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Point de vue

Exception faite !

 
27 mars 2023 | Par Robert Dion

Les temps changent les habitudes de consommation, mais encore plus la clientèle. Celle-ci était, jusqu’à encore récemment, un groupe unique ou un ensemble uniforme et elle prend doucement la forme de plusieurs petits groupes qui ont des besoins différents les uns des autres.

Il n’y a pas si longtemps, répondre aux besoins, voire aux caprices, de tout un chacun faisait partie de notre service à la clientèle. Tout cela change. Sans revenir sur la pénurie de main-d’œuvre et l’augmentation des coûts, reconnaissons que les exploitants doivent faire des choix. L’un d’eux est d’être davantage en maîtrise de leur environnement. L’époque du « tout faire pour plaire » devient soudainement celle du « faire moins sans déplaire ».

Dans des établissements que j’ai récemment visités, j’ai ainsi vu des mentions telles que « Nous déclinons poliment toute substitution ou tout changement à notre menu » ou encore « Si vous ne le voyez pas sur le menu, nous non plus ! ». Autre exemple : l’argent comptant. Si l’on considère que ceux qui payent comptant font de plus en plus partie de l’exception, plusieurs établissements doivent se demander si cela vaut encore le coup de l’accepter. Évidemment, cela ne s’applique pas à tous, mais l’industrie ne peut plus se gérer par l’exception. La majorité devra l’emporter pour atteindre une meilleure efficacité, tant organisationnelle que financière.

Prenez le temps d’examiner l’ensemble des étapes et processus de vos établissements. Vous verrez que l’on fait encore bien des pas et des opérations qui pourraient être éliminés, voire harmonisés avec d’autres, pour optimiser l’efficacité. Cette réflexion est essentielle en ce printemps où l’on se prépare à affronter la saison estivale qui sera, selon les pronostics, très achalandée.

Robert Dion, éditeur
[email protected]

 
 
Développement durable

Plastiques à usage unique : la fin d’une ère

Depuis décembre dernier, une véritable révolution est en train de s’opérer au sein des HRI du Canada, pressés par les réglementations fédérales et municipales d’abandonner les articles à usage unique à base de six gammes de plastique. Ce changement de paradigme s’accompagne de défis, mais aussi d’un vent de panique parmi les restaurateurs, traiteurs, hôteliers, tenanciers de café, bars et bars laitiers, qui doivent se conformer à ces nouvelles normes et y faire adhérer leur clientèle. Comment opérer cette transformation de manière pratique ?

 
27 mars 2023 | Par Sophie Ginoux

Les statistiques parlent d’elles-mêmes. Dans le Grand Montréal seulement, 805 millions de contenants à usage unique liés à l’offre alimentaire ont été fournis aux consommateurs en 2019. Un déchet sur cinq retrouvés dans les zones publiques provenait de la restauration rapide. On imagine donc aisément combien d’articles de ce type ont été envoyés dans des sites d’enfouissement à l’échelle du pays, surtout depuis une pandémie qui a dopé l’utilisation des plastiques à usage unique (PUU).

Conformément à ses engagements pris dans l’Accord de Paris en 2015, et dans la foulée d’une évaluation de la pollution plastique réalisée en 2020, le gouvernement fédéral s’est donné comme objectif, par le truchement d’Environnement et Changement climatique Canada, d’atteindre le zéro déchet plastique d’ici 2030. À cette fin, il a émis son Règlement interdisant les plastiques à usage unique (RIPUU), dont la mise en place va s’échelonner jusqu’en 2025, secondé par d’autres réglementations prises par plusieurs villes d’un bout à l’autre du Québec dès cette année.

Nouvelles normes et HRI

Entré en vigueur le 20 décembre 2022, le RIPUU interdit la fabrication et l’importation pour la vente au Canada de sacs d’emplettes, d’ustensiles, de vaisselle, de gobelets, de récipients alimentaires, de bâtonnets à mélanger et de pailles fabriqués dans six catégories de plastique. Les anneaux pour emballage de boisson ainsi que les pailles emballées sur des contenants de boisson se grefferont à cette liste sous peu. Le milieu des HRI dispose dans le premier cas d’un an (soit jusqu’au 20 décembre) et dans le second cas de 18 mois au maximum pour se conformer à cette nouvelle réglementation.

De plus, certaines villes – dont Montréal, Laval, Longueuil, Prévost et Terrebonne/Mascouche – se sont également dotées de législations qui peuvent accélérer les délais de normalisation et ajouter des interdictions à celles du fédéral. À Montréal, par exemple, le milieu de la restauration n’a que jusqu’au 26 mars pour bannir les PUU des établissements, exception faite des commerces qui n’accueillent pas de public et font seulement de la livraison.

Crédit photo : Sodexo Joelle Harvey

Appréhender le changement

De telles exigences, surtout dans un secteur aux prises avec des problèmes de main-d’œuvre, d’inflation et d’approvisionnement, peuvent paraître opaques et stressantes. Elles peuvent l’être encore plus pour les entreprises qui disposent de succursales partout dans la province. Toutefois, plusieurs compagnies ont pris les devants avant même qu’il ait été question de réglementations.

Au sein de Sodexo, qui dessert chaque jour 100 millions de consommateurs à travers le monde, des initiatives concrètes ont été prises dès 2017. « Une feuille de route composée de neuf engagements, dont celui de réduire les PUU, guide toutes nos actions, confirme Catherine Audette, coordonnatrice en développement durable de Sodexo Canada. Nous avons ainsi éliminé les sacs, pailles et bâtonnets à café en plastique depuis un moment. Et depuis le début de l’année 2022, les équipes de développement durable, du culinaire et de l’approvisionnement ont travaillé ensemble, site par site, pour identifier les besoins, étapes et échéanciers. »

Cette collaboration a porté fruit, donnant lieu à l’adoption de contenants (plats, gobelets, tasses) réutilisables pour les mets à emporter, de stations de remplissage d’eau avec de la verrerie pour éliminer les bouteilles en plastique, ou encore de programmes porteurs. « Grâce au système de plats à emporter réutilisables Cano, qui propose aux consommateurs d’utiliser et de retourner des contenants en adhérant à un programme de récompenses, nous avons évité l’utilisation de 110 000 emballages à usage unique en 2022 », mentionne Catherine Audette, qui souligne aussi l’intégration de canettes en aluminium pour les boissons à emporter, canettes ensuite recyclées à travers le programme Consignaction.

