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Point de vue

Des tendances qui pavent la voie du changement

 
21 novembre 2022 | Par Robert Dion

Depuis 25 ans, je propose chaque année mes tendances et observations concernant l’année à venir. Et je me plais à faire valoir mes prédictions lorsqu’elles se concrétisent !

Plus que jamais, à la lumière de ce que l’on s’attend à voir dans les prochaines années, il faut commencer à repenser complètement nos modèles et nos méthodes opérationnelles et à nous poser plus de questions. Un exemple ? Un hôtel qui a des téléphones dans toutes les chambres devra évaluer leur utilité et revoir l’ensemble des moyens de communication au sein de son établissement.

Dans cet ordre d’idées, j’annonce la fin des restaurants comme on les connaît ! Ce ne seront plus des restaurants, mais des lieux d’alimentation qui proposeront plusieurs types de services : livraison, plats à emporter et plus encore. Comme les épiceries, nous allons devoir soigner notre polyvalence et ne pas nous limiter dans nos offres. Naguère le pôle central des ventes, les salles à manger rétrécissent pour mieux se réinventer. C’est la même chose en hôtellerie et du côté des services alimentaires : on ne peut plus s’en tenir à louer des chambres ou à faire à manger à des gens. Il faut proposer une expérience aux clients, tout en étant des spécialistes multidisciplinaires.

Plus rien ne sera comme avant. Nous allons pourtant continuer de manger et de dormir. C’est pourquoi il y aura toujours autant d’ouvertures de restaurants et de constructions d’hôtels. Ce n’est pas la mission qui va changer, mais sa présentation.

Joyeuses Fêtes, et donnons-nous rendez-vous en 2023 !

Robert Dion, éditeur
[email protected]

 
 
Point de vue

Tendances 2023 : Cadrer ses objectifs

 
21 novembre 2022 | Par Sophie Poisson

Les acteurs de l’hôtellerie, de la restauration et des institutions viennent de passer à travers deux années de pandémie. Qu’empêche : les tendances du HRImag 2023 permettent déjà d’avoir un regard sur l’année à venir et de s’outiller pour performer au mieux !

H
«  2023 ne sera pas une année de grands bouleversements. Je pense qu’on va essayer de consolider ce qu’on a réussi à faire dans les deux dernières années et de prendre le temps de réfléchir pour, peut-être, poser des actions plus importantes en 2024.  »
  • Sylvain Drouin,
    associé chez Horwath HTL
R
«  2023 sera une année où nous devrons apprendre à mieux travailler, organiser, planifier parce que chacune des tâches mérite d’être examinée pour nous permettre d’être plus productifs et engagés. On a tendance à faire comme on faisait avant ; en 2023, il va falloir apprendre à faire comme on n’a jamais fait !  »
  • Robert Dion,
    fondateur et éditeur de HRImag
I
«  2023 sera l’année où l’on stabilisera les chaînes d’approvisionnement ; en 2024, on pourra tous réinvestir en innovation et en créativité !  »
  • Marc Fortin,
    président-directeur général du Regroupement québécois des résidences pour aînés

Doubler les formules

Si la tendance existe depuis quelques années, on voit de plus en plus d’établissements qui proposent plusieurs types d’hébergement. « Comme la classification hôtelière n’existe plus dans la forme où on la connaissait, on a un peu plus de flexibilité, sans être pénalisé », souligne Sylvain Drouin.

Benoît Sirard, actionnaire et partenaire de gestion du Domaine Château-Bromont, prévoit par exemple ajouter l’an prochain des nuitées en hébergement individuel dans le jardin extérieur, une formule de type « mini-chambres igloo ». Tirant parti de tous les autres services à disposition, cette offre lui permettrait de maximiser les infrastructures et de joindre une plus vaste clientèle.

D’autres, comme l’hôtel Humaniti Montréal, intègrent à la fois un hôtel et des condominiums. « En matière de financement, c’est intéressant parce qu’il y a alors une partie qui est vendue, tandis que d’autres éléments restent partagés entre le syndicat de copropriété et l’établissement hôtelier », mentionne Sylvain Drouin.

