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Tendances

Dossier Tendances : La restauration en 2018

 
25 janvier 2018 | Par Katherine Boisvert

1. L’année de la fausse viande
De la charcuterie aux fruits de mer, en passant par les ragoûts, 2018 sera l’année de la fausse viande. Les restaurateurs vogueront sur la tendance végane pour proposer des hamburgers à base de plantes et des assiettes de charcuteries végétariennes (pâté aux champignons, chorizo de betteraves, etc.). Les légumes deviendront également des substituts au pain et aux pâtes, avec par exemple du riz au chou-fleur ou des spaghettis à la courgette.

2. Des couleurs éclatées
Les chefs utiliseront des purées maison et les poudres à base d’ingrédients naturels (carottes, betteraves, pois) pour ajouter une touche de couleur à leurs plats. Les glaces pastel, les fleurs comestibles et la limonade au charbon de bois connaîtront aussi beaucoup de succès. Et les produits du style Frappuccino Licorne de Starbucks devraient se multiplier.

3. L’Utilisation créative des déchets de table
Voguant sur la mode zéro déchet, les restaurants proposeront des cocktails se servant de sous-produits de cuisine, comme les rognures de betterave et l’écorce de melon d’eau. Les feuilles de navet ou de moutarde et les tiges de carottes retrouveront également leurs lettres de noblesse. Des initiatives comme celle du fabricant de glaces artisanales Salt & Straw, qui utilise les restes de maïs soufflé du Roxie Theater de San Francisco pour préparer l’une de ses crèmes glacées, devraient devenir plus courantes en 2018.

4. Des saveurs exotiques
Saveurs péruviennes, israéliennes, indiennes, asiatiques ou africaines… la tendance sera à la cuisine ethnique et authentique. Les restaurateurs ont tâté le terrain l’an dernier, en proposant des sauces et des épices exotiques pour accompagner les plats nord-américains. Cette année, ils surprendront les palais de leurs clients avec davantage d’épices (harissa, cari, ras-el-hanout et shichimi) et de condiments exotiques (sriracha, sambal, chimichurri, gochujang et zhug). La tendance sera également aux petits déjeuners d’inspiration ethnique.

5. Le retour des classiques
Des pépites de poulet au pain de viande haut de gamme en passant par les œufs farcis et la pâte à biscuits comestible, la tendance sera aux plats réconfortants ou inspirés de l’enfance. Alors que certains restaurateurs redécouvriront les recettes traditionnelles, d’autres les adapteront au goût du jour.

6. L’hyperlocal, un gage de qualité
Jardins sur les toits, bières brassées sur place, établissements possédant leur propre boucherie, condiments faits maison : les restaurateurs redoubleront d’ardeur pour offrir des produits locaux et de qualité supérieure.

7. Le prêt-à-manger
Les épiceries et les supermarchés ont déjà investi le marché du prêt-à-manger. Les restaurateurs ont également suivi la vague en offrant davantage de livraison, de plats à emporter et de réfrigérateurs remplis de plats préemballés, prêts à être réchauffés à la maison. Fairmont Le Reine Élizabeth a ouvert le Marché Artisans en novembre 2017, et la chaîne Eataly s’implantera à Toronto en 2019. La tendance du grocerant est bel et bien arrivée au Canada et créera des possibilités énormes pour l’industrie alimentaire en 2018.

Mais aussi…
• Le commerce en ligne : suggestions de menus personnalisés, commandes passées par une application mobile, discussions via chatbox… Le Web est une ressource indispensable pour les restaurateurs.
• Les algues seront partout en 2018 : dans le lait, les œufs, la vinaigrette, les tacos et même dans la crème glacée et les biscuits.
• Les champignons se retrouveront dans les boissons embouteillées, les soupes, les smoothies, le café et le thé.
• Charcuteries de bœuf salé, pastrami et poisson fumé : ce sera aussi le retour du delicatessen.
• Faire ses conserves soi-même sera tendance en 2018. Les aliments à mettre en boîte ? Les poissons et les fruits de mer.


L’AVIS DE L’EXPERT : TECHNOLOGIE ET ÉCOLOGIE
Guillaume Lussan, consultant en aménagement de services alimentaires et en restauration chez WSP, dévoile ses prédictions en matière d’équipements.

Cuisines connectées
Les restaurateurs veulent de l’équipement avec lequel ils peuvent interagir en tout temps. Les fabricants ont entendu la demande et offrent de plus en plus d’appareils connectés au Wi-Fi qui permettent d’avoir l’œil sur le processus de production en cuisine et de consulter des messages d’erreur sur leur cellulaire.

Jardin intérieur commercial
Tendance locavore oblige, les réfrigérateurs permettant de faire pousser ses propres micropousses, fines herbes ou autres végétaux feront leur entrée dans plusieurs restaurants cette année. Le système GardenChef peut être installé directement dans la cuisine ou la salle à manger, et permet d’ajouter un bel élément de design à chaque établissement. La fraîcheur des herbes garantit une teneur optimale en nutriments et en saveurs.

Gestion des déchets
Cette année, de plus en plus d’entreprises s’intéresseront à la gestion des déchets. Plusieurs restaurants ont d’ailleurs déjà installé les bornes « intelligentes » de la compagnie québécoise Solucycle, permettant de gérer les déchets à la source. Le concept est simple : les matières organiques sont broyées, puis envoyées dans un réservoir qui émet un signal lorsqu’il doit être vidé. Solucycle s’occupe ensuite de transporter les déchets vers un centre de valorisation.

Mais aussi…
• Des appareils qui favorisent l’économie d’énergie (eau, électricité) et la récupération de la chaleur.

• Davantage de couvercles de bacs de cuisine réutilisables pour réduire l’utilisation de pellicule plastique.

• Des produits permettant de servir plus efficacement les consommateurs ayant des restrictions alimentaires (notamment, des outils pour préparer des aliments sans allergène — plus précisément sans gluten).

 
 
Actualités

Dossier Tendances : Que nous réserve 2018 ?

 
L’ANNÉE 2018 N’EN EST QU’À SES DÉBUTS, MAIS DÉJÀ LES GRANDS DE L’INDUSTRIE ALIMENTAIRE SE SONT PRONONCÉS SUR LES TENDANCES DES PROCHAINS MOIS À SURVEILLER. ACCOMPAGNÉ D’EXPERTS ET À PARTIR DE DIVERSES ÉTUDES NATIONALES ET INTERNATIONALES, HRIMAG VOUS DRESSE LA LISTE DES MODES, DES INNOVATIONS ET DES AUTRES SURPRISES ATTENDUES POUR 2018.
 

 
25 janvier 2018 | Par Katherine Boisvert, Pierre-Alain Belpaire

Pour plus de clarté et afin de rentrer davantage dans les détails, nous avons réparti ces tendances en trois sous-dossiers :

Priorité au client seul
L’an dernier, les réservations pour des clients désirant manger seuls ont grimpé de 85 %, selon des chiffres d’OpenTable. Les restaurateurs doivent donc mettre sur pied des stratégies visant à mieux accueillir ces clients. Fini le temps où on leur réservait la table du fond !

Ce n’est pas qu’un « au revoir »
Dans le but de protéger leur e-réputation et d’améliorer leur image, les professionnels des HRI devront apprendre à mieux prendre congé de leurs clients. Car un visiteur qui repart fâché ne se gênera jamais pour le faire savoir…

Caféine au fût
Si le thé connaît des heures plus difficiles, le café garde sa première place. Ce caractère incontournable ne doit toutefois pas empêcher l’innovation. L’industrie des HRI pourrait par exemple se tourner vers le café en fût, servi froid.

La chance des « petits » joueurs
S’ils utilisent efficacement les outils de réservation modernes, les hôtels indépendants ou les plus petites bannières pourraient venir titiller les gros acteurs de l’industrie.

Services à l’étage limités
Du minibar à la livraison de repas, les hôteliers doivent revoir la liste des services offerts en chambre. Ces investissements s’avèrent généralement peu rentables.

Résidences dépaysantes
Repas thématiques, sorties originales, espaces repensés : pour accueillir une nouvelle génération de clients, les résidences pour personnes âgées devront offrir des expériences toujours plus innovantes.

Mais aussi :
• Le fait maison en impartition : du fait maison préparé… par d’autres.
• Des menus raccourcis et concentrés sur une seule page.
• Le Clean Label : le naturel revient au galop.
• Faire ses propres conserves pour avoir l’assurance de disposer de produits locaux à l’année.
• Dans un contexte de pénurie de main d’œuvre, pourquoi ne pas s’intéresser
davantage aux machines ?
• Mozzarella, burrata et mini-pâtes : la fraîcheur à l’italienne !

 
 
Tendances

Dossier Tendances : L’hôtellerie en 2018

Chambres minimalistes, connexions Internet, personnalisation de l’expérience client : les hôteliers devront se démarquer en 2018 s’ils veulent conquérir un nouveau marché, celui de la génération Y.

 
25 janvier 2018 | Par Katherine Boisvert

1. L’année des milléniaux
La génération Y occupera une part importante du marché en 2018. Clientèle exigeante, les milléniaux veulent plus d’expérience sur le terrain, plus de facilité, plus de connectivité. Les hôteliers devront faire preuve d’originalité pour attirer cette nouvelle clientèle et augmenter leur présence sur les réseaux sociaux à grands coups de vidéos en direct et de belles histoires à partager.

2. « Comme à la maison »
L’époque où l’on devait descendre dans le hall de l’hôtel pour avoir accès à internet est définitivement révolue. Les clients veulent être connectés « comme à la maison » et écouter leur propre contenu télé. Les hôteliers devront s’adapter en offrant davantage de prises USB dans chaque chambre. Véritables casse-têtes pour les designers, ces prises devront, bien entendu, être le moins visibles possible. Les têtes de lit high-tech, comme celles des chambres WorkLife du Crowne Plaza, seront en vogue en 2018.

3. Des chambres minimalistes
Bureau transformé en table de chevet, placard remplacé par un support mural… : si les espaces communs sont toujours plus vastes, les chambres, elles, ne contiennent plus que l’essentiel. Le concept séduit de plus en plus d’hôteliers, car il permet d’augmenter le nombre de chambres dans une même superficie.

4. La nature dans l’hôtel
Plus que jamais, l’intégration de la nature dans le design est primordiale. À défaut d’avoir une vue impressionnante sur l’eau ou la montagne, les hôteliers ajouteront de grandes plantes, des foyers, des cascades ou fontaines d’eau et utiliseront des matériaux nobles comme le bois, la pierre et le marbre.

5. Personnaliser l’expérience client
Pour se démarquer, les hôtels doivent avoir une longueur d’avance sur les voyageurs afin de mieux cerner leurs besoins. Les professionnels devront mieux utiliser les fonctions de clavardage (site Web de l’hôtel ou Facebook Messenger), afin d’améliorer le service offert aux clients et de permettre à ces derniers de prendre une décision éclairée, le tout sans quitter le réseau.

6. Le marché du bien-être
Retraite de yoga, cours de conditionnement physique, équipements de fitness dans les chambres, expériences sensorielles… Cette année encore, l’intérêt croissant pour la santé et le bien-être devrait favoriser la montée en popularité des établissements de ressourcement et de bien-être. Certains hôteliers auront même recours à des experts du sommeil pour augmenter le confort de leurs clients.

Mais aussi…
• Hôtels automatisés  : L’intelligence artificielle va transformer les hôtels
en apportant des réductions de coûts et en ouvrant de nouvelles possibilités.