En plus d’harmoniser ces pratiques dans tous ses sites, Sodexo Canada souhaite généraliser les achats en vrac, collecte du marc de café pour le recycler en fertilisant et encourage ses clients à apporter leurs propres contenants. « Nous relevons un gros défi en ce moment, mais nous savons qu’il est réalisable », conclut la coordonnatrice.

Crédit photo : La vague

Son point de vue est partagé par Marie-Josée Lévesque, chargée de projets pour la Fromagerie Victoria, qui compte 20 restaurants mixtes (salle à manger, service à l’auto, bar laitier), deux usines de fromages et une cuisine centrale. « Nous achetons localement et recyclons depuis plus de 15 ans, explique-t-elle. Mais en vue de nous conformer aux nouvelles réglementations et d’harmoniser nos sites, nous avons répertorié tous les emballages achetés durant un an et implanté des solutions plus écologiques. » Dorénavant, on ne trouve donc plus que de la vraie vaisselle, de vrais ustensiles et des fontaines d’eau en salle à manger. Des tests sont également en cours pour changer les contenants à emporter, comme celui des populaires poutines de la bannière. « Je pense qu’à l’avenir, ces changements contribueront à notre image de marque, poursuit Marie-Josée Lévesque. Nos futurs emballages recyclables ou compostables nous permettront d’afficher nos valeurs. »

De précieux accompagnements

Parallèlement aux initiatives prises par les établissements et bannières, certains intervenants du milieu de la restauration ont mis sur pied des projets porteurs comme La vague. Cet organisme, créé en 2019 à Montréal, a pour mission d’outiller les commerces alimentaires dans leur transition écologique. Il est notamment à l’origine de La tasse, qui permet aux consommateurs ayant oublié leur tasse personnelle d’acheter, dans plus de 400 commerces du Québec, des tasses réutilisables et consignées à 5 $. Fait étonnant, ce sont des tasses en propylène N.5 et non en acier inoxydable qui sont au centre de ce programme, « car elles ont moins d’empreinte carbone, indique la coordonnatrice Audrey Laliberté. Ce ne sont pas les matières qu’il faut diaboliser, mais leur usage unique. »

« À l’avenir, ces changements contribueront à notre image de marque. Nos futurs emballages recyclables ou compostables nous permettront d’afficher nos valeurs »
Crédit photo : La vague

Outre La tasse, La vague a lancé sur le même principe le projet La boîte, qui propose des contenants consignables à 7 $ pour des repas zéro déchet. « Nous avons aussi créé à l’intention des commerçants un Guide des bonnes pratiques sanitaires pour les encourager à accepter les contenants de leurs clients, plutôt que de leur en fournir, poursuit Audrey Laliberté, et nous disposons d’un programme, subventionné à Montréal, pour accompagner les commerces en transition. » D’une durée de sept mois, ce dernier comprend un audit, un plan d’action et des visites régulières dans les établissements inscrits afin d’éliminer les PUU, de mieux s’approvisionner et de réduire le gaspillage à la source.

Qu’en est-il du côté des fournisseurs et distributeurs, qui abreuvent en PUU les commerces depuis des dizaines d’années ? Certains ont pris les devants, comme Carrousel, dont le Centre Éco-Innov travaille du début à la fin de la chaîne (des fournisseurs aux centres de tri et biométhaniseurs). Depuis 2019, ce Centre guide ses quelque 20 000 clients vers une liste d’emballages écoconçus (Engagement 500 Plus) qui comprend maintenant plus de 2000 articles, en plus de mener plusieurs initiatives comme Carrou-cycle, un programme de recyclage de la pellicule étirable.

« Repenser, réemployer, recycler et revaloriser. Notre modèle économique va passer du linéaire au circulaire, et Carrousel est déterminé à être un acteur clé de ce changement depuis des années », indique Karine Navilys, directrice du Centre Éco-Innov.

Concrètement, pour compléter son offre, l’équipe de Carrousel a produit un petit guide qui résume les réglementations à venir, ainsi que des fiches techniques de ses produits d’emballage. Elle anime aussi des webinaires mensuels pour répondre aux questions que se posent ses clients.

Karine Navilys recommande aux HRI de mener leur transition en quatre étapes : en premier lieu, il faut faire un état de la situation, c’est-à-dire un relevé des achats effectués par l’entreprise, pour vérifier si les articles d’emballage sont autorisés ou non. Deuxièmement, on doit analyser les options de transition selon le modèle d’affaires et les ressources dont on dispose, quitte à repenser son ancienne formule. Troisièmement, il faut sélectionner les substituts sans attendre, car plus les commerces seront nombreux à le faire, plus les substituts seront disponibles rapidement et accessibles.

Enfin, Karine Navilys conseille aux professionnels de se rappeler pourquoi ils font ce changement. « Comme le dit clairement Antoine de Saint-Exupéry, ‘‘Nous n’héritons pas de la Terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants.” Il est temps de saisir cette occasion et de poser des gestes qui auront du sens pour les générations actuelles et futures. »

 
 
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Objectif Zéro Déchet

Jamais sans mes articles réutilisables

 
27 mars 2023

À partir du 28 mars 2023, la distribution de certains articles de plastique à usage unique sera interdite dans les restaurants et les commerces alimentaires de Montréal.

