Que diriez-vous de vous conformer à une loi que vous n’êtes pas tenu de respecter, simplement parce qu’elle a « bien du bon sens » ? En cette période de bilan annuel, voilà qui pourrait bien être la meilleure de vos résolutions.
En vertu de la Loi sur les compétences du Québec¹, tout employeur dont la masse salariale annuelle est supérieure à un million de dollars doit investir l’équivalent d’au moins 1 % de cette masse dans des activités de formation. Comme peu d’entreprises du secteur des HRI gèrent une telle somme, la plupart ne sont pas tenues de s’y conformer. Et pourtant, elles pourraient en effet avoir intérêt à « faire comme si »...
De toute évidence, investir en formation peut être payant, à court comme à moyen terme. Un tel investissement permet notamment de :
- développer une relève compétente ;
- valoriser son personnel ;
- se distinguer en offrant une qualité de service constante ;
- profiter d’un crédit d’impôt remboursable ;
- favoriser la rétention du personnel.²
Sur ce dernier point, « il y a incontestablement un effet générationnel », estime Jon Kiely, vice-président, Création de nouveaux produits, au Conseil canadien des ressources humaines en tourisme (CCRHT). Son organisme a comme mandat d’améliorer la qualité de la main-d’œuvre canadienne et d’aider les entreprises touristiques à s’adapter rapidement aux nouvelles exigences de la concurrence.
« Dans le secteur du tourisme, par exemple, 32 % des employés ont entre 15 et 24 ans, poursuit monsieur Kiely. Pourtant, cette tranche d’âge ne représente que 15 % de la main-d’œuvre active totale. Un employeur peut bien sûr attirer ces jeunes en leur faisant valoir la possibilité d’avoir des vacances intéressantes et de généreux avantages sociaux, mais on constate de plus en plus qu’une excellente façon de les garder dans le métier, c’est de leur permettre de voir où celui-ci peut les mener. L’accès à une formation continue joue alors un rôle clé. En cuisine, par exemple, les jeunes voudront être en mesure de suivre les tendances. S’ils travaillent à la réception, ils voudront rester au fait des dernières technologies en matière de terminal de réservations... »
Une formation aux visages multiples
Vous souhaitez investir en formation ? Vous pouvez d’abord vous tourner vers les ressources traditionnelles, comme l’ITHQ, l’École hôtelière de la Capitale et le Collège LaSalle. Aussi, divers établissements d’enseignement secondaire et collégial offrent de la formation continue en restauration sur l’ensemble du territoire québécois. La consultation du site d’Emploi-Québec³ ou encore du bottin des ressources en formation proposé à la fin du présent magazine vous donnera un bon point de départ.
Une suggestion pour vraiment « commencer par le commencement » ? Inscrivez-vous – ou l’un de vos employés – à la formation en hygiène et salubrité alimentaires du MAPAQ 4. Au Québec, tout exploitant qui prépare des aliments en vue de la vente, qu’il soit titulaire ou non d’un permis du MAPAQ, est tenu de s’assurer qu’au moins un membre de son personnel a reçu cette formation, mais rien n’empêche d’avoir plus d’une personne certifiée sur place. Cette formation de six heures pour les manipulateurs en comporte 12 dans le cas des gestionnaires. La certification est accordée à la personne qui l’a suivie et non à l’établissement qui l’emploie ; elle est en outre valide à vie. C’est donc une belle reconnaissance à offrir à un employé. « Un cas d’intoxication alimentaire, ça peut tuer un commerce ! » lance Yves Davignon, expert-conseil et formateur autorisé par le MAPAQ. Celui qui a notamment sillonné la Côte-Nord de Radisson à Blanc-Sablon pour y donner cette formation en résume très clairement l’objectif : « Une fois qu’un élève a terminé sa formation, je veux qu’il soit capable d’être son propre inspecteur en salubrité. Mon but, c’est que tous prennent conscience de l’importance d’entourer la manipulation alimentaire du plus grand professionnalisme. » La liste des formateurs autorisés par région est disponible sur le site Internet du ministère 5.
En formation, le choix est vaste, comme en témoignent les quelques exemples donnés dans l’encadré : formations en classe, publiques, en entreprise ou en ligne, coaching, compagnonnage… à vous de choisir. « Au fil des ans, nous avons en effet constaté qu’il existe vraiment beaucoup de types d’apprenants, signale Jon Kiely, du CCRHT. Certains vont bien comprendre dans un contexte de style manuels, cahiers et salle de classe. D’autres excelleront dans un webinaire. » De plus, bon nombre d’établissements peuvent vous proposer une formation sur mesure, ou presque.
