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Point de vue

La valse à six temps

 
14 septembre 2020 | Par Robert Dion

Jusqu’il y a peu, la gestion d’un établissement, qu’il s’agisse d’un restaurant ou d’un hôtel, restait, somme toute, assez linéaire : un lieu, une équipe, une fonction, une mission, une clientèle. Mais la pandémie est venue bouleverser tout cela, modifiant le comportement des consommateurs et accélérant une tendance qui, depuis quelques années, pointait le bout de son nez, lentement mais sûrement : la diversification de nos métiers.

Le volet alimentaire de notre industrie s’articule autour de six axes : la salle à manger, le comptoir, la livraison, le prêt-à-manger, le service traiteur et la vente au détail. Et en 2020, ceux qui veulent réussir doivent penser à chacun de ces axes et décliner leur produit de manière à conquérir tous ces marchés et séduire toutes les clientèles potentielles.

Évidemment, cela ne signifie pas qu’il vous faille délaisser vos salles à manger ni que celles-ci vont fermer leurs portes. Mais il est grand temps de revoir votre modèle d’affaires et de diversifier votre offre. La plupart des bannières d’envergure l’ont compris depuis quelques années déjà. J’ose espérer que la crise de la COVID-19 aura fini de convaincre les acteurs plus modestes de l’importance de s’adapter et de sauter dans la vague.

Bon automne à tous !

Robert Dion, éditeur
[email protected]

 
 
Billet de la rédaction

Les nouveaux repères

 
14 septembre 2020 | Par Pierre-Alain Belpaire

Pour la plupart des professionnels de la restauration québécoise, 2019 aura été une année moyenne, ni médiocre ni extraordinaire, marquée par de petites hausses et de légères diminutions, par des profits anémiques et des difficultés de recrutement. Bref, la cuvée 2019 était appelée à être assez rapidement oubliée.

Mais dès le début de l’exercice suivant, un virus est venu tout chambouler. Il a bouleversé les habitudes des consommateurs et a nettement impacté leur pouvoir d’achat. Il a tenu loin de nos côtes les touristes dépensiers. Il a forcé les restaurateurs à fermer leurs portes durant quelques mois. Voire définitivement.

Ainsi, d’année anonyme, 2019 est soudainement devenue une année référence. Celle qu’on scrutera, qu’on citera, qu’on comparera. Celle dont on ressortira les chiffres, statistiques et autres graphiques. Quand les ventes retrouveront-elles leur niveau de 2019 ? Combien d’établissements ont fermé leurs portes depuis les dernières semaines de 2019 ? Combien d’années faudra-t-il attendre avant que le Québec et le Canada accueillent à nouveau les foules de visiteurs enregistrées durant l’exceptionnel été 2019 ?

Chaque année, François Pageau, notre « monsieur Statistiques », s’attelle à analyser les faits saillants de l’industrie dans des dossiers complets, précis, chiffrés. Gardez bien en mémoire les données qu’il vous présente dans cette édition. Ce sont vos nouveaux points de repère.

Bonne lecture !

Pierre-Alain Belpaire, rédacteur en chef
[email protected]

Photo : Claude Mathieu

PS. François Pageau s’est également penché sur les données enregistrées en 2019 par le secteur hôtelier québécois. Un dossier à découvrir ici.

 
 
Personnalité HRI

Le châtelain visionnaire

 
14 septembre 2020 | Par Pierre-Alain Belpaire

Fin février 2020, le Groupe Château Bellevue convie les médias pour annoncer son acquisition par le Fonds immobilier Champlain RPA et dévoile, pour l’occasion, d’ambitieux objectifs. Fondé en 2006 à Sainte-Marie-de-Beauce, le regroupement, qui comptabilisait à la fin de l’hiver dernier huit « résidences pour aînés et retraités » et un peu plus de 1 800 logements, entend passer, en moins d’une décennie seulement, à une trentaine d’établissements totalisant près de 10 000 unités.

