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Point de vue

Un vieux métier, de vieilles lois

 
7 septembre 2022 | Par Robert Dion

Être restaurateur ou hôtelier n’est peut-être pas le plus vieux métier du monde, mais c’est sûrement l’un des plus vieux métiers que celui d’accueillir, de restaurer, de servir et de se dévouer. Or, si le domaine a évolué, certains modèles d’affaires sont encore vieillots.

La refonte du milieu et la reconnaissance du métier ne datent pas d’hier. De la journaliste et critique culinaire Françoise Kayler à la Société des chefs, cuisiniers et pâtissiers du Québec, en passant par l’Association Restauration Québec, plusieurs sont intervenus pour encourager les avancées. D’un pays à l’autre, d’une province à l’autre, les règles changent et les habitudes de consommation aussi.

Dernièrement, le débat porte sur les pourboires et leur répartition, mais c’est surtout la rémunération dans les établissements qui fait la une. Même les médias traditionnels s’en mêlent, c’est surtout à l’industrie de se mobiliser pour faire pression sur le gouvernement et changer les choses, entre autres pour modifier la Loi sur les normes du travail.

Regardons-nous le dossier dans le bon sens ? Nous voyons les salles à manger comme l’unique maillon d’un restaurant et les hôtels comme le seul endroit qui offre de l’hébergement. C’est pour cette raison que l’ensemble des définitions de tâches, des méthodes de rémunération et du partage des tâches (pourboires) doit être repensé. On imagine un modèle pour aujourd’hui, mais nous sommes déjà demain. Nous sommes déjà dans un modèle d’affaires qui ne fait plus de distinction entre épicerie, commerce alimentaire de proximité et restaurant ou celui des hôtels, hébergements insolites et logements mixtes qui offrent des possibilités de séjours sans fin.

Soyons des entrepreneurs, des visionnaires. Ne regardons pas juste des solutions en mode panique.

Robert Dion, éditeur
[email protected]

 
 
Personnalité HRI

David Comeau

Hôtelier malgré tout

Après avoir grandi dans les couloirs du Manoir Belle Plage à Carleton-sur-Mer, David Comeau en est devenu le propriétaire et directeur en 2006. Il partage aujourd’hui son temps entre son établissement et ses engagements bénévoles pour la préservation du territoire de la Gaspésie.

 
7 septembre 2022 | Par Caroline Devillers

L’histoire familiale commence dans les années 1960, quand l’arrière-grand-père de David Comeau refuse de vendre son hôtel de Caplan à sa petite-fille Rollande (mère de David) et son mari Raymond. Cette opposition n’empêchera pas les parents de David de quitter Montréal pour se lancer en hôtellerie, à Carleton-sur-Mer. En 1965, ils achètent donc le Belle-Plage, une résidence d’été transformée en hôtel, et y effectuent en 1978 de nombreuses rénovations pour le moderniser. C’est ainsi que naît le Manoir Belle Plage, où Rollande habitera jusqu’à son décès, en avril dernier. David, lui, avait quitté le toit familial en 2016 pour s’installer à proximité avec sa femme et ses deux filles.

Grandir dans un hôtel est une expérience bien singulière que peu d’hôteliers peuvent se vanter d’avoir vécue. Petit, David court dans les étages du Manoir avec ses amis et joue à cache-cache dans les couloirs. Plus étonnant encore, il mange exclusivement au restaurant installé sur place, l’actuel Bistro Cerf-Cuit-Court.

« Pour ma mère, c’était beaucoup plus simple que de travailler aux fourneaux, explique celui qui est maintenant directeur. Pour moi, c’était donc tout à fait normal d’être attablé au restaurant : c’était mon quotidien. Alors, quand j’arrivais chez des amis et que je mangeais avec leur famille, c’était tout le temps très étrange. Je n’ai compris que plus tard que c’était eux qui vivaient dans la normalité. »

À l’âge où les autres enfants rêvaient d’être pompiers ou policiers, David était déjà fier d’annoncer en classe qu’il serait un jour hôtelier. Sa mère, pourtant, l’imaginait journaliste en raison de son talent en rédaction. « Elle aurait aimé que je fasse autre chose ; elle trouvait que [hôtelier] était un métier difficile. » Mais comme sa mère avant lui, David s’accroche à son rêve.

À 12 ans, il fait la plonge au Manoir et, peu à peu, il assiste son père en gestion. Il quitte ensuite le cocon familial pour étudier à l’Université Laval en administration avant d’effectuer une maîtrise en développement régional. Il rentre à Carleton-sur-Mer en 1997 et s’implique pleinement dans l’entreprise de ses parents. Il reprend les rênes de l’établissement presque 10 ans plus tard, en 2006.

