Pas besoin d’aller bien loin pour remarquer à quel point l’industrie de la bière a le vent dans les voiles. On assiste au Québec, depuis quelques années, à une réelle explosion de l’offre. L’épicier du coin y consacre souvent une section entière, et quelques commerces de détail y sont maintenant entièrement consacrés. Des amateurs vont jusqu’à y faire la file avant l’ouverture pour se procurer certains produits d’exception. Les grandes brasseries, elles aussi, se mêlent désormais de la partie et font l’acquisition de partenaires qui élaborent des produits plus artisanaux. Proposer de la bière en fût dans un établissement constitue certainement une bonne façon d’offrir une sélection variée aux consommateurs avides de nouveauté. Mais, que ce soit dans un restaurant existant ou en prévision d’un projet dont on dessine encore les contours, de quoi a-t-on besoin pour que la bière coule à flots ?
« La conception d’un bar n’est pas si différente de celle d’une cuisine, explique d’entrée de jeu Pierre Degré, gérant de projets spécialisé en conception de cuisines et de bars chez Doyon Després. Il faudra dans un premier temps évaluer le menu que l’on désire offrir au bar. » Comme dans tout projet, la clé du succès passe donc par la planification et l’évaluation du volume de ventes, du nombre de variétés souhaitées et même des fournisseurs avec lesquels l’exploitant souhaite collaborer.
L’ENVERS DU DÉCOR
| Réfrigérateurs
Bien qu’il soit possible de convertir un réfrigérateur de bar ordinaire en réfrigérateur à bière, ceux qui sont initialement destinés à cet effet sont évidemment recommandés puisqu’ils possèdent un fond renforcé. La manipulation de lourds barils ne se fait pas toujours délicatement… Ces réfrigérateurs sont généralement pourvus d’une à quatre portes et peuvent avoir une largeur de trois à neuf pieds. Selon la sélection de bières, les dimensions des barils peuvent varier, tant en largeur qu’en hauteur, notamment pour les fûts de 20 litres et de 50 litres, les volumes les plus communs. « Si on veut plusieurs bières, précise Pierre Degré, il est possible que certaines combinaisons de fûts ne puissent même pas entrer dans un réfrigérateur sous comptoir. »
Il convient également de mettre au froid un autre baril de chacune des bières offertes afin de pouvoir s’en servir aussitôt le premier vidé. Plusieurs heures sont nécessaires pour refroidir cette grande quantité de liquide, qui se réchauffe en outre très vite. Si ce n’est pas indispensable, il reste préférable de garder tous les barils au frigo, surtout dans le cas de produits plus fragiles, comme les bières artisanales non pasteurisées.
Quels coûts ? De 500 $ pour l’installation d’une tour sur un frigo que l’on possède déjà à plus de 30 000 $ pour une installation à grand déploiement.
| Chambres à bière
Afin de pouvoir offrir une plus grande sélection de bières ou si l’aire de service ne permet pas d’accueillir suffisamment de barils, une chambre à bière sera la solution la plus pratique. En plus d’éviter au personnel de manipuler de lourds barils, elles lui permettent de ne pas devoir parcourir de longues distances. Cette chambre froide peut en effet être située à l’étage supérieur ou inférieur, à courte ou à moyenne distance, et même desservir plusieurs points de service.
Pour voyager jusqu’au verre, la bière aura par contre besoin d’être maintenue à la bonne température. « Chaque bière passe dans un tube qui doit absolument être en contact avec un autre tube qui contient le produit réfrigérant, résume Jean-Sébastien Prévost, directeur général de Fût Idéal, compagnie spécialisée en installation, entretien et assainissement des lignes de bières en fût. Plus la distance à parcourir est grande, plus le système devra être puissant. On peut regrouper plusieurs lignes dans le même conduit. Le plus gros que j’ai réalisé contenait 14 lignes de bière et 4 de réfrigérant. » Même si ce liquide réfrigérant ne sera jamais en contact direct avec la bière, il possède néanmoins sa certification de qualité alimentaire et ne présente donc aucun danger. Cependant, puisque ce mélange de propylène glycol et d’eau s’évapore, il faudra s’en procurer chaque année.
| Sur mesure ? Neuf ou usagé ?
« On a parfois des mandats dans lesquels les clients ont déjà des composantes qui leur appartiennent, souligne Jean-Sébastien Prévost. Selon l’état de cet équipement, on va pouvoir faire du recyclage. Ça peut être avantageux pour l’acheteur, en plus d’être bon pour l’environnement. On aime bien exploiter ce genre de ressources. »
De l’avis des experts, il est possible de se tourner vers un ensemble déjà monté (même si la formule clés en main reste plutôt rare), mais il sera toujours plus simple pour le client de se tourner vers le « sur-mesure ». Il est ainsi possible d’optimiser son espace et de l’adapter à ses besoins. S’il est possible de remettre en état certains équipements, magasiner uniquement de l’équipement usagé n’apparaît pas véritablement idéal.
