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Fromages : Quand les industriels jouent aux artisans et dupent les chefs

 
14 juin 2019 | Par Marie-Ève Garon

Sophie Brodeur, cuisinière chez Alexis Le Gourmand et diplômée en pâtisserie, effectue actuellement un certificat en gestion et pratiques socioculturelles de la gastronomie, à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Dans le cadre d’un cours s’intéressant de près aux produits alimentaires d’ici, l’étudiante et sa collègue Camélia Boyle ont mis sur pied un sondage afin de connaître l’avis des chefs et cuisiniers sur la mise en valeur des fromages québécois au sein de leurs établissements. « Chaque année, la thématique du cours change et cette fois-ci il s’agissait des fromages, note Sophie Brodeur. Comme nous disposions de très peu d’informations à ce sujet, nous avons effectué un sondage par le biais des réseaux sociaux. » Au total, 33 personnes ont répondu à l’appel. « 53,1 % d’entre elles sont des chefs, sous-chefs ou chefs de partie. »

Le duo a notamment voulu en savoir davantage sur les distributeurs qui détiennent un certain monopole sur cet important marché. « Saputo, Parmalat (qui appartient à Lactalis) et la coopérative Agropur sont de grands industriels qui proposent des fromages qui souvent ont l’allure de produits artisanaux, mais qui ne le sont pas forcément. » Les deux jeunes femmes croient qu’un travail d’éducation s’impose à ce niveau-là. « Ce n’est vraiment pas tout le monde qui est conscient, par exemple, que la Fromagerie Alexis de Port-Neuf appartient à Saputo, explique Sophie. Sous une image artisanale se cache désormais un fromage qui correspond à un produit industriel, notamment à cause de la proportion de lait en poudre autorisée qui peut représenter jusqu’à 30 % du produit total. »

Le sondage a montré que les chefs et cuisiniers surévaluent l’utilisation qu’ils font de ces fromages fabriqués selon une méthode artisanale. Alors que 97 % des répondants estimaient au préalable les proposer au menu de leur établissement, le sondage a plutôt révélé que seuls 39,1 % le faisaient vraiment.

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L’image de marque associée à un produit du terroir semble biaiser la perception des acheteurs et, au final, des consommateurs. « D’autant plus que plusieurs produits étaient artisanaux avant d’être rachetés par des géants qui les ont transformés tout en gardant la même image. » Même si le but de Sophie Brodeur et de sa collègue n’est pas d’émettre une opinion, force est d’admettre que la situation leur paraît pour le moins troublante. « Nous devons demeurer objectives, mais il faut avouer que c’est préoccupant, notamment en ce qui a trait aux réseaux de distribution des fromages artisanaux, qui sont pratiquement inexistants. »

Les étudiantes encouragent aussi les restaurateurs à mettre de l’avant les fromages artisanaux du Québec et à en faire mention sur leur carte. Selon Sophie Brodeur, les restaurateurs et les cuisiniers sont de bons vecteurs pour conscientiser leur clientèle à cette réalité. « Et pour un artisan, c’est intéressant de vendre ses fromages à un restaurateur qui va les utiliser et les faire connaître au grand public. Nous sommes conscientes que notre sondage ne représente qu’un échantillon restreint, mais nous croyons tout de même que des efforts devraient être faits en ce sens. »

(Sur la photo : Camélia Boyle et Sophie Brodeur)

« Surpris » par certaines affirmations de Sophie Brodeur, Saputo a tenu à préciser que « tous nos fromages Alexis de Portneuf sont uniquement fabriqués avec du lait frais. Ils ne contiennent pas de lait en poudre, mais bien seulement du lait frais à 100 %. »

Renseignements : Sophie Brodeur

Mots-clés: Québec (province)
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