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EAQ : « On rassemble les gens qui veulent faire bouger les choses »

 
9 décembre 2020 | Par Marie Pâris

Créé il y a six semaines, le mouvement Entrepreneurs en Action du Québec (EAQ) vise à rassembler les PME victimes de la crise et à faire avancer leur cause. On retrouve notamment dans ses rangs de nombreux restaurateurs en colère. L’initiateur de ce mouvement, c’est Benoît Girouard, ancien président de l’Union paysanne aujourd’hui propriétaire de gym à Saint-Jérôme, à bout de patience devant la situation actuelle… Son but ? Aider les PME et « faire payer la CAQ ». Entretien.

HRImag : Comment est né ce regroupement ?

Benoît Girouard : Quand François Legault a dit en septembre que sa stratégie était d’ouvrir et de fermer les restaurants et les gyms jusqu’à l’obtention d’un vaccin, je me suis retourné vers le CA de ma coopérative de gym et j’ai dit « On est dans la merde, il va nous faire fermer... » Le gym était alors en parfaite santé financière ; mais là, encore quelques mois comme ça et on ne passera plus au travers. J’ai donc fait une vidéo pour prendre position, et elle a été vue 350 000 fois. De nombreux entrepreneurs m’ont ensuite contacté pour parler de leur situation. On a donc lancé une page de témoignages, puis on a décidé de se regrouper car les grosses associations ne nous entendaient pas.

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Vous trouvez que Restaurants Canada ou l’Association Restauration Québec, par exemple, ne sont pas assez à l’écoute ?

Non, ça ne bouge pas, dans aucun secteur. Nos membres restaurateurs sautent en l’air quand lisent les annonces de Restaurants Canada... Quand t’es une grande association, tu peux malheureusement oublier pour qui tu travailles : tu deviens fonctionnaire avec un excellent salaire, t’es reçu avec du champagne dans les soirées du gouvernement, ton organisme reçoit des subventions de l’État, et au bout d’un moment tu passes plus de temps à caresser les ministres et à t’occuper de tes intérêts que de ceux des gens que tu représentes. Le mécontentement de nos membres restaurateurs est très clair et la déception importante, surtout envers l’ARQ, qui perd du temps à négocier alors que les faillites se multiplient. Ils auraient pu avoir un réel poids mais ils n’ont pas du tout utilisé leur pouvoir…

Les restaurateurs qui payent les plus lourdes cotisations à ces associations, et qui font donc entendre leurs voix, ce sont certaines chaînes de restauration rapide, celles qui ont vu leurs revenus augmenter de façon très importante parce qu’elles étaient déjà axées sur le prêt à emporter. Autour d’elles, les autres restos ferment et il n’y a plus de pénurie de main d’œuvre : la crise est bonne pour eux ! Mais les indépendants ont tous écopés. Donc nous, on rassemble les gens qui veulent bouger et tenter de faire quelque chose.

Vous avez enjoint aujourd’hui les commerces à « fermer la porte de leurs entreprises et commerces aux députés caquistes de leur région et de partout au Québec, aussi longtemps que le gouvernement ne nous permettra pas de gagner nos vies et d’opérer nos commerces et entreprises de façon raisonnable ». Pourquoi cette action ?

Parce qu’on est rendus là. La proposition vient directement des PME membres, et on trouvait que l’idée était bonne car elle pourra réveiller les consciences endormies. C’est notre première action, à la hauteur de ce que les commerçants peuvent faire, au-delà de l’image qui peut avoir l’air belliqueuse. À ceux qui trouve que c’est trop : allez lire les témoignages des PME qui subissent la crise, et vous verrez si ça c’est pas trop !

Moi j’ai pas d’amis politiques à caresser. Le temps presse donc on agit, en restant dans la légalité. La prochaine action, ça sera le dépôt en cour d’un recours judiciaire, d’ici Noël. C’est une poursuite pour faire annuler le décret d’urgence sanitaire et la fermeture des restos. Des entrepreneurs qui attaquent la loi, c’est une bombe quand même ! Et on ne fait pas ça juste pour notre argent à nous, car tout ce qu’on perd va coûter à tout le monde.

C’est-à-dire ?