Une autre formule encore possible consiste à associer deux marques, par exemple Homewood Suites et Hampton Inn by Hilton Montreal Downtown, pour plaire à deux clientèles différentes en proposant deux produits dans un même bâtiment. Cela permet aussi des économies d’échelle, puisqu’on ne gère ainsi qu’une réception et qu’une équipe d’entretien ménager.

Bâtir son expérience

« Les clients vont apprendre à bâtir leur expérience en choisissant les options qui les intéressent et en payant pour celles-ci, annonce Robert Dion. Est-ce qu’il y a un intérêt à accéder au spa, au gym ou au terrain de stationnement ? Est-ce que la chambre doit être faite au quotidien lors d’un long séjour ? On peut alors imaginer qu’à partir de quatre services commandés, le client pourra profiter d’un rabais du prix de sa chambre. La même chose pourrait être offerte aux habitués. »

Des techniques de yield management – système de gestion reposant sur l’optimisation du mode de réservation pour maximiser le profit – pourraient également s’ajouter à certains services, entre autres de massothérapie. Ainsi, un massage le samedi coûtera plus cher que celui qui est demandé un mardi.

« Cette prime, il faut qu’elle soit en partie redonnée au massothérapeute, insiste Sylvain Drouin. Il y a actuellement de gros enjeux de personnel les fins de semaine, et c’est normal de se demander “Pourquoi travailler les samedis et dimanches si je peux faire le même argent en semaine ?” »

Revoir l’organigramme

Les employés cadres ont tendance à occuper plus d’une fonction : soit ils assurent la direction générale de deux hôtels, soit leur poste correspond à deux descriptions de tâches. Cela s’explique en partie par la rareté de main-d’œuvre et par le désir des titulaires de tels postes d’avoir plus de défis. « On aime mieux partager des ressources au niveau stratégique, qui coûtent plus cher aux établissements, et avoir plus de personnel sur le terrain, donc au niveau opérationnel et tactique », explique Sylvain Drouin. Donnons ici l’exemple de Ian Morceau, directeur général du Renaissance Montreal Downtown Hotel et du Homewood Suites by Hilton Montreal Midtown, ou encore celui de Michel Tremblay, directeur général du Hilton Montréal/Laval et vice-président, développement des affaires au Groupe Hôtelier Grand Château.

« L’un des enjeux est de s’occuper un peu plus des cadres intermédiaires, parce qu’ils sont pris entre les employés et la direction, fait remarquer Sylvain Drouin. On sent une grande démotivation de leur côté. Il va donc falloir trouver des moyens d’offrir l’équilibre travail-famille parce qu’ils sont très importants dans les hôtels ! Ils reçoivent actuellement toute la pression : opérer, livrer les chambres, satisfaire la clientèle. Mais ils peuvent se sentir un peu seuls. »

Plusieurs propositions sont suggérées, dont la formation et la participation accrue des employés à certains dossiers. L’importance de la polycompétence est également évoquée afin que les cadres soient formés en prévision d’œuvrer dans plusieurs services et puissent ainsi prendre des décisions ou régler des problématiques pendant leur absence.

Repenser ses heures d’ouverture

Certains restaurateurs vont ouvrir la salle à manger quatre soirs par semaine pour garder la même équipe ; d’autres affecteront une équipe au service du midi et une autre à celui du soir. « On commence à sentir des ajustements d’horaires en vue d’offrir de vraies journées de congé au personnel », note Sylvain Drouin.

Parallèlement, la recherche d’occasions d’affaires pour entraîner plus de flexibilité. « Dans un marché où l’on affiche les heures d’ouverture sur internet, on pourrait avoir des horaires complètement variable en fonction des besoins, imagine Robert Dion. On pourrait par exemple ouvrir plus tôt parce qu’on sait qu’il y aura un grand concert d’organisé. Ça va être un peu plus de l’exploitation à la carte, en plus de s’appliquer aussi dans une notion d’échange le personnel ! »

Selon l’éditeur, les restaurants seront de plus en plus ouverts tout au long de la journée, notamment pour répondre à la tendance du snacking. L’exemple de Tim Hortons est donné : « La chaîne s’était mise à fermer la nuit, mais elle est en train de rouvrir. Par contre, elle va fonctionner différemment, par exemple en limitant le menu ou en faisant la nuit la production nécessaire au service de jour. »