Mais quelques jours après cette grande annonce, la COVID-19 débarque sous nos latitudes et dans notre quotidien. « Ça nous est tombé dessus comme une tonne de briques... », reconnaît Frédéric Lepage, président-directeur général et cofondateur du Groupe Château Bellevue.

Très tôt, le dirigeant et ses équipes décident d’agir avec une extrême prudence et d’appliquer des consignes très strictes, transformant l’entrée des résidences en « véritables postes frontaliers ». « À Shawinigan, on a par exemple isolé un de nos employés de retour de New York, même s’il ne présentait aucun symptôme. Quelques jours plus tard, on apprenait qu’il était infecté par la COVID et se trouvait aux soins intensifs », illustre le PDG. Ces mesures draconiennes auront porté fruit : à l’heure d’écrire ces lignes, le Groupe Château Bellevue ne recensait aucun décès, ni même aucun cas parmi ses résidents.

Si, sur le plan médical, la pandémie n’a donc pas fait de victimes au sein du jeune réseau, Frédéric Lepage révèle s’être particulièrement inquiété des conséquences que pouvaient avoir, sur le plan social, ces nombreux et pointus règlements. « En raison de la loi qui interdisait l’accès aux proches, le principal défi était de créer des ponts entre nos gens et le monde extérieur, rappelle-t-il. Vous savez, on leur promet la "vie de château", à nos clients... » Pour tenir cet engagement et éviter que l’isolement ne fasse plus de dégâts que le virus lui-même, Château Bellevue a multiplié les efforts et les initiatives : création d’émissions de radio et de télé, internet offert aux résidents, animations sur les balcons, etc. « Je ne dirais pas que ce fut facile, non, mais je pense que, dans l’ensemble, ça ne s’est pas trop mal passé, analyse le responsable. Au cœur de la crise, les gens nous remerciaient de les protéger et de nous occuper d’eux. »

Durant ces quelques semaines éprouvantes, l’entrepreneur estime avoir « beaucoup appris ». « On a mis des protocoles en place. On a ciblé les priorités. On a créé un programme destiné à ceux qui étaient davantage inquiets », énumère-t-il. S’il sait que l’hypothèse d’une deuxième vague n’est pas à écarter, Frédéric Lepage pense être aujourd’hui mieux armé pour l’affronter.

À la veille de la pandémie, le Groupe Château Bellevue rêvait d’installer ses résidences aux quatre coins de la province, particulièrement dans les grands centres urbains. Les mois ont passé, le monde a changé, mais Frédéric Lepage n’a pas fait une croix sur ces pharaoniques projets. « Ça va peut-être seulement retarder les choses, assure-t-il. Un tout petit peu... »

 
 
Produits

Thés et tisanes

Le Québec à l’heure du thé

SE DÉVELOPPANT BIEN PLUS VITE QUE CELLE DU CAFÉ, LA CONSOMMATION DE THÉS ET DE TISANES CONNAÎT UNE FORTE HAUSSE DEPUIS QUELQUES ANNÉES. LA BOISSON FAIT SA PLACE DANS LA RESTAURATION ET SE DÉCLINE EN TENDANCES CULINAIRES QUI GAGNENT NOMBRE D’ADEPTES.

 
15 septembre 2020 | Par Marie Pâris

En 2018, un être humain buvait en moyenne 35,2 litres de thé annuellement. Ce chiffre devrait augmenter de 2,5 litres d’ici 2021, selon les prévisions du Global Dubai Tea Forum. À l’échelle mondiale, c’est aujourd’hui la boisson la plus consommée après l’eau. Si ces données sont notamment influencées par la popularité du thé en Inde ou en Chine, par exemple, le Canada et le Québec commencent à changer leurs habitudes et embarquent dans la vague.

