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Programmes de cuisine : « Il y aura toujours des jeunes passionnés »

 
10 janvier 2022
Crédit photo: Gaëtan Tessier / École hôtelière de l’Outaouais

Lettre ouverte de Gaëtan Tessier, enseignant en cuisine à l’École hôtelière de l’Outaouais

« Je viens de lire votre article sur la difficulté de recrutement dans les programmes. J’aimerais vous donner ma vision de l’enseignement. J’enseigne depuis 34 ans, et le métier est un cycle. Ce n’est pas la première fois que je vois la panique s’installer, et la vague revient. La pandémie fut un arrêt exceptionnel, mais ça n’apportera qu’une remise en question de nos façons de fonctionner - ce qui n’est pas nécessairement mauvais. Ça fera peut-être le ménage parmi ceux qui n’ont rien à faire dans la restauration et qui y sont juste parce qu’ils ont de l’argent.

En attendant, il faut peut-être en profiter pour faire connaître nos success stories. Moi, je consacre un temps incalculable pour permettre de donner à ceux qui sont en formation et qui ont du potentiel des expériences pour aimer le métier. Et ce ne sont pas toujours les élèves flamboyants qui méritent le plus mon implication.

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J’ai plein d’histoires que je pourrais vous conter : celle de ce jeune de 19 ans qui tombait dans la drogue, la boisson et baignait dans un mauvais milieu, et qui a eu son diplôme par la peau des dents. Il m’est revenu cinq ans plus tard pour faire son cours de spécialisation en cuisine actualisée. Sur le coup, j’étais découragé, mais j’ai vu un jeune homme qui s’accrochait à moi pour sortir de ce milieu et qui avait eu la vie dure dans des restos bas-de-gamme. J’ai trouvé l’argent pour l’amener avec moi au congrès de la Fédération culinaire canadienne à Edmonton, où je lui ai présenté le chef du Congress City Center. Cet élève n’est jamais revenu ici ; c’est maintenant lui qui dirige les cuisines du centre des congrès.

Il y a aussi ce jeune qui voulait aller en France pour poursuivre son apprentissage, que j’ai envoyé chez Bernard Loiseau, un double étoilé. Après son stage, on l’a engagé pour travailler comme capitaine en salle. Quatre ans plus tard, il est de passage ici pour s’occuper de sa mère, mais on l’attend chez Loiseau avec un bouquets de primes. J’ai une dizaine de jeunes qui sont passés par ce restaurant... Dont une élève qui est allée faire un stage en salle, et à qui on a offert un poste par la suite. Après la saison, elle est partie en road-trip pour aboutir au cœur de Bangkok, à l’hôtel Lebua, où elle a été embauchée dans la salle à manger du Mezzaluna - un deux étoiles Michelin. J’ai justement reçu un appel de Bangkok récemment : cette élève m’annonçait - avant même de l’annoncer à ses propres parents - qu’on venait de lui offrir le poste de directrice de la salle à manger.

Je pense encore à cet autre élève, intéressé par rien et qui est arrivé chez nous pour faire son DEP en cuisine, plus ou moins certain de son choix. Après avoir jasé ensemble et l’avoir invité a faire quelques réceptions avec moi, je l’ai convaincu de s’inscrire à mon cours d’ASP l’année suivante. À la fin, je l’ai envoyé chez Georges Blanc, chez Maaemo, chez Mirazur, chez Jérôme Ferrer. Il a fait des compétitions.

Un jour, il m’a annoncé qu’il partait passer quelques jours a New York pour trouver un endroit qui lui plairait. Il a fait différents restaurants, pour finalement débarquer au Eleven Madison Park (3 étoiles Michelin). Il a convaincu Daniel Humm de le prendre en stage pendant un an. Par la suite, le chef, ravi du candidat, lui a proposé de monter son dossier pour un visa de travail de trois ans. Mon élève a commencé comme sous-chef, avant de travailler en recherche et développement pour créer les prochains plats du restaurant. Avec la pandémie, il est l’un des seuls a être resté au service du chef Daniel, et il est maintenant chef de cuisine sous le propriétaire.

C’est la passion que j’essaie de donner à mes jeunes. Chaque année depuis cinq ans, avant la COVID-19, j’allais enseigner un mois dans quatre lycées de Finlande, et je recevais par la suite quelques étudiants et chefs finlandais. Je mets un temps fou bénévolement pour organiser à mes élèves des voyages gastronomiques en France, en Italie ou encore en Espagne, chez Bocuse, Massimo Bottura, je les emmène à Mirazur, à El Celler de Can Rocca, je leur fais découvrir le balsamique, l’université du gelato à Bologne, le culatello, le parmesan, etc. Et à ceux qui sont intéressés, je leur trouve des stages chez Les Toques d’Auvergne, chez Blanc, chez Loiseau...

Ce n’est donc pas vrai que tout est sombre. La vie est en mouvement et il faut suivre la vague. Mais il y aura toujours des jeunes passionnés... »

Mots-clés: Québec (province)
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