Articles de plastique à usage unique interdits par le règlement 21-040


Articles de plastique compostable ou non (nos 1 à 7)

Tasses
Verres
Bâtonnets
Pailles
Ustensiles
(consommation sur place)

Autres articles de plastique polystyrène (no 6) ou compostable (no 7)

Assiettes
Contenants
Couvercles
Barquettes
(sauf celles pour viandes et poissons crus)
Ustensiles
(commandes à emporter et livraisons)

En savoir plus


Pour vous aider à trouver des solutions de rechange à ces articles visitez guichetguta.ca/emballages
Pour de plus amples renseignements :
  • Communiquez avec la ligne Affaires Montréal au 514 394-1793.
  • Rendez-vous sur Montréal.ca.
 
 
Dossier

Quand les chefs humanisent des marques

De Pasquale Vari et ses sauces à Wolfgang Puck et sa collection d’ustensiles de cuisine, en passant par les gâteaux de Ricardo Larrivée, les chefs sont de plus en plus nombreux à créer leur marque. Marque de fabrique ou produits dérivés de leur cuisine, ces initiatives appuient leur réputation et celle de leur restaurant, tout en leur permettant de diversifier leur travail.

 
27 mars 2023 | Par Caroline Devillers
Grâce à la télévision et aux réseaux sociaux, il est plus facile aujourd’hui de faire le lien entre un visage et une marque. Stefano Faita, chef et propriétaire de plusieurs restaurants à Montréal – dont Impasto, Pizzeria GEMA et Chez Tousignant –, a été présentateur de l’émission Kampaï ! À votre santé de Radio-Canada, ainsi que chroniqueur culinaire au Journal de Montréal et au magazine Véro. Ces médias en ont fait un visage connu du grand public. En 2016, il était porte-parole d’IGA, et la bannière de supermarchés lui a proposé de créer sa gamme de sauces pour la commercialiser partout dans la province.

Neuf mois plus tard, quatre premières recettes se retrouvaient sur les tablettes sous l’étiquette Stefano, soit Tomate basilic, Marinara, Arrabbiata et Rosée. Le succès a été immédiat. Sept ans plus tard, la marque propose une soixantaine de produits, dont des pâtes, des tiramisus, des pizzas, des vins, ainsi que des huiles, vinaigres et charcuteries. En février dernier, elle a fait son entrée dans les Walmart du Québec.

Voilà un succès que n’a pas connu Arnaud Marchand. Le chef et copropriétaire de plusieurs restaurants à Québec – dont Chez Boulay, Le Bedeau et Les Botanistes – s’est fait connaître en atteignant la finale de la première saison de l’émission télévisée Les Chefs ! Il a lancé en 2015 une gamme de produits boréaux composée de quatre sortes d’épices et d’une sauce tartare, sous la marque Morille Québec par Arnaud Marchand (MQparAM). Le nom inclut donc son distributeur Morille Québec, qui était « à l’époque l’un des plus gros en ce qui a trait aux épices », rappelle le chef.

Celui-ci regrette d’avoir subi un manque d’organisation de la part d’IGA, ce qui expliquerait la disparition de MQparAM. « Quand on veut entrer dans le milieu de la grande distribution, il faut un plan stratégique pour appuyer la démarche, sinon ça ne fonctionne pas du côté des ventes, analyse-t-il. La bannière a envoyé nos produits partout au Québec, sans dire où les mettre en étalage ni quoi en faire. Notre marchandise est donc restée dans les entrepôts et, quelque temps plus tard, on nous a demandé de tout récupérer. »

Arnaud Marchand pense créer une nouvelle gamme de produits, toujours en lien avec la forêt boréale, et la commercialiser à grande échelle, sans toutefois passer par la grande distribution. Il veut privilégier les petites épiceries, voire mettre le tout en vente dans ses restaurants.

Crédit photo : Chez Boulay

Un nom comme identité de marque

Entretemps, Arnaud Marchand développe une marque identitaire dans ses différents projets. Il fait la promotion du terroir québécois avec des producteurs locaux et des cuisiniers ou encore en revalorisant le métier de restaurateur. Il ajoute son nom, comme un gage de qualité, à une collaboration ou un établissement, mais il ne souhaite pas que ce soit ce nom que les gens retiennent. « Je veux que ce soient les idées et les équipes qui travaillent là-dessus qui soient retenues, insiste-t-il. J’aspire à créer des choses et à les développer, mais je ne veux pas que mon nom soit une marque de produits ; ça ne m’intéresse plus. »

Au contraire, Stefano Faita affiche son visage caricaturé dans un logo, en plus de son prénom. « Quand on a travaillé à la conception de la marque, on nous a proposé des dessins qui n’avaient pas mon visage, mais on a choisi ce logo parce que je suis quand même quelqu’un de connu au Québec pour tout ce qui est italien », explique-t-il. Il estime que le fait que ce soit une caricature est un atout : s’il quitte un jour l’entreprise, la marque pourra continuer à vivre.

Ségolène Montcel, journaliste et auteure du livre Ces chef.fe.s cuisiniers qui deviennent des marques publié en octobre 2022 aux éditions l’Harmattan, donne pour sa part l’exemple de Cyril Lignac. Ce chef s’est démarqué en étant présentateur d’émissions culinaires à la télévision française, puis il a ouvert des restaurants, écrit des livres de cuisine et créé sa gamme d’ustensiles. La journaliste précise toutefois que, si c’est un atout, il ne faut pas nécessairement être connu médiatiquement pour développer sa marque. Le cas d’Adeline Grattard, cheffe propriétaire du restaurant étoilé yam’Tcha à Paris, en témoigne. Elle a créé sa marque identitaire en tant qu’experte en cuisine franco-chinoise, puis a commercialisé dans une boutique spécialisée des produits issus de son établissement.