« Le thé est en croissance constante depuis plusieurs années, confirme Shabnam Weber, présidente de l’Association du thé et des tisanes du Canada. Je suis dans l’industrie depuis 20 ans et je peux affirmer que la réputation de breuvage de grand-mère n’existe plus depuis longtemps. J’en veux pour preuve la grande variété de thés qu’on trouve dans nos magasins, la vaste sélection de vendeurs en ligne ou encore le nombre de boutiques de thé de spécialité en ville. »

L’intérêt grandissant pour ces boissons, Kevin Gascoyne le sent dans la province depuis les années 2000. Le dégustateur, spécialiste des thés noirs indiens, est l’un des quatre associés derrière la maison de thé québécoise Camellia Sinensis, qui dispose du plus grand catalogue de thés en Amérique du Nord. Selon lui, les consommateurs sont attirés par l’approche santé du produit, mais aussi par la variété de saveurs proposées.

Les jeunes et les trippeux

« Le thé n’est plus vu de la même manière : ce n’est plus un produit d’épicerie, indique Kevin Gascoyne, qui souligne la grande curiosité des Québécois. C’est comme le café, qui n’est plus juste le liquide noir servi en fin de repas : presque tout le monde a fait des recherches sur le café qu’il boit, connaît son style préféré et les meilleurs endroits où en trouver. Tout ça est venu avec le mouvement foodie. Aujourd’hui, il y a une meilleure compréhension des thés, et les gens sont de plus en plus au courant. »

Certes, il y a toujours quelques récalcitrants, ceux qui restent traumatisés par le thé de Grand-maman surinfusé sur le poêle, ou ceux, à l’inverse, qui voient là un univers snob et compliqué. Mais ils sont désormais une minorité, alors que le thé a incontestablement dépoussiéré son image en allant chercher une clientèle plus vaste, de tous âges et de tous sexes. Les millénariaux, notamment, ont nettement augmenté leur consommation, note Shabnam Weber, liant cette popularité à « la prise de conscience générale autour de la santé et l’envie de prendre soin de notre corps ». L’Association du thé et des tisanes du Canada, qui constate que les amateurs sont plus aventureux et veulent découvrir de nouveaux types de thé, souligne ainsi que la demande est particulièrement forte pour les « thés fonctionnels », boostés aux vitamines et minéraux.

Au Toqué !, Carl Villeneuve-Lepage note pourtant que la plupart des commandes de thé proviennent encore de clients dans la cinquantaine ou plus, plutôt que de jeunes professionnels, davantage attirés par le vin. Seule certitude : ceux qui consomment du thé au restaurant en boivent déjà régulièrement chez eux et sont connaisseurs. « Ceux qui trippent sur le thé, c’est comme ceux qui trippent sur le saké : il n’y a pas de demi-mesure », avance le sommelier.

« Prendre le thé au sérieux »

Le thé a toujours eu sa place dans nos cuisines : en marinade ou en infusion, dans les glaces, les gelées ou la panna cotta, dans les ganaches et le chocolat (le Earl Grey, qui vient bien appuyer l’amertume du chocolat, est notamment très populaire)... Au Toqué !, la crème glacée est à base de matcha, et le sucre à la crème est aromatisé au thé. La plante peut aussi remplacer des épices, comme la cannelle.

Certains s’en servent pour fumer viandes ou poissons plutôt que d’utiliser du bois. Chef et professeur de cuisine à l’ITHQ, Stelio Perombelon cite encore l’exemple d’un gravlax fait à partir d’un mélange de feuilles spécifiques plutôt qu’une marinade d’agrumes. « Mais ça reste une utilisation un peu spéciale : dans les plats, le thé n’est pas plus utilisé qu’avant, nuance-t-il. S’il s’est démarqué, c’est dans la salle à manger : maintenant, on y prend le thé au sérieux. »

Dans les restaurants du Québec, les cartes de thés se sont allongées, et on y trouve des produits de meilleure qualité. Pour Carl Villeneuve-Lepage, la demande sera toujours liée à l’offre : « Si on a du thé dans un resto mais qu’on n’en parle pas, ça ne se vendra pas. » D’autant plus que les clients se tournent spontanément vers les classiques : si le Toqué ! travaille beaucoup avec des herbes en petites productions et des mélanges originaux, les visiteurs finissent souvent par demander une tisane à la camomille ou à la menthe ou un Earl Grey.