• Réutilisation des téléviseurs : Les téléviseurs seront utilisés pour afficher
du contenu non interactif ou pour aviser les clients de la marche à suivre
en cas d’alerte ou de mesures d’urgence.
 


 
L’AVIS DE L’EXPERT : ENTRE HUMANISATION ET AUTOMATISATION
 
Sébastien Gagné, président du groupe-conseil Innovmatik spécialisé en hôtellerie, liste les tendances à suivre dans le secteur de l’hébergement au cours de l’année qui s’amorce.

Réorganisation des plans de travail
Pénurie de main-d’œuvre oblige, la réorganisation des plans de travail sera la tendance de l’année en hôtellerie. « La nécessité d’adapter les horaires sera au cœur des négociations collectives », souligne-t-il. De plus en plus d’hôteliers croient à l’importance d’offrir des plans de travail-études afin d’avoir accès à une nouvelle main-d’œuvre. Par ailleurs, s’ils veulent attirer la nouvelle génération et ne pas la perdre au profit d’autres domaines, ils devront favoriser le télétravail et la conciliation travail-famille.

Automatisation des tâches
Que ce soit pour l’affectation des chambres à préparer ou l’inspection de la qualité, de plus en plus d’hôtels se tournent vers des solutions numériques. Ces logiciels rendent les employés plus autonomes et plus efficaces et améliorent la satisfaction du client. Le système prévoit toutes les arrivées du jour, le moment auquel le client quitte et la priorisation des chambres. Ce type de logiciel permet également de repérer les ampoules grillées, par exemple. Bref, l’automatisation des tâches permettra de réduire la main d’œuvre. Une solution efficace en cette ère de pénurie…

Expérience globale
En 2018, les hôteliers investiront davantage dans les espaces communs et les milieux de vie que dans la chambre en tant que telle. Ils proposeront davantage d’espaces conviviaux où leurs clients pourront faire du télétravail et du réseautage. Déjà très présente en Asie et en Europe, cette tendance devrait permettre d’attirer une nouvelle clientèle, soit la génération Y.

Décroissance des banquets
« La réunion classique, avec un groupe qui arrive de l’extérieur et réserve 50 chambres, fonctionne encore bien », estime Sébastien Gagné. La plupart des hôteliers constatent toutefois une décroissance du marché social et local. Selon le président d’Innovmatik, les gens veulent des expériences déstabilisantes ; ils sont donc moins portés à organiser un party de bureau ou une noce dans un hôtel. Les hôteliers devront se démarquer s’ils souhaitent reprendre cette part de marché

 
 
Tendances

Dossier Tendances : Les services institutionnels en 2018

 
25 janvier 2018 | Par Katherine Boisvert

Geoff Wilson, président de la société fsSTRATEGY, spécialisée en soutien à la stratégie d’entreprise pour l’industrie de la restauration, a établi sa liste de prédictions pour 2018 en matière d’hôpitaux, de maisons de retraite et d’établissements scolaires.

1. Optimisation des menus
Dans les hôpitaux, la tendance sera aux initiatives permettant de limiter les coûts, grâce principalement à l’optimisation des menus. Cette stratégie consiste à évaluer les menus, les recettes, les portions, les ingrédients et la production (fabrication ou achat) afin d’offrir des choix alimentaires contemporains et d’optimiser la satisfaction des patients. Bien qu’il n’y ait là rien de nouveau, la rigueur avec laquelle les hôpitaux s’intéressent à l’optimisation des menus en fait la grande tendance 2018.

2. Services à la carte
Certains hôpitaux explorent des menus de type restaurant (avec des plats choisis par le patient) et des horaires de commande flexibles. Ces menus réduisent le gaspillage, car ils sont plus satisfaisants pour le patient. Cette tendance présente toutefois un inconvénient : les coûts de main-d’œuvre risquent d’être plus élevés, puisque l’hôpital offre des repas à la demande plutôt qu’à une heure prédéterminée. Cette tendance comporte également de nombreux défis, car les choix du client doivent s’harmoniser avec les régimes prescrits par les équipes médicales.

3. Exploration de nouvelles technologies
Afin de gagner du temps, d’être plus performantes et de limiter les coûts, les maisons de retraite utiliseront davantage de fours préprogrammables. Les établissements exploreront également de nouvelles technologies afin d’être plus concurrentiels et de rehausser l’expérience client. Le personnel utilisera entre autres des systèmes POS (Point Of Sale) et des tablettes afin de programmer les choix des résidents, de communiquer les commandes à la cuisine, de planifier la production et d’analyser les menus.

4. Cuisine de rue dans les écoles ?
Les programmes de repas dans les résidences collégiales ou universitaires seront reformulés afin d’offrir des produits de qualité, tout en établissant la meilleure base de revenu possible. Ces changements passeront notamment par la rationalisation, et éventuellement par la consolidation des opérations de restauration au détail. L’utilisation des chaînes sera également réduite afin d’optimiser la durabilité financière, tout en maintenant la satisfaction de la clientèle. Malgré tout, les établissements scolaires proposeront aux étudiants davantage de possibilités de personnaliser leurs choix alimentaires. L’utilisation de camions de cuisine de rue pourrait d’ailleurs permettre de diversifier cette offre


L’AVIS DE L’EXPERT : DIVERSITÉ ET ACTIVITÉS
Marc Ouimet, vice-président adjoint, mise en exploitation et services connexes, au Groupe Maurice, révèle les tendances à surveiller dans les maisons de retraite privées en 2018.

Personnalisation de l’offre
Les boomers sont scolarisés et ils ont voyagé. Ce sont des épicuriens tournés vers le futur. Ils s’attendent donc à de nouveaux services innovants. Les gestionnaires devront être à l’écoute des besoins de cette clientèle et disposés à diversifier l’offre de services, même pour un petit nombre de personnes.

L’importance de l’activité physique
Les résidents démontrent un intérêt croissant pour des activités qu’ils n’ont jamais pratiquées, comme la relaxation, la méditation, le yoga et le taï-chi. Ils s’attendent à accéder à des activités de qualité et à des salles de conditionnement physique dotées de vélos stationnaires, de tapis roulants et d’elliptiques utilisant une haute technologie. Les consoles Wii et Xbox et les simulateurs de golf seront également tendance en 2018.

Diversification de l’offre alimentaire
La santé est une préoccupation importante pour les résidents, mais ces derniers sont avant tout épicuriens. Il n’est plus suffisant de contrôler le sel, le sucre et le gras : il faut également faire attention aux détails, au goût et à la présentation des plats. Les boomers sont avides de découvertes culinaires : certains d’entre eux ont d’ailleurs exploré le monde et goûté à des mets

 
 
Point de vue

La crème de la crème !

 
20 février 2018 | Par Robert Dion, Pierre-Alain Belpaire

Qu’ont en commun le dirigeant de l’hôtel le plus photographié du globe, le responsable du développement gourmand des Îles-de-la-Madeleine et la propriétaire du St-Hubert de Val-d’Or ? A priori, pas grand-chose. Et pourtant…

En rassemblant dans ce numéro hors-série une quinzaine de personnalités qui marqueront de leur empreinte l’année 2018, la rédaction du HRImag a fait l’audacieux pari de choisir des profils variés mais présentant néanmoins certaines similitudes. Travailleurs passionnés, infatigables curieux, rêveurs enthousiastes… qu’ils soient aubergistes, restaurateurs, cuisiniers, brasseur ou directrice d’école hôtelière, ces colorés personnages partagent un même amour de leur métier.

Percer dans l’univers des HRI nécessite un certain talent. Durer dans cette industrie implique abnégation et sacrifices. Mais pour faire partie des meilleurs, pour atteindre les sommets et, défi ultime, pour s’y maintenir, il faut un petit quelque chose de plus. Une étincelle qui ne s’achète pas. Une envie qui ne s’apprend pas. Il faut un sens du détail, une profonde humilité, un désir de sans cesse innover. Il faut vouloir s’améliorer, encore et toujours. Il faut oser.

En 2018, pour séduire une clientèle des plus exigeantes, vous devrez, chers professionnels des HRI, vous démarquer et sortir des rangs. Amusez-vous. Dépassez-vous. Enchantez-nous !

Bonne année à toutes et à tous !

 
 
Personnalité HRI

Annie Lavoie & Antonio Giuletti : « On peut faire beaucoup avec peu »

« ON PEUT FAIRE BEAUCOUP AVEC PEU »

 
8 février 2018 | Par Katherine Boisvert

Mercredi midi. La cafétéria du CHUM est extrêmement achalandée. Les deux responsables des services alimentaires se font attendre. « Notre mandat premier, c’est le patient », glisse, en s’excusant, Antonio Giuletti. Et des bouches à nourrir, il y en a dans ces installations flambant neuves, nées de la fusion des hôpitaux montréalais Saint-Luc, Hôtel-Dieu et Notre-Dame. « On doit par exemple produire plus de 1 000 repas par jour uniquement pour la cafétéria », précise Annie Lavoie, qui a, comme son collègue, travaillé dans le secteur privé avant d’atterrir dans l’univers institutionnel.

À la tête d’une équipe de près de 175 personnes, les deux responsables ont une tâche colossale et devront, au cours des prochains mois, relever de nombreux défis. Le premier d’entre eux, et non des moindres, sera d’organiser les cuisines du CHUM : même si celles-ci sont neuves, elles ne semblent pas avoir été prévues pour recevoir une brigade de 13 cuisiniers. Les deux gestionnaires expliquent en effet que les plans ont d’abord été élaborés pour une cuisine de rethermalisation nécessitant à peine trois cuisiniers qui réchauffent des plats élaborés ailleurs. Ils doivent donc agir dans des espaces fragmentés plutôt que dans une cuisine centrale.

« C’est incroyable l’imagination que l’on doit avoir pour organiser le travail d’une journée et essayer de ne pas démotiver l’équipe ! » note Annie Lavoie. « Outre l’espace restreint, l’autre enjeu principal est d’évoluer dans un nouvel établissement, avec des employés qui travaillent au CHUM depuis des années mais qui ne se sont jamais côtoyés… », enchaîne Antonio Giuletti. « Et avec de nouveaux gestionnaires », poursuit Annie. « On a tout ça à gérer ; c’est énorme », conclut Antonio.

DEUX PATRONS, DEUX PARCOURS

Loin d’être découragés par les obstacles à franchir, le duo affiche, au contraire, une incroyable motivation. Pour relever ces défis, Annie Lavoie et Antonio Giuletti misent sur leur principale force : leurs différences. « Nous sommes deux personnes très complémentaires : un homme et une femme, issus de générations différentes, avec chacun sa propre vision », illustre l’actuelle chef de secteur, production alimentaire.

Les deux compères présentent en effet des parcours peu semblables. Annie, 35 ans, a fait un DEP en cuisine d’établissement avant de suivre un cours de cuisine évolutive au Collège LaSalle. Elle a débuté à temps partiel dans les cuisines de l’Hôtel-Dieu à 18 ans, tout en cumulant divers postes dans des restaurants. Responsable du volet planification, contrôle et approvisionnement au CHUM, elle y fait le lien avec les fournisseurs et gère les achats et les stocks des cuisines.

Ses expérience en cuisine de restaurants lui servent au quotidien, note-t-elle. « Il faut rester à l’affût des nouveaux produits et des tendances. Même les idées issues de la restauration et de l’hôtellerie peuvent être réadaptées à nos besoins », explique celle qui est également responsable de Winvision, le logiciel qui permet de gérer les denrées alimentaires, les menus et les restrictions de tous les patients.