« L’ascension de Cyril Lignac a été extrêmement rapide quand il a été propulsé sur la scène médiatique ; ça lui a beaucoup servi, mais il a eu beaucoup plus de mal à se faire reconnaître par les autres chefs du milieu, témoigne l’auteure. Sa crédibilité était davantage remise en question. Certaines personnes ont eu du mal à croire qu’il était un vrai chef et pas juste une personnalité de la télé. Adeline Grattard a mis plus de temps à se faire connaître et même à remplir ses restaurants puisqu’elle était un peu moins connue et proposait une cuisine “de niche”. Par contre, ses pairs n’ont jamais douté de son expertise. »

L’importance de la narration

Ségolène Montcel explique que, outre l’image du chef, il est important que la marque raconte une histoire et suive une logique par rapport à son identité : « Quand on personnalise, ça valorise complètement le travail qui est fait. Les clients ont envie de savoir qui est derrière le produit ou le restaurant, qui a mis son cœur à l’ouvrage… Ça ajoute un supplément d’âme. »

Stefano Faita est issu d’une famille d’origine italienne et sa mère Elena est propriétaire de la célèbre Quincaillerie Dante, située dans la Petite-Italie à Montréal, où sont mis en vente des accessoires et articles de cuisine. Il a fait ses premiers pas derrière les fourneaux avec elle et, au fil du temps, a acquis une expertise en cuisine italienne qu’il met à l’honneur dans ses deux premiers restaurants, Impasto et Pizzeria GEMA. « Quand on cherche quel produit on souhaite ajouter à notre gamme, on regarde toujours celui qui a des lacunes sur les tablettes ou qui est moins représenté. On doit faire attention de ne pas dériver de notre famille de produits. Chez Stefano, la cuisine italienne, c’est notre identité. »

Arnaud Marchand, lui, est un Français d’origine arrivé au Québec il y a plus de 15 ans. Amoureux du terroir québécois, il s’est donné comme mission de le faire connaître au grand public à travers ses restaurants et ses différents projets. Il a créé en avril 2022 Pour la famille, une plateforme web dont l’objectif est d’éduquer le public autour d’acteurs de la gastronomie – producteurs, restaurateurs, cuisiniers, etc. – qui revalorisent l’industrie et font découvrir un grand nombre de produits.

Profiter de sa notoriété pour en tirer des avantages se traduit en restauration par plus de ventes de produits ou des établissements davantage achalandés. Toutefois, les chefs qui se mettent à l’avant de la scène ont une responsabilité que les autres n’ont pas : ils sont l’image de l’industrie. Ils ont la possibilité d’influencer non seulement le regard porté sur les métiers de la restauration par le public, mais aussi par leurs pairs.

« C’est intéressant de voir de nouveaux modèles de chefs sortir de l’ombre, parce que ça influence une nouvelle génération de professionnels », souligne Ségolène Montcel. Elle reprend l’exemple d’Adeline Grattard, qui a participé l’an dernier à une émission culinaire diffusée par Netflix et s’est montrée en train de fumer ou encore de douter de son talent malgré son succès. C’est une chose peu commune, selon l’auteure, qui juge que la plupart des chefs à l’écran sont presque toujours présentés comme étant infaillibles.

 
 
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Boeuf Québec

Mettre le boeuf québécois au menu

 
27 mars 2023
Boeuf Québec grandit et triple la taille de son équipe. En plus des 12 employés à temps plein, il souhaite à présent qu’une ressource soit entièrement dédiée aux HRI et faire passer le bœuf du champ à l’assiette.
« On travaille très fort pour améliorer constamment la visibilité de nos produits, annonce Jean-Sébastien Gascon, directeur général chez Bœuf Québec. On veut donc appeler les gestionnaires, être en lien direct avec eux, s’assurer de leur satisfaction avec une offre de qualité, présentée à un prix compétitif. Et qu’ils comprennent aussi les efforts que l’on met en place en matière de durabilité. C’est vraiment ça notre promesse : un bœuf élevé au Québec, de grande qualité, dans une perspective de production durable. »

L’histoire de l’élevage du bœuf québécois est alors soulignée : « Les dix premiers mois, l’animal est dehors, et par la suite, il est en groupe et voit encore l’extérieur. C’est une production qui valorise les régions comme l’Abitibi, le Lac-Saint-Jean, le Bas-Saint-Laurent qui sont des terres moins riches sur lesquelles il y a du fourrage. Les producteurs valorisent alors le foin en faisant du bœuf. Et l’animal vit très bien le climat québécois. » Il ajoute que les HRI ont l’occasion de partager ces valeurs locales sur leur menu, site Internet ou encore matériel de mise en valeur.

Qualité, approvisionnement et prix

Le directeur général évoque trois enjeux majeurs pour assurer un lien d’affaires : la qualité et l’approvisionnement doivent être constants et le prix doit être compétitif. Il argumente donc en

parlant de la qualité des produits Bœuf Québec qui sont classés AA+ (AA, AAA et prime) et qui sont vieillis pour assurer un maximum de saveur et de tendreté.

« Notre travail est aussi de valoriser l’ensemble de la carcasse et les chefs peuvent se donner le défi de travailler avec des coupes moins connues et qui vont donner un excellent résultat dans l’assiette », s’enthousiasme Jean-Sébastien Gascon. Les exemples de la macreuse, de la langue et de la queue sont ainsi donnés. De plus, le projet Centre d’excellence Bœuf Québec, qui est lancé et devrait être actif d’ici un an, amènera l’organisation à but non lucratif à travailler avec des chefs et des bannières pour innover et partager de l’expertise en vue de la pleine valorisation de la carcasse.

Le directeur général assure offrir un approvisionnement à longueur d’année : « On est présent pour la grande distribution. On a un grand volume, on met en valeur environ 10 000 bouvillons par année dans le programme Bœuf Québec, sachant que dans la production québécoise, il y en a présentement 30 000 qui sont transformés au Québec. Et on compte doubler le chiffre cette année ! Notre volonté est d’être de plus en plus productifs, c’est-à-dire de réussir à ce que nos prix soient constamment de plus en plus concurrentiels. »

boeufquebec.org

 
 
Produits

Servez-vous des insectes !

