Il y a des chefs qui décident de les fabriquer eux-mêmes ; d’autres qui choisissent de se les procurer auprès d’un fournisseur ou de les importer. Au Québec, les charcuteries gagnent du terrain. Certains restaurants les inscrivent même au coeur de leur concept.
Tendance 1 :
Les charcuteries s’exposent
Mis dans un réfrigérateur vitré, les saucissons et jambons secs s’exposent pour le plus grand plaisir des clients. Certains restaurants font la découpe et le montage de l’assiette devant le client – comme au Hambar ou Chez Victoire à Montréal. Le choix esthétique de l’équipement pour exposer et trancher importe donc beaucoup. Par exemple, le Hambar à Montréal possède deux trancheuses à volant Tamagnini rouges importées d’Italie.
Le plateau de charcuteries de Chez Victoire.
En haut, de gauche à droite : Terrine boeuf et porc, Bresaola, Saucisse tex-mex, Longe de porc fumé. En bas, de gauche à droite : Magret de canard fumé, Saucisse d’Arles, Saucisse pepperette, Langue de veau grillée. Au centre : Fiocco
Photo : © Chez Victoire
Tendance 2 :
Les charcuteries s’allègent
Une situation qui peut paraître paradoxale dans la mesure où le sel en charcuterie a de multiples fonctions, tout comme le gras. Est-ce possible de couper dans l’un ou l’autre ? « Quand le client voit, par exemple, le gras de ma tête fromagée, il faut lui expliquer, le convaincre ! » confirme Louis Bouchard Trudeau, charcutier-traiteur et chef copropriétaire du restaurant Le Pied bleu à Québec. « Tandis qu’un pâté de foie, beaucoup plus gras, passera, car le gras qu’il contient n’est pas visible. » En France, pays de grandes traditions charcutières, les ventes de saucissons allégés vendus au supermarché ont bondi de plus de 17 % par an¹. Bob Paluzzi, chef des ventes et du marketing pour Aliments Roma confirme que l’entreprise travaille avec une viande plus maigre pour sa Bella Vita, une nouvelle saucisse fraîche lancée il y a quelques mois pour le secteur HRI au Québec. Des porcs plus maigres, nourris le plus « naturellement » possible (voire des viandes certifiées biologiques), une optimisation des recettes ainsi que des méthodes de fabrication… autant de volets sur lesquels travaillent petits et gros du secteur pour « alléger » la charcuterie.
Tendance 3 :
Les charcuteries expérimentent
La diversification du marché pousse la demande vers d’autres matières premières que le porc : canard, sanglier (une viande non persillée avec une couche de gras qui permet de la transformer), loup-marin, etc. Avec l’ouverture et l’intérêt des cuisiniers pour d’autres cultures et traditions culinaires, les possibilités de recettes deviennent illimitées. Par exemple, le maître charcutier John van der Leick de Oyama Sausage à Vancouver utilise comme ingrédient de saumurage pour un jambon du saké-kasu (la lie du saké²). Quant au chef Chris Cosentino du restaurant Boccalone de San Francisco, on ne compte plus ses trouvailles et maîtrises charcutières³ ! L’établissement a même mis en place un système d’abonnement pour l’envoi de paniers de charcuteries. Seattle et Vancouver sont apparemment deux villes où fourmille une créativité en matière de charcuterie artisanale.
Tendance 4 :
Les charcuteries se partagent
Longue planche de bois sur laquelle sont disposés une sélection de charcuteries et des accompagnements : voilà le style de présentation rencontré le plus souvent au restaurant. Mis au centre de la table, les clients piochent à leur guise dans ce plateau à partager, souvent offert pour deux, quatre personnes. Mais la charcuterie est aussi utilisée pour garnir des salades (des tranches de salami, prosciuttini ou pepperoni coupées en petits cubes, par exemple) ou donner du goût (comme une sauce à spaghetti avec de la pancetta).
Tendance 5 :
Les charcuteries se « dégluténisent »
Le secteur des charcuteries suit la demande croissante du marché pour les produits sans gluten – comme la chapelure de blé dans les saucisses fraîches. Pour son boudin, le chef Louis Trudeau Bouchard du Pied Bleu est parvenu à éliminer la source de gluten. « C’est une question de tour de main. Il faut observer, comprendre, tester et retester ! »
Tendance 6 :
Les charcuteries se « naturalisent »
Le marché des charcuteries dites naturelles est en plein essor. L’objectif étant de s’afficher « Sans nitrite ajouté », un autre nerf de la guerre qui cause beaucoup de tort à l’industrie. En effet, les nitrites, utilisés pour prolonger la conservation, prévenir la croissance des bactéries et donner une couleur rosée à la viande, sont accusés d’être cancérigènes. Dans les nouvelles gammes de charcuteries naturelles, sel de mer, sucre de canne, vinaigre et extrait de céleri se substituent aux nitrites de synthèse. Le dossier est-il clos pour autant ? Non, car « il semblerait que les nitrites d’origine naturelle aient le même impact sur la santé que les nitrites ajoutés 4 ».
