Un chef québécois vient en aide aux victimes de l’ouragan Béryl en Jamaïque
Le chef Mathieu Masson Duceppe s’est joint depuis une semaine à l’équipe de l’organisme World Central Kitchen, qui nourrit ceux qui ont tout perdu en Jamaïque.
Après 17 ans de travail dans des cuisines de restaurants, et son succès incontestable à la tête du Jellyfish crudo charbon et du Pubjelly à Montréal, dont il était copropriétaire, le chef Mathieu Masson Duceppe a fait, il y a trois mois, un acte de foi en quittant sa vie canadienne confortable pour repartir à zéro en Jamaïque.
« Même si j’étais très occupé, j’avais l’impression de ne plus avancer, il me fallait un nouveau challenge, raconte-t-il au téléphone. Alors, comme je me rendais presque chaque mois, depuis quatre ans, en Jamaïque pour des mandats, j’ai décidé de tout quitter et de m’installer à Kingston pour lancer une petite entreprise de consultation culinaire et de traiteur, ChefMD Ltd. »
Évidemment, Mathieu Masson Duceppe a, comme tous les Jamaïcains, été confronté à l’ouragan de catégorie 5 Béryl le 3 juillet dernier. Sa ville n’a pas été dévastée, mais d’autres zones du pays n’ont pas eu cette chance. « Et le degré de préparation à ces phénomènes diffère beaucoup d’une personne à l’autre, ajoute-t-il. La moitié des gens vide les épiceries et s’encabane pour une semaine, et l’autre moitié continue ses activités comme si de rien n’était. »
Redonner à la communauté
Les chefs qui embrassent une mission sociale sont nombreux, mais certains projets sont particulièrement iconiques. On peut penser aux refettorios du chef Massimo Bottura, à nos Cuisines Solidaires menées par La Tablée des Chefs, ou encore à l’ONG World Central Kitchen, fondée en 2010 par le chef José Andrés.
Cette organisation à but non lucratif fournit des repas aux populations victimes de catastrophes naturelles et trouve des solutions pérennes pour qu’elles puissent redevenir autonomes sur le plan alimentaire. La World Central Kitchen a été au rendez-vous de plusieurs drames – ouragans, tremblements de terre, inondations, zones de guerre, etc à travers le monde. Et elle a répondu présent lorsque Béryl s’est abattu sur la Jamaïque.
« Quand on m’a appelé pour intégrer l’équipe de chefs qui vient en aide aux Jamaïcains les plus touchés, j’ai tout de suite accepté » relate Mathieu Masson Duceppe, avant d’expliquer son rôle : « une fois les besoins alimentaires des zones dévastées identifiés, et une aide de première ligne rendue (distribution de sandwichs et d’eau potable), nous avons pour mandat de trouver des restaurants partenaires capables de produire des centaines de repas quotidiens, qu’on leur achète et qu’on redistribue. Parallèlement, nous montons aussi des cuisines sociales. Pour y arriver, nous trouvons très vite des structures que nous équipons de génératrices et d’équipements de cuisine, des cuisiniers pour y travailler, et des fournisseurs pour acheter tous les ingrédients nécessaires. Enfin, en cas de besoins spécifiques, nous contribuons nous aussi à la production des repas. »
Le chef avoue que rien n’est jamais évident en Jamaïque, où la violence et la pauvreté côtoient la richesse et les universités prestigieuses. Mais il ne voudrait se trouver nulle part ailleurs en ce moment.
« Avoir du talent, ce n’est pas juste le montrer aux autres, c’est aussi savoir le partager, redonner aux autres, soutient-il. Je sais qu’ici, mon aide a un impact concret, immédiat. J’ignore combien de temps, quelques semaines ou quelques mois, ce mandat durera. Mais j’ai envie de m’engager, et j’aime ce pays qui me pousse à me redécouvrir, en m’apprenant par exemple à faire preuve de plus de patience et de laisser-aller. Humainement, c’est une expérience incroyable. » Chapeau bas, Chef.