Préserver l’histoire

Aujourd’hui, David Comeau divise son temps entre son travail de directeur et propriétaire de l’hôtel et son bénévolat touchant la préservation du territoire de sa région natale, la Gaspésie. « Cet intérêt me vient de ma mère, qui était très attachée au territoire, à l’histoire, au patrimoine. »

Au nom du Manoir Belle Plage et dans le cadre du service de compensation carbone de la Coopérative de travail en production de plants SARGIM, il a fait l’acquisition en 2021 d’un terrain en friche sur lequel il plante 2200 arbres et compte ainsi recréer une forêt. Ces 10 dernières années, il a également participé à la création et à la préservation du parc régional du Mont-Saint-Joseph situé à Carleton-sur-Mer. Cet amour des paysages gaspésiens se retrouve dans le décor de son hôtel, où exposent depuis 15 ans des artistes locaux qui mettent la région à l’honneur.

Attaché aux traditions, David Comeau se décrit comme une personne « sensible, qui n’a pas honte de l’être ». Il met également un point d’honneur à toujours faire passer l’humain avant tout. Il ne s’attend pas à ce que l’une de ses deux filles reprenne un jour le flambeau du Manoir Belle Plage, même si la plus jeune, polyvalente, aide son père de temps en temps. Il précise que « si éventuellement [il] venait à vendre son entreprise un jour, il faudrait qu’elle soit cédée à des gens qui ont la même philosophie ».

 
 
Publireportage

Un événement tourné vers vous

 
7 septembre 2022

Le média francophone indépendant HRImag – préalablement connu sous le nom Revue HRI et Le magazine Hôtels, Restaurants & Institutions – célèbre cette année ses 25 ans. Depuis mars et jusqu’à novembre, son équipe se déplace dans pas moins de 25 villes du Québec pour rencontrer en personne son lectorat, être à son écoute et enrichir ses contenus. Robert Dion, fondateur et éditeur de HRImag, en profite également pour faire une présentation d’une heure durant laquelle il vulgarise les tendances à venir. Retour sur les six derniers mois.

Pourquoi faire une tournée du 25e anniversaire de la publication ?
C’est pour présenter HRImag partout au Québec, et non uniquement dans les grands centres. Et s’il le faut, on le fera une personne à la fois !

Quel est le constat partagé lors de la présentation ?
On prend des décisions en considérant l’exception et on ne gère pas assez en regardant vers l’avenir. Mais tout va vraiment plus vite aujourd’hui. J’offre donc un regard vers le futur, et ce futur-là évolue de jour en jour, d’où l’importance pour les exploitants de toujours rester informés ! C’est la raison pour laquelle ma présentation évolue elle aussi à chaque rencontre.

Quel est le grand défi ?
Je me désole de voir qu’il n’y a pas assez d’exploitants qui prennent le temps de regarder autour d’eux plutôt que dans leur entreprise seulement. Se comparer, s’informer, cela permet de mieux performer.

J’ai été impressionné de voir à quel point ceux qui nous lisent nous suivent attentivement. La clé de la solution est l’infolettre de HRImag !

Quels sont les commentaires reçus ?
Tous ceux qui sont venus à la rencontre que nous avons organisée ont dit que, n’importe quand, ils reprendraient le temps de participer à un événement similaire. Pour donner quelques exemples, Jacques Gauthier, qui a le restaurant Le Clarendon du Vieux-Québec et prépare sa retraite, cherche encore à rester informé ; l’un des représentants des hôtels Le Dauphin a continué la conversation durant 30 minutes après la présentation.

Les participants ont la possibilité d’interagir en posant leurs questions ou en formulant leurs commentaires face au public ou par la suite, de façon individuelle. Ils sont en plus invités à la séance de réseautage durant laquelle ils peuvent notamment rencontrer les partenaires de la tournée : Mayrand Plus Distributeur Alimentaire, Aliments du Québec, Gespra Quasep, RESTOCK et Restolutions.

La plupart des établissements scolaires qu’on a visités nous ont même demandé de repasser lors des débuts de session pour faire une intervention auprès de leur clientèle étudiante, lui parler de l’industrie de façon explicite et dynamique.

Qu’est-ce que cette tournée apporte à HRImag ?
Aller à la rencontre des HRI, c’est aussi valider et améliorer notre ligne éditoriale. Ça nous a permis de découvrir des acteurs et des initiatives dont on n’avait pas encore parlé. J’ai l’impression que ça nous a rapprochés de notre lectorat !

