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Point de vue

L’été, enfin !

 
17 juin 2020 | Par Robert Dion, Pierre-Alain Belpaire

Les dernières semaines ont été rudes, brutales, douloureuses. Pourtant, dans toutes les sphères de notre industrie, nombre d’acteurs ont tenu des discours positifs, ont fait preuve de résilience et d’ingéniosité, ont rebondi de mille et une manières. Bravo à ces hôteliers qui ont mis leurs murs et leurs lits à la disposition des autorités sanitaires. Bravo au personnel des résidences de personnes âgées et des CHSLD qui, malgré les risques, malgré les critiques, ont pris soin de nos aînés. Bravo aux restaurateurs qui ont osé inventer et se réinventer. Bravo à vous tous !

Les dernières semaines laisseront des traces. À n’en pas douter, le visage de notre industrie ne sera plus jamais le même. C’est la raison pour laquelle nous avons, dans cette publication, voulu vous aider, vous accompagner. Ressources humaines, gestion et finances, questions de salubrité, attentes du consommateur : que nous réservent les prochains mois ? Comment s’adapter à cette nouvelle normalité ?

Les dernières semaines ont été sombres... mais c’est un numéro estival que vous tenez entre les mains. Et pour aborder cet été 2020 que l’on espère lumineux, positif, rieur, il nous semblait important de ne pas réaliser un magazine uniquement consacré à la terrible crise, en vous proposant notamment un vaste dossier sur le retour en grâce du vin rosé. Nous en profitons d’ailleurs, chers lecteurs, pour vous lever notre chapeau... et notre verre !

Robert Dion, éditeur
[email protected]

Pierre-Alain Belpaire, rédacteur en chef
[email protected]
 

P.S. Vous remarquerez sans doute, dans divers dossiers, l’utilisation de l’expression « Au moment d’écrire ces lignes ». N’oubliez effectivement jamais que ces dossiers ont été rédigés fin mai. Pour vous tenir informés, au quotidien, de toute l’actualité des HRI, rendez-vous sur HRImag.com.

 
 
Personnalité HRI

JEAN-FRANÇOIS ARCHAMBAULT

La force d’attraction

 
22 juin 2020 | Par Pierre-Alain Belpaire

Ils sont rares ceux qui, au coeur d’une pandémie, peuvent rassembler, en quelques coups de téléphone, plus d’une centaine de cuisiniers et de restaurateurs, s’assurer le soutien de géants comme Loto-Québec, le Centre Bell et l’UPA et, surtout, parvenir à mobiliser autour d’une cause commune une industrie qui peine parfois à parler d’une seule voix. Le dynamique fondateur de La Tablée des Chefs, Jean-François Archambault, lui, y est parvenu. Comme souvent. Et il a même revu ses ambitions à la hausse. Comme toujours.

Nous sommes début avril. Le Québec, comme le reste du globe, est frappé de plein fouet par la terrible crise. Les salles à manger des restaurants ont fermé leurs portes. La grande majorité des cuisines sont désormais vides, et nombre de leurs habituels occupants s’ennuient loin de leurs couteaux. Dans l’esprit du directeur général de La Tablée germe alors une idée : ramener les cuisiniers derrière leurs fourneaux pour qu’ils préparent des portions redistribuées par la suite aux banques alimentaires. « Et ils ont embarqué, ces fous ! » lance d’un ton rieur Jean-François Archambault.

L’objectif initial de 800 000 repas est rapidement réévalué. « On l’a doublé dès que plusieurs gros joueurs ont accepté de se joindre au projet des Cuisines Solidaires, avec leurs équipes capables de fournir 15 000 ou 20 000 portions. On a finalement pu atteindre une capacité de production hebdomadaire de près de 200 000 repas. Ces chiffres, ça me donne le vertige ! » D’autant plus que les chefs et leurs brigades ne sont pas les seuls à avoir répondu à l’appel du célèbre organisateur : distributeurs, producteurs, grand public et autres ont aussi tenu, en ces temps difficiles, à apporter leur soutien, qu’il soit matériel ou financier. « Résultat : grâce à tout ce monde, sur les 700 000 premiers repas fournis, j’avais un foodcost d’à peine 12 000 $. C’est une mobilisation exceptionnelle. Tout simplement remarquable », fait-il remarquer.