Crédit photo : Wendy’s

Multiplier les espaces

Les prochains restaurants qui ouvriront seront plus petits afin d’être rentables moyennant le moins de personnel possible. La tendance devrait s’accompagner d’une simplification, notamment des menus et par conséquent des stocks et de la formation du personnel. « Ça va probablement être plus petit et plus assumé : quelques entrées et plats, prévoit Sylvain Drouin. Le menu sera connu, et on acceptera que ça ne plaise pas à tout le monde. »

De son côté, Robert Dion évoque de grands locaux qui seront divisés : « On aimerait mieux avoir une plus petite salle à manger et la faire tourner plus souvent avec moins de personnel que d’avoir une grande salle à manger dont on ferme une section. On va créer des espaces dans des espaces, pour pouvoir en fermer sans impacter tout l’établissement. »

Dans ce même ordre d’idées, Wendy’s a annoncé une nouvelle génération de franchises qui vise à améliorer l’expérience des clients, des équipes et en matière de numérique. Il y aura donc une fenêtre de ramassage et un terrain de stationnement réservés à la livraison, ainsi qu’un stationnement et des étagères de ramassage réservés aux commandes en ligne. La cuisine de style américaine, allant de l’avant à l’arrière du restaurant, devrait servir à augmenter l’efficacité et la surveillance de l’équipe dans tous les canaux de ventes. Les équipes pourront également passer plus facilement d’un poste à l’autre, tout au long de la journée, ce qui favorisera le traitement des commandes.

L’éditeur ajoute que, comme à l’époque des zones fumeurs et non-fumeurs, chaque établissement a désormais plusieurs clientèles ayant chacune des besoins spécifiques. Les programmes de fidélité représenteraient une façon de les distinguer. Une autre serait, par exemple, de demander aux clients qui arrivent s’ils veulent s’installer dans la section technologique.

Faire payer l’emplacement

Un supplément pour s’installer à la table située au bord de la fenêtre ? La pratique pourrait faire son apparition, prévoit Sylvain Drouin : « Je pense que les restaurateurs ont peut-être peur de facturer certains services comme le choix de table. Ils ne sont pas encore rendus là, mais c’est probablement quelque chose qui viendra parce que certaines sont plus belles que d’autres, et ça a une valeur ; sans pénaliser les autres clients. Si les gens sont prêts à payer, pourquoi ne pas en bénéficier, d’autant plus que c’est 100 % de profit ! » Robert Dion évoque la possibilité de payer un emplacement en fonction de la journée, c’est-à-dire que le prix pourrait varier selon que l’on réserve un mercredi ou un samedi.

Crédit photo : Pixabay - Alfonso Charles

L’arrivée d’une cuisine ethnique

Si la tendance d’avoir moins de protéines animales dans les assiettes devait se poursuivre dans les institutions, une autre apparaît : la cuisine ethnique. « Au fur et à mesure que les baby-boomers vont prendre de la place en résidence, de plus en plus de choix ethniques seront développés », affirme le PDG Marc Fortin.

Le Groupe Maurice a ainsi amorcé une transition progressive. Par exemple, lorsque la chaîne de résidences privées pour aînés (RPA) a mis un poké bowl au menu, le plat ne comprenait d’abord que des crudités car certains résidents n’avait même jamais consommé de poisson cru.

« Le pâté chinois, le pâté au saumon : la cuisine québécoise traditionnelle n’est plus la référence, confirme Robert Dion. Non seulement les clients ont appris à manger une cuisine ethnique, mais les ethnies sont maintenant présentes dans les résidences. Et cette réalité se constate de la garderie jusqu’à la résidence pour personnes âgées. » Il précise que l’adoption de mets ethniques peut passer par des ingrédients locaux, par exemple si l’on prépare un burrito avec du bœuf québécois.