Surveillez les dates de nos visites à Montréal et à Québec : l’équipe de HRImag y reviendra cet automne ! La liste complète des villes que nous visiterons se retrouve dans l’agenda de notre site Internet. Et si vous souhaitez diffuser un souvenir de votre participation, utilisez le mot-clé #hrimagtournee25e.

Extraits de la présentation donnée par Robert Dion

« Je suis futurologue : j’en sais assez sur le passé et j’examine le présent pour établir ce qu’il va peut-être arriver dans le futur. Je suis toujours à l’écoute. Appelez-moi : vous allez voir que je réponds assez instantanément ! »

« Plutôt que de dire que notre industrie ne va pas bien, qu’on ne fait pas d’argent, dites plutôt qu’on a une belle industrie et qu’on est en progression. On aura alors peut-être une chance de recruter des gens qui auront envie de travailler chez nous parce que c’est plaisant, et non parce qu’ils n’ont pas d’autre choix. »

« Vous n’êtes pas obligés de faire tout ce que je vous dis, mais si vous le faites… faites-le bien ! »

Détails et inscriptions

 
 
Équipements

Renouer avec l’uniforme

Alors que les cuisines ouvertes se sont multipliées et que les cuisiniers sont de plus en plus amenés à apporter les plats à table, à quoi ressemble l’uniforme d’aujourd’hui ? Alors que la main-d’œuvre se fait rare et que les employés dictent leurs conditions, peut-on encore l’imposer ? Voici l’occasion de faire le point sur son apparence et sa fonction.

 
7 septembre 2022 | Par Sophie Poisson

Une chemise de chef imperméable ; une autre en polyester et bambou – réputé comme étant un régulateur thermique et un antimicrobien – infroissable ; ou encore en polyester et en lycra qui se veut doux, léger et confortable : les tissus intelligents représentent la tendance observée par Mirvik, à Québec. « Une grande attention est portée à la décoration intérieure des établissements pour créer une expérience, et les propriétaires veulent vraiment que l’uniforme soit complémentaire », témoigne Victoria Kelechian, associée dans cette entreprise spécialisée en uniformes et marchandisage personnalisés. Le style est donc lui aussi de plus en plus pris en considération, une préférence étant donnée aux formes unisexes et aux couleurs pastel neutres et légères.

« Les entreprises souhaitent de plus en plus avoir des uniformes de meilleure qualité et plus confortables pour que les employés aient envie de les porter. Et pour ce faire, elles sont prêtes à dépenser plus d’argent ! », affirme celle qui est aussi cheffe de produit. Elle précise que, à cause des enjeux d’approvisionnement, la plus grande préoccupation des acheteurs est de connaître l’état des stocks ; les franchises ont maintenant tendance à acheter en une fois la quantité d’uniformes qu’elles se procuraient autrefois progressivement tout au long de l’année.

Le Centre des congrès de Québec, qui pense à renouveler son uniforme, achète pour le moment deux pantalons au motif prince de Galles et deux vestons noirs par employé, puis les renouvelle à l’usure. Le nombre d’articles a diminué avec le temps, puisqu’il incluait autrefois des chaussures ou encore des bas. Le processus de sélection s’est aussi allégé. La première fois, le choix de patron a pris la forme d’un concours, mené dans une école de design, avant de trouver un fournisseur ; la deuxième fois, ce fut un appel d’offres auprès de designers québécois, et le gagnant a été responsable tant du patron que de la fabrication ; la troisième fois, seuls le tissu et la couleur ont été changés. Le dernier changement remonte à 2018, et l’institution s’est alors tournée vers le prêt-à-porter de l’Atelier D’Ilathan à Québec. Cette décision permet notamment aux employés de laver eux-mêmes leur uniforme et de réduire les coûts d’achat.

Seule la dizaine de coordonnateurs d’événements le portent encore, alors que d’autres groupes de travailleurs, comme les délégués commerciaux, étaient auparavant concernés. Le Centre des congrès de Québec peut toutefois choisir celui de ses sous-traitants – personnel d’accueil ou encore entretien ménager – et collaborer pour celui de ses partenaires – comme le traiteur.

Crédit photo : Mirvik Uniforms _ Merchandise

Une réglementation, des recommandations

Dominique Tremblay, directrice Affaires publiques et gouvernementales à l’Association Restauration Québec, fait le point sur la réglementation : « En cuisine, la règle de base est que les vêtements soient propres. Sans qu’il y ait obligation juridique, des recommandations sont données par le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec. Par exemple, il est recommandé à la personne qui manipule une friteuse de porter des manches longues et un pantalon pour éviter les blessures. » Pas de réglementation du côté de la salle à manger, où il s’agit plutôt de répondre à un besoin : « L’uniforme permet aux clients d’identifier les employés. Si en plus ces derniers portent le même vêtement aux couleurs de l’entreprise, ça peut devenir un outil marketing », ajoute Dominique Tremblay.