L’utilisation et la culture d’insectes comestibles, que l’on désigne sous le terme « entomophagie », sont en expansion depuis plusieurs années au Québec. Pourtant, ces aliments sont encore considérés comme des produits de créneau et ils peinent à se faire une place au menu des restaurants. Tour d’horizon des bienfaits gustatifs, nutritionnels et environnementaux de ces animaux qui pourraient bien révolutionner l’industrie.

 
27 mars 2023 | Par Caroline Devillers

Il est difficile d’estimer le nombre d’insectes comestibles présents dans la nature québécoise, selon Fabien Girard, biologiste et auteur de plusieurs livres dont Secrets d’insectes. Celui-ci s’intéresse particulièrement aux insectes de la forêt boréale, où il a déjà identifié plus d’une trentaine d’espèces comestibles. « Avant d’en goûter une, il faut prendre en compte le type de plantes qu’elle mange pour savoir si elles sont toxiques ou non pour l’humain, explique-t-il. Il faut bien s’y connaître ! »

Ce chercheur pratique aujourd’hui l’entomophagie de façon régulière. Il les cuisine sous plusieurs formes – cuits à la vapeur ou au four, ou encore réduits en farine – pour varier les goûts et textures. Son objectif est de les faire découvrir au grand public ; pour ce faire, l’approche la plus probante est la suppression de l’aspect brut de l’insecte au premier abord. « Il faut taire tous les a priori que l’on peut avoir sur le sujet, notamment l’image de l’insecte qui explose au visage lorsqu’on le croque. Les gens sont plus facilement tentés d’y goûter lorsqu’il est présenté de façon subtile, rusée et intelligente. »

Arnaud Marchand, chef et copropriétaire de Chez Boulay, bistro boréal à Québec, est l’un de ceux qui s’intéressent à cette approche ; il offrait d’ailleurs en septembre dernier des insectes en mise en bouche. « Ce ne sont pas des produits que l’on travaille encore régulièrement parce que nos recherches ne sont pas très poussées, reconnaît-il. Ils ne sont pas désagréables, et en fait plutôt neutres, mais ça requiert une démarche éducative auprès de notre clientèle. »

Jean-François Laurence, mixologue au restaurant Légende à Québec, a développé son intérêt pour les insectes il y a plusieurs années lors de voyages, notamment au Costa Rica. Il les utilise aujourd’hui dans ses cocktails pour remplacer une saveur. Par exemple, le scorpion d’eau du Mexique a dans sa forme brute des aromates de noix prononcés qui rappellent le vinaigre. Déshydraté, il peut être transformé en sucre et apprêté en sirop. Le professionnel crée ainsi la surprise lors des concours de mixologie et fait découvrir ses nouveaux assemblages au jury.

Des produits d’ici

Même s’il importe la plupart de ses insectes – notamment d’Amérique du Sud – pour des raisons de diversité, Jean-François Laurence affirme que ceux qui sont d’origine québécoise ont eux aussi des atouts gustatifs : « Ils peuvent présenter des aromates très différents : parfois salés, d’autres fois sucrés… Je pense principalement au grillon, qui est présent partout dans le monde. Il est tout aussi intéressant de les déshydrater que de les transformer en macération avec des alcools ou des thés. »

Marie-Hélène Deschamps, professeure adjointe et titulaire de la Chaire de leadership en enseignement en production et transformation primaire d’insectes comestibles à l’Université Laval à Québec, ainsi que présidente de la Table Filière des Insectes Comestibles (TFIC), confirme que du côté de la production québécoise, la diversité est bien présente. En tout, 30 producteurs et 16 transformateurs secondaires d’insectes œuvrent activement pour produire plus de 5 tonnes d’insectes par semaine, ce qui représente 260 tonnes annuellement.

Ils font face à plusieurs enjeux – comme le manque d’acceptabilité sociale, de financement et de main-d’œuvre –, ce qui a un impact sur le prix des insectes comestibles offerts sur le marché. Vendus en petits formats de 25 g à 5 kg, ils s’affichent à un prix se situant en moyenne entre 85 $ et 108 $ le kilogramme, selon l’insecte et sa présentation (déshydratée ou en poudre).

Le manque de cadre législatif est un défi supplémentaire pour la production et la vente d’insectes comestibles. Pour le moment, le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ) stipule que, « en ce qui concerne la transformation ou la préparation d’insectes pour consommation humaine, les règles d’hygiène et de salubrité alimentaires se rapportant à la préparation d’aliments s’appliquent. Ainsi, il faut s’assurer que les insectes sont propres à la consommation humaine. »

Fabien Girard et Marie-Hélène Deschamps insistent sur l’importance de bien faire cuire les insectes ramassés dans la nature pour éviter les risques de maladie. Ceux qui sont achetés chez les producteurs ne représentent pas de danger à la consommation si le cadre d’hygiène est respecté. Ces règles figurent dans le Guide des bonnes pratiques d’hygiène et de salubrité alimentaires du MAPAQ.

« Certaines personnes pensent que les insectes ne sont pas digestes et cela est dû à la fibre végétale qu’ils consomment, explique Marie-Hélène Deschamps. Pourtant, celle-ci à un rôle à jouer au niveau de la régulation de la digestion. Manger des insectes peut aussi stimuler le système immunitaire, on peut dire que c’est un super aliment ! »

Crédit photo : Jean-François Laurence

Un atout nutritionnel et environnemental

« Il y a une panoplie de bénéfices à manger des insectes », insiste Marie-Hélène Deschamps. L’un des principaux est leur apport nutritionnel. En effet, ils constituent une source d’acides aminés, de protéines – entre 45 % et 75 %, selon les espèces –, de fibres, d’acides gras comme les omégas 3 et 6, ainsi que de minéraux (fer, zinc, magnésium, cuivre et sélénium). La présidente de la TFIC indique que la façon d’obtenir le plus d’éléments nutritionnels est de transformer les insectes en farine et d’utiliser celle-ci dans la fabrication de pains, gâteaux, etc.

