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Mon commerce zéro déchet attire les restaurateurs

 
31 mars 2022 | Par Sophie Poisson
Crédit photo: Lola Rosa

Concertation Montréal, organisme à but non lucratif qui a pour mission de favoriser et d’animer le développement régional par la concertation, a lancé l’an dernier le projet Mon commerce zéro déchet - dans le cadre de l’initiative J’accélère ma transition qui remonte à 2019 - pour accompagner les commerces dans leur transition écologique. Parmi les éléments qui ont porté ce projet, le Plan directeur de gestion des matières résiduelles 2020-2025 - la feuille de route collective de la Ville de Montréal pour atteindre l’objectif de tendre vers le zéro déchet d’ici 2030 – et les artères commerciales qui sont identifiées comme un moteur économique et social important.

« Les commerces sont au centre des habitudes des citoyens, et on s’en est d’autant plus rendu compte pendant la pandémie, souligne Janie-Claude Viens, agente de développement – Transition écologique, Concertation Montréal. Ils ont un pouvoir d’influence tant du côté des fournisseurs, donc de la production, que des clients, donc de la consommation. Ils sont des acteurs pivots quand vient le temps de communiquer cette transition écologique. »

L’appel de candidatures était ouvert à tous types de commerce, mais une majorité de commerces alimentaires a répondu à l’appel. « La Ville a adopté l’été dernier un règlement qui interdit certains articles de plastique à usage unique dans les établissements alimentaires. Il entrera en vigueur le 1er mars 2023 et n’avait pas encore été officiellement communiqué, mais il se retrouvait dans le Plan directeur de gestion des matières résiduelles depuis 2019. Les commerces alimentaires étaient donc plus incités à commencer la transition. Ils s’y mettent aussi peut-être par besoin : c’est un type de commerce qui roule extrêmement vite, et qui a été plus durement touché par la pandémie. Ils sont aussi présents en bonne proportion sur une artère commerçante », analyse Janie-Claude Viens.

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C’est donc aux commerces alimentaires que Concertation Montréal a choisi de dédier la première cohorte, qui s’est rencontrée pour la première fois à l’automne. L’occasion de leur proposer une offre de services plus pointue, d’autant plus que les 14 participants - dont Lola Rosa, Resto Plateau, Resto Végo, Pino Café + Bistro, le restaurant du Jardin botanique et restauration Espace pour la vie - ont déjà entamé des démarches vers le zéro déchet. « Ils en font déjà énormément, beaucoup plus que ce à quoi on s’attendait, fait savoir l’agente de développement. On aimerait que ça devienne un réflexe de tendre vers le zéro déchet, mais ce n’est pas le cas actuellement. Avec la pandémie, on est revenu à beaucoup d’usage unique. Il y a donc beaucoup de travail à faire, notamment de sensibilisation. »

Créer un réseau

Plusieurs défis rencontrés par les entreprises ont été ciblés lors des premiers échanges. Les commerçants sont par exemple pris dans l’opérationnel et ont de la difficulté à dégager du temps à cause de la pénurie de main-d’œuvre. Le roulement d’employés est nommé puisque le zéro déchet implique de la formation, notamment pour sensibiliser les clients. Les enjeux financiers peuvent également être importants, par exemple pour les commerces à gros volumes qui mettent en place le compostage. « Il faut aussi avoir de l’énergie et de la créativité ! Comme ils sont déjà avancés dans leurs démarches, ils doivent faire preuve de débrouillardise et être capables de rentrer en contact avec d’autres », ajoute Janie-Claude Viens.

L’intention de Concertation Montréal est de donner de l’information, des ressources et outils et un réseau pour que les commerçants puissent rapidement se mobiliser. L’accompagnement de groupe, qui durera environ un an, passe par des ateliers de deux heures toutes les six semaines, durant lesquels des experts abordent une thématique, parlent de leur expérience sur le terrain et vulgarisent l’information pour permettre aux commerçants d’agir rapidement. Le premier atelier a été donné en janvier par Guillaume Cantin, co-initiateur du projet et directeur général de La Transformerie, qui a parlé de gaspillage alimentaire. Des réponses plus spécifiques à chacun des participants peuvent également être trouvées lors des suivis téléphoniques qui visent à définir comment utiliser l’information qu’ils viennent de recevoir.