Diplômé de l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec (ITHQ), Antonio, 47 ans, a pour sa part été chef exécutif dans plusieurs hôtels et clubs de golf, en plus d’enseigner la cuisine professionnelle pendant huit ans. Travailleur acharné, ne comptant pas ses heures, il est toujours passionné par la restauration. Il y a plusieurs mois, il ouvrait d’ailleurs un restaurant à New York avec quelques associés.

Chargé du volet opérationnel de l’établissement montréalais, il s’occupe de la gestion quotidienne des aliments. « Parfois, on peut produire six ou sept versions d’un même plat (sans sel, réduit en matières grasses, sans gluten, traditionnel…). Je dois donc m’assurer que tous les ingrédients sont vraiment séparés avant de lancer la production, prévient-il. Mon rôle, c’est d’être sur le plancher… », « …90 % du temps », précise sa collègue, espiègle.

METTRE L’ACCENT SUR LE MENU

Il y a déjà plus de deux ans, les menus des trois défunts hôpitaux étaient modifiés en prévision du regroupement. Les gestionnaires ont donc ciblé ce qui coûtait cher avant de couper... dans le gras. C’est ainsi que le rôti de bœuf, qui figurait au menu une fois par semaine, a été retiré pour faire place à des protéines moins coûteuses, comme le tofu et les légumineuses. « Cette décision a permis d’économiser des milliers de dollars par année », signale Annie Lavoie.

Contrairement à certains hôpitaux offrant des menus en liaison froide (produits en avant-midi puis réchauffés le soir), le CHUM produit des plats en liaison chaude, préparés chaque matin, chaque midi, chaque soir. Le centre hospitalier propose même un menu just in time, comparable au service aux chambres dans les hôtels. Cette option est toutefois réservée aux patients qui n’ont pas de restrictions médicales.

Pour améliorer la qualité globale des plats, Antonio Giuletti souhaite revenir aux bases en faisant, notamment, de bons bouillons maison. « Je veux acheter des os et faire des bouillons frais. Quand je rentre dans ma cuisine, je veux sentir le bouillon qui cuit depuis deux heures », explique celui qui croit qu’il est possible de « faire beaucoup avec peu ».

L’ALIMENTATION ET LE PLAN DE SOINS

Fortement médiatisé par le ministre Barrette en 2017, le contenu du menu des patients sera encore au cœur de l’actualité en cette année 2018. Et dans ce dossier, l’opinion publique pourrait jouer un rôle et influencer certaines décisions, estime Annie Lavoie. « Il faut nourrir le patient, oui, mais il faut bien le nourrir. Il doit sentir qu’il est bien entouré », explique Antonio Giuletti.

Pour bien faire comprendre cette notion à ses employés, Annie Lavoie souhaite que ces derniers accompagnent une technicienne lorsqu’elle visite des patients. Le but : leur faire réaliser les risques associés à chacune de leurs décisions. « Il faut que ce qu’on prépare soit bon, que ce soit contrôlé, mais il faut aussi que ce soit fait selon les normes et d’une qualité irréprochable, énumère la gestionnaire. Avoir une médecine de pointe et des médicaments efficaces, ce n’est pas tout. L’alimentation fait partie du plan de soins : il ne faut pas l’oublier. »

 
 
Personnalité HRI

Xavier Poncin : Le chasseur de tendances

 
15 février 2018 | Par Katherine Boisvert

Il est à la tête d’un événement qui réunit tous les acteurs de l’industrie alimentaire sous un même toit et qui devrait attirer plus de 18 000 visiteurs en mai prochain. Xavier Poncin a pourtant une image assez romantique de son métier. « On se considère un peu comme des saltimbanques dans un cirque. Tous les ans, on est obligés de remonter le chapiteau et de faire un nouveau spectacle », explique-t-il.

Pour que « son » Salon International de l’Alimentation soit une réussite, Xavier Poncin est perpétuellement à la recherche d’innovation, tant dans sa manière de faire son travail que dans le secteur qu’il essaie de promouvoir. Et l’innovation, il connaît : à la tête du SIAL Canada depuis près de 10 ans, il est l’homme par qui les tendances arrivent.

Le Français de 45 ans ne se destinait pourtant pas à diriger le plus grand salon de l’innovation alimentaire en Amérique du Nord. Né à Paris, Xavier Poncin a d’abord travaillé pour Intermat, un salon de la construction et des infrastructures du bâtiment, avant de s’établir de ce côté-ci de l’Atlantique en 2008. « Organiser un salon, c’est comme une entreprise : il y a des moments-clés qui sont toujours les mêmes, et la stratégie est la même, relate le père de famille. Après, viennent les cibles et la manière de discuter avec ces dernières. »

SAVOIR SE RENOUVELER

Xavier Poncin débarque au SIAL Montréal au moment où le format vient de passer de biennal à annuel. Mais les résultats ne suivent pas. Après avoir constaté que le nombre de visiteurs avait chuté en 2008 et en 2009, les organisateurs se rendent à l’évidence : la tenue d’un SIAL tous les ans à Montréal n’est pas forcément la meilleure des idées. « Le salon était très régional, très québécois. Mais si on visait une offre internationale, ce n’était pas suffisant », se rappelle le directeur général.

Lorsque les organisateurs songent à une seconde ville, tous les signaux indiquent Toronto, ville multiethnique par excellence. Ils choisissent alors d’alterner entre Montréal et la Ville Reine et de rebaptiser l’événement SIAL Canada. Grâce à ce changement capital, le concept connaît un succès fulgurant. « En 2011, le SIAL a été tellement populaire qu’on a manqué de place, avec une liste d’attente d’une centaine d’entreprises qui n’ont jamais pu avoir de place », se félicite Xavier Poncin.

Outre ces modifications pratiques, le SIAL Canada tente constamment de se renouveler en matière de contenu, en construisant autour de trois piliers importants : l’innovation, le volet international et le savoir-faire canadien. Et les professionnels semblent séduits : en mai prochain, l’événement montréalais accueillera plus de 1 000 exposants du monde entier.

LE SECRET DE LA RÉUSSITE

L’organisation d’un tel événement est une tâche à la fois colossale et cyclique. « Avant même d’ouvrir un salon, on est déjà en train de développer la stratégie du suivant, note Xavier Poncin. Normalement, en décembre, on doit déjà avoir 80 % de la surface qui est réservée. » Dès janvier, les employés du SIAL se concentrent donc principalement sur l’aspect marketing.

Et pour que l’événement soit gage de succès, le directeur général du SIAL québécois estime qu’il est indispensable de s’entourer des bonnes personnes. Qu’ils soient experts ou têtes d’affiche, c’est par la présence de ces intervenants que le SIAL Canada créera de la valeur ajoutée (des conférences, par exemple) au sein même de l’événement.

UNE GÉNÉRATION D’INNOVATEURS

Au fil des ans, Xavier Poncin a vu passer de grandes innovations dans son domaine. Et contrairement à ce que plusieurs pourraient penser, le responsable du SIAL Canada estime que ce sont les consommateurs qui valident les tendances. « À une époque, c’était la transformation alimentaire qui créait, seule, l’innovation. Je crois qu’aujourd’hui, les professionnels sont bien plus à l’écoute des consommateurs », conclut Xavier Poncin.

 
 
Personnalité HRI

Jacques Gaspo : La formule trio

 
2 février 2018

La Belle & La Bœuf, Carlos & Pepe’s, Souvlaki Bar. Ainsi que Sandouchon et Bàcaro. Et, depuis peu, Nickels et Vinnie Gambini. Si elles proposent des plats et des ambiances bien distinctes, ces différentes bannières ont un point en commun : elles appartiennent toutes à la compagnie québécoise Foodtastic.

Derrière Foodtastic se cachent Jacques Gaspo et les frères Lawrence et Peter Mammas. Trois hommes. Trois collègues. Trois amis. Avec chacun leur force et leur domaine de prédilection. À Jacques, les concepts et le design. Lawrence se charge du développement et des franchises. Peter, enfin, s’occupe des finances. En mettant les qualités de chacun en commun, le trio fait des merveilles. « Mais sans nos équipes, nous n’y arriverions pas, souffle, modeste, Jacques Gaspo. Le plus difficile lorsqu’on compte une trentaine de restaurants, c’est qu’il n’y a que 24 heures dans une journée. Et pour que ce soit facile à gérer, ça prend des équipes extraordinaires. »

Collaborateurs et employés ne sont pas les seuls à être triés sur le volet. Les franchisés sont, eux aussi, choisis avec grand soin. « On veut des gens qui soient aussi passionnés que nous. Nous sommes très sélectifs, poursuit le concepteur. Nous voulons travailler avec des professionnels ; il n’est pas uniquement question de moyens financiers. »

LE DÉFI DES FRANCHISES

Bien qu’ils planifient ouvrir entre 15 et 20 établissements en 2018, les copropriétaires de Foodtastic tiennent à conserver un produit de qualité, tant sur le plan des concepts que sur celui de la nourriture. « Est-ce qu’un restaurant est bon parce qu’il est indépendant et moins bon parce que la compagnie en possède 10 ?, s’interroge Jacques Gaspo. Cette philosophie-là est complètement fausse ! C’est justement cette vision des franchises que l’on souhaite enlever de la tête des gens. »

Et l’homme d’affaires de révéler que le secret du succès de Foodtastic réside, notamment, dans les longs mois passés à élaborer un concept, un menu ou un décor. « On essaie tout, on travaille fort, on fait des tests, on teste à nouveau…
Et puis on recommence, on corrige, explique Jacques Gaspo. Mais surtout, on essaie d’être différents. »

Et si l’autre force de Foodtastic, l’autre recette miracle, tenait dans les concepts dessinés et imaginés par Jacques Gaspo ? Designer de mode dans sa jeunesse, celui qui a également été propriétaire de centres de conditionnement physique se passionne, depuis toujours, pour les couleurs et le stylisme. « Les restaurants de Foodtastic s’adaptent aux tendances, mais ils deviennent aussi tendance, résume le Lavallois. La mode et la découverte, c’est notre background, notre passion. On pense que Foodtastic est un produit qui fait sa marque, on trace le chemin et on est fiers de ça. On veut offrir aux clients une expérience qui va au-delà de la nourriture et du service et qui leur donne l’envie de délaisser leur téléphone durant le repas et de revenir chez nous. »

2018, L’ANNÉE DES CHANGEMENTS

Ouverture de nouveaux restaurants, remplacement des Vinnie Gambini par un nouveau concept appelé Gatto Matto, intensification de la présence du groupe dans les centres commerciaux… l’année 2018 devrait être particulièrement riche en événements pour Jacques Gaspo et ses collaborateurs.

En s’associant à Dan Pham (Red Tiger, Kamehameha Snack-Bar) pour ouvrir, en décembre dernier, le bar à saké Le Blossom, la compagnie a osé innover et dévier de ses habitudes. « Mais tous les concepts sortent de la masse quand c’est le premier qui ouvre », note, malicieux, Jacques Gaspo.