Véritable vocation

Malgré son agenda de ministre et une vie familiale des plus remplies, Jean-François Archambault est inarrêtable lorsqu’on l’invite à expliquer son projet. Une fois lancé, l’homme vous dévoile tous les détails de cette généreuse aventure humaine, des enjeux de congélation à la conception des étiquettes, en passant par l’importance de rémunérer les cuisiniers solidaires. « Je tenais à ce qu’on les paie un minimum, ne serait-ce que pour régler leur compte de gaz ou une partie du loyer. »

Dans ses passionnantes envolées, le fondateur de La Tablée oublie toutefois un élément, central : son rôle de chef d’orchestre. Lorsqu’on le lui fait remarquer, il toussote. Et esquive. Mais lorsqu’on reformule légèrement la question, lui demandant d’où lui viennent cette motivation et cette force mentale, Jean-François Archambault rend hommage à ses parents, très engagés dans leur communauté, à sa conjointe Geneviève et, surtout, à ses cinq jeunes enfants. « Ils vivent tout ça pleinement avec moi. Quand ils m’entendent parler d’une livraison de 50 000 kilos de nourriture, ils se doutent que ce n’est pas pour chez nous ! »

À la fin du siècle dernier, sur les bancs de l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec, le jeune étudiant s’intéressait déjà à la réduction du gaspillage alimentaire et souhaitait améliorer le sort des plus démunis. Après un rapide passage dans les coulisses de grands établissements, il décidait de s’engager pleinement et de défendre ces nobles causes. Deux décennies plus tard, son enthousiasme reste intact. « Au fil des ans, j’ai appris à déléguer et à m’entourer, confie-t-il. Mais ralentir ? Non ! Tant qu’il y aura un besoin, tant que je pourrai mettre mon énergie au service des autres, je le ferai ! »

 
 
Produits

VIN ROSÉ

La revanche du mal-aimé

 
22 juin 2020 | Par Alexandra Duchaine

Longtemps, les Québécois ont boudé le vin rosé, perçu comme un rafraîchissement de terrasse, une boisson réservée aux après-midis ensoleillés près de la piscine. La chose est peu étonnante, estime Jérôme Ferrer. À son arrivée dans la province, le chef se souvient d’avoir parcouru les points de vente à la recherche de ce divin produit, très prisé dans sa France natale, et d’en être revenu à tout coup déçu de n’avoir repéré que quelques italiens très sucrés.

Une trentaine d’années plus tard, l’offre limitée a fait place à davantage de variété. La Société des alcools du Québec (SAQ) propose désormais plus de 300 étiquettes durant la saison estivale. Petit à petit, les vins à la robe framboise gagnent leurs lettres de noblesse et se retrouvent dans nos cuisines commerciales et personnelles, comme en Europe. De plus en plus friands de ces derniers, le public québécois les déguste comme des bijoux de gastronomie, pour leurs arômes et leur complexité. Comment expliquer ce mouvement ?

Un besoin de légèreté

Dans les années 1980 et 1990, les rouges corsés avaient la cote : ils semblaient, à nos yeux, les plus distingués. « Ils étaient partout, rappelle le sommelier Steven Fortin. Les "Monsieurs" n’en avaient que pour les bordeaux, le cabernet sauvignon de la Californie et les italiens qui arrachaient avec du gros tanin à 15 % d’alcool... »

Depuis, les mentalités et les goûts ont changé. Les Québécois ne sont plus en quête de corps et de structure : ils cherchent plutôt quelque chose de léger, d’accessible, de facile à boire. « En sommellerie, on dit qu’on a fait un bon choix de bouteille quand on la dépose sur une table et qu’elle se vide en 20 minutes sans que personne ait pu s’en apercevoir », cite en exemple celui qui s’est spécialisé en vins nordiques.