« Dans ce cas, on est toujours tributaire de ce qu’il y a sur le marché, mentionne Pierre Degré. La plupart des manufacturiers ont grandement bonifié la garantie des appareils. On se retrouve maintenant avec des équipements qui peuvent être garantis de cinq à sept ans. Rendu là, pour avoir la paix d’esprit, il n’est pas forcément rentable d’acheter de l’usagé. » En faisant appel aux experts, il sera possible d’adapter l’équipement à vos propres besoins.
| Installation et entretien
L’installation de tout cet équipement requerra évidemment de nombreux intervenants. Il est possible cependant de coordonner le tout en une seule journée, ou même de fragmenter les interventions en dehors des heures de service, si l’établissement est déjà ouvert. L’installateur de canalisations pourra percer le plancher et le dessus de frigo au besoin. Le plombier et l’électricien devront également être au rendez-vous pour une partie des travaux, comme le branchement du rince-verre et l’installation d’une commande de température manuelle.
La mise en marche de tout le matériel sera assurée par les professionnels responsables de l’installation. Aucune formation officielle ne sera requise pour faire fonctionner ces appareils simples d’utilisation. Une présentation explicative du branchement du baril et de la bonbonne de gaz suffira pour en comprendre le fonctionnement. Le nettoyage des lignes devra être effectué si possible mensuellement par le responsable de l’entretien, selon la fréquence d’utilisation et le type de bières sélectionné. Certaines bières plus artisanales peuvent par exemple laisser du dépôt dans la tuyauterie. Il faudra également s’assurer d’avoir du gaz en tout temps.
Si de tels investissements sont trop lourds pour le portefeuille de l’entreprise, certains brasseurs offrent une forme d’appui financier et proposent des ententes de service. Prêt d’équipement et financement de l’entretien peuvent par exemple être offerts en échange d’une exclusivité ou de la mise en valeur des produits de l’entreprise.
À L’AVANT-SCÈNE
| La pointe de l’iceberg
« Pompes », « têtes de service », « unités de distribution à tirage direct »… ces termes désignent tous le dispositif qui dépasse du frigo… et donc ce que voit le client ! Des modèles standards existent, mais certaines compagnies se spécialisent dans la confection de tours de pompage sur mesure. « Si c’est beau et de bon goût, ça attise la curiosité des clients, confie Hicham Marsolais, directeur, développement et innovation au Groupe Zibo !, et ça a un impact sur les ventes. »
Le Groupe Zibo ! ouvrira bientôt un second Vertigo à Brossard. Cette fois, le bar ne possédera « que » 12 lignes de bière plutôt que 22 comme dans l’enceinte originale de Boisbriand. « On n’avait pas le même espace dans ce local, précise Hicham Marsolais. Or, l’utilisation d’autant de barils nécessite d’avoir une très vaste chambre froide. Et puis, la bière, c’est un produit vivant, donc périssable. On veut en garantir la fraîcheur. À 12, on croit avoir trouvé l’équilibre qui correspond à nos besoins et qui nous permet d’offrir une belle variété. »
Chaque baril de 20 L contient approximativement 60 verres de 12 oz, et on obtient 90 verres dans un 30 L et 140 dans un 50 L.
| Astuces de service
Si servir une bière en fût peut sembler simple, certaines astuces permettent d’améliorer le geste, le visuel dans le verre et donc la qualité de l’expérience, expliquent Frederic Ge et Jacques Deslauriers, professeurs au programme de service des aliments et boissons au Pearson Adult Career Centre à LaSalle.
Il est ainsi primordial de s’assurer de la bonne température de service de la bière et de la propreté des équipements. Une bière trop chaude ou un verre présentant des impuretés (traces de savon, microfibres du torchon, poussières) peuvent faire mousser la bière et en altérer le goût. Si l’espace de rangement est disponible, le maintien des verres au froid témoigne d’une belle attention de service, même si cela n’est pas nécessaire. Il est, enfin, préférable de se débarrasser d’une petite quantité de bière au début de chaque service afin d’éviter de servir celle qui aurait stagné dans les conduits.
1 | Rincer le verre pour enlever les impuretés et le refroidir. |
2 | Incliner le verre à 45 degrés sous le robinet de la pompe de service et tirer complètement la poignée. |
3 | Pendant que le verre se remplit, le redresser graduellement et l’éloigner un peu du jet pour obtenir un beau collet. |
4 | Servir et déguster. Santé ! |