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LE COMMERCE DE L’ALIMENTATION ET DE LA RESTAURATION ALIMENTAIRE

Les facteurs de succès pour réussir en restauration... selon François Pageau professeur à l’ITHQ

 
6 mars 2011 | Par Christian Latour | Mérici Collégial Privé


CE QU’IL FAUT PREMIÈREMENT SAVOIR

Le 9 novembre dernier, lors de la rencontre annuelle de l’ARQ, François Pageau, professeur à l’ITHQ, a présenté les premiers résultats d’une étude qui vise à faire des liens entre leurs caractéristiques et le succès économique d’un restaurant [1].

Le compte rendu de cette présentation a été présenté dans l’ARQ info volume 18. Numéro 1. Janvier 2011.

Voici ce qui ressort de cette étude réalisée à partir d’un échantillon de 381 restaurants dispersés dans 19 régions de la province. [2]


CONSTAT NUMÉRO 1

Un premier constat de François Pageau : « ça ne suffit plus de faire de la bonne cuisine pour se lancer en restauration ».

Mon commentaire

En effet, un restaurant ce n’est pas juste une salle à manger et une cuisine. À cause de la complexité croissante du monde dans lequel nous vivons, la réussite dans le commerce de la restauration alimentaire nécessite aujourd’hui la mise en place de systèmes de gestion et l’utilisation de technologie de plus en plus sophistiquée. Ce qui se passe dans le « back-office », j’en suis convaincu, est aussi important, sinon plus, que ce qui se passe dans la cuisine et la salle à manger.


CONSTAT NUMÉRO 2

Seulement le tiers des restaurateurs indépendants (c.-à-d. environ 127 sur 381) estiment que la clientèle touristique représente plus de 25 % du total de leurs clients.

La question de François Pageau

« La restauration fait telle [vraiment] partie du tourisme comme le prétend l’Organisation mondiale du tourisme ? »


CONSTAT NUMÉRO 3

Environ 87 % des restaurateurs indépendants (c.-à-d. environ 332 sur 381), possèdent une structure de financement fragile c’est-à-dire, provenant essentiellement de leur épargne personnelle ou de leurs proches ou encore de leurs REER. En plus, plusieurs ne se paient pas de salaires et versent encore moins des intérêts sur le capital investi, il est évident que plusieurs vivent sur la corde raide et sont donc sensibles aux aléas de l’économie.

Mon commentaire

Selon la théorie développée par Michael E. Porter [3], dans un secteur dispersé dans lequel il y a trop de restaurants, cette situation est inévitable. Le commerce de la restauration alimentaire doit nécessairement passer par une phase d’épuration et de concentration. Le nombre de restaurants doit diminuer.


CONSTAT NUMÉRO 4

Le tiers des restaurateurs (c.-à-d. environ 127 sur 381) réalisent un chiffre d’affaires annuel inférieur à la moyenne nationale d’environ 500 000 $. Un second tiers réalise des ventes de 0,5 million à 1 million et un dernier tiers des ventes supérieures à 1 million de dollars.

Mon commentaire

Selon les informations tirées du rapport produit par l’Association des restaurateurs du Québec (ARQ), Profil et performance de la restauration québécoise, Édition 2010, il y a au Québec trop de restaurants et pas assez de clients. Il y avait au Québec, en 2009, 19 279 détenteurs de permis de restauration commercial, ce qui représente un établissement de restauration avec permis par 406 habitants. Depuis 2002, année de référence retenue par l’ARQ, la croissance des ventes du secteur est de moins de 1 % par année.

En raison de cette croissance du secteur qui est quasiment nulle, l’augmentation du chiffre d’affaires des meilleurs ou des nouveaux restaurants doit nécessairement se construire au détriment des restaurants concurrents. Dans un marché qui arrive à maturité, c’est-à-dire qui ne connait pratiquement plus de croissance, la guerre entre les concurrents directs et indirects pour s’approprier les chiffres d’affaires est inévitable.


CONSTAT NUMÉRO 5

Seulement 8,5 % des restaurants de l’étude (c.-à-d. environ 32 sur 381) dépassent les 2 millions de chiffre d’affaires.

Mon commentaire

Encore une fois selon Michael E. Porter, dans un secteur dispersé (trop de restaurants) qui arrive à maturité (pas assez de clients), cette situation est inévitable.


CONSTAT NUMÉRO 6

Plus du tiers (c.-à-d. plus de 127 sur 381) réalise des pertes, environ le quart (c.-à-d. environ 95 sur 381) se situe sous les 5 % de bénéfice net, 22 % (c.-à-d. environ 84 sur 381) font entre 5 % et 10 % de profit et seulement 16 % (c.-à-d. environ 61 sur 381) font plus de 10 % de profits, après prise de salaire.

