Frais hôteliers sur sites de réservation : Une action collective autorisée
Une juge a donné le feu vert à une action collective contre des sites de réservation d’hôtel en ligne tels que Expedia.ca pour des « frais hôteliers » supplémentaires qui n’étaient pas mentionnés dès le départ.
Dans une décision rendue mardi, la juge Chantal Lamarche de la Cour supérieure a permis à l’action d’aller de l’avant. Toutes les étapes en vue d’un procès peuvent désormais avoir lieu.
Il y aurait des dizaines de milliers, sinon des centaines de milliers de consommateurs québécois qui pourraient être dédommagés si le recours est accueilli, estime Me Pierre Boivin, qui a obtenu l’autorisation de cette action. En moyenne, ils ont eu à payer environ 30 $ de frais supplémentaires par jour, dit-il.
Les sites de réservation hôtelière contre lesquels l’action collective est dirigée sont Expedia.ca, Hotels.com et Travelocity.ca et ce recours est intenté au nom de tous ceux qui ont payé de tels frais depuis le 10 janvier 2015.
Dany Lussier, qui s’est vu accorder le rôle de représentant des membres du groupe par ce jugement, allègue qu’un consommateur utilisant ces sites pour réserver une chambre d’hôtel doit obligatoirement payer des « frais hôteliers » - aussi appelés « frais d’établissement » ou « resort fees » - en plus du prix qui y est affiché afin de pouvoir bénéficier de sa réservation. Ces frais, incorrectement affichés, seraient en contravention de la Loi sur la protection des consommateurs et du Règlement sur les agents de voyages, est-il allégué.
En janvier 2017, M. Lussier a réservé un forfait avion-hôtel de quatre nuits pour Las Vegas en utilisant le site Expedia.ca. Au moment où il a effectué sa réservation, le prix total affiché est de 1330,78 $, ce qu’il acquitte. Sur son billet électronique, il est écrit que « tous les prix incluent les taxes et les frais et sont indiqués en dollars canadiens ». Or, ce prix n’inclut pas tous les frais, dit M. Lussier. Au bas du billet, dans la section « services supplémentaires de l’hôtel » étaient indiqués des frais hôteliers de 32,88 $ US par chambre et par nuit. On précise que ces frais seront ajoutés pour des services tels que l’utilisation de la piscine, l’accès à l’internet et l’utilisation du coffre-fort de la chambre. Bref, cela a représenté pour lui des frais de 117,92 $ US de plus pour son séjour.
C’est une pratique de plus en plus répandue, notamment aux États-Unis et au Canada, a fait valoir en entrevue Me Boivin.
M. Lussier allègue donc une violation de l’article 224 de la Loi sur la protection du consommateur qui stipule que « le prix annoncé doit comprendre le total des sommes que le consommateur devra débourser pour l’obtention du bien ou du service ». Il se plaint aussi de fausses représentations.
Me Boivin a notamment fait valoir la décision de la Cour d’appel du Québec qui avait blâmé Air Canada « pour ne pas avoir mentionné le prix total (des billets) à la première occasion ». Comme c’est le cas ici, dit-il.
Selon les entreprises exploitant ces sites de réservation, le recours du demandeur est voué à l’échec et n’est aucunement défendable. Elles font valoir, entre autres arguments, que bien que ces frais hôteliers ne soient pas mentionnés sur le premier écran qui permet le choix de l’hôtel, ils apparaissent sur les écrans subséquents menant vers la réservation et le paiement.
Après le dépôt de la demande en autorisation d’exercer une action collective, les différents sites visés par le présent dossier ont été modifiés, note la juge Chantal Lamarche, mais elle relève que les frais ne sont toujours pas indiqués à la première étape de la réservation, au niveau du choix de l’hôtel.
Pour Me Boivin, il s’agit d’une occasion manquée : ils auraient pu en profiter pour faire amende honorable, dit-il. Et il soutient que cela lui donne un motif supplémentaire pour réclamer des dommages punitifs.
Les sites de réservation en ligne peuvent en appeler de ce jugement autorisant l’action collective. Leur avocate n’a pas retourné l’appel de La Presse canadienne.
Rien n’est encore décidé dans cette affaire. Les prochaines étapes du litige seront bientôt déterminées et le procès pourrait avoir lieu d’ici un an ou deux, estime Me Boivin.
(La Presse Canadienne)