« On monte une communauté de pratique, donc les participants font partie de la même industrie, ils ont tous fait des tests et des apprentissages, ils ont tous une expertise à partager, s’enthousiasme l’agente de développement. Ça leur permet de gagner du temps de recherche et de bénéficier gratuitement de conseils. Il y a une économie financière au bout du compte. »

Des restaurants déjà sensibilisés

Lola Rosa fait ainsi partie de la première cohorte. « C’est bien de dire que le gouvernement doit prendre des actions, mais au-delà de ça, en tant que commerce, on peut agir à notre niveau, aussi petit soit-il, et c’est important, insiste le copropriétaire de Lola Rosa Éric Bieunais. De notre côté, on a toujours eu des valeurs environnementales très fortes, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle on est passé en 2020 d’un menu végétarien à végétalien. Mon commerce zéro déchet, c’est simplement une suite logique aux actions qu’on pose depuis 17 ans. »

Parmi les actions déjà menées, le restaurant a adopté les contenants 100 % compostables de l’entreprise locale Cambium et est en train d’implanter le service de contenants réutilisables Retournzy. « Quand on explique aux clients qu’ils doivent rapporter le contenant pour récupérer la consigne, ça reste encore aujourd’hui un problème, certains préfèrent le compostable. On a donc repoussé la mise en circulation unique des contenants réutilisables, aussi parce qu’il n’y a pas encore assez de points de récupération à Montréal », raconte Éric Bieunais.

Autre exemple, il utilise des chips de maïs de Tortilleria Maya pour ses nachos, mais 10 à 15 % d’entre elles se cassent pendant le transport. Après des années de recherche, l’entrepreneur vient de découvrir qu’il peut les broyer pour en faire une farine servant à faire des pains de maïs, qui seront prochainement servis dans une de ses succursales en accompagnement du chili.

Avec Mon commerce zéro déchet, il s’est fixé comme objectifs de travailler sur le gaspillage alimentaire, puis d’améliorer son compost, voire de construire un jardin sur le toit. Des enjeux de temps et d’argent sont soulevés par Éric Bieunais, par exemple au moment de faire un audit des pertes puisque cela implique de payer un employé pour étudier le contenu de la poubelle, puis d’analyser les différentes solutions et enfin de les mettre en place. Un travail qu’il estime de plusieurs semaines, voire plusieurs mois.

Inclure les employés et la clientèle

« L’enjeu est surtout le timing !, précise le propriétaire. On sort de la COVID-19 : les restaurants ont eu très mal financièrement et les salaires ont monté, donc on a beaucoup moins de marges de manœuvre, on doit faire des choix. Est-ce que c’est le bon moment de lancer un projet maintenant sachant qu’on entre dans la grosse partie de la saison qui nous permettrait de refaire un peu d’argent ? Est-ce que c’est préférable de le faire quand ce sera un peu plus calme, qu’on pourra suivre les employés et les reformer pour intégrer de bonnes habitudes ? C’est une décision qui est prise avec les employés. »

Il considère que la plupart de ses employés partagent les valeurs environnementales de Lola Rosa et sont donc compréhensifs. Par contre, la clientèle viendrait d’abord « parce que la nourriture est bonne », et il pense donc miser sur la communication pour l’impliquer dans le changement. « Il s’agirait de lui donner un peu le rôle de vedette plutôt que de nous mettre nous-même de l’avant, par exemple en indiquant sur la facture "Ton repas végétalien a permis aujourd’hui de sauver 500 L d’eau, merci !". Il faut que le client, même s’il n’est pas venu pour ça, puisse se donner une petite tape dans le dos qui l’encourage à revenir et à en parler à son entourage », affirme Éric Bieunais. Avec la pandémie, il a été contraint de faire des coupes, notamment du côté de la communication ; mais il a l’intention de réembaucher un responsable dans les prochains mois.

« Ce que je trouve vraiment intéressant avec la cohorte est de savoir qu’on n’est pas les seuls à être dans cette situation, à se poser des questions et à rencontrer des difficultés, et malgré tout, on est là pour instaurer des changements, même s’ils ne vont pas servir nos commerces et même s’ils sont coûteux. Plus que la solidarité, c’est l’impression d’appartenance à un groupe et à un mouvement que je trouve assez entraînante. »

Pour suivre Concertation Montréal :

Mots-clés: 06 Montréal
Développement durable
Restauration

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