Elle souligne que les insectes émettent moins de gaz à effet de serre au moment de leur production, un atout pour les HRI qui peuvent ainsi revendiquer les valeurs environnementales. Les restes alimentaires peuvent également servir à leur alimentation, ce qui réduit le gaspillage alimentaire. Fin 2022, la TFIC a publié le Portrait de l’industrie des insectes comestibles du Québec en 2022, un rapport destiné à faire l’état des lieux de la production d’insectes dans la province. Dans ce contexte, il a été déterminé que 40 tonnes de matières organiques résiduelles par semaine sont valorisées par l’entremise des insectes – soit 27,5 tonnes par des mouches, 12,1 tonnes par des ténébrions et 0,1 tonne par des grillons.

 
 
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Des fromages italiens d’exception... riches en histoire !

 
27 mars 2023

Y a-t-il une expérience plus gourmande que celle de croquer dans la pâte d’un fromage réputé, dont la saveur intense nous transporte loin de notre quotidien ? Oui, il y en a une, celle de déguster un fromage qui a traversé le temps et qui a une histoire à raconter.

Faisons une incursion dans le nord de l’Italie et découvrons six fromages certifiés AOP (Appellation d’Origine Protégée) qui nous arrivent du cœur de l’Europe, et dont la qualité et la réputation relèvent d’un savoir-faire ancestral et d’un environnement géographique unique au monde.

Asiago Stagionato, Asiago Fresco, Montasio, Piave, Parmigiano Reggiano et Grana Padano, ces six fromages sont produits par quatre des neuf membres que compte AOP Agriform, une association de producteurs qui réunit les plus importantes coopératives laitières du nord-est de l’Italie, et qui garantit l’excellence en matière de production alimentaire européenne.

À propos du sceau AOP

L’AOP (appellation d’origine protégée, aussi connue comme DOP, denominazione d’origine protetta, en italien) est une marque accordé par l’Union européenne aux produits dont les qualités ou les caractéristiques sont essentiellement ou exclusivement liées au territoire où ils sont produits et qui ne peuvent donc pas être imités à l’extérieur d’une zone de production définie.

Pour qu’un produit puisse utiliser le logo AOP, les étapes de production, de transformation et d’élaboration doivent toutes être réalisées au sein d’une zone géographique déterminée. Le produit doit se conformer aux règles de production strictes établies dans un cahier des charges etgaranties par un organisme de surveillance spécifique.

Les fromages Agriform affichant le logo AOP sont donc exclusivement ceux qui sont produits dans leur région d’origine légalement définie, en conformité avec le cahier des charges.

L’AOP assure :

  1. La fiabilité, puisqu’elle est liée à des produits règlementés par les lois italiennes et européennes.
  2. La traçabilité, puisque les produits proviennent d’une zone géographique définie.
  3. Le lien avec le territoire, puisque les produits sont obtenus à partir de méthodes traditionnelles et possèdent des caractéristiques directement liées à leur zone de production.
  4. La typicité, ce qui signifie que le produit est élaboré dans le respect des méthodes de production et de transformation traditionnelles afin de maintenir cette typicité.

Le Grana Padano AOP

Le nom « grana », qui signifie « grain » en lien avec sa texture granuleuse, résulte de méthodes traditionnelles de production qui ont été transmises à l’identique depuis des siècles, remontant jusqu’à l’an 1000. La pratique consistant à transformer le lait en « Grana Padano » est depuis devenue un pilier de l’économie agraire. C’est ainsi qu’on crée ce fromage à pâte ferme qui, en vieillissant, conservait les qualités nutritives du lait tout en gagnant une saveur inimitable, douce, mais gouteuse aux arômes parfumés.

Identifiez-le !
La meule est marquée de la feuille de trèfle portant le numéro de la fromagerie, le code de la province et l’année de production, ainsi que les petites formes en losanges pointillés où alternent les mots GRANA et PADANO.

Le Montasio AOP

Créés au début du second millénaire, ces fromages alpins constituaient une façon de conserver un produit périssable comme le lait, pendant des périodes où la production était plus basse. La technique de production a évolué avec le temps tout en restant fidèle aux principes d’origine. Le lait est transformé en fromage en utilisant des techniques délicates qui ne provoquent pas de dommages significatifs à la flore microbienne et bactérienne originale.

Identifiez-le !
Les meules de Montasio sont identifiés par une marque d’origine inscrite sur leurs côtés, avec la répétition en diagonale du nom « Montasio ». Les fromages affinés pendant plus de 100 jours et libres de tout défaut sont également marqués d’un second sceau de qualité par le comité du consortium.

Le Parmigiano Reggiano AOP

De nos jours, le Parmigiano Reggiano est toujours fait en utilisant les mêmes ingrédients qu’il y a 900 ans, aux mêmes endroits et avec la même méthode exigeante et précise qui lui confère une saveur parfumée et délicate, bien présente, mais jamais piquante. Les maitres fromagers continuent à fabriquer ce fromage avec du lait de vache cru de haute qualité, de la présure naturelle, du sel et aucun additif, à la main et avec le même mélange de passion et d’intégrité.

Identifiez-le !
Chaque meule se voit attribuer une plaque de caséline portant un numéro unique qui imprime l’inimitable pointillé présent sur toute la circonférence du fromage, véritable carte identité du Parmigiano Reggiano AOP.

