Paul Harry Toussaint : « Je voulais raconter ma propre histoire »
Le chef Paul Harry Toussaint termine de choisir ses tomates au marché lorsque la rédaction du HRImag l’appelle par un bel après-midi de fin d’été. « Ah c’est la folie, tout le monde veut me parler, s’amuse-t-il. Je crois que c’est parce que j’ai fait le mouvement stratégique d’ouvrir en pleine pandémie : les gens voient que je n’ai pas froid aux yeux. »
Son nouveau restaurant, Kamúy, a ouvert ses portes au début du mois d’août. Installé dans l’ancien local de la Taverne F, dans un Quartier des spectacles plutôt désert, le restaurant affiche pourtant déjà complet pratiquement tous les soirs. Paul Harry Toussaint a choisi ce local très lumineux afin d’y faire briller son « soleil » (Kamúy signifie soleil en taïno, ancienne langue arawakienne des Caraïbes) et a opté pour ce quartier très touristique afin de pouvoir y faire rayonner sa culture et la faire découvrir au plus grand nombre.
Dès l’âge de 11 ans, le jeune Paul apprend à cuisiner par nécessité. Il doit alors prêter main-forte à sa gardienne qui l’élève seule. Sa famille à lui a déjà quitté Haïti. À la fin de ses études secondaires, il développe un intérêt pour le journalisme et le droit. Il rejoint alors ses proches à Montréal et entreprend des études en vue de devenir avocat.
« Après deux ans, j’ai compris que je n’étais pas fait pour rester assis dans un bureau, confie-t-il. J’ai annoncé à mon père que je désirais poursuivre mes rêves et devenir cuisinier. Il n’était pas content : pour lui, un cuisinier ne peut pas bien gagner sa vie. »
Paul Harry Toussaint obtiendra quelques années plus tard son diplôme de cuisine du Collège LaSalle de Montréal et entrera comme stagiaire au Toqué !. Il y travaillera finalement pendant plus de deux ans, avant de retourner en Haïti.
« Je me suis dit que si je restais au Québec, je continuerais à faire seulement la cuisine des autres et ça, il y aura toujours quelqu’un pour le faire mieux que moi, admet-il. Je suis retourné faire des recherches sur ma propre culture, sur ma propre cuisine. Pour voir comment je pouvais appliquer mes nouvelles techniques et sublimer les textures et les saveurs. Pour raconter ma propre histoire. »
De retour au Québec, il prend les rênes des cuisines du restaurant Agrikol. Une belle aventure qu’il a adorée. Il se sent pourtant rapidement limité par la cuisine haïtienne qui reste, somme toute, très traditionnelle. « Mes ailes étaient attachées. Au Kamúy, en prenant toutes les Caraïbes, je peux faire des fusions, des mariages, des alliages. La colonisation a apporté de très mauvaises choses si on pense à l’esclavage et aux génocides. Par contre, le mélange de cultures qui en ressort donne un mix intéressant et témoigne de notre résilience, de notre envie de ne pas nous laisser abattre. C’est ça, l’important pour moi : m’assurer que chaque caribéen soit bien représenté. »
À travers la musique, l’art, les couleurs vives et évidemment les saveurs éclatantes qu’il réalise avec des produits d’ici, Paul Harry Toussaint souhaite partager sa culture et la faire vivre à travers celle du Québec. « Un Caribéen est toujours relax, il n’est pas stressé. Je crois que c’est le soleil qui fait ça. Comme un Québécois... en été ! »
(Crédit photo : Darwin Doleyres)
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