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Donald Desrochers : « On a frappé un mur en béton armé à 400 km/h »

 
30 mars 2020 | Par Pierre-Alain Belpaire

Pour prendre le pouls de notre industrie au cœur de la tempête COVID-19, pour « humaniser » cette terrible crise, HRImag a décidé de donner la parole à diverses personnalités ayant figuré, au cours des dernières années, dans nos hors-séries.
 

En février 2018, Donald Desrochers, alors âgé de 32 ans à peine, rachetait les quatre Hôtels Marineau, situés en Mauricie, au sein desquels ce jeune passionné évoluait depuis plus d’une décennie déjà. Deux ans plus tard, le voilà confronté, comme toute l’industrie, à une incroyable et dramatique crise. Si sa bannière est durement touchée, Donald Desrochers refuse de se laisser abattre et répète, philosophe, qu’après la pluie viendra le beau temps.

Le 8 mars dernier, le propriétaire entame une croisière et s’apprête à profiter de vacances bien méritées. Moins de 24 heures plus tard, le gouvernement Trudeau conseille aux Canadiens d’éviter tout voyage en bateau. « Trop tard, souffle Donald Desrochers, nous étions déjà partis. On a vécu durant quelques jours dans une sorte de bulle. On a pris du bon temps, on a profité d’une belle croisière, mais dès qu’on se connectait, quand on voyait les images des Québécois se précipitant dans les Costco, on se demandait : "Mon Dieu, mais que se passe-t-il là-bas ? Le monde vire fou ?" Fort heureusement, il n’y a eu aucun cas de maladie sur notre navire. »

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Le directeur général apprend alors qu’en 2020, il est parfaitement possible de gérer une crise d’une ampleur inédite depuis un bateau perdu au milieu de l’océan. Il décide rapidement, avec ses équipes, de respecter de nouvelles normes de salubrité, tant dans les chambres que dans les restaurants de ses établissements. « On a également tenu à limiter au maximum les interactions entre les clients et nos employés », explique-t-il.

Mais au fil des jours et face au nombre croissant de cas recensés au Québec, Donald Desrochers doit se résoudre à prendre d’autres mesures, plus drastiques. Le responsable confie, la gorge serrée, avoir mis 90 % de son personnel au chômage et avoir perdu 97 % de ses revenus en deux semaines. « On a frappé un mur en béton armé lancés à 400 km/h, résume-t-il. Ça n’a juste pas de bon sens ! Mais tu ne peux pas paniquer. Surtout pas. »

Aujourd’hui, seuls deux Hôtels Marineau restent ouverts : l’un à La Tuque, l’autre à Shawinigan. « On fonctionne au ralenti, avec un shift par jour au lieu de trois. La réception est ouverte de 11h à 19h. On tente de diminuer au maximum les coûts. Pourquoi je ne les ferme pas complètement ? Il n’y a pas vraiment de rationalité derrière cette décision. Je sais que je perds de l’argent mais je ne me vois pas tout arrêter…, glisse Donald Desrochers. Fermer deux hôtels et limiter nos activités dans les autres fut une décision difficile, mais je n’avais pas le choix. On nous dit que les hôtels sont des services essentiels : je veux bien le croire, mais si la clientèle n’est pas là… Peut-être devrais-je accepter de tout arrêter si la situation l’impose. » Et d’admettre, après un lourd silence, qu’apprendre à 95 employés qu’il devait désormais se passer de leurs services fut sans aucun doute la décision la « moins honorable » de sa carrière. « Je n’en suis vraiment pas fier », confesse-t-il.

Malgré les premières annonces gouvernementales, celui qui préside également Tourisme Mauricie sait que se relever d’une telle tempête ne sera guère aisé. « Avec des aides importantes, ce sera complexe ; sans aides, on ne pourra pas traverser tout ça », croit-il. Mais c’est surtout la durée de cette pause imposée qui définira l’ampleur des conséquences pour l’industrie touristique et, notamment, pour les acteurs de l’hôtellerie. « Dans notre malheur, on a la chance – si je puis dire – que ça se produise en mars et en avril, voire en mai. Mais si tout est toujours à l’arrêt en juin, le stress va augmenter. Le pire du pire, ce serait de devoir faire une croix sur juillet, août et septembre. Ce serait une hécatombe, lâche Donald Desrochers. Et encore : moi, je suis très fort sur le public européen. Mais le Français, une fois la crise passée, va-t-il vraiment avoir le goût de venir visiter la Mauricie ? Je n’en suis vraiment pas certain ! » Comme d’autres, le dirigeant des Hôtels Marineau estime dès lors qu’il faudra convaincre les Québécois de consommer local et de visiter leur propre province. « L’hiver prochain, viens faire de la motoneige en Mauricie plutôt que d’aller bronzer à Cuba ! »

Confiné depuis son retour de croisière, l’hôtelier affirme n’avoir jamais passé autant de temps au téléphone. Et après quelques journées (et nuits) des plus stressantes, il met un point d’honneur à déjà focusser « sur la suite, sur la relance, sur la reprise ». « Ce n’est pas toujours simple, mais il faut positiver. Tout ce qui descend finit par remonter, assène-t-il. En prenant les rênes des Hôtels Marineau, je n’aurais jamais, jamais pu imaginer affronter ça. Une récession, un nouveau concurrent, l’hébergement illégal : tu as le temps d’y réfléchir, de t’adapter, de lutter. Mais là, ça, c’était impensable, c’était imprévisible ! »

Relisez ici le portrait de Donald Desrochers : Je n’avais rien à perdre !

Mots-clés: 04 Mauricie
Hôtellerie

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