Bien installés dans la Belle Province, les dirigeants de Foodtastic ont des envies d’ailleurs. Et ne s’en cachent plus. Nos voisins, notamment, sont dans la ligne de mire des trois complices. L’incursion de Foodtastic en sol américain commence en fait dès janvier, par l’inauguration d’un Beauty and the Beeeef au Wellington Mall de Palm Beach, en Floride. Jacques Gaspo l’assure : « Ce n’est qu’un début... »

 
 
Personnalité HRI

Daniel Giguère : « J’ai appris la patience »

 
6 février 2018 | Par Pierre-Alain Belpaire

Daniel Giguère est un homme heureux. Occupé, certes, mais heureux. Quelques semaines à peine après l’inauguration de L’Usine, un restaurant posé au cœur de ses installations de Chicoutimi, l’homme d’affaires prépare activement l’ouverture, annoncée au printemps 2018, d’une seconde La Voie Maltée à Québec, dans les murs de l’ancien Beaugarte. « Ces deux naissances aussi rapprochées sont dues à un simple concours de circonstances, souligne-t-il. Les possibilités se sont présentées, je ne pouvais pas dire non. »

Avec cinq établissements, une usine de production et des bières primées et saluées, La Voie Maltée s’affirme de plus en plus comme l’un des acteurs incontournables de l’univers brassicole québécois. Son fondateur se voyait pourtant « plus gros encore » lorsqu’il se lançait dans cette belle aventure en 2002. « Quand j’ai commencé, je pensais conquérir rapidement tout le Québec, admet-il. J’avais des ambitions très élevées. Trop élevées. Finalement, j’ai appris la patience. Je me suis aussi rendu compte que la région de la Capitale-Nationale et le Saguenay, ça forme déjà un superbe marché, dont j’avais peut-être sous-estimé la vigueur et l’importance. »

S’il ne ferme pas la porte à d’autres projets, Daniel Giguère le répète à l’envi : il veut avant tout consolider son entreprise et ancrer, encore un peu plus, les différentes succursales dans leur environnement. « Je tiens à ce que nos produits, nos établissements et notre image conservent une identité saguenéenne ; c’est primordial pour moi, confesse-t-il. Mais sans renier nos origines, il faut que chaque établissement se fonde dans le décor, se teinte des couleurs locales. Ce volet-là prend davantage de temps et demande par exemple de s’impliquer dans la communauté qui nous accueille. » Et d’ajouter en souriant, après un rare silence : « Vous voyez, je suis bien plus sage qu’il y a 15 ans… »

EN RANGS SERRÉS

Au fil des années, Daniel Giguère a vu naître, aux quatre coins du territoire québécois, des dizaines d’autres microbrasseries. Plutôt que de voir en elles de menaçantes concurrentes, le dirigeant préfère saluer l’arrivée d’alliées. « C’est sans doute la principale différence avec le monde de la restauration, analyse-t il. Dans leurs rangs, on note un manque de cohésion : ils sont incapables de parler d’une seule voix. Nous, même s’il y a parfois des désaccords, nous nous serrons généralement les coudes, nous avançons groupés. La raison est simple : notre concurrent principal, ce n’est pas la microbrasserie voisine, c’est le monde des macrobrasseries. »

Le dynamique entrepreneur refuse l’idée selon laquelle le succès des microbrasseries ne serait dû qu’à un phénomène de mode, appelé à prochainement disparaître. Pour faire taire les oiseaux de mauvais augure, le PDG de La Voie Maltée avance quelques chiffres et statistiques. « Selon l’Association des microbrasseries du Québec, il y a de la place pour 250 micros dans notre province. On en compte aujourd’hui 140. Faites le calcul… lance-t-il. Il reste de la place, notamment dans les régions plus éloignées. »

VITESSE SUPÉRIEURE

Pour poursuivre leur irrésistible ascension, les microbrasseries québécoises devront tout de même « se retrousser les manches » et relever différents défis parmi lesquels, comme dans le cas de tous leurs collègues des HRI, l’inévitable pénurie de main-d’œuvre. S’ils veulent durer, certains devront également « se professionnaliser », glisse Daniel Giguère. « Trop souvent, on voit des passionnés qui se lancent sans avoir conscience de leurs besoins, sans connaître leurs finances ou leur public. »

Les consommateurs québécois, toujours plus nombreux, toujours plus curieux, sont également devenus, au fil des ans, de pointilleux connaisseurs. Les producteurs devront rivaliser d’audace et d’originalité s’ils veulent les séduire, croit l’artisan. « En 2018, on devra oser les produits funky, aromatisés, colorés… L’amateur de bières a aujourd’hui le goût du risque et nous demande de passer à la vitesse supérieure. À nous de le surprendre ! »

 
 
Personnalité HRI

Simon Beaubien : L’ambassadeur venu d’ailleurs

 
29 janvier 2018 | Par Pierre-Alain Belpaire

« Je suis au paradis ! » Un cri du cœur. Une déclaration d’amour. Simon Beaubien est un gourmet heureux, un directeur comblé. Et il ne se gêne nullement pour le faire savoir. Débarqué aux Îles-de-la-Madeleine voici trois ans à peine, le natif de Bonaventure s’est très rapidement fondu dans le paysage. « Je vais évidemment rester Gaspésien de sang, confie-t-il, mais de cœur, je pense que je suis déjà Madelinot. Quand tu t’installes ici, tu ne peux que t’attacher à ces gens, à leur chaleur, à leurs traditions. » Et, apparemment, à leur gastronomie…

Directeur général du Bon Goût Frais des Îles de la Madeleine, l’organisme qui, depuis 25 ans, accompagne les producteurs, transformateurs et restaurateurs de l’archipel, Simon Beaubien ne manque vraiment pas d’ouvrage. Depuis quelques années, les Madelinots ont en effet vu leur industrie bioalimentaire se développer. « Nous comptons aujourd’hui une vingtaine de restaurateurs. Et deux fois plus d’artisans et d’entreprises actives dans ce domaine. Et je ne vous parle même pas des pêcheurs… Pour une population d’à peine 12 000 habitants, cela fait beaucoup. »

Si les rangs des fromagers, des brasseurs, des maraîchers et autres éleveurs se sont donc renforcés, les hordes de visiteurs ont, elles aussi, pris une autre dimension. Au cours des quatre dernières saisons touristiques, l’achalandage a grimpé de 21 %. L’installation d’une liaison maritime « à l’année » en 2009 n’y est évidemment pas étrangère, tout comme les diverses décisions et réflexions entourant le positionnement de la région en tant que destination gourmande.

FACILITER LES RENCONTRES

Pour structurer l’offre, guider les professionnels et répondre aux demandes des touristes, Simon Beaubien et son équipe multiplient les projets tout aussi enthousiasmants qu’innovants : le Défi 100 % local du mois de septembre, le Circuit des Saveurs, la Tournée des plats typiques

« Notre mission est simple et complexe à la fois : nous devons faciliter la rencontre des producteurs, des restaurateurs et des consommateurs, résume le dirigeant de 28 ans. Pour y parvenir, nous devons faire preuve d’originalité et nous efforcer de parler à un public le plus large possible. Bien sûr, il y aura toujours certains leaders, certains professionnels qui embarqueront immédiatement dans toutes nos folies. Mais dans un territoire comme le nôtre, on ne peut se permettre de laisser des acteurs sur le côté. »

Lorsque le visiteur décide de franchir le golfe du Saint-Laurent pour s’offrir une virée aux Îles-de-la-Madeleine, il y passe en moyenne neuf nuitées. Soit bien plus que dans le reste de la province. « Durant cette dizaine de jours, vous pensez bien qu’il ne va pas fréquenter que des restaurants haut de gamme, souligne Simon Beaubien. C’est la raison pour laquelle nous devons conscientiser tant les nappes blanches que les casse-croûtes et les restaurants d’hôtel. »

D’OCTOBRE À AVRIL…

Face à la hausse du nombre de touristes et l’arrivée de jeunes familles, d’entreprises dynamiques et de nouveaux produits, divers restaurateurs madelinots ont ressenti le profond besoin d’innover. Les tenanciers de La Buvette, sympathique « petit bistro culturel » inauguré l’automne dernier dans le décor enchanteur de l’île du Havre-Aubert, ont ainsi décidé d’ouvrir … quand la majorité des autres établissements ferment leurs portes, soit d’octobre à avril.

« C’est une superbe initiative, réagit, tout sourire, le directeur du Bon Goût Frais des Îles. Ici, l’un des principaux enjeux de notre industrie, c’est le hors saison. » Car lorsque la vague de visiteurs se retire, il reste encore des habitants dans l’archipel, et encore des touristes (moins nombreux, certes) rêvant de calme, de repos ou de paysages insolites.

« Nous devons tout faire pour éviter que ces gens se heurtent à une porte close. Aujourd’hui, environ un tiers de nos restaurants sont ouverts à longueur d’année : c’est mieux qu’avant, même si ce n’est sans doute pas encore suffisant. Entendons-nous bien : un objectif de 100 % serait utopique. Et stupide. On ne rendrait pas service aux restaurateurs. Mais on va devoir améliorer cette offre hors-saison : c’est indispensable. »

ARCHIPEL ÉPICURIEN

En plus de séduire les touristes et d’aider les entrepreneurs, Le Bon Goût Frais des Îles doit réaliser un autre défi, peut-être plus colossal encore : rendre leur fierté alimentaire aux habitants des Îles-de-la-Madeleine. « Nombre d’entre eux ne se rendent pas compte de la chance qu’ils ont, se désole Simon Beaubien. Ils ont un terroir exceptionnel, des viandes de bœuf, de sanglier ou d’agneau tout simplement splendides, des producteurs surmotivés, les colonies d’abeilles les plus en santé au Québec… Et certains ne le savent même pas ou, du moins, n’en profitent pas. »

Pour sensibiliser la population locale, l’organisme qu’il dirige devra notamment viser les jeunes et s’inviter dans les écoles de l’archipel, soutient le dynamique responsable. « Ce ne sont pas les projets qui manquent. On veut aller plus loin. Et on va tout faire pour y parvenir ! »

Après sept années passées dans le gris décor bétonné de Montréal, Simon Beaubien confie avoir ressenti un profond « besoin d’air et de nouveaux défis ». Il semble évident qu’il a trouvé tout ce qu’il cherchait au cœur de ce petit bout de province battu par les vents de l’Atlantique. « J’aime la vie. J’aime la bouffe. J’aime découvrir et goûter. Si tu es un minimum épicurien, tu ne peux pas rester insensible à ce que les Îles ont à t’offrir. »

Décidément, en ouvrant leurs bras à Simon Beaubien, les Madelinots se sont trouvé le meilleur des ambassadeurs.
 
 

 
 
Personnalité HRI

Ann-Rika Martin : Ça commence... maintenant !

 
12 février 2018 | Par Pierre-Alain Belpaire

Ses coups de couteau ont séduit les juges. Son sourire a conquis le public. Audacieuse, originale et créative, Ann-Rika Martin a brillamment remporté, en septembre dernier, la septième saison de l’émission Les Chefs ! diffusée sur les ondes de Radio-Canada.