Pour établir une politique vestimentaire, la Loi sur les normes du travail indique qu’il faut avoir des motifs « légitimes et importants » liés à la sécurité au travail, à l’hygiène et la salubrité, à l’image en lien avec la clientèle ou à l’image de marque. Elle détermine en plus la personne responsable de payer et de nettoyer l’uniforme : « Lorsque l’employeur exige que ses travailleurs portent un vêtement précis, comme un uniforme, il doit fournir gratuitement ce vêtement aux membres de son personnel payés au salaire minimum, lit-on sur le site Internet de la Commission des normes de l’équité de la santé et de la sécurité du travail. Dès qu’un vêtement a le logo de l’entreprise, il doit être fourni gratuitement. Il est aussi interdit à un employeur d’obliger son personnel à acheter des vêtements ou des accessoires dont il fait le commerce, même s’il les offre à un meilleur prix. » Il est généralement reconnu en droit du travail que l’employeur a le droit de fixer des exigences quant à la tenue vestimentaire de ses employés : cela fait partie de son droit de gérance et la désobéissance à cette règle peut conduire à l’imposition de mesures disciplinaires, allant même jusqu’au congédiement.

« Il arrive que l’employé qui quitte une entreprise ne redonne pas l’uniforme qui lui a été fourni gratuitement, rapporte Dominique Tremblay. Mais à part la possibilité de porter plainte pour vol, l’employeur n’a pas vraiment de recours. » Cette situation ne dérange pas le Centre des congrès de Québec. « Souvent, l’employé arrive avec ses vêtements personnels et se change sur place, donc l’uniforme reste ici à son départ, explique Christine Alain, conseillère en ressources humaines. Et de toute façon, je ne l’aurais peut-être pas donné à quelqu’un d’autre à cause de l’usure, de l’ajustement et de l’hygiène. » Les vêtements récupérés sont cependant entreposés et peuvent être utilisés par les employés en cas de dégâts sur les leurs ou d’oubli.

Crédit photo : Mirvik Uniforms _ Merchandise

Le défi de l’acceptation ?

L’institution aborde le port de l’uniforme lors de l’entretien d’embauche ; comme la plupart des postulants viennent de l’hôtellerie ou de la restauration, ils sont habitués. Nombre d’entre eux se réjouissent aussi de ne pas avoir à choisir leurs vêtements ni à les payer. Ann Cantin, directrice des communications et du marketing au Centre des congrès de Québec, complète : « On a toujours sélectionné les uniformes en collaboration avec les employés qui le portent pour répondre à leurs attentes et leurs besoins. On leur a toujours permis de bien paraître et d’avoir des vêtements qui soient d’une grande efficacité pour leur travail. Je n’ai donc pas le souvenir d’avoir eu des mécontents. »

Samuel Sirois, chef exécutif et enseignant en cuisine à l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec, reconnaît qu’il s’agit d’un défi pour certains. « Des étudiants demandent pourquoi ils ne peuvent pas porter ce qu’ils veulent, mais d’autres sont très fiers d’avoir l’uniforme et de pouvoir choisir le calot ou la toque, par exemple, parce que ça démontre un statut, une cohorte à laquelle ils appartiennent. C’est important de se sentir fier de ce que l’on fait et de ce que l’on est quand on travaille, et l’uniforme peut contribuer à cette fierté ! »

Il raconte que, lorsqu’il s’est qualifié en juillet, au Chili, à la finale du concours culinaire Bocuse d’Or, le port de l’uniforme n’était pas seulement prescrit, mais obligatoire, au risque de perdre des points. « C’est une façon de montrer son respect envers les juges et la compétition, considère Samuel Sirois. Ce qui est également bien, c’est que tu ne peux pas vraiment te démarquer par ton style : c’est ta cuisine qui doit parler. » À titre de comparaison, il estime qu’il ne se sentirait pas forcément à l’aise d’avoir un médecin qui, avant de faire une chirurgie, viendrait lui expliquer la procédure vêtu d’une veste trouée et de chaussures mal lacées. « À chaque métier, son uniforme et son style ! Et ça me va très bien parce que c’est ce à quoi le client s’attend », insiste le chef. Il note que le client opte lui aussi pour un code vestimentaire adapté à l’établissement dans lequel il se rend.

Samuel Sirois pose la question : « On va sur toutes les tribunes dire qu’on n’est pas reconnus, c’est très vrai, mais sommes-nous prêts à nous approprier notre métier ? À démontrer qu’on fait partie de ce corps de métier ? »

 
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