Un rosé connaît souvent cette fin heureuse. Délicat, polyvalent, il peut se boire comme de l’eau, aisément, en toute occasion ; il est la pilsner ou la lager du cellier. Son prix raisonnable le rapproche d’ailleurs de la bière. Parce que son temps de production est réduit, un rosé produit à l’étranger se vend entre 15 $ et 22 $ au détail. Trouver un rouge ou un blanc aussi abordable avec autant de subtilité demeure un défi. On peut également en consommer dans le respect de l’environnement sans débourser d’importantes sommes, puisqu’une entrée de gamme québécoise tourne autour des 15 $.

Si le rosé gagne en popularité, c’est aussi en partie grâce à l’effort des distributeurs et des restaurateurs de la province. C’est du moins ce que défend Pierre Birlichi, vice-président du Regroupement des agences spécialisées dans la promotion des importations privées des alcools et des vins (RASPIPAV). « Nous sommes allés chercher, à coups de 100, 200, 350 bouteilles, du rare, des cépages, des millésimes, des appellations, des robes surprenantes, du généreux, du sec, du biologique..., bref, tout ce qu’on ne trouvait pas à la SAQ. Les chefs et les sommeliers les ont adoptés pour créer des accords exceptionnels qui ont mis ces petites perles en valeur. Dans les restaurants, les gourmands ont découvert sous leur meilleur jour des variétés de rosés qu’ils ont réclamées à la SAQ. Celle-ci n’a eu d’autre choix que de réviser son offre pour en proposer de plus en plus. »

Une riposte universelle

Partout, quel que soit le pays, le vin rosé séduit. Sa consommation mondiale a progressé de 40 % entre 2002 et 2018 et cette tendance devrait se poursuivre, bien que l’on prévoie une baisse de la demande pour les produits vinicoles. En 2035, on estime qu’un peu plus de 10 % des vins bus dans le monde seront des rosés, soit pas moins de 30 millions d’hectolitres !

(Sources : Observatoire mondial du rosé CIVP/FranceAgriMer et étude ISWR/Wine Intelligence présentée à Vinexpo Paris)

L’intérêt croissant des Québécois pour les artisans d’ici, directement lié à leur désir de manger plus sainement et d’encourager l’économie locale, y est aussi pour quelque chose, selon Marie- Florence Crevier-Paradis, directrice générale du Domaine du Ridge, un vignoble familial exploité à Saint-Armand depuis 1996. En grand nombre, les consommateurs québécois visitent les vignerons pour embrasser leur savoir-faire. Ils développent du même coup un goût pour la fluidité, pour la légèreté, en découvrant les spécialités québécoises : bulles, blancs et rosés plus secs. « Notre climat est unique : il offre peu de jours de lumière et de chaleur, ce qui fait qu’on a des cépages plus acides, qui se prêtent bien à leur élaboration », soutient celle qui a inspiré à son père le Champs de Florence, le rosé le plus vendu à la SAQ.

Un fleuron québécois

Marie-Florence Crevier-Paradis, Pierre Birlichi, Steven Fortin et Jérôme Ferrer sont tous du même avis : notre météo est une richesse, une chance de créer des rosés singuliers qui se démarquent de leurs équivalents d’Europe. Ils ont le potentiel de devenir des produits phares à exporter aux quatre coins du monde. Les vignerons québécois ont déjà démontré qu’ils étaient des avant-gardistes, capables de défier dame Nature ; les vins de glace, les cidres de feu et de pommes que l’on vante sur les tables étoilées du monde entier en sont la preuve.