Depuis son triomphe, la demoiselle de 28 ans n’a guère eu le temps de souffler. Elle a effectué un stage au Pérou dans un établissement haut de gamme, donné plusieurs conférences dans des écoles secondaires, accumulé les heures dans les cuisines de La Planque, à Québec, ou aux côtés de sa mère dans le café-relais familial de Lévis, O’Ravito… « Et n’oubliez pas les innombrables entrevues, souffle la dynamique cuisinière. Ça fait un horaire pas mal chargé. Le soir de la finale, j’ai compris que je pouvais oublier ce que signifie une vie "normale". Mais entendons-nous bien, ça vaut le coup. C’est juste différent. Une tout autre vie… »

CHROMOSOMES MÉDIATISÉS

Puisque « rien n’est jamais dû au hasard », Ann-Rika Martin rappelle que cette victoire est l’aboutissement d’un long et laborieux parcours. « Si vous saviez le nombre d’heures d’entraînement qui se cachent derrière Les Chefs !, glisse-t elle. J’ai travaillé avec trois lauréats d’éditions précédentes : Guillaume Cantin, Guillaume St-Pierre et Dominic Jacques. Ensemble, on a bossé, bossé et encore bossé. Mais ça, le public ne le voit pas, ne le sait pas. Gagner un concours d’un tel niveau, ça n’arrive pas sur un coup de chance. »

Et ça n’arrive pas non plus parce qu’on est une femme… Pourtant, dans les divers articles et reportages évoquant le succès d’Ann-Rika, nombre de journalistes ont insisté sur cet élément, rappelant que la Lévisienne était la première cuisinière à s’imposer dans cette compétition.

« On a davantage parlé du fait que j’étais une femme que de mon talent ou de mes réalisations, regrette la principale intéressée. Que ce soit clair : je n’ai pas gagné parce que j’étais une femme. Les deux autres finalistes, Romain et Laurent, avaient leurs chances. C’étaient d’excellents candidats, et ce serait dommage de dire qu’ils ont perdu uniquement pour une question de chromosomes. »

Le seul avantage de cette polémique aura sans doute été d’évoquer la place laissée aux femmes dans les cuisines de notre province et le traitement qui leur est réservé. « Ce n’est pas facile tous les jours, confirme celle qui exerce ce métier depuis déjà 14 ans. On nous en demande toujours un peu plus, on nous fait peut-être un peu moins confiance. Et je vous fais grâce de certaines réflexions… Mais, bon, ça forge le caractère ! Si on compare avec d’autres régions du globe, les femmes chefs en Amérique du Nord sont chanceuses. Même si tout n’est pas gagné… »

APPRENDRE ET PARTAGER

Entre son agenda surchargé et son envie de faire plaisir à tout le monde, Ann-Rika souligne que le projet d’ouvrir son propre restaurant ne figure pas à l’ordre du jour. « Pour l’heure, je veux plutôt voyager, emmagasiner de l’expérience et m’impliquer auprès des plus jeunes, confie l’insatiable perfectionniste. Mais je mentirais si je disais que ça ne me trotte pas dans un coin de la tête… »

 
 
Personnalité HRI

Romy Quenneville-Girard : Seconde jeunesse

 
16 février 2018 | Par Pierre-Alain Belpaire

« J’ai étudié en communication publique, spécialisation journalisme. Je n’étais pas vraiment destinée à me retrouver ici… »

À la tête de l’Auberge jeunesse Magog-Orford depuis son inauguration en mai dernier, Romy Quenneville-Girard n’avait aucune formation en hôtellerie. « J’ai appris par essais et erreurs, en lisant énormément et en me fiant aux commentaires des visiteurs, glisse-t-elle en souriant. Je suis une autodidacte, une vraie ! »

Fatiguée par deux années d’incessants allers-retours entre son domicile montréalais et une rédaction installée à Granby, la jeune femme décidait, au début de l’hiver 2016, de faire le grand saut, de tout quitter pour atterrir en région. « J’avais entendu parler d’un projet d’auberge de jeunesse à Magog qui avait été lancé quelques semaines auparavant. J’ai postulé. Et voilà ! »

VAGUE D’AMOUR

Si elles ont longtemps souffert d’un déficit de popularité et traîné l’image de lieux bafouant les règles d’hygiène les plus basiques, les auberges de jeunesse se sont remises en question et ont entrepris une impressionnante métamorphose au cours des dernières années. La révolution n’a pas échappé au public, toujours plus nombreux à fréquenter leurs chambres et dortoirs.

« On est submergés par une véritable vague d’amour, glousse Romy Quenneville-Girard. Depuis son ouverture officielle, notre auberge ne désemplit pas. » Majoritairement composée de Québécois, la clientèle de l’établissement magogois est âgée en moyenne d’une quarantaine d’années. « Pour certains, c’est une première expérience en auberge de jeunesse. Ils arrivent parfois avec quelques préjugés ; à nous de leur prouver que ces stéréotypes sont désormais infondés ! »

En améliorant leur image, les auberges de jeunesse ont mis un point d’honneur à ne pas perdre leur identité. Prix « raisonnables », aires communes aptes à provoquer les échanges et rencontres et ouverture d’esprit définissent toujours ces établissements. « On joue vraiment sur un autre tableau que le reste de l’industrie hôtelière. Ce n’est pas pour rien que les hôtels de l’Estrie nous ont soutenus et accueillis à bras ouverts. »

QUESTION D’ATTITUDE

Les auberges de jeunesse ont un autre point en commun : elles se partagent une clientèle éclectique, colorée, curieuse. « Le plus beau public possible ! », s’exclame la jeune femme de 27 ans. Et contrairement à ce que la dénomination pourrait laisser croire, il semble n’y avoir aucune limite d’âge pour profiter de ces lieux. « Nous avons récemment accueilli un couple dans la soixantaine. À peine arrivés, ils placotaient avec les autres visiteurs. Fréquenter une auberge de jeunesse, c’est une question d’attitude plus que de profil ou de génération », résume la directrice générale.

Malgré les bons débuts de son auberge, Romy Quenneville-Girard sait qu’il lui reste encore bien des montagnes à déplacer, bien des défis à surmonter. « Chaque semaine, on améliore les chambres, on travaille aux aires communes, on amène de petits détails qui font de grandes différences, illustre-t-elle. On doit aussi rassurer certaines personnes qui ont conservé l’ancienne image des auberges de jeunesse. Ce que je leur réponds ? De venir vérifier par elles-mêmes ! »

 
 
Personnalité HRI

David Giroux : Génie en herbe

 
7 février 2018 | Par Pierre-Alain Belpaire

Par une soirée glaciale de mars 2017, David Giroux triomphait aux 13e Grands Prix de la relève en restauration, tourisme et hôtellerie. Lauréat dans la catégorie culinaire, le jeune homme raflait également le très convoité Grand Prix de l’Excellence remis par l’AQFORTH (*). Ravi, surpris, soulagé, le cuisinier en herbe passait, ce soir-là, par toute la gamme des émotions. Et confiait, dans un sourire timide, que le jury avait sans doute tenu à récompenser un véritable passionné, « capable de se réveiller à 3 heures du matin en pensant à une recette de sorbet au concombre ».

Quelques mois plus tard, toujours aussi sympathique, toujours aussi modeste, le garçon apparaît encore plus fort, encore plus mûr. Outre une certaine notoriété, les palmes remportées à Québec lui auront permis de financer un stage de trois mois au réputé et gastronomique Côté Mas, sous le soleil de Montagnac, dans le sud-est de la France. « J’y retourne d’ici quelques semaines, lance le cuisinier de 19 ans. Cette fois, pour une durée indéterminée. L’établissement est à la recherche de son étoile, ce qui signifie qu’il y a énormément de travail à faire. Quel défi ! Et quel honneur ! »

APPRENDRE, TOUJOURS APPRENDRE

Entre ses victoires au Gala de l’AQFORTH et ce second séjour dans l’Hexagone, David Giroux aura obtenu son Attestation de spécialisation professionnelle (ASP) de l’École Hôtelière des Laurentides, accumulé les heures au restaurant du golf Le Fontainebleau et à L’Ardoise de SainteThérèse, offert ses services à La Tablée des Chefs… « J’ai besoin que ça bouge, confirme-t-il. Je déteste l’inaction. Il y a tellement de choses à voir, à faire, à découvrir dans notre industrie ! »

Et à apprendre aussi… Si le gaillard a déjà un joli coup de couteau, il ne tient nullement à s’arrêter là. « J’ai franchi quelques étapes, oui, mais la route est encore longue. Je veux continuer ma formation. Plus j’apprends, plus ma passion grandit, et plus j’ai envie d’apprendre. »

Pour satisfaire son appétit, David Giroux entend multiplier les voyages. Après la France, ce sera sans doute le Japon. Voire la Thaïlande. À moins que l’Amérique du Sud… « Tout m’intéresse : c’est un beau problème, non ?, lance-t-il. Lorsque j’aurai fini ce périple, lorsque je serai prêt, je reviendrai au Québec et je puiserai dans ce bagage incroyable pour en retirer ce qu’il y a de mieux, pour définir ma propre identité culinaire. »

MONOTONIE ENNEMIE

Le jeune homme originaire de Saint-Jérôme a beau avoir la bougeotte et indiquer que, à ses yeux, « la stabilité et la monotonie sont les pires ennemis du cuisinier », il confie caresser le rêve d’être un jour son propre patron, à la tête d’un « petit restaurant, intime et gourmand », qui ne soit ni asphyxié au cœur d’une ville ni perdu dans une campagne trop éloignée.

« Mais ce n’est pas parce qu’on est installé qu’on ne peut plus innover, s’empresse-t-il de préciser. Pour moi, la gastronomie doit être vivante, les assiettes doivent évoluer. Je ne conçois pas que l’on puisse prendre du plaisir à préparer toujours les mêmes plats, les mêmes recettes. La cuisine n’est pas un art figé. »

Grand admirateur des prouesses de Normand Laprise, d’Antonin Mousseau-Rivard et d’Hakim Chajar, David Giroux sait qu’il devra faire ses preuves et poursuivre ses efforts pour atteindre le niveau de ces réputés cuisiniers. « Je veux prendre mon temps, assure-t-il. La dernière année a été riche en émotions et en rencontres, mais ce n’est que le début. Votre passion ne vous mènera nulle part si vous n’êtes pas persévérant. »

Paroles de jeune sage.
 
 
(*) Association québécoise de la formation en restauration, tourisme et hôtellerie

 
 
Personnalité HRI

Robert Mercure : « Je gère une icône, pas un hôtel »

 
13 février 2018 | Par Pierre-Alain Belpaire

Depuis maintenant 125 ans, la silhouette, reconnaissable entre mille, du Château Frontenac domine le panorama de la ville de Québec. Pour célébrer cet anniversaire, les responsables du mythique établissement ont décidé d’organiser, durant toute l’année 2018, une série d’activités qu’ils veulent festives, culturelles et gourmandes.

« Nous allons plonger dans l’histoire, revivre les grands moments du Château, retrouver les personnages célèbres qui y sont passés, annonce le directeur général Robert Mercure. On tient par exemple à rappeler le rôle qu’a joué cet hôtel dans la naissance et la construction de notre pays. Mais les célébrations ne mettront pas uniquement le bâtiment à l’honneur, elles salueront également tous ceux qui le font vivre : nos équipes, nos collègues, nos clients et, bien évidemment, la population locale. »

Si la direction tient tant à impliquer les Québécois durant ces 12 mois de festivités, c’est que le Château fait partie intégrante de leur quotidien. Au fil des ans, l’hôtel est devenu un véritable symbole de la capitale nationale, une image de marque. « Notre établissement a grandi avec la ville. Et vice versa. Résultat : je ne gère pas un hôtel, je gère une icône !, glisse Robert Mercure. Pour le 125e, nous nous sommes donc promis de renforcer les liens avec les gens d’ici, de leur redonner les clés de “leur” château. »

Ce lien unique entre un établissement hôtelier et les citoyens ajoute également une certaine pression sur les épaules des gestionnaires. Chacune de leurs décisions est scrutée, pesée, analysée, critiquée. « Nous ne pouvons nous permettre la moindre erreur : chaque habitant de Québec a une opinion sur le Château Frontenac, confirme le dirigeant. Mais en général, les avis et commentaires sont extrêmement positifs. »

TRADITION ET MODERNITÉ

Le principal défi consiste à convaincre et à rassurer ceux qui voient, dans le Fairmont Le Château Frontenac, un musée qui ne devrait pas bouger, un bijou qu’on ne devrait pas retoucher. Ceux-là oublient que, depuis son inauguration en 1893, l’établissement a subi une vingtaine de rénovations. « Ces différents chantiers étaient nécessaires, et c’est grâce à ces travaux que nous avons pu atteindre le cap des 125 ans », plaide Robert Mercure.