C’est une réaction en chaîne. Par exemple, un nettoyeur qui m’a confié qu’il avait perdu 30% de son revenu. « Comment ça ? j’ai répondu. Les gens font encore nettoyer leur linge pourtant ? » Il m’a dit : « Non, car il n’y a plus d’événement, de réception, de 5 à 7, de sorties au resto… En plus, j’étais nettoyeur pour deux restaurants qui ont fermé : je n’ai plus de nappes ni d’uniformes à laver. » Un producteur laitier m’a aussi dit avoir été coupé sur son quota. Pourquoi ? Parce que les restaurants sont fermés, et qu’ils achètent d’habitude parmi les plus gros volumes de produits laitiers. Je peux aussi citer ces décoratrices florales qui ont subi un coup à cause de la perte de leurs clients en restauration et événementiel, ou ce coiffeur qui a perdu 50% de son revenus car les gens ne sortent plus…

C’est une chaîne incroyable que l’État n’a jamais mesurée. On annonce qu’on ferme les restaurants, mais il y a plein d’autres travailleurs qui souffrent, et qui eux n’ont pas accès aux aides car ils sont théoriquement ouverts. Pour moi, la restauration est l’exemple parfait d’un écosystème financier. Si on est capables de faire réaliser aux Québécois l’importance de la restauration et le travail que ça implique, l’EAQ aura déjà réussi à changer quelque chose...

Combien de membres compte l’EAQ aujourd’hui ?

On est autour de 1 750 environ, dont 250 restaurateurs. 200 à 300 entrepreneurs nous rejoignent chaque semaine. C’est déjà pas mal, sachant que l’EAQ s’est créé dans l’urgence, sans avoir le droit de se rassembler et dans un contexte où on n’est pas vu. Les médias de masse ne nous donnent pas de place. Pourquoi ? Parce qu’ils n’ont jamais autant reçu d’argent en publicités de la part du gouvernement ! Un directeur de station de radio me confiait récemment qu’il avait mis au chômage son responsable des publicités car il n’a même plus besoin d’aller en chercher… Donc forcément, les patrons veulent faire profil bas face au gouvernement en ce moment. Business as usual.

Quels sont vos objectifs à long terme avec l’EAQ ?

On est en train d’identifier des personnes ressources pour chaque secteur ; pour la restauration, c’est Mike Silkilis de restaurant Petinos et John Zannis de La Belle et la Bœuf à Saint-Jérôme. On va structurer l’organisation d’ici les fêtes, pour être capable de tenir deux ans ; notre mandat se finira au lendemain de l’élection. C’est pas compliqué : on veut faire payer la CAQ. Ils ont eu des avis formels d’ouvrir les restaurants et les gyms, et nous on était capables de gérer le cadre sanitaire. M. Arruda l’a dit lui-même : il n’y a aucune science probante allant dans le sens de la fermeture des gyms et des restos pour limiter la COVID-19. C’était donc une décision politique.

J’ai aussi hâte de voir la première étude sur l’efficacité du plexiglas… On a dépensé des milliers de dollars pour installer des morceaux de plastique, alors que tout le monde portait des masques, et ils nous ont fait fermer de toute façon. C’était de l’improvisation et on en a été victimes. Au gouvernement, ils ont des pensions payées, tandis que certains des membres de l’EAQ ont perdu 100% de leur fonds de pension. Moi je suis chanceux, je travaille dans une coopérative, donc si ça va mal ma maison ne sera pas saisie ; mais c’est loin d’être le cas de tout le monde...

Et les aides gouvernementales dans tout ça ?

On a déjà utilisé notre marge de manœuvre financière lors du premier confinement, et maintenant, on écope. Oui, l’État nous propose des prêts ; mais ça ne prend pas un génie en finance pour comprendre que c’est pas possible de tenir avec ça. Il y a aussi le cas des entreprises qui se sont lancées cet été ; on a notamment plein de propriétaires de cafés dans nos membres, qui n’ont pas accès aux programmes d’aide parce que ça ne fait pas assez longtemps qu’ils sont ouverts… Donc maintenant, nous, on agit. Et si le gouvernement veut nous faire taire, qu’il paie la facture !

Pour suivre l’EAQ :

Mots-clés: Québec (province)
Entrevue
HRI - Général

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