Ce qu’il faut savoir sur le partage des pourboires au Québec
Avoir un partage des pourboires dans son restaurant amène de grands avantages, notamment au niveau de l’attractivité de ses postes en cuisine et de l’équité entre les employés. Toutefois, il faut faire bien attention lorsqu’on met en place ce type de politiques dans un établissement québécois, car les règles entourant cette façon de faire sont très strictes et offrent très peu de marge de manœuvre.
D’emblée, il faut comprendre qu’au Québec le pourboire appartient de fait à part entière à la personne qui a rendu le service. C’est le cas pour les pourboires payés directement par le client à l’employé en argent comptant ou par transaction bancaire électronique, mais aussi pour les frais de service inclus à la l’avance dans les factures. Donc à moins qu’un restaurant ait une convention de partage de pourboires en bonne et due forme, toute forme de redistribution ou de retenues sur les pourboires est interdite.
L’employeur doit donc à une fréquence régulière verser l’entièreté des pourboires perçus par un serveur, caissier, barman ou valet après les avoirs inscrits sur son talon de paie et déclarés aux agences de revenus du Québec et du Canada.
La convention de partage des pourboires
Partager le pourboire entre les différents employés d’un établissement reste toutefois possible à condition que la démarche émane des employés eux-mêmes et que ce soit eux qui en dictent l’ensemble des règles et conditions.
La convention peut prendre la forme d’une entente verbale ou écrite et doit contenir les éléments suivants pour être valide :
- Le pourcentage des pourboires consenti par les travailleurs aux autres travailleurs de l’établissement. Autrement dit, il est possible de redistribuer l’ensemble des pourboires perçus, ou seulement une partie. Par exemple les serveurs d’un restaurant pourraient décider de mettre une partie de leur pourboire dans un pool, disons 20%, qui sera ensuite partagé entre les autres employés et conserver le 80 % restant pour eux et ainsi garder leur incitatif à offrir du service de qualité tout en augmentant les ventes.
- Le nom du responsable qui redistribuera les pourboires. À noter que c’est la seule dimension de la convention dans laquelle l’employeur peut être impliqué. Les salariés peuvent effectivement, mais pas obligatoirement, décider de lui donner la responsabilité de collecter et distribuer le pourboire. S’il doit engranger des frais pour s’occuper du partage du pourboire, comme en utilisant un logiciel pour se faciliter la tâche, il ne peut toutefois pas en garder une partie pour lui pour compenser. L’employeur peut toutefois décider de refuser cette responsabilité qui devra alors être portée par un des employés.
- La fréquence de redistribution des pourboires. Ceux-ci peuvent être redistribués à chaque quart de travail, à chaque semaine ou à chaque cycle de paie.
- La durée de la convention. La convention de partage des pourboires ne peut pas être mise en place pour l’éternité. Celle-ci doit avoir une date de fin pour être valide, mais elle peut être reconduite par un simple vote des employés qui y participe. Les employés peuvent aussi décider d’y mettre fin à tout moment grâce à un vote à majorité.
- Le nom et la fonction des participantes et participants. Il peut aussi être une bonne pratique de faire signer les participants ainsi que d’inscrire la date à laquelle ils ont joint la convention. Pour être valide, une convention de partage des pourboires doit être votée à majorité (50% + 1) par les employés eux-mêmes. Une personne qui est embauchée après la mise en place d’une convention peut être contrainte à y participer, et dans ce sens, participer à la convention peut devenir une condition d’embauche.
Une convention par et pour les employés
Les employeurs qui aimeraient bien que leurs employés adoptent une telle convention doivent faire très attention. Pour être valide, l’entente doit être initiée par les employés et leur participation doit être de pleins grés.
Bien qu’il ne soit pas interdit pour un employeur de parler de la possibilité de partager le pourboire avec ses employés, cela demeure un terrain glissant sur lequel il faut s’aventurer avec prudence. Un employé qui aurait l’impression que son employeur lui a mis de la pression pour qu’il accepte le partage des pourboires pourrait faire une plainte à la Commission des normes de l’équité et de la santé et de la sécurité au travail (CNESST). Si elle est reconnue, elle pourrait avoir pour effet l’annulation de la convention de partage des pourboires en plus d’exposer l’employeur à une réprimande voire dans certains cas à des amendes.
L’ensemble des règles, ainsi que l’interprétation de la jurisprudence concernant les conventions de partage des pourboires sont consultables sur le site de la CNESST. L’organisme offre aussi un modèle de convention pour les employés qui souhaitent aller en ce sens.