L’Asiago Stagionato AOP

Ce savoureux fromage, dont les nuances de goût varient grandement en fonction de son âge, est produit depuis l’an mil sur le plateau d’Asiago qui lui donne son nom. À l’origine, on utilisait du fromage de brebis, mais depuis l’an 1500, l’ingrédient principal est devenu exclusivement du lait de vache. Pour être certifié, le fromage Asiago doit obligatoirement être fabriqué à une altitude de plus de 600 mètres, ce qui le qualifie également comme un « produit de montagne ».

Identifiez-le !
Le fromage est moulé et façonné avec l’application sur les meules encore tièdes de plaques de caséine qui identifient chaque fromage avec un numéro unique. Après un certain nombre d’heures, les meules sont ensuite retournées et des moules de marquages sont utilisés pour inscrire la marque de l’AOP sur les côtés du fromage.

Le Piave AOP

L’histoire de ce fromage à la saveur douce et pénétrante qui s’intensifie à mesure qu’il s’affine est intimement liée à la création de la première coopérative laitière dans le royaume d’Italie. Pour faire face au déclin de l’exploitation forestière qui a mis à mal l’économie fragile de la province de Belluno, l’ingéniosité des producteurs laitiers locaux a jeté les bases de ce qui deviendra une nouvelle forme de gestion éthique d’une ressource précieuse et de toute l’industrie laitière de la province de Belluno.

Identifiez-le !
Après un séjour de 12 heures dans fascera (le moule de marquage), le Piave AOP en ressort avec la croûte imbriquée par le logo caractéristique du produit.

L’Asiago Fresco AOP

Au début du 20e siècle, les traditions de la zone AOP, combinées avec les technologies fromagères les plus innovantes, ont mené à la création de l’Asiago Fresco. Les saveurs plus douces et légères de son grand frère, l’Asiago Stagionato, ont favorisé sa popularité internationale.

Identifiez-le !
Tout comme l’Asiago Stagionato, ce fromage est moulé et façonné avec l’application sur les meules encore tièdes de plaques de caséine qui identifient chaque fromage avec un numéro unique pour ensuite être marquées du logo de l’AOP sur la croute.

Pour plus d’informations sur les fromages faits avec amore :

aop-agriform-cheese.com

 
 
Les défis de...

Services alimentaires institutionnels

Se rapprocher de sa clientèle

Tandis que les menus et la façon de les servir évoluent au fil du temps, les gestionnaires des services alimentaires institutionnels sont à l’écoute des clientèles, qui sont de plus en plus diversifiées et informées. Cela ne les empêche pas de les sensibiliser à différents enjeux, notamment culturels et environnementaux.

 
27 mars 2023 | Par Sophie Poisson

Le CIUSSS du Saguenay–Lac-Saint-Jean a présenté des codes QR sur les plateaux-repas pour sonder ses clientèles, tant au sujet de la variété que du goût ou encore de la température de service des repas. L’objectif était d’orienter les décisions de l’institution en vue de son amélioration continue. « Il est important de tenir compte de leurs avis, d’autant plus que l’on voit l’évolution des générations, explique Josée Vincent, coordonnatrice par intérim des activités d’alimentation au CIUSSS en question. Ce que l’on sert actuellement est différent de ce que l’on fera dans 20 ans, notamment pour ce qui est du végétal. »

Les maisons des aînés, qui verront le jour au printemps au Saguenay–Lac-Saint-Jean, en sont un exemple. « On ira encore plus loin dans les services, en s’adaptant réellement au rythme du résident. Par exemple, s’il souhaite dormir, on ne va pas le réveiller pour qu’il aille déjeuner à une heure précise. Des préposés seront présents pour répondre aux besoins du résident, en préparant le déjeuner ou en l’accompagnant, s’il est suffisamment autonome. Et il pourra rester dans l’aire de restauration le temps qu’il souhaite. Si tout se passe bien et que l’intégration est bien faite dans les maisons des aînés, ça pourrait être une inspiration pour les CHSLD », estime Josée Vincent.

Elle fait partie d’une communauté de pratique qui lui permet d’être en contact avec des gestionnaires d’autres établissements pour échanger sur les enjeux vécus, sur ce qui se fait ailleurs et sur l’évaluation de possibles implantations. « On préfère faire de petits pas avec des projets pilotes, être capables de s’ajuster et de s’améliorer avant de procéder au déploiement, fait-elle savoir. L’essentiel est de rester ouvert aux innovations. » L’un de ces projets, intitulé Notre CIUSSS Boréal – La santé durable au menu !, est développé avec les centres de réadaptation en jeunesse de la région et vise notamment à contribuer à la santé globale en offrant une saine alimentation et en favorisant l’approvisionnement local. « On commence à regarder les associations possibles avec des producteurs locaux, ce qui permet notamment d’optimiser les récoltes puisqu’on est généralement capables d’évaluer ce dont on aura besoin dans la prochaine année pour réaliser notre menu », ajoute Josée Vincent.

Sensibiliser sa clientèle

Le CHU Sainte-Justine à Montréal a quant à lui fait partie en 2017 des 25 innovateurs au Canada qui ont participé à la cohorte de Nourrir la santé, une communauté de pratique qui souhaite utiliser le pouvoir de l’alimentation pour améliorer la santé des gens et de la planète. « On fait beaucoup de sensibilisation dans l’hôpital quant aux virages que l’on prend et aux raisons qui nous amènent à les faire, mentionne Josée Lavoie, coordonnatrice des activités d’alimentation au CHU Sainte-Justine. On a développé des icônes destinées au menu des patients pour identifier les aliments locaux, ceux qui sont biologiques ou encore les viandes sans hormones et sans antibiotiques. On veut que les clients sachent ce qu’ils mangent ! » Depuis deux ans, le menu de cafétéria est à 50 % végétarien ; quelques fois par semaine, il inclut également des mets végétaliens.

