Inciter au local dans l’assiette : dix ans d’Aliments du Québec au menu des restaurants
Dans les cuisines du restaurant La cuisine à Chicoutimi, David Janelle propose depuis plusieurs années à ses clients des plats concoctés avec des produits locaux de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Lauréat en 2019 du Prix restaurateur Aliments du Québec au menu, le chef ne ménage pas ses efforts et sa volonté de travailler avec des producteurs proches de son établissement. « Depuis 2019, on a ajouté 20% en plus de produits locaux au restaurant », se réjouit-il. Le réseau créée au fur et à mesure des années par David Janelle lui permet de travailler avec pas moins d’une quarantaine de fournisseurs durant l’année.
C’est la viande qui a changé la donne pour le cuisinier avec de plus en plus de possibilités pour se fournir localement. « Avant nous avions plus de difficultés », avoue-t-il.
Créé par Aliments du Québec en collaboration avec l’Association Restauration Québec (ARQ) il y a dix ans, le programme de reconnaissance Aliments du Québec au menu et le prix restaurateur sont nés pour valoriser « les restaurateurs qui se démarquent par leurs actions et leur implication pour s’approvisionner, utiliser et mettre en valeur les aliments québécois auprès de leur clientèle », souligne l’organisme.
Penser différemment le menu
Travailler avec une multitude de fournisseurs implique d’être flexible sur les plats proposés sur sa carte. Pour Brian Proulx, chef exécutif de la Maison Boire à Granby, lauréat du prix restaurateur en 2021, le menu varie d’autant plus en fonction des disponibilités saisonnières. « Nous planifions notre approvisionnement une semaine à l’avance. Il n’y a pas de menu fixe, tout peut changer à tout moment, souvent par envie de cuisiner quelque chose de nouveau ». Chaque lundi, les fournisseurs lui communiquent leurs disponibilités et le menu est élaboré en conséquence.
Il y a quelques années, Maison Boire proposait un menu à 98% local, en enlevant le chocolat, les agrumes, l’huile d’olive et même le poivre de la carte. « Nous remplacions l’acidité des agrumes par du verjus ou des vinaigres maison, et nous cuisinions à l’huile de tournesol ». Aujourd’hui, le restaurant a réintroduit des produits importés depuis longtemps au Québec pour être plus rentable avec un taux d’approvisionnement local entre 70 et 80%. « Je préfère me concentrer à proposer des produits de saison, de nos jardins et de nos fermes partenaires, c’est ce que les clients recherchent avant tout ». La course au 100% local n’a pas de sens pour le chef estrien.
« C’est un plaisir de travailler comme ça, on aime pouvoir créer, pense David Janelle. Pour que tout concorde, c’est un casse-tête plaisant, ça nous prend plus de temps pour appeler les fournisseurs mais ça en vaut la chandelle ! »
Concernant les prix, David Janelle prend l’exemple de la viande. « J’achète mes bêtes entières, ça me permet d’augmenter mes marges en découpant moi-même, je suis équipé, explique le chef. L’important est aussi d’anticiper. On garde un stock de légumes pour l’hiver avec des provisions que l’on fait en saison estivale. On congèle des préparations, on fait des conserves ». Ce dernier vient de mettre en bocaux, 60 litres de têtes de violons. « C’est un travail de planification qu’il est indispensable de faire ».
Du côté de Granby, Brian Proulx vise lui une cuisine plus simplifiée. « Nous essayons de sélectionner les meilleurs produits en les transformant peu », indique il.
Créer son réseau et se mettre en mouvement
Il n’y a pas de secret pour David Janelle. « Il faut partir à la rencontre des producteurs près de son restaurant. Discuter des possibilités avec eux, ils seront d’autant plus ravis de voir leurs produits présents à votre table. C’est un partenariat gagnant-gagnant mais il faut savoir compter », ironise il. Selon lui, lorsqu’on créer son écosystème, « il peut même y avoir des rabais ».
Brian Proulx est du même avis. « Il y a des ingrédients assez facile à obtenir localement. Je pense aux produits laitiers, aux farines, aux huiles, aux fruits, aux légumes ou encore aux champignons ».
David Janelle est confiant. De plus en plus de restaurateurs comprennent l’importance de proposer des produits de saison et des plats qui reflètent la région dans laquelle ils sont élaborés. « D’abord, ça répond à une demande grandissante des clients et en plus on s’éclate d’autant plus en cuisine. Oui c’est du travail par contre ».
« Il faut adopter une mentalité de saisonnalité », termine Brian Proulx tout en gardant à l’esprit ce pourquoi les gens viennent chez vous : « votre philosophie culinaire ».
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Les prétendants au prix restaurateur pour 2024
Pour la 7e édition du prix restaurateur du programme d’Aliments du Québec au menu, 15 restaurants viennent d’être sélectionnés aux quatre coins de la province après une présélection basée sur une grille d’analyse quantifiant le taux d’approvisionnement local des établissements.
- Bas Saint-Laurent : Auberge Comme au premier jour, Saint-Pacôme et Côté Est, Kamouraska
- Capitale Nationale : ARVI, Québec et Le Saint Laurent – Fairmont Le Manoir Richelieu, La Malbaie
- Centre-du-Québec : Au Pâturage, Sainte-Perpétue
- Chaudières-Appalaches : Auberge des Glacis, L’Islet et Restaurant 1668, Saint-Georges
- Côte Nord : Chez Mathilde, Tadoussac
- Estrie : Les Mal-Aimés, Cookshire–Eaton et Le Vintage 5080, Sherbrooke
- Laurentides : Baumier – Bar à vin, Piedmont et Recto Verso, Sainte-Adèle
- Montérégie : Nord Laboratoire culinaire (Ström spa nordique), Chambly
- Montréal : Billy, j’ai faim !, Montréal
- Saguenay-Lac-Saint-Jean : Le Baumier, Saint-Félicien