Lorsque, à la fin du 19e siècle, l’architecte Bruce Price et le dirigeant du Canadian Pacific Railway, William Van Horne, dressent les plans de l’hôtel québécois, ils s’inspirent de somptueuses bâtisses européennes mais tiennent, déjà, à y apporter une touche de modernité. « Le Château Frontenac n’a pas été conçu pour être un hôtel vieillot. Il ne doit pas l’être, poursuit son directeur général. La difficulté, c’est de trouver le juste équilibre entre tradition et modernité, entre héritage et innovation. »

Persuadé que c’est justement la juxtaposition « de vieilles pierres et d’éléments avant-gardistes » qui fait le succès de son hôtel, Robert Mercure signale que d’autres rénovations, d’autres chantiers sont à prévoir. « Mais, une fois encore, ne vous inquiétez pas : l’identité du Château Frontenac sera préservée et ses racines québécoises mises à l’honneur. Cet héritage, c’est notre force. Dans 100 ans, nous ne serons plus là, mais le Château sera toujours bien installé sur le cap Diamant, croyez-moi ! »

UN PEU DE FOLIE

Pour traverser les décennies et séduire plusieurs générations, les dirigeants successifs du Frontenac n’ont donc jamais hésité à travailler leur image. Ces dernières années, l’organisation d’événements populaires comme le Foodcamp de Québec ou le Red Bull Crashed Ice a notamment permis de toucher un public plus jeune. « Le Château Frontenac ne doit pas être moderne : il doit être à jour, note Robert Mercure. Lors du Foodcamp, on fait rentrer les foodies dans nos murs, on prend d’assaut les réseaux sociaux, on rassemble les chefs populaires, on met en avant les produits québécois… On va bien au-delà de notre rôle d’hôteliers. »

Puisque le volet gastronomique est désormais indissociable du quotidien d’un hôtel, les responsables du Château Frontenac ont fortement investi dans les installations, équipements et restaurants. Arrivé dans les cuisines du Champlain en janvier 2013, le bouillonnant chef Stéphane Modat a notamment participé au rajeunissement de l’image du Château Frontenac. « On voulait une vraie personnalité pour ce restaurant, un cuisinier créatif, dynamique, original, un peu fou. Je pense qu’on ne s’est pas trompés en recrutant Stéphane », sourit l’hôtelier.

LE SOURIRE DU CLIENT

Qu’ils soient visibles dans l’assiette, sur les murs des chambres ou dans le hall d’entrée, les risques pris ces dernières années par la direction du Fairmont Le Château Frontenac s’avèrent des plus payants. La défunte année 2017 fut ainsi la meilleure de l’histoire de l’établissement en matière d’achalandage.

« Notre hôtel a connu quelques difficultés entre 2002 et 2008, reconnaît Robert Mercure. Les célébrations du 400e de la Ville de Québec ont constitué une occasion parfaite pour nous relancer. Le défi, désormais, c’est de ne pas relâcher la pression, de continuer à avancer. »

Autre signe éclairant de la bonne santé du vénérable géant : le taux de satisfaction de ses visiteurs n’a fait qu’augmenter au cours des dernières années. En 2009, le Frontenac figurait au 39e rang du classement des hôtels du groupe Fairmont. Il occupe aujourd’hui une brillante cinquième position. « Ce n’est pas mal du tout pour un hôtel de 611 chambres, se félicite le sympathique hôtelier. Pour un gestionnaire, le sourire du client, c’est le meilleur indice que vous faites du bon boulot. »

HEUREUX ET CHOYÉ

Revigoré par ces bons résultats, surmotivé par les nombreux défis qu’il s’est fixés et par ce 125e anniversaire qu’il souhaite « aussi festif que possible », Robert Mercure ne regrette nullement d’avoir atterri dans cette ville de Québec qu’il ne connaissait pas vraiment. Natif de Granby, l’homme a grandi aux États-Unis. Floride, Colorado, Washington D.C., Boston, Montréal, Monaco… il aura, au fil de sa carrière, accumulé les expériences et les kilomètres.

« Dès que je suis arrivé à Québec, j’ai eu un véritable coup de foudre, confie-t-il. Mes proches s’y sentent bien, j’ai des projets stimulants et intéressants. Bref, je suis choyé. Si je me vois finir ma carrière au Château Frontenac ? Disons simplement que je n’ai pas l’impression que ma mission ici soit terminée… »

 
 
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Liza Frulla : Déclaration d’amour

 
1er février 2018 | Par Katherine Boisvert

Formation. Valorisation. Rémunération. Ces trois thèmes reviennent invariablement dans la bouche de Liza Frulla lorsqu’on évoque l’avenir de la restauration et de l’hôtellerie. Cette triple thématique, elle en a fait le cheval de bataille de l’ITHQ, l’établissement qu’elle dirige et qui célèbre son 50e anniversaire en 2018.

On l’a connue ministre provinciale et fédérale. On l’a vue commentatrice à la télévision. On ignore pourtant que le milieu alimentaire fait partie de son quotidien depuis l’enfance. Son père était boucher et son grand-père, propriétaire d’une épicerie-boucherie. « J’habitais au-dessus du commerce : quand je jouais au magasin, c’était avec de vrais produits. Ce sont des souvenirs qui sont précieux et très heureux », relate l’ex-journaliste sportive.

Détentrice d’un diplôme en pédagogie, Liza Frulla a été directrice du marketing à la Brasserie Labatt, où elle a assisté à l’émergence des microbrasseries. « J’ai été partie prenante de tout ce changement-là. Et tout ça m’a conditionnée psychologiquement. C’est alors que j’ai compris que l’univers de la restauration et de l’hôtellerie m’intéressait vraiment », raconte-t-elle.

Ancienne ministre de la Culture, Liza Frulla souligne que les chefs possèdent la même créativité, le même tempérament et la même vision que les artistes. « Ce n’est pas pour rien que l’on est fasciné par ces gens-là », fait remarquer l’actuelle directrice générale de l’ITHQ. À ses yeux, « certains chefs sont de véritables génies ». Rien de moins. Grâce à leur vision, leurs efforts et leurs recherches pour déconstruire puis reconstruire certains aliments, « l’ITHQ peut offrir ses services au ministère de la Santé pour développer des recettes pour les CHSLD, se réjouit-elle. Et l’on sait que ce sera bon. »

« LA RESTAURATION N’EST PAS UN LUXE »

« C’est une catastrophe, surtout en région », s’inquiète Liza Frulla à propos de la pénurie de main-d’œuvre qui frappe l’industrie de la restauration. Et pour mettre un frein à cette problématique, elle rappelle la nécessité de revaloriser le métier. « Il faut qu’on arrête de penser que la restauration, c’est du luxe, lance-t-elle. Aujourd’hui, avec les parents qui travaillent et qui ont la "broue dans le toupet", c’est un besoin, un soutien à notre quotidien. »

Et si la restauration est un métier de passion, Liza Frulla croit d’autant plus à l’importance d’augmenter la rémunération afin d’encourager les jeunes à poursuivre leur rêve. Et de rappeler qu’en faisant carrière en service ou en sommellerie, on peut très bien gagner sa vie.

BRANCHÉ SUR L’INDUSTRIE

L’établissement d’enseignement célèbre en 2018 son 50e anniversaire. Pour rester au sommet durant toutes ces années, « l’ITHQ a toujours essayé d’être branché sur l’industrie et d’être en avant de ses besoins éventuels », croit celle qui siège au conseil d’administration de l’établissement depuis 2010. L’ancienne politicienne rappelle que la vision des différents gouvernements qui « ont mis leurs pierres à l’Institut » et les associations avec de grands noms ont également permis à l’ITHQ de se maintenir durant cinq décennies.

Et pour poursuivre sur cette voie, Liza Frulla estime qu’il est nécessaire de travailler en partenariat avec les autres écoles. « Il faut avoir un endroit qui serve de passerelle pour faire son cégep, puis avoir un diplôme universitaire », affirme la responsable. Elle signale d’ailleurs qu’elle a pris la barre de l’Institut en août 2015 pour une principale raison : amener l’ITHQ à décerner un diplôme universitaire. Et c’est en partie chose faite puisque, dès l’automne dernier, le gouvernement a entamé la révision du statut de l’ITHQ permettant à l’établissement d’enseignement de sortir du carcan de la Loi sur la fonction publique.

Célébrations du cinquantième, ententes avec des cégeps régionaux, mise sur pied d’une unité mixte de recherche appliquée avec l’Université Laval…, cette année 2018 s’annonce bien remplie, tant pour Liza Frulla que pour cet établissement avec lequel elle entretient une véritable histoire d’amour.

 
 
Personnalité HRI

Jean-Luc Boulay et Jacques Fortier : Le cap de la quarantaine

 
31 janvier 2018 | Par Pierre-Alain Belpaire

« Vous avez besoin de combien de temps ? 10 minutes, ça suffira ? »

En ce neigeux mardi de décembre, le Saint-Amour vibre. Ses cuisines sont bruyantes, le porte-manteau déborde, la salle à manger affiche complet. « Et ce sera ainsi jusqu’au début janvier. Au minimum… » Les mains encore mouillées, l’esprit toujours à ses fourneaux, Jean-Luc Boulay s’assoit en soupirant. « Je préparais mes foies gras, ça va me faire du bien de prendre une petite pause. »

Pour le réputé cuisinier et ses collaborateurs, l’année 2018 s’annonce aussi exceptionnelle que mouvementée. Le célèbre Saint-Amour s’apprête en effet à franchir le cap de la quarantaine. « 40 ans… Ça ne me rajeunit pas, sourit le chef en s’essuyant les doigts. Ce restaurant, c’est mon bébé. Et cette équipe, c’est ma famille. »

Si ce collectif compte quelques nouvelles têtes, dont François Hughes, récemment nommé chef, on y trouve aussi de « vieux » compagnons de route, comme Pierre Lemay, qui a gravi tous les échelons jusqu’à devenir directeur général, ou Ariel Ramirez, un Dominicain incapable d’aligner trois mots de français à son arrivée et qui, en 25 ans de carrière, n’a jamais fait faux bond. « Ce sont tous de sacrés bosseurs, résume Jean-Luc Boulay. De toute manière, si t’es bourré de talent mais que tu n’es pas prêt à te retrousser les manches, ne viens pas frapper à ma porte. »

PATIENCE ET LONGUEUR DE TEMPS…

En parfait mentor, le chef Boulay souhaite également que ses troupes apprennent, s’inspirent, grandissent. Le passage, dans les cuisines du Saint-Amour, de nombreux chefs invités, qu’ils soient d’illustres cordons-bleus français, de jeunes talents belges ou de créatifs cuisiniers japonais, doit leur permettre d’aller encore plus loin. « Pour eux, voir cuisiner Jean-Luc Rocha, c’est comme si Wayne Gretzky venait donner une leçon dans un club de hockey : tu ne peux pas ne pas en sortir grandi. Chacun de nos visiteurs nous laisse un héritage. »

S’il insiste autant sur l’importance du dépassement, c’est qu’après 40 années à la barre de son établissement de la rue Sainte-Ursule, Jean-Luc Boulay entend encore innover et surprendre sa clientèle. « On peut respecter les traditions tout en les bousculant légèrement », glisse celui qui affirme n’avoir aucun regret lorsqu’il jette un coup d’œil dans le rétroviseur. « Je ne suis pas du genre nostalgique, explique-t-il. Comme tous les chefs, j’ai été influencé par les modes, par les tendances. Mais même si j’ai conservé l’azote liquide ou l’usage des siphons, je ne pleure pas le temps de la gastronomie moléculaire. L’idée est de prendre le meilleur de chaque époque pour construire une cuisine qui plaise et, surtout, qui te plaise. »

Fortement médiatisé depuis qu’il a rejoint les rangs de l’émission Les Chefs !, cet amoureux du produit pose un regard critique sur la relève québécoise. « On y trouve du talent et de belles personnalités, bien sûr, mais dans l’ensemble, ils ont généralement tendance à aller trop vite. Ils oublient souvent que l’expérience, ça ne s’achète pas », laisse-t-il tomber. L’importance que trop de jeunes cuisiniers accordent au visuel par rapport au goût le fait également sortir de ses gonds.