« C’est important de tester les merveilles couleur framboise de chez nous, défend Jérôme Ferrer. Si elles ne nous plaisent pas, il faut en faire de la sangria en ajoutant des agrumes et un bâton de cannelle, puis faire part de nos commentaires à nos artisans pour qu’ils puissent s’adapter à nos désirs, à nos attentes, à nos goûts. » Le chef montréalais rappelle que le vin, c’est une recette et que l’ingrédient essentiel, c’est le consommateur : son rôle est de guider le producteur en lui donnant sa rétroaction et en contribuant ainsi au développement d’une expertise québécoise.

Et en ces temps de crise, Jérôme Ferrer prête main-forte. L’immense cave à trésors européens de son restaurant éponyme accumule la poussière depuis le début de la pandémie. Pour accompagner les boîtes de prêt-à-manger qu’il livre à sa clientèle dans le but d’avoir de quoi garder son équipe à l’emploi, il n’offre que des alcools d’ici. Son meilleur vendeur ? Du rosé. En moins de deux mois, il en a expédié plus de 2 000 bouteilles.

« En France, avant la Napa Valley, on était nombreux à rire des Américains qui se lançaient dans la culture de la vigne, rappelle le restaurateur. On se disait : "Sérieusement, le pays du Coca-Cola aspire à faire du vin ?" Aujourd’hui, on se tait. »

Le compagnon parfait

On adopte le rosé parce qu’il nous apparaît comme un fantastique passe-partout. Steven Fortin apprécie surtout la polyvalence des secs, ceux dont le résidu de sucre est inférieur à cinq grammes par litre, car ils se marient merveilleusement bien avec la plupart des mets, même les plus relevés. Ils sont les alliés des poissons assaisonnés, des pads thaïs épicés, du shish taouk accompagné d’une puissante sauce à l’ail. On peut également penser à du poulet ou à des desserts, comme des macarons, des biscuits maison, des scones... Le mot d’ordre : ne pas se casser la tête et les déguster, par exemple, au bord de l’eau... avec un repas pour emporter.

Un vin d’été ?

Même lorsque les flocons s’accumulent à sa fenêtre, Pierre Birlichi savoure des boissons aux teintes florales. « Je les accueille comme une carte postale du passé ou un rendez-vous du futur. J’en bois parce que c’est bon, mais aussi pour me réconforter, pour me rappeler que l’été n’est pas une escroquerie et qu’il finira bien par revenir », confie-t-il en riant.

Encore un trop petit nombre de Québécois font comme lui. Le cliché du vin de piscine persiste, et nombreux sont ceux qui attendent l’arrivée du beau temps pour acheter ces liquides fermentés légèrement colorés par la peau des raisins. Les ventes demeurent très météo-sensibles. S’il neige en mai, c’est le désastre.

Le marché du rosé est d’ailleurs axé sur la saison estivale : la SAQ en garnit ses présentoirs et ses tables de dégustation dès le printemps. En hiver, le catalogue se réduit de moitié, pour ne compter que 100 produits. Durant les mois les plus froids, les vins rosés sont absents des restaurants et, chez les importateurs privés, ils sont en rupture de stock. Les artisans québécois fabriquent des quantités qu’ils épuisent rapidement. Même sous le soleil, il est essentiel d’être à l’affût des nouveautés pour en commander des caisses ; le petit dernier du Vignoble les Pervenches, situé à Farnham, s’est écoulé en une fin de semaine dans les épiceries montréalaises.

Comment, dès lors, boire de bonnes bouteilles à l’année ? « Il faut faire des stocks ! » rigole Steven Fortin. Ou être prêt à payer plus cher, en fouillant dans l’offre réduite de la SAQ. Pour que celle-ci s’améliore tout au long de l’année, il faudra continuer de goûter, d’acheter, de réclamer, de partager... Et peut-être consacrer d’autres articles à ce sujet.

 
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