L’idéal est donc d’avoir le plus de variétés possible au menu, tant dans les thés aromatisés que dans les classiques. Les bases d’une bonne carte des thés comptent, selon le sommelier, un thé vert, un blanc, des pu-erhs et des oolongs avec deux oxydations distinctes, afin d’avoir un équilibre et satisfaire tout le monde. Kevin Gascoyne acquiesce : le thé oolong est très facile à faire, s’accorde bien avec les desserts et satisfera les connaisseurs. Pour lui, une courte carte doit comprendre un choix sans caféine (un rooibos par exemple), un bon thé vert (au jasmin) et un bon thé noir (souvent un Earl Grey), auxquels il ajouterait notamment des oolongs ainsi qu’une spécialité qui changera selon les saisons. Un minimum de six options serait idéal, conclut-il.

Rares accords mets-thés

En 2020, le thé ou la tisane ne sont plus traités comme les petits extra de fin de repas ; ils font désormais partie intégrante du service. « Si on va dans un restaurant où la soirée coûte 400 $ et où chaque assiette a été pensée, ça serait décevant de se faire servir un thé bas de gamme, illustre Kevin Gascoyne. C’est la touche finale du repas, le goût qui restera en bouche quand on ira chercher son manteau. Il faut donc traiter le thé comme les autres étapes du repas. »

Et cela s’apprend. Camellia Sinensis et d’autres acteurs ont ainsi mis sur pied des formations autour du thé, offertes dans des établissements du Québec. C’est que le service du thé exige certains ajustements, croit Kevin Gascoyne. « Un thé qui demande trois minutes d’infusion, c’est l’enfer. Il y a toujours le risque que ce ne soit pas assez fort, trop chaud, etc. »

Toutefois, si quelques restaurants (comme l’Atera, à New York) travaillent des accords mets et thés tout au long du repas et si ici certains établissements s’y sont essayés lors d’événements et de soirées thématiques, ces associations, bien que relativement simples à mettre en place, ne sont guère courantes. « Ça peut décevoir le client qui s’attend à n’avoir que des alcools, explique Carl Villeneuve-Lepage. Ce sont surtout les accords mets-vins qui fonctionnent. Il y aurait l’option de l’inclure en plus d’une boisson alcoolisée, mais ça ferait un contraste de températures qui ne serait pas intéressant à la dégustation. » L’expert du Toqué ! réserve donc les thés pour les cocktails ou les accords sans alcool.

Celui qui fut sacré meilleur sommelier du Canada en 2017 ne le sait que trop bien : les cocktails au thé sont à la mode. Et les brasseurs ont eux aussi été conquis : La Barberie propose ainsi une cuivrée au thé infusée au Earl Grey, Brasseurs du monde une bière blanche aux trois thés, La Chasse-Pinte une ambrée au thé Wulong... Sans oublier les thés glacés, populaires en été mais bons toute l’année. « Les gens oublient qu’on peut boire le thé froid aussi, insiste Kevin Gascoyne. Presque tous les thés font de bonnes infusions à froid. »

L’essor de la tisane

Depuis quelques années déjà, la tendance est au local. Si le thé reste un produit tropical ou subtropical, les tisanes permettent d’amener dans la tasse quelques trésors du terroir québécois : thé des bois, achillée, thé du Labrador, pousses d’épinette... La tisane connaît la plus forte hausse de demande, notamment au Québec, indique Shabnam Weber. Elle constitue une solution sans sucre ni caféine, pouvant être prise à toute heure de la journée.

Pour Kevin Gascoyne, cette popularité de la tisane s’explique par son côté local ou son aspect santé, certes, mais aussi par le fait qu’elle apporte une nouvelle gamme de goûts qui a séduit de nouveaux consommateurs. « Si on connaît depuis des millénaires les bénéfices du thé sur le corps, on commence enfin à le consommer pour le plaisir plus que pour la santé... »

 
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