Mon commentaire

Toujours selon la théorie développée par Michael E. Porter, s’il y a trop de restaurants (secteur dispersé) et pas assez de clients (secteur qui arrive à maturité), alors la moyenne des profits réalisés par les entreprises qui ouvrent dans le secteur tend inévitablement à évoluer à la baisse.


CONSTAT NUMÉRO 7

Les restaurateurs qui ont des compétences en gestion semblent en général réussir mieux que les autres. Bien que les résultats de l’étude montrent [par contre] que la réussite d’un restaurateur à peu avoir avec une formation en gestion de restaurant, il semble clair que ceux qui possèdent des compétences managériales réussissent mieux.

Mon commentaire

Pour réussir en affaires, il est nécessaire de posséder des compétences en gestion et pourtant les résultats de l’étude montrent que la réussite d’un restaurateur à peu avoir avec une formation en gestion de restaurant. Il y a donc ici matière à réflexion ?

Selon Mintberg [4], la gestion est une pratique qui requiert des capacités qui relèvent : 1) de l’art (vision, intuition, inspiration, créativité), 2) de l’artisanat (apprentissage pratique par l’expérience, etc.), et qui 3) nécessite l’utilisation des connaissances qui sont produites par la science.

L’art apporte les idées, la vision et l’intégration, l’artisanat permet les connexions à partir des expériences tangibles, et la science procure l’ordre au moyen de l’analyse systématique de la connaissance.

Note : La gestion n’est pas une science, elle est plutôt une pratique qui nécessite l’utilisation de la science. La science vise à acquérir des connaissances systématiques en s’appuyant sur la recherche.

Si l’on veut préparer des gestionnaires de restaurants performants, nous devons favoriser l’apprentissage sur 3 niveaux :

  • Il y a effectivement l’apprentissage par la pratique ;
  • Il y a également l’apprentissage des connaissances qui, elles, sont produites par la science ;
  • Il y a finalement le développement des capacités créatives.

Je suis obligé de reconnaitre que le programme de formation en gestion de restaurant, que l’on dispense dans nos collèges, n’est pas adéquat pour préparer des gestionnaires de restaurants performants.

Je crois que nous devrons revenir prochainement sur ce sujet


CONSTAT NUMÉRO 8

Les restaurateurs qui utilisent la stratégie des partenariats (par exemple : joindre plusieurs entreprises, partager des ressources, participer à des centrales d’achat et participer à des achats de groupes comme ceux proposés par l’ARQ) sont plus souvent associés à une meilleure rentabilité.

Mon commentaire

Pour Helena Cronin, chercheuse et codirectrice du Centre de philosophie et de sciences naturelles et sociales de la London School of Economics, il est évident qu’on prospère davantage en coopérant avec autrui qu’en faisant cavalier seul. Nous avons besoin des autres pour réussir.

Et pourtant plusieurs restaurateurs continuent à faire cavalier seul. Comme le dit si bien Jacques Bouchard (voir notre corde sensible numéro 32) [5], nous sommes profondément individualistes et cela a pour conséquence de souvent nous nuire en affaires.

À mon avis, il y a encore ici, le sujet pour une profonde réflexion / remise en question concernant notre façon de faire des affaires ?


CONSTAT NUMÉRO 9

Pour réussir, les restaurateurs doivent passer d’un mode de fonctionnement artisanal à un mode de fonctionnement industriel et bien sûr s’entourer de gens compétents et formés.

Mon commentaire

Selon la théorie des extrêmes, les entreprises de restauration qui durent (plus de 10 ans) exploitent un maximum de connaissances spécialisées, en conséquence, elles ont en commun une intervention réussie sur cinq niveaux : 1. Elles anticipent continuellement l’avenir ; 2. Elles planifient tout, tout le temps ; 3. Elles exécutent tout efficacement ; 4. Elles mesurent tout, tout le temps ; 5. Elles apprennent constamment et elles s’adaptent en conséquence.

Les entreprises de restauration qui font faillite ou qui ferment leurs portes (avant d’avoir fêté leur dixième anniversaire) exploitent un minimum de connaissances spécialisées, en conséquence, elles ont en commun des faiblesses marquées sur cinq niveaux : 1. Elles anticipent peu ou pas du tout l’avenir ; 2. Elles planifient peu ou pas du tout ; 3. Elles exécutent de façon approximative en improvisant la plupart du temps ; 4. Elles mesurent peu ou pas du tout ; 5. Elles apprennent peu ou pas et donc sont rapidement dépassées par les défis qu’elles rencontrent sur leurs routes.