Crédit photo : CHU Sainte-Justine
Crédit photo : CIUSSS Saguenay-Lac-Saint-Jean

L’institution met aussi de l’avant le multiculturalisme, notamment la culture autochtone. « Depuis cinq ans, on développe des recettes pour célébrer la Journée nationale des peuples autochtones du 21 juin. Cette année, je suis très contente parce que j’ai dans ma cuisine une Atikamekw, membre de cette communauté importante au CHU Sainte-Justine. On lui a présenté des recettes, et elle nous a expliqué qu’elles ne ressemblaient pas vraiment à ce qu’elle mange ; elle nous aide donc à les adapter. Également, avec sa mère, on a développé trois recettes pour le service d’hôtellerie : une bannique, un ragoût et un taco. On souhaite en mettre une dans notre menu estival pour la faire connaître et l’intégrer ensuite de manière plus régulière », s’enthousiasme la gestionnaire.

Pour sa part, Sébastien Deguise, responsable des services alimentaires à Coopsco Sainte-Foy (Québec), doit s’adapter aux différents milieux sociaux : tant ceux qui recherchent des sandwichs au jambon à 4,50 $ que ceux qui souhaitent des sushis à 30 $. Et il sensibilise à son tour la clientèle étudiante à sa réalité. « Quand j’ai commencé à travailler ici, la mayonnaise, le ketchup ou encore les ustensiles étaient en libre accès. Certains apportaient leur pâté chinois maison, mais nous prenaient huit sachets de ketchup. J’ai donc mis un contrôle là-dessus en expliquant que je les paie et que ça ne fait pas partie des frais de scolarité », raconte-t-il.

Il souhaiterait offrir un plus grand choix, notamment pour répondre davantage aux demandes de produits sans gluten. Mais ses activités sont limitées par la rareté de main-d’œuvre, qui amène les institutions à se tourner de plus en plus vers des produits transformés dans lesquels des traces d’allergènes peuvent davantage se retrouver. La possibilité d’instaurer des partenariats est aussi une option retenue. L’équipe de Laliberté à Montréal y a, par exemple, recours pour son café. « Notre entreprise québécoise fait affaire avec des fournisseurs du Costa Rica, où nous nous sommes rendus pour visiter les champs, constater par nous-mêmes que les employés étaient bien traités, etc., raconte David Joly Robert, directeur des Ressources humaines à Laliberté. On a aussi pu voir tout le cheminement du café jusqu’à nos cuisines. » Il rappelle que les appels d’offres misent sur un système de pointage qui inclut du quantitatif, comme le prix, et du qualitatif, dont les valeurs d’entreprise. Celles-ci représentent aussi un incitatif lors du recrutement.

L’utilisation des technologies

Sébastien Deguise décrit les clientèles de « connaisseuses », cuisinant davantage, regardant plus d’émissions culinaires et conscientes de ce que sont la qualité et la variété. Il évoque aussi un plus grand accès à l’information, par exemple l’utilisation d’Internet pour comparer le prix d’un produit vendu en institution avec celui de l’épicerie. « C’est une génération qui allume un écran pour voir un assortiment de tapas, de sushis ou encore de bols poké, et je pense qu’elle s’attend à retrouver ça dans ses institutions scolaires », insiste le responsable. Il se tourne alors de plus en plus vers les technologies pour répondre aux attentes de ses clientèles, qui veulent toutes manger en même temps, dans une plage horaire limitée.

Il a ainsi opté pour des caisses automatiques et considère des investissements comme le robot culinaire Sally, spécialisé en salades. Pour les mêmes raisons, il réaménagera complètement les lieux l’an prochain, en regroupant deux tables chaudes en une ou en ajoutant des tiroirs chauffants. Cette année, il a déjà repris des machines distributrices. « Les gens sont dans la facilité et la rapidité et, jusqu’à une certaine limite, le prix ne compte pas. Des étudiants achètent leur boisson dans les machines distributrices et paient 3,25 $ pour ne pas faire la file à la cafétéria où elle se vend 3 $. Ma dernière opération se fait à 18h, mais il y a des gens jusque 22h au cégep, notamment pour faire du sport. Cela m’aide à prolonger les heures de vente et à offrir un service client. Il faut que ce soit, dans le contexte, une expérience belle et professionnelle. »

Le CHU Sainte-Justine prévoit, quant à lui, de réduire au maximum le temps où les distributrices automatiques représentent la seule offre alimentaire. Il ajoutera donc un point de service qui prendra la forme d’un café et sera fonctionnel au printemps 2024. Les heures de service avaient déjà été prolongées en janvier 2016 en raison de l’arrivée du service personnalisé de livraison de repas Délipapilles. Entre 6h30 et 19h, il permet aux patients de gérer leur appétit et les aliments qu’ils souhaitent consommer en passant leur commande par téléphone. « Un des défis dans le système de la santé, c’est de toujours être à jour dans qui peut manger ou non, souligne Josée Lavoie. Si un patient a un examen à passer et que l’on n’en est pas informés, on lui prépare quand même son repas quand on est en mode traditionnel. Avant l’arrivée du service aux chambres, 25 % des plateaux redescendaient en cuisine, intouchés. L’implantation du service a entraîné une augmentation extraordinaire de notre taux de satisfaction, qui est maintenant supérieur à 90 %. » L’attente au moment de l’appel est mentionnée de plus en plus souvent par les patients. L’institution a donc récemment embauché une ressource qui déploiera une application pour Délipapilles.

La prise de commandes s’adapte à plus de 45 régimes thérapeutiques, par exemple aux diabétiques et aux patients ayant des problèmes rénaux, grâce à un module informatique. Tous les aliments utilisés dans les recettes sont codés, et il y a une permissivité selon les régimes. « Comme on a un service d’hôtellerie pour les patients, si une famille vient pendant les heures de service avec une demande particulière, elle peut nous en parler, assure la coordonnatrice. Dans ce cas, on fait préparer le repas par le service aux patients. Ça n’arrive pas fréquemment, mais on essaie d’y répondre pour offrir un service clientèle. »

 
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