Tendance 7 :
Les charcuteries s’épicent…
Toutefois, des études sont actuellement menées pour « vérifier si certaines épices (NDLR : comme le cumin) pourraient procurer les mêmes avantages que les nitrites et les nitrates, mais sans les inconvénients5 ». Les premiers résultats des travaux de recherche de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) du Québec et de la Faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation de l’Université Laval ont été présentés au Congrès de l’ACFAS en mai 2013. La voie semble prometteuse.
Tendance 8 :
Les charcuteries doivent faire gagner du temps
Les charcuteries sont des produits par excellence de dépannage, de repas sur le pouce, de garniture à sandwich ; on leur demande donc d’être prêtes à être consommées ou rapides à cuire. C’est pourquoi on trouve de plus en plus de portions individuelles, de saucisses fraîches précuites et de multiples préemballages.
Résumé des données de marché Nielsen pour le marché de la charcuterie au Québec (ventes en $ pour les 52 semaines se terminant le 15 décembre 2012) :
- Total des charcuteries (viandes froides) + 4 %
- Charcuterie italienne + 12 %
- Charcuterie italienne traitée à sec + 15 %
- Prosciutini Roma + 534 %
Prosciutini doux
Salami
Sopressato
Prosciutini fort
Photos : © Roma
Catégories de charcuteries :
- 1) Les salaisons, c’est-à-dire sans cuisson – jambons et saucissons secs, chorizo, pepperoni, rosette, jésus, salami…
- 2) Les produits cuits – jambons et saucissons cuits, pâtés, rillettes, cretons, galantines, boudins, saucisses à hot-dog, têtes fromagées...
- 3) Saucisses fraîches et autres produits frais (bacon). Principalement à base de porc, mais aussi de boeuf, de veau, de volaille et de gibier. Charcuteries à base de poissons et charcuteries végétariennes (similiviandes et saucisses).
Photos : © Pied Bleu
Les pays charcutiers et les grands noms de la charcuterie
- France : coppa, jambon sec (prisuttu) et lonzo de Corse, jambon de Bayonne, rosette de Lyon, saucisse de Morteau…
- Italie : coppa, culatello, jambon San Daniele, jambon de Parme, mortadelle, pancetta, salami, speck...
- Péninsule ibérique (Espagne, Portugal) : chorizo, jambon ibérique (Pata Negra), jambon Serrano…
- Québec : bacon, baloney, cretons, dinde fumée, jambon cuit (toupie, picnic) jerky, smoked meat…
Qu’est-ce qui fait une bonne charcuterie ?
D’abord, la qualité des matières premières : la viande bien sûr, mais aussi le boyau naturel pour les saucisses, le choix des assaisonnements, etc. La préparation dans un environnement sain qui respecte les normes d’hygiène et salubrité (tout comme le cuisinier qui les prépare et les manipule). Le mode de fabrication lui-même. La découpe finale.
Le b. a.-ba du plateau de charcuteries
Présenter de 7 à 10 variétés avec des textures et des saveurs différentes. Certains restaurants incluent quelques charcuteries chaudes. Accompagner de gelées, de marinades, de condiments (cornichons, légumes, moutardes), etc. La qualité du pain est primordiale ; dommage que beaucoup de restaurants servent d’ailleurs leur plateau de charcuteries avec de fins croûtons légèrement frits et passés au four…
Quelques conseils avant de se lancer dans la charcuterie artisanale
- 1) Disposer d’un espace de travail propre et d’une chambre froide.
- 2) Avoir du temps et de la technique – surtout pour les salaisons.
- 3) Faire du volume est nécessaire.
- 4) Se conformer aux exigences très strictes du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ).
- 5) Trouver un juste équilibre gras-maigre. Par exemple, un saucisson sec doit rester ferme, embossé dans un boyau naturel et ne pas être humide.
- 6) Effectuer beaucoup de tests et accepter de faire des erreurs, car il faut tenir compte de nombreux facteurs (température, hygrométrie…). De plus, la formation est absente au Québec, il faut donc passer par l’autoapprentissage au moyen de lectures, d’échanges, etc.
Sur le site Web de l’entreprise Fou du cochon et Scie (parmi les meilleures charcuteries artisanales au Québec), il est possible de télécharger gratuitement Le petit manuel de l’artisan charcutier.
Pour d’autres conseils intéressants
NOUVEAUTÉ
Les charcuteries Gaspor
(Fermes St-Canut, porcelet de lait)
Les produits, comme la mousse de foie de porcelet au vin de tomates de Baie-Saint-Paul, le pâté grand-mère au thym frais et bacon, le jambon blanc cuit 12 heures, les rillettes au saindoux de porcelet de lait, les rillons confits 14 heures, et bien d’autres sont offerts à la nouvelle boutique Gaspor (215, boul. Maisonneuve à Saint-Jérôme - Tél. 450 504-8443) ou lors des marchés d’été de Val-David/Mont-Tremblant/Saint-Lambert. D’autres produits à venir à la rentrée pour les restaurateurs.
Porcetta de porcelet de lait
Pâté en croûte farci au foie gras
Photos : © Charcuteries Gaspor
- ² « On l’utilise pour faire l’amazaké, le kasu-jiru (la soupe à la lie de saké et au miso) et le kasu-zuké (le poisson ou la viande grillés à la lie du saké). Le saké-kasu est très nutritif (protéines, vitamines, calcium, etc.) et il est efficace pour conserver les aliments. » Source : www.cuisine-japonaise.com.