La minute gestion
Les restaurants peuvent-ils se passer de la carte de crédit ?
Depuis plusieurs années, on remarque que les clients ont adopté le paiement par carte de crédit et carte de débit dans les restaurants. Seuls quelques rares clients paient encore comptant. Une étude réalisée par SQUARE en 2018 révélait que 41% des Canadiens affirmaient alors payer leurs achats seulement par carte ou ne jamais utiliser d’argent comptant. Tout semble indiquer que la tendance s’est accrue depuis et que l’habitude est bien ancrée.
À cet égard, afin de soulager les petites entreprises canadiennes, le gouvernement canadien a réduit en 2020 et jusqu’en 2025 les frais moyens de transactions par carte de crédit de 0,1% par transaction, soit à 1,4% au lieu de 1,5%.
Depuis la pandémie, les modules qui permettent le paiement sans contact se sont implantés pour de bon dans presque tous les types de commerces, notamment les restaurants. Les clients paient de moins en moins comptant et devant la hausse des frais de transaction liés à l’utilisation de la machine et aux cartes de crédit, plusieurs restaurateurs cherchent à minimiser ces frais qui, très souvent, représentent des sommes importantes.
Les taux varient d’une carte à l’autre et selon le volume de transaction, de 1,5 à plus de 5% des ventes totales, incluant les frais d’interchange et les frais de fournisseur d’évaluation pour les transactions « flash » (sans contact). L’option Flash Interac est une manière rapide et facile de payer des petits achats sans avoir à insérer la carte-client ni à entrer un NIP. Les frais mensuels de location de terminal et d’activation sont fixes et varient d’un fournisseur à l’autre.
Chaque mode de paiement entraîne des coûts différents. Les taux typiques des cartes de crédit, souvent calculés en superposition, sont :
- frais d’interchange : de 1 à 4% par transaction
- frais de fournisseur de traitement des paiements (ou d’acquéreur) : de 1,43 à 3,5% par transaction (selon le fournisseur de traitement des paiements)
- frais d’évaluation : de 0,08 à 0,10% des transactions mensuelles
- frais de passerelle de paiement : de 25 à 50 $ par mois (plus frais de transaction de 0,10 à 0,25 $)
- frais de location de terminal de paiement électronique : de 25 à 45 $ par mois pour les appareils câblés ou de bureau (les appareils sans fil peuvent coûter plus cher)
- frais d’activation uniques : de 0 à 300 $.
Transaction par cartes et frais associés
Prenons l’hypothèse que les frais de cartes de crédit sont estimés à 3% des sommes transigées via les modules de paiement. Un restaurant qui réalise des ventes annuelles de 1 000 000 $, qui perçoit à ses clients les taxes TPS/TVQ d’environ 150 000 $ et des pourboires d’environ 150 000 $ transigera sur ses machines de paiement plus ou moins 1 300 000$.
En supposant que 100% des clients utilisent une carte de crédit, les frais d’interchange liés aux cartes de crédit d’environ 3% représentent alors 39 000 $ (3% x 1 300 000 $) annuellement. Ces frais sont considérables et réduisent d’autant le bénéfice net avant impôts. Des intérêts peuvent même s’y additionner en cas de délai de paiement.
Les frais habituellement facturés sur chaque transaction par carte de débit sont les frais d’interchange, les évaluations et les frais de majoration du processeur.
Chez Desjardins, on propose les frais suivants :
- adhésion au service : 30 $
- 1 à 14 transactions par mois : 5 $ par mois
- 15 à 50 transactions par mois : 0,35 $ par transaction
- 51 à 100 transactions par mois : 0,25 $ par transaction.
Si pour notre restaurant de référence, qui réalise des ventes annuelles de 1 000 000 $, les clients paient tous par carte de débit, les frais fixes INTERAC de Desjardins qui s’appliquent seront de 0,25 $ par transaction et seront facturés au commerçant. Si les ventes annuelles sont réalisées par environ 40 000 transactions, les frais annuels de carte de débit s’élève à 10 000 $, en plus des frais de location et autres frais.
Dans les deux cas, cartes de crédit ou débit, les sommes sont déposées directement dans le compte de banque de l’établissement, minimisant ainsi le travail du commerçant.
Paiement comptant
La troisième option de paiement est le paiement comptant, lequel n’implique aucune transaction électronique, ce qui ne signifie pas pour autant qu’il n’y a aucun coût. En fait, la manipulation de la monnaie au comptant implique plusieurs coûts cachés et variables selon la taille de l’entreprise et le nombre d’employés.
On peut sous-estimer facilement le temps nécessaire pour balancer les caisses, préparer et procéder au dépôt bancaire et concilier l’état de compte par la suite. Si, tard le soir, le danger d’être agressé existe entre le restaurant et l’institution bancaire, il n’est pas rare de procéder au dépôt à deux employés ou de confier la collecte en sous-traitance.
Par exemple, les données compilées par Brink’s démontrent qu’en moyenne les entreprises qui déposent peu, c’est-à-dire moins de 10 000 $ par mois, et qui n’utilisent pas de service de collecte dépensent près de 6% du montant déposé en frais de manipulation d’argent comptant.
Une entreprise moyenne, qui dépose 20 000 $ par mois, dépense 3,09% des montants déposés en frais de manipulation, et une entreprise à haut volume de ventes au comptant, c’est-à-dire 30 000 $ par mois et plus, dépensera 3,26% des montants déposés pour la manipulation de l’argent comptant.
Dès lors, notre restaurant de référence, avec des dépôts exclusivement au comptant de 1 300 000 $ par an, engagerait des coûts liés à la manipulation du comptant d’environ 42 380 $ par année, soit davantage que les coûts liés à la carte de crédit (30 900 $) ou de débit. Cette dernière représente encore la meilleure solution financièrement (10 000 $).
Privilégier la productivité
La compagnie Brink’s offre évidemment des services qui facilitent le travail, réduisent les coûts et fournissent même de l’argent liquide livré à l’entreprise sans que celle-ci n’ait à se déplacer, mais ces services aussi représentent des coûts additionnels. Brink’s prétend pouvoir réduire de 22 à 49% les coûts liés à la manipulation des sommes perçues par le biais des ventes au comptant de l’entreprise.
Le temps consacré à compter l’argent liquide, préparer le dépôt quotidien et se déplacer vers la banque occasionne des coûts de main-d’œuvre. Considérant la hausse des salaires et la pénurie de main-d’œuvre qui frappent les commerces en général, les solutions de rechange sont sans contredit les bienvenues. C’est surtout une question de productivité.
Ce type d’activité lié à la manipulation de l’argent comptant a tout intérêt à être la plus automatisée possible afin de dégager du temps pour les gestionnaires, qui pourront se consacrer à des activités plus critiques et importantes liées à la production et au service à la clientèle, ou simplement réduire les heures de travail.
Finalement, afin de favoriser les ventes de son établissement, on offrira l’éventail complet des options de paiement et maximiser les ventes. Le client qui voudra encourager le commerçant pourra préférer alors payer par carte de débit, moins onéreuse pour le commerçant. Ces tendances s’inscrivent dans une mouvance qui tend à faire disparaître l’argent comptant au profit des transactions numériques. Le dossier est loin d’être clos.
Le paiement par carte ne favorise-t-il pas les achats spontanés, la hausse de la facture totale et même la hausse des pourboires ? Avons-nous vraiment le luxe de limiter les modes de paiement dans nos établissements ? N’est-ce pas le client qui a le pouvoir d’imposer le mode de paiement qu’il préfère ?
À lire aussi : Carte de crédit : un restaurateur lance un mouvement contre les frais abusifs