Développer des produits à son image

Le Groupe Maurice a un partenariat avec une boucherie montréalaise, ce qui lui permet notamment d’offrir aux résidents de la saucisse de wapiti, de cerf ou de canard à l’orange. Le Groupe Sélection a lui aussi annoncé qu’une collaboration était en cours avec des manufacturiers alimentaires en vue de créer des recettes propres à ses complexes Sélection Retraite.

« On va probablement le voir de plus en plus dans les prochaines années si l’on veut développer des aliments qui sont faibles en sodium, mais que tout le monde va aimer, faits avec des produits du terroir, déclare Marc Fortin. Cela permet aussi aux institutions de se différencier, et cela vient souvent du fait qu’elles ont engagé de nouveaux chefs. Le Groupe Maurice a par exemple une entente avec l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec. »

Une offre plus expérientielle

« Les attentes et demandes des baby-boomers sont plus élevées que celles des générations précédentes, note Marc Fortin. Comme ils ont voyagé partout, ils vont être plus épicuriens, avoir des goûts plus développés. Ça va amener une offre plus diversifiée, plus expérientielle. » Jazz Brossard a ainsi une salle à manger proposant trois ambiances différentes : un bistro au service un peu plus rapide, un espace gastronomique où l’on prend son temps et un service en salle à manger. Les résidents peuvent apporter leur vin et réserver un espace dans le cellier vitré.

Crédit photo : Jazz Brossard

Collaboration accrue entre HRI

« Il va falloir de plus en plus utiliser les forces de tout un chacun pour servir d’autres, avertit Robert Dion. Un peu comme on gère actuellement l’échange de personnel, les restaurants pourraient servir du fait maison préparé dans la cuisine de RPA ou l’inverse ; de même, les restaurants pourraient fournir des “touskis” aux RPA. Pensons ici au Cégep de Sainte-Foy, qui a déjà un service traiteur. »

Miser sur la réactivité

Un système de carte-repas existe aux Résidences Soleil ; cela permet de réduire le temps d’attente au moment de passer à table, en plus de faciliter la facturation. « Ce qui a amené cette gestion, c’est le manque de main-d’œuvre, car si tout le monde vient manger en même temps, il est plus difficile de faire le service rapidement, témoigne Marc Fortin. L’objectif est donc d’organiser deux ou trois services rapprochés. »

Crédit photo : Portofino bistro italiano

Du côté de la restauration, il est possible de penser à l’emploi d’outils technologiques comme l’Ordercube. Installé aux tables, ce système permet, par exemple aux clients du Portofino bistro italiano du Vieux-Québec, de signaler leur besoin de communiquer avec un serveur, que ce soit pour commander ou payer. Le gestionnaire peut quant à lui connaître le nombre d’employés nécessaires au service et le temps d’attente moyen des clients.

Même constat en hôtellerie. « C’est sûr qu’il va falloir qu’on soit meilleurs, notamment pour l’attribution des chambres », reconnaît de son côté Sylvain Drouin. L’enjeu principal concerne les départs des clients, qui sont de moins en moins nombreux à passer par la réception pour signaler que leur chambre a été libérée. L’information permettrait notamment d’alléger la pression de l’entretien ménager.

Refuser n’est plus mal vu

Il faut s’attendre à ce que les congrès et banquets soient de plus en plus touchés par une stratégie de refus. Les hôteliers prêtent davantage attention aux revenus globaux et n’hésitent plus à refuser des groupes, à imposer un minimum de participants ou encore à limiter les services offerts dans la salle de réception.

« Pour tout ce qui est “groupe”, maintenant, il y a un minimum demandé, fait savoir Sylvain Drouin. Avant, on était peut-être un peu plus conciliants ; maintenant, on l’accepte, mais pas à tout prix. Qu’est-ce que ça nous apporte comme hôteliers, et est-ce que ça nous procure des nuitées ? En hébergement, les marges sont beaucoup plus élevées qu’en restauration. »

Et Robert Dion de conclure : « Refuser n’est plus mal vu, comme décider de fermer son établissement certains jours. Avant ça, le client décidait de tout ; maintenant, c’est nous qui allons le faire un peu plus. On n’a plus les moyens de faire tout pour tout le monde : il n’y a pas assez de monde et pas assez de profits. »

 
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