« PAS ASSEZ SNOB »

Lancé dans un passionnant monologue, passant en quelques secondes du manque d’esprit corporatif des restaurateurs québécois à l’incroyable richesse du terroir boréal, Jean-Luc Boulay est soudain tiré de ses réflexions par l’entrée en scène d’un autre phénomène, son complice de toujours, Jacques Fortier. Les deux hommes sont bien plus que de simples associés : ils sont d’inséparables amis.

Le duo s’est formé à la fin des années 1970. Jacques Fortier effectuait des rénovations dans le restaurant qu’il avait récemment acquis dans le Vieux-Québec et se cherchait un chef. « Jean-Luc s’est proposé. Il a aimé mon projet, j’ai aimé sa vision. J’ai tout de suite su que ce serait un agréable compagnon », souligne l’homme d’affaires. Et l’entrevue prend, d’un seul coup, une tout autre envergure. Aux réponses organisées succède un dialogue enthousiaste, riche en répliques bien senties et aimables taquineries.

Persuadé qu’il n’aurait pas connu la même carrière s’il n’avait pas rencontré ce « véritable génie des casseroles », Jacques Fortier glisse que le seul défaut de son acolyte est sans doute ne pas être assez snob. « J’essaie de rester moi même, malgré les émissions de télé, malgré la notoriété », se défend le chef. Et les compères de railler au passage ces cuisiniers qui préfèrent rouler dans de rutilantes Mercedes plutôt que d’investir dans de nouveaux équipements de travail. « Ceux-là n’ont rien compris et ne tiendront pas longtemps », tempête Jean-Luc Boulay.

LE SENS DES PRIORITÉS

Installés sur une ruelle peu passante, les deux hommes estiment avoir été « condamnés à l’excellence ». « Mais le plus difficile, ce n’était pas d’atteindre le sommet : c’était de s’y maintenir, précise le chef. Le secret des établissements qui tiennent durant plusieurs décennies, c’est la constance, le travail, la régularité. Pourquoi pensez-vous qu’après toutes ces années, je m’amuse encore à venir faire mes foies gras ? Parce que j’aime ça, oui, mais aussi parce que je vise la perfection. »

Son partenaire opine. Et rajoute que les restaurateurs qui tiennent à durer sur la scène gastronomique doivent avant tout songer au plaisir de leur clientèle, ensuite s’inquiéter du bien-être de leurs employés et, en dernier lieu, penser à eux-mêmes. « Celui qui inverse cet ordre de priorités n’a aucune chance », martèle Jacques Fortier.

Et les deux amis de plonger dans leurs gourmands souvenirs, de multiplier les anecdotes cocasses ou émouvantes, de se remémorer tel canard exquis, tel poulet trop cuit, d’analyser l’évolution d’une clientèle toujours plus curieuse et exigeante…

Lorsqu’arrive — enfin — la question de la fin de carrière, le duo ne peut retenir un bruyant éclat de rire. « Le mot "retraite" ne fait pas partie de mon vocabulaire, confie Jean-Luc Boulay. Je m’amuse toujours autant. Le jour où je ne prendrai plus de plaisir à apprêter mes foies gras, inquiétez vous pour ma santé ! »

Évoquant ses précieux foies, le chef se rappelle soudain n’avoir pas achevé sa tâche matinale et, après une dernière boutade, prend congé pour retrouver ses chères cuisines.

L’entrevue aura finalement duré 1h20...

« Et vous me demandiez ce qui distingue les bons des meilleurs ?, intervient Jacques Fortier. La passion, mon vieux, la passion ! »

 
 
Personnalité HRI

Annie Gauthier : Franchisée au grand cœur

 
5 février 2018 | Par Katherine Boisvert

« Le bonheur des clients débute par le bonheur des employés. » La phrase résume à merveille la philosophie chère à Annie Gauthier, propriétaire du St-Hubert de Val-d’Or. La franchise abitibienne a remporté à 11 reprises le Programme Excellence, qui distingue les meilleurs acteurs du réseau. La propriétaire attribue cet honneur à l’attention qu’elle porte tant à sa clientèle qu’à son personnel.

Diplômée de l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec, Annie Gauthier travaille dans le milieu de la restauration depuis 35 ans. « Les leçons que j’ai apprises à l’école me sont utiles chaque jour », souligne cette fille d’entrepreneurs. Même devant la pénurie de main-d’œuvre ou lors des pires tempêtes de neige, la franchisée de 52 ans estime qu’elle ne peut faire les choses à moitié, négliger le service à la clientèle ou fermer plus tôt. « Quand tu perds un client, il va manger ailleurs. Le reconquérir sera très difficile », note la sage propriétaire.

INNOVER POUR RECRUTER

La pénurie de main-d’œuvre frappe durement l’industrie, à Val-d’Or comme dans le reste du Québec. Après un quart de siècle dans le giron de St-Hubert comme serveuse, gestionnaire, puis franchisée, Annie Gauthier estime que 2017 aura été l’année la plus difficile de sa carrière. « On a été frappés par un ouragan. Notre vie professionnelle et personnelle en a pris un coup », confie la responsable de la franchise abitibienne.

Il y a peu, Annie Gauthier a donc redéfini ses objectifs, en engageant notamment une gestionnaire qui s’occupe uniquement de la formation. « Une excellente décision », selon la propriétaire.

En Abitibi, attirer de la main-d’œuvre est une tâche colossale, les jeunes étant davantage intéressés par le secteur des mines que par la restauration. Mais la dynamique franchisée a refusé de baisser les bras. Au contraire. Pour contrer la pénurie et parler à la nouvelle génération, elle imaginait voici quelques mois une efficace campagne de promotion en ligne, regroupant employés actuels et passés. La responsable estime que c’est en usant de créativité qu’elle parvient à se démarquer au sein d’une grande chaîne comme les rôtisseries St-Hubert. « J’innove en matière de service à la clientèle, en matière de ressources humaines », énumère-t-elle.

ESPRIT D’ÉQUIPE

Énergique et positive, Annie Gauthier est aujourd’hui à la tête d’une équipe de près de 150 employés, pour lesquels elle souhaite faire une réelle « différence ». Puisqu’elle croit en l’importance de renforcer l’esprit de famille, la franchisée de Val-d’Or a organisé en décembre dernier une journée de Noël à laquelle toute l’équipe était conviée. Ce jour-là, les clients ont été servis par d’anciens employés, aujourd’hui devenus notaire, avocate, infirmière ou enseignante, qui ont spontanément accepté de donner un coup de main à leur ancienne patronne. « C’est leur manière de nous remercier pour le temps et l’appui que nous leur avons offerts lorsqu’ils travaillaient pour nous », souligne une Annie Gauthier soudain émotive.

Et du temps, celle qui possède un certificat en animation avec les jeunes en offre énormément à ses employés. Toujours prête à mettre son tablier et son filet pour soutenir ses cuisiniers, la franchisée prend également le temps de réconforter un membre de son équipe ou d’envoyer des fleurs à l’employée qui vient de perdre sa grand-mère. Dernièrement, elle a encouragé ses troupes à écouter le documentaire Bye, dans lequel l’homme d’affaires Alexandre Taillefer aborde le suicide de son fils. Il y a quelques années, elle avait même loué une salle de cinéma pour s’assurer que ses employés voient le documentaire Dérapages de Paul Arcand, portant sur l’alcool au volant. « Je ne saurai jamais si j’ai fait la différence », fait-elle remarquer, songeuse mais fière.

Grande sportive, Annie Gauthier s’est mise à la course il y a huit ans. Accompagnée de quelques employés, elle a couru 10 kilomètres au Marathon d’Ottawa. « L’année suivante, il y en avait 11. L’an dernier, 32 employés m’ont accompagnée ! »

 
 
Personnalité HRI

Antonin Mousseau-Rivard : Le chef devenu restaurateur

 
14 février 2018 | Par Katherine Boisvert

« Le train roule à fond, il faut en profiter ». Quelques mots, un clin d’œil, et voilà comment Antonin Mousseau-Rivard justifie les changements qui attendent le Mousso dès ce mois de février. Et quels changements ! L’espace original de l’établissement accueillera bientôt un bar à vins tandis que le restaurant déménagera dans un local adjacent. « Le nouveau Mousso sera un peu plus affirmé, un peu plus confiant », révèle le copropriétaire.

Avec sa cuisine à l’étage, l’établissement fera davantage de place aux cuisiniers, qui s’occuperont eux-mêmes d’une partie du service en salle. Cette décision permettra le partage des pourboires et offrira une expérience différente à la clientèle. Quant au bar à vins, il proposera des plats à la carte et « de petites assiettes à partager ». L’objectif : rendre le Mousso davantage accessible aux Montréalais.

Celui qui a touché à tous les métiers de la restauration se sent aujourd’hui davantage restaurateur que chef. « Je suis encore dans la cuisine, je crée encore des plats, mais après bientôt 18 ans de métier, je veux commencer à me coucher tôt et à avoir une vie », explique celui qui souhaite occuper une partie de son temps à gérer ses réseaux sociaux et ses apparitions télévisées.

