Vente de plats maison : Une concurrence déloyale aux restos ?
Pâtisseries, nourriture asiatique, mets antillais ou sud-américains : les offres de plats cuisinés par des particuliers pullulent, par exemple sur le site de petites annonces en ligne Kijiji. Alors que l’offre de cuisine maison connaît un essor sur le web, des professionnels de la restauration réclament un meilleur encadrement de cette pratique. « Comment un restaurateur qui est un professionnel de l’industrie peut-il se faire carrément harceler autant par le MAPAQ [ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec], alors que de l’autre côté il y a plein de micro-cuisines qui poussent sans aucune réglementation ? », se demande le restaurateur Vianney Godbout (Chasse-Galerie, Maisonnette, Mignonette).
Le 21 janvier dernier, le chef montréalais soulignait dans une publication sur Instagram que « la majorité de ces gens n’ont pas de permis MAPAQ, ne paient pas de taxes d’affaires et n’ont pas le même fardeau financier que les restaurateurs qui vivent présentement une crise sans précédent et n’ont presque pas de ressources afin de tenir le coup ».
« Restauration clandestine »
L’Association Restauration Québec (ARQ) ne dispose pas de données sur l’ampleur du phénomène, mais son vice-président aux affaires publiques et gouvernementales, François Meunier, rappelle que la vente de nourriture cuisinée à la maison sans permis est illégale. Il attend d’ailleurs du MAPAQ qu’il assure une vérification : « Si le phénomène est en développement, on n’hésitera pas à en arriver là. On considère que c’est de la restauration clandestine, de la concurrence déloyale ».
Le MAPAQ stipule pour sa part que si la vente d’aliments préparés à partir d’une cuisine domestique est permise, les particuliers doivent se conformer à certaines exigences. Ainsi, la vente en gros est notamment interdite et celle au détail ne doit pas dépasser 100 kilos par mois. Les particuliers doivent également détenir un permis du MAPAQ et avoir complété une formation en hygiène et salubrité. Enfin, le ministère souligne que les contrevenants s’exposent à des amendes variant entre 2 000 et 15 000 dollars. En cas de récidives, un montant maximal de 45 000 dollars est prévu pour ceux qui opèrent sans permis, en vertu de la Loi sur les produits alimentaires.
Une réglementation uniforme et allégée
Pour Vianney Godbout, sa publication sur les réseaux sociaux était surtout destinée au MAPAQ, à qui il réclame un allégement et une uniformisation des permis et responsabilités pour les acteurs de l’industrie. « On en arrive un peu au débat Uber versus taxis. Mais là, il s’agit de la santé des gens », note-t-il. Si le chef refuse de parler de concurrence déloyale, il estime cependant que les règlements auxquels sont assujettis les professionnels de la restauration devraient être assouplis. « Il faut trouver un juste milieu. Je ne veux pas empêcher les cuisiniers maison de travailler, mais il va falloir que les responsabilités se rapprochent un peu d’un côté comme de l’autre. » Vianney Godbout ajoute néanmoins éprouver de l’empathie pour certains cuisiniers qui, faute d’avoir pu garder leur emploi en raison de la pandémie, se tournent vers l’offre à domicile.
De son côté, François Meunier affirme que des amendements ont déjà été effectués par la Régie des alcools, et que le MAPAQ travaille à réviser sa réglementation. À l’instar de Vianney Godbout, il réclame une uniformisation des pratiques. « On a fait pression auprès du MAPAQ pour que ces gens-là soient surveillés de près. Sur Kijiji, on voit des “M. Untel vend son pâté chinois” ; si les gens trouvent ces annonces, ils peuvent les dénoncer au MAPAQ », indique-t-il. Le vice-président de l’ARQ rappelle que des plateformes d’alimentation collaboratives comme Cuisine Voisine, incapables de se conformer aux réglementations en vigueur au Québec, ont désormais disparu.
(Crédit photo : Unsplash / Conscious Design)