Des exemples pour vous inspirer
À l’écoute des besoins
La démarche du Conseil québécois des ressources humaines en tourisme (CQRHT) va dans ce sens. « Nous répondons directement aux besoins manifestés par l’industrie, et nos formations ont une durée de vie limitée, mentionne Isabelle Girard, directrice générale du Conseil québécois des ressources humaines en tourisme (CQRHT). Par exemple, des sondages menés par l’Association des restaurateurs du Québec (ARQ) auprès de ses membres ont permis de déceler un besoin de perfectionnement, notamment en matière de rentabilité des établissements. »
Bref, le CQRHT part d’un besoin manifesté par plusieurs secteurs de l’industrie et élabore des ateliers génériques. Il a ainsi mis sur pied des ateliers en contrôle des coûts et en gestion des ventes. Le même atelier est diffusé en multientreprises ou en entreprise unique si le nombre de participants le permet. L’organisme a aussi instauré un programme d’apprentissage en milieu de travail misant sur le compagnonnage 6. « Le service à la clientèle est un autre volet qui nous tient à cœur, poursuit madame Girard. Nous offrons trois ateliers sur le sujet. » Toute l’information nécessaire est accessible sur un site réservé à cet aspect de la formation : penserclient.com.
La certification par la reconnaissance d’acquis permet aussi de progresser
Pour motiver un membre du personnel, l’employeur peut aussi investir dans l’obtention d’une certification, comme celle qui est offerte par le programme de normes interprovinciales Sceau rouge, administré par le Conseil canadien des directeurs de l’apprentissage (CCDA). Ce programme permet aux gens de métier de faire reconnaître leurs compétences partout au Canada sans avoir à passer d’autres examens. En HRI, les métiers de boulanger-pâtissier et de cuisinier-cuisinière font l’objet de normes communes pouvant permettre l’ajout de la mention Sceau rouge au certificat d’aptitudes professionnelles. Son obtention est un gage de mobilité professionnelle qui peut à la fois être utile pour l’employeur et stimulant pour l’employé.
Les apprentis qui réussissent la formation peuvent demander un soutien financier du gouvernement du Canada en consultant red-seal.ca 7.
Payante, la formation ? Oui, monsieur !
Propriétaire de FormAction Resto, Christopher Wells est un formateur qui se rend en entreprise pour montrer aux gestionnaires d’établissements de restauration comment mettre en place des systèmes de gestion, les rendant ainsi plus concurrentiels.
« Il peut nous arriver par exemple de conseiller qu’on retire du menu un plat trop difficile à exécuter ou encore de repérer certaines étapes de préparation pouvant être réalisées à l’avance afin d’accélérer le service en période de pointe », illustre-t-il.
Bien souvent, FormAction Resto met carrément le doigt sur des problèmes très précis, par exemple lorsque son formateur est arrivé en renfort dans une pizzeria familiale de l’Outaouais qui avait du mal à atteindre la rentabilité. L’établissement avait vendu, notamment, 4 673 grandes pizzas au cours des 12 derniers mois. En enseignant au personnel l’importance de faire une pesée du fromage lors de la préparation, on a constaté que les employés utilisaient habituellement 15 oz au lieu de 12 oz de fromage, soit trois onces (84 g) en trop. Christopher Wells leur a alors fait la démonstration d’un calcul très simple :
- Prix d’une brique de fromage de 2,5 kg : 30 $, soit 0,012 $/g
- Prix de 84 g de fromage : 1,01 $/pizza
- Perte de 1,01 $ par pizza x 4 673 : 4 719,73 $
En suivant une formation lui faisant acquérir de bonnes pratiques de travail, l’équipe en cuisine a pu créer une économie de plus de 4 700 $. « Cela représente 4,29 % du chiffre d’affaires de 110 000 $ de cette petite entreprise, précise Christopher Wells. Comme la marge bénéficiaire d’un restaurant se situe généralement aux environs de 4 % (7 % chez ceux qui se portent le mieux), la formation a permis de récupérer une somme non négligeable. »
Dans la foulée de ce redressement de tir, on a aussi montré aux préposés aux commandes téléphoniques à agir avec plus d’efficacité. Le chiffre d’affaires a finalement presque doublé, pour passer à 215 000 $. La santé financière subséquente a permis au restaurant de financer des rénovations et un agrandissement, si bien qu’il prévoit réaliser des ventes de 500 000 $ cette année ! Tout cela grâce à une formation sur mesure qui n’aura coûté que 3 000 $.
FormAction Resto propose une infolettre à laquelle on peut s’abonner gratuitement en faisant une demande à formactionresto.com. Fait intéressant : la formation peut être donnée en personne ou par Skype.