Depuis les années 1990, notre société tolère de moins en moins les personnes en état d’ébriété, autant dans les lieux publics que sur les routes. En 2003, 236 personnes sont décédées des suites d’un accident de la route alors que la consommation d’alcool était en cause, soit une augmentation de 8 % par rapport aux deux années précédentes. En 2002, le tiers des personnes décédées sortaient d’établissements licenciés. Des incidents malheureux ont également lieu à l’intérieur même de ces établissements.
La Loi sur les infractions en matière de boissons alcooliques (LIMBA) est pourtant claire et précise. À l’article 109, elle stipule : « Vous devez refuser de vendre des boissons alcooliques à une personne en état d’ébriété. » Malheureusement, cette loi ne s’exerce trop souvent qu’après qu’il y ait eu accident ou mort. Les parents des victimes poursuivent les propriétaires en justice. Les peines encourues par le détenteur du permis sont multiples : elles peuvent aller de dommages-intérêts de plusieurs milliers de dollars jusqu’à la fermeture de l’établissement. La question qu’on se pose alors est la suivante : comment faire pour connaître le niveau d’intoxication de la personne ? Deux indicateurs peuvent y aider : premièrement, le comportement du client et, deuxièmement, le nombre de consommations qu’on lui a servies.
Les employés peuvent faire la différence. Habituer le personnel à évaluer le comportement du client est un très bon moyen d’agir. Vous seriez étonné de voir à quel point les employés peuvent, par l’observation du comportement du client, jauger son niveau d’intoxication. Le tableau de la page 26 montre trois stades de comportement et d’intervention.
Les employés savent qu’un client au premier stade nécessite peu d’intervention. Par contre, c’est au deuxième stade qu’il faut intervenir, avant que le client ne soit ivre. Après, il est trop tard. On peut, lors du second stade, ralentir la consommation, vendre au client d’autres types de boissons et vérifier s’il conduit un véhicule. Un client ivre n’est pas rentable pour un établissement. Non seulement la LIMBA vous défend-elle de le servir, mais il arrive régulièrement que ce dernier parle fort et dérange ses voisins. De plus, un client ivre sur les routes risque de perdre son permis de conduire pour un an s’il est intercepté. Par conséquent, en cessant de lui servir des boissons alcoolisées, vous lui rendez sûrement un immense service.
Un autre moyen de servir le client sans qu’il atteigne l’état d’ébriété consiste à se souvenir du nombre de consommations qu’il a absorbées, en se rappelant qu’on élimine environ une consommation à l’heure. Par ailleurs, il se peut qu’un employé hésite entre augmenter ses ventes et arrêter de servir un client. Il importe alors de lui rappeler que servir un client que l’on soupçonne d’être en état d’ébriété peut mener, entre autres, à la fermeture de l’établissement. Il va de soi qu’il n’est jamais agréable de dire à un client qu’on ne peut plus lui servir d’alcool. Donc, si un employé vient dire à son patron qu’un de ses clients a trop consommé, ce dernier devrait l’appuyer.
Parfois, on ne connaît pas exactement le taux d’intoxication du client. En cas de doute, il importe de lui demander ses clés et de lui suggérer de prendre un taxi pour rentrer. Aujourd’hui, il est fréquent dans les grandes villes de demander un taxi avec deux conducteurs. Le deuxième conducteur ramène le client à destination dans sa voiture. Il existe aussi des entreprises de raccompagnement comme Opération Nez Rouge. Toutefois, lors de situations extrêmes, il est préférable d’appeler la police.
Certains d’entre vous avez déjà pris le virage du service responsable de boissons alcooliques en offrant, par exemple, des boissons à faible teneur en alcool, comme la bière à 0,05 % d’alcool, ou encore en proposant des cocktails sans alcool. Le jus de canneberges étant à la mode, pourquoi ne pas en profiter pour créer un cocktail sans alcool en lui donnant un nom accrocheur ? De cette manière, le client qui ne boit pas ne se sentira pas exclu du groupe. Ne soyez pas surpris si jamais un client vous demande un « virgin screwdriver ». Vous aurez deviné qu’il s’agit d’un simple... jus d’orange.
Dans vos pratiques quotidiennes, il est important de ne pas servir plus d’une consommation à la fois et d’éviter que les cocktails sans alcool soient aussi chers qu’une bière ou un verre de vin. Le client n’est pas dupe.
Les propriétaires de bars, de brasseries et de restaurants ont aussi la possibilité de suivre, avec leurs employés, le cours Action Service. Ce cours est l’équivalent de « Smart Serve », une formation obligatoire en Ontario pour toute personne servant de l’alcool. Le cours Action Service a été mis sur pied il y a déjà une dizaine d’années et les principaux acteurs en sont la Ligue de sécurité du Québec, Éduc’alcool et l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec (ITHQ), ce dernier étant mandaté pour offrir le cours partout au Québec. Cette formation, d’une durée de quatre heures, met l’accent, notamment, sur les responsabilités légales, sur les lois qui appuient les employés et les propriétaires ainsi que sur les méthodes à privilégier lorsqu’on cesse le service d’alcool.
À titre d’exemple, le directeur général du Royal Ottawa Golf Club, de Gatineau, M. Richard Signoretti, s’est assuré que ses employés aient suivi le cours Action Service. En plus, afin de mieux les soutenir, il a établi une politique maison qui spécifie que le serveur a le droit et le devoir d’arrêter de servir un client lorsqu’il juge que la situation l’exige. Cette politique maison a été envoyée à tous les membres du club et est affichée dans les vestiaires.
En résumé, il importe de pouvoir distinguer les comportements des clients, d’avoir une politique maison et de soutenir les employés dans les cas difficiles. Si on ne se conforme pas à cette ligne de conduite, on risque des sanctions qui peuvent aller jusqu’à la fermeture de l’établissement. Ne l’oubliez pas !