Et cette qualité de vie, il souhaite également l’offrir à ses employés. À une époque où la pénurie de main-d’œuvre est sur toutes les lèvres, le propriétaire du Mousso croit à l’importance d’améliorer les conditions de travail en proposant de meilleurs salaires, des heures plus flexibles et la possibilité de rester chez soi lorsqu’on est malade. « Depuis l’ouverture du restaurant, il n’y a pas eu de roulement : il n’y a que des gens qui s’ajoutent. Je crois que c’est l’une des raisons pour lesquelles on se démarque : nos employés sont heureux. »

L’UTILITÉ DES RÉSEAUX SOCIAUX

Pour sortir du lot, partager ses idées ou se faire connaître à l’extérieur du Québec, Antonin Mousseau-Rivard mise, avec subtilité, sur le pouvoir des médiaux sociaux. Celui qui, voici trois ans à peine, n’était inscrit ni à Facebook ni à Instagram évalue aujourd’hui les choses autrement. « J’ai longtemps considéré que c’était une perte de temps, puis j’ai appris à travailler avec les réseaux sociaux, révèle-t-il. Cet outil-là est l’affaire la plus importante qu’il n’y ait jamais eu pour garder un restaurant en vie. »

Le propriétaire du Mousso est désormais suivi par de nombreux chefs internationaux sur Instagram et voit défiler dans son restaurant des clients des États-Unis et des pays scandinaves, intrigués ou séduits par ses publications électroniques. « Il s’ouvre de nouveaux restaurants toutes les semaines… Il faut donc se renouveler constamment et rappeler aux autres que l’on existe, sinon on va passer dans le beurre », avertit le restaurateur.

UN PARCOURS ATYPIQUE

Fils du chanteur Michel Rivard et de la comédienne Katerine Mousseau (copropriétaire du Mousso), Antonin est un autodidacte. « Je vois ce que je fais davantage comme un travail artistique. Je ne veux pas avoir la prétention de dire que je suis un chef, explique le petit-fils du peintre Jean-Paul Mousseau. J’ai tout appris par moi-même, alors je me considère davantage comme un créateur. » De son grand-père, il aura hérité la manière non conforme avec laquelle il travaille ses assiettes, avec des touches de couleur… ou de non-couleur.

Antonin a été refusé quatre fois à l’ITHQ. C’est donc sur le terrain qu’il a appris son métier. À 16 ans, il devient plongeur, « un poste que tout le monde devrait occuper avant de travailler en cuisine ». Puis un jour, il est engagé au restaurant Les Sarcelles, à Saint-Lambert, où il apprend les bases de la cuisine française, façon vieille école. Après avoir œuvré durant huit ans chez Frite Alors ! où il s’initie à la gestion de personnel, il devient traiteur, avant d’être engagé au Contemporain, le restaurant du musée du même nom. Il en deviendra chef-propriétaire aux côtés de sa comédienne de mère. « Je n’ai jamais réussi à me faire engager dans des endroits comme le Toqué ! ou Au Pied de Cochon. J’aurais aimé ça, confie Antonin Mousseau-Rivard. Mais si ça avait été le cas, je ne serais probablement pas là où je suis présentement. »

Sacré « Grand de demain » en 2016 par le prestigieux guide Gault & Millau, adulé par de nombreux chefs de la nouvelle génération, Antonin MousseauRivard doit toutefois fréquemment se justifier auprès de ses pairs d’avoir réussi à se démarquer sans avoir fait d’école de cuisine. Et bien qu’il reconnaisse que sa cuisine est anticonformiste, « elle ne crache pas sur les bases, soutient le chef de 34 ans. Certains croient que je me dis l’inventeur de la nouvelle cuisine québécoise, mais ce n’est pas vrai du tout : la roue tournait déjà avant. Notre cuisine est jeune, il reste beaucoup à inventer. »

Pour la mettre en valeur, Antonin Mousseau-Rivard rappelle l’importance de démocratiser les aliments et de partager ses découvertes. « Ce n’est pas en gardant les bons produits pour soi qu’on devient le meilleur. C’est en donnant les mêmes produits à tout le monde et en voyant qui va le mieux les travailler », affirme celui qui soutient plusieurs initiatives, telle la plateforme CHEF514 visant à mettre en relation cuisiniers et producteurs.

Chef, créateur ou restaurateur… peu importe l’étiquette, Antonin Mousseau-Rivard est l’autodidacte qui invite les Montréalais comme les visiteurs à découvrir sa table, préparée avec un plaisir évident.

 
 
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Nancy Lemieux : Silence, ça tourne !

 
9 février 2018 | Par Pierre-Alain Belpaire

Tonnerre d’applaudissements le 28 novembre dernier quand, dans le décor feutré de l’InterContinental Montréal, l’Association Hôtellerie Québec décernait le prix Hôtelier de l’année 2017 à Nancy Lemieux, dynamique aubergiste de la municipalité de L’Islet. Si la propriétaire de l’Auberge des Glacis a raflé cette distinction malgré la farouche compétition offerte par le célèbre Château Montebello et la réputée Auberge des Gallant, c’est grâce à une idée aussi simple que brillante, mise en place à l’automne 2016 : Glacis.TV. « Eh oui, une webtélé dans une modeste auberge située dans un ancien moulin à farine de la Côte-du-Sud… Vous ne rêvez pas », s’esclaffe la lauréate.

Depuis qu’ils ont repris l’Auberge des Glacis voici 11 ans, Nancy Lemieux et son compagnon André Anglehart ont toujours voulu faire affaire avec des producteurs du coin et pousser au maximum la logique d’achat local. Que ce soit pour les viandes, les fruits et légumes ou encore les alcools, le couple a rapidement fait confiance à quelque 70 artisans de la région. Afin de les remercier, de les réunir et de « provoquer de fructueuses alliances », Nancy Lemieux a mis sur pied, il y a quelques années, le Souper des Producteurs. Mais pour aider leurs « partenaires » à se faire mieux connaître, les hôteliers, tous deux anciens journalistes, souhaitaient aller plus loin.

« On a tout simplement décidé de faire des reportages sur ces différents producteurs », explique celle qui officia notamment dans les bureaux de Radio-Canada en Abitibi-Témiscamingue. Grâce à l’aide du MAPAQ et d’une tierce journaliste, Danielle Laforce, les équipes de l’Auberge parcourent leur région, rencontrent leurs fournisseurs et mettent en lumière leur quotidien. « Ce ne sont pas des mises en scène ni de la publicité : c’est un vrai travail journalistique, insiste Nancy Lemieux. La seule condition pour apparaître dans ces clips de quelques minutes est de s’engager à les diffuser sur Facebook. »

À ce jour, quelque 35 reportages ont été réalisés et largement relayés sur les réseaux sociaux. En mars prochain, lorsque le MAPAQ retirera son aide, les hôteliers ralentiront quelque peu le rythme de production et se pencheront davantage sur des problématiques concrètes, comme la distribution ou les tendances. « Mais il est clair que nous continuerons, promet Nancy Lemieux. Pourquoi je mets autant d’efforts pour faire connaître ces producteurs ? Parce que ce sont mes attraits touristiques ! »

AVANT L’HEURE

Ces efforts et cette audace n’auront pas uniquement fait sourire les producteurs : ils auront également convaincu et séduit une clientèle toujours plus fidèle. « Pour certains, venir chez nous s’apparente désormais à un véritable pèlerinage », relève la propriétaire de l’Auberge qui célébrera, l’an prochain, ses 40 ans d’existence.

Pour expliquer le succès de son établissement, Nancy Lemieux multiplie les compliments et remerciements. Elle salue l’œuvre des précédents propriétaires, le cuisinier Pierre Watters et son épouse Micheline. Elle loue le sérieux et l’imagination de son chef, Olivier Raffestin. Elle félicite ses employés, « une incroyable équipe presque inchangée depuis 10 ans », et glisse au passage quelques amabilités sur les visiteurs, « toujours prêts à émettre des commentaires positifs et des suggestions constructives ».

Et lorsqu’on lui rappelle qu’elle-même ne doit pas être totalement étrangère aux bons résultats de l’Auberge des Glacis, la dame répond, dans un souffle, que sa meilleure idée fut sans doute de ne jamais suivre les tendances et les modes. « J’ai gardé mes nappes blanches. J’ai acheté “québécois”. J’ai fait confiance aux producteurs de la région. J’étais à la mode avant l’heure, sourit-elle. Au fil des ans, j’ai bien sûr apporté certaines modifications, comme l’organisation de conférences, de concerts ou d’ateliers de mixologie, mais en veillant toujours à ce que l’auberge conserve son authenticité, conclut celle qui assure ne pas regretter sa vie de journaliste. J’ai aujourd’hui le meilleur des deux mondes. »

 
 
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Pierre Birlichi : Relais des vignerons

 
30 janvier 2018 | Par Katherine Boisvert

Pour beaucoup d’experts, le vin doit être abordé sous un angle technique, précis, théorique. Pierre Birlichi, lui, préfère comparer le vigneron à un artiste et le résultat de son travail à une sculpture, une peinture ou une poésie. « Le producteur a envie de connaître les émotions qui nous traversent lorsque l’on boit son vin », explique le président de Raisonnance et importateur de vins privés.

Et le vin, ce Français de 47 ans est tombé dedans quand il était petit. « J’ai eu la chance de grandir dans un environnement de bon vin et de bonne bouffe. » Originaire de Bordeaux, Pierre Birlichi naît dans une famille qui cultive la vigne depuis cinq générations. « Ma grand-mère avait des terres, et mon grand-oncle était dirigeant d’une maison de négoce », explique celui dont la plupart des souvenirs d’enfance sont associés au vin.

Après avoir amorcé sa carrière dans la négociation du café, cet économiste et ingénieur de formation enseigne durant plusieurs années dans de grandes écoles de commerce en France. En 2005, il emménage au Québec et y cofonde, un an plus tard, l’agence Raisonnance.

DU VIN ET DES RESTAURATEURS

Avec une dizaine de collègues, et sous l’impulsion d’Alain Rochard (Le Continental, Rouge Gorge), Pierre Birlichi élabore les bases de ce qui deviendra plus tard le Regroupement des agences spécialisées dans la promotion des importations privées des alcools et des vins, plus connu sous l’acronyme RASPIPAV. Le Regroupement a grandi et compte aujourd’hui 43 agences désirant faire la promotion des vins d’artisans auprès d’une clientèle de connaisseurs, de curieux, mais aussi de restaurateurs.

L’importateur le souligne à maintes reprises : la vocation du RASPIPAV est et sera toujours de « travailler main dans la main avec les restaurateurs ». « Chacun d’entre nous a, dans son portfolio, des vignerons qui veulent être bus, mais qui veulent également que leurs bouteilles se retrouvent sur les plus belles tables, affirme Pierre Birlichi. Et Dieu sait qu’on ne manque pas de belles tables au Québec ! On a une diversité, une créativité et un génie qui ne demandent qu’à éclore. »

En 2018, le choix en importation privée est tellement vaste qu’un bon sommelier doit être en mesure d’offrir au chef ou au propriétaire de son établissement une identité tout à fait unique, martèle avec fierté le président de Raisonnance. Et de rappeler que l’importation privée représente un marché annuel de près de 150 millions de dollars au Québec, soit plus de six millions de bouteilles.

IMPORTER LES TENDANCES

Pierre Birlichi en est persuadé : ce sont les agences qui dessinent les tendances. « On vous amène ce qui sort des sentiers battus, mais également ce qui est réconfortant. » L’importateur rappelle que ce sont les agences qui ont fait découvrir aux Québécois les vins orange, ainsi que les vins nature, biologiques ou biodynamiques. « Si vous voulez connaître les tendances de demain et les vignerons qui vont s’imposer sur les tablettes d’ici deux ou trois ans, venez dans nos événements », recommande-t-il.

Et lorsqu’on le questionne sur la tendance à venir dans le milieu viticole, Pierre Birlichi demeure avare de commentaires. « Vous savez, c’est comme demander à Apple quelle sera sa prochaine innovation… Je préfère la garder pour moi ! »

 
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