoup de gens qui n’étaient pas nécessairement des clients mais qui viennent pour voir la terrasse. »
L’avenir pour la restauration
Le Sacrilège, qui n’offre pas de menu repas, promeut son Jardin d’hiver en s’associant avec les restaurants du quartier - Bols et Poké, Pow ! Ramen, Le Projet, Nina Pizza et Attaboy Pizza -, dont la nourriture peut être apportée sur place. Les clients profitent en plus d’une réduction de 15 % sur la première consommation au bar. « Ce que j’ai fait au Sacrilège, c’est le genre de projet que je ferai dans tous les établissements pour aller chercher l’espace qui n’est pas utilisé en hiver. Je pense que c’est un peu l’avenir pour la restauration : on ne peut pas juste manger et boire un verre, c’est de plus en plus concentré sur l’expérience et le lieu ! »
Un plancher chauffant pourrait faire partie des ajouts l’an prochain, notamment pour garder les pieds des clients au chaud ainsi que pour faire fondre la neige et devancer la terrasse estivale. La terrasse d’été pourrait aussi fusionner avec celle d’hiver pour supprimer les coûts d’installation et par la même occasion améliorer le concept estival.
Crédits photos : Maryse Béland (pour la première photo) et Les Festifs (pour les deux dernières photos)
Une nouvelle expérience à chaque saison
Au Vieux-Port de Montréal, la Terrasse William Gray, située sur le toit de l’hôtel qui porte le même nom, est depuis son ouverture il y a 4 ans accessible aux clients d’avril à fin octobre. « Les terrasses dans la métropole sont extrêmement populaires : comme l’hiver peut être rude, les résidents veulent profiter le plus longtemps possible de l’extérieur, explique le chef marketing Alexandre Cossette. Ça nous apporte des clients qui veulent profiter des couleurs [avec une vue depuis le 8e étage], surtout qu’il n’y a pas cette offre ailleurs à Montréal. Ça permet aussi de recevoir à nouveau ceux qui sont venus en été et qui veulent vivre une deuxième expérience. »
Vitrée, la terrasse est protégée du vent et avec une toiture rétractable, s’adaptant ainsi à la météo. Des systèmes de chauffage permettent en plus d’assurer une température d’environ 22°C. L’arrivée de la neige marque toutefois la fermeture de la terrasse. « La toiture ne résisterait pas au poids de la neige et si on trouvait une façon de déneiger, de l’eau entrerait quand même à l’intérieur lors de la fonte des neiges, en plus du gel et dégel qui ne sont pas bons pour le mécanisme », fait savoir le chef marketing.
Un menu dédié
La terrasse d’automne de 120 places offre aux clients un menu dédié - crème de panais et poire avec noix de pignon rôties et huiles aux herbes, ou encore suprême de pintade avec légumes rôtis, purée de pomme fumée et sauce foie gras. Côté boisson, on retrouve entre autres le Apple Trace, composé de bourbon, purée de pomme, sirop de romarin, gingembre, cannelle, clou de girofle et vin rouge. ainsi que le Hennymel à base de cognac, sirop de caramel, bitters gingembre, mousseux et soda.
La mairesse de Montréal Valérie Plante a évoqué en période électorale trois projets-pilotes de terrasses chauffées prévus pour l’hiver 2022 : à Ville-Marie avec le Quartier latin, entre Maisonneuve et Ontario, ainsi que sur la rue Sainte-Catherine devant le Complexe Desjardins, pour tester tant le domaine privé que public, puis sur le Plateau-Mont-Royal. Son intention serait d’étendre l’offre à tous les arrondissements qui le souhaitent d’ici l’automne 2022. « C’est très intéressant, commente Alexandre Cossette. Le Vieux-Montréal regorge d’activités en hiver ; si les restaurants peuvent en faire partie avec des terrasses chauffées, ce n’est que gagnant pour tout le monde ! »
Crédits photos : Terrasse William Gray (pour les deux premières photos) et Hôtel William Gray (pour la dernière photo)