Gel du programme des travailleurs étrangers temporaires à Montréal : l’incompréhension de l’industrie
Québec a décrété un gel du programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) pour six mois dans la région de Montréal. Une décision incompréhensible et peu productive pour l’industrie de la restauration qui compte sur les travailleurs étrangers pour faire tourner leur entreprise. Fin 2023, ils représentaient 20 % des quelque 59 820 bénéficiaires de ce programme dans la province.
« Cette décision politique vient compliquer la situation de beaucoup de restaurateurs et de travailleurs sur le point de renouveler leur permis de travail », explique Maxime Lapointe, avocat spécialisé en droit de l’immigration. Le renouvellement de certains dossiers devant se faire avant le 3 septembre. « Cela vient créer un stress supplémentaire pour tout le monde », ajoute-t-il.
Des exploitants inquiets
« Il se tire une balle dans le pied », pense un restaurateur qui a voulu garder l’anonymat. Ce dernier possède trois restaurants franchisés et 180 employés dans la région de Québec et 40 % de sa masse salariale « profite » du PTET. N’étant pas lui-même directement concerné par la mesure, il s’inquiète toutefois pour l’industrie et analyse la situation sur le long terme pour le Québec. « Il y a bien sûr les enjeux de renouvellement de permis, mais il y aura des conséquences financières. La pénurie de main-d’œuvre, ce n’est pas dans le rétroviseur, on peine toujours à recruter. Si nos restaurants ferment plus tôt parce qu’on n’aura personne pour tenir la boutique, ça fera aussi des recettes en moins pour le gouvernement provincial », s’alarme-t-il. Pour lui, le gouvernement fait des mesurettes temporaires alors que la situation est permanente depuis des années. « Il ne faut pas croire qu’en six mois, les services publics vont être mieux lotis parce qu’on n’aura pas renouvelé des permis de travail ».
Les restaurateurs comptent sur ce programme pour construire, former et pérenniser leurs équipes. « Les entreprises vont devoir être encore plus imaginatives pour recruter. Il y a bien les programmes de mobilité internationale, mais les conditions ne concernent pas tous les pays et sont plus restrictives. Il va falloir fouiller », annonce l’avocat. « Québec vient sabrer son propre programme d’immigration et la mobilité internationale n’est qu’une exception », assure-t-il.
Du côté de l’Association Restauration Québec (ARQ), c’est aussi l’incompréhension. « On en vient à penser que l’industrie n’a pas besoin de main-d’œuvre, que tout va bien », s’étonne Dominique Tremblay, la directrice Affaire publiques et gouvernementales de l’organisme. Bien qu’elle tempère sur le fait qu’à Montréal, le bassin potentiel d’emplois est plus important que d’autres provinces, c’est un « mauvais signal envoyé ».
« Aucun restaurateur ne se lève le matin avec cette envie de faire les démarches pour faire venir un travailleur étranger, c’est un accompagnement permanent pour les aider à s’installer ici, trouver un logement, une école pour les enfants. C’est aussi de la planification pour un entrepreneur », indique Dominique Tremblay. L’ARQ souhaite surveiller la situation de près auprès de ses membres durant les 6 mois de l’entrée en vigueur du moratoire.
Maxime Lapointe n’a aucune certitude que le gel du PTET durera seulement 6 mois. « On se souvient du programme des immigrants investisseurs qui s’était arrêté en 2019, il a repris seulement cette année », évoque-t-il, inquiet de la manière dont le gouvernement considère des personnes qui résident au Québec et font fonctionner l’économie. « On va réaliser l’effet réel quand il va rentrer en vigueur, mais d’ores et déjà, je peux vous dire qu’il y a des dossiers de renouvellement de permis pour des aide-cuisiniers, de cuisiniers et de leurs familles dans la balance ».