Ceci dit, voici donc une question avec laquelle je jongle depuis plusieurs années : la connaissance spécialisée en restauration existe alors pourquoi cette connaissance n’est-elle pas utilisée, comme il se doit, par tous les propriétaires et gestionnaires de restaurant ?


CONSTAT NUMÉRO 10

Le succès de l’entreprise est souvent lié à des entrepreneurs qui ont une bonne endurance physique et qui sont créatifs, tolérants au stress et au risque.

Mon commentaire

Selon Louis Jacques Filion, les gens qui réussissent le mieux sont toujours des gens énergiques. Selon lui, le mot « énergie » regroupe les deux éléments suivants : engagement et travail assidu. Les restaurateurs qui réussissent sont donc des gens qui travaillent beaucoup et avec intensité. Ils « poussent » fort pour que les choses se fassent, pour qu’elles se produisent. [6]


CONSTAT NUMÉRO 11

Il semble que les plus « expérimentés » réalisent généralement des profits plus élevés.

Mon commentaire

Selon mes propres recherches (voir la théorie des extrêmes), les restaurateurs qui durent sont ceux qui font ce qu’il faut faire pour réussir. Plus les restaurateurs font ce qu’il faut faire, pour réussir... plus ils durent, plus ils durent, plus ils deviennent « expérimentés », plus ils deviennent expérimentés, plus ils obtiennent de meilleurs résultats, et ainsi de suite…


CONSTAT NUMÉRO 12

L’étude fait aussi état de la perception qu’ont les gestionnaires de restaurants sur les causes des difficultés de l’industrie. La pénurie de main-d’œuvre, le niveau de concurrence et la lourdeur administrative sont davantage pointés du doigt.

Mon commentaire

Comment ça se fait que des gens ouvrent des restaurants quand, tout le monde le sait, il y a trop de restaurants, et pas assez de clients et d’employés compétents ? Après lorsque ça va mal, ces gens accusent le trop grand nombre de concurrents… la pénurie de main-d’œuvre… et, etc. pour leurs déboires ?


CONSTAT NUMÉRO 13

« Ce sont les “stars” de l’industrie que nous devons étudier de plus près pour comprendre les secrets de leur succès financier ».

Mon commentaire

Nous avons beaucoup à apprendre des « stars », mais également des autres. Depuis plusieurs années, j’utilise la méthode de recherche participante développée par le professeur Omar Aktouf pour étudier les « Tops » et les « Flops » de la restauration. Grâce à cette comparaison des « Tops » et des « Flops », j’ai été en mesure d’observer la théorie des extrêmes et également de développer un cadre théorique pour la création ou l’amélioration d’un restaurant.

Je crois qu’en combinant l’étude des meilleurs (restaurateurs et restaurants) et des moins bons, nous réussirons à améliorer notre connaissance en matière de gestion de restaurant. Notre défi demeure toutefois de réussir à amener cette connaissance dans ces entreprises qui en ont besoin.


MÉDIAGRAPHIE

Manuel de gestion-réflexion / Christian Latour


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Notes

[1Cette étude a été réalisée par le Centre d’expertise et de recherche de l’institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec (ITHQ) en collaboration avec l’École hôtelière de Lausanne et avec la participation de l’ARQ. La collecte des données a été faite de mai à juin 2010. Les résultats de l’étude ont été présentés par François Pageau, professeur à l’ITHQ.

[2L’échantillon demeure relativement petit comparativement au nombre de restaurants détenteurs de permis que compte la province.

Il faut également savoir que 80 % des répondants (c.-à-d. environ 305 sur 381) sont situés hors des grands centres urbains de Montréal et de Québec.

Selon les informations présentées par l’ARQ, moins de 58 % des détenteurs de permis de restauration du Québec sont situés hors des centres urbains de Montréal et de Québec et plus de 42 % sont situés à Montréal et à Québec. Les centres urbains de Montréal et de Québec sont donc sous représentés dans cet échantillon.

[3Porter Michael, Choix stratégique et concurrence – technique d’analyse des secteurs et de la concurrence dans l’industrie, Economica, Paris, 1982, 426 p.

[4Mintzberg Henry, Gérer tout simplement, Les éditions Transcontinental, Montréal, 2010.

[5Bouchard Jacques, les nouvelles cordes sensibles des Québécois, les Éditions des Intouchables, Montréal, 2006, 261 p.

[6Filion Louis Jacques, Vision et relations : clefs du succès de l’entrepreneur, les éditions de l’entrepreneur, Montréal, 1991, 271 p.

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