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Baisse des inscriptions : des programmes en HRI obligés de fermer

 
14 décembre 2021 | Par Sophie Poisson
Crédit photo: Centre de formation professionnelle 24-Juin

« Pour le DEP Service de la restauration, j’ai eu une inscription ; c’est la première année que je n’arrive pas à ouvrir ce programme, rapporte Julie Marcoux, directrice adjointe et responsable du secteur de l’alimentation et du tourisme du Centre de formation professionnelle 24-Juin de Sherbrooke. En Réception en hôtellerie, c’est la troisième année que je ne réussis pas à démarrer une cohorte. Et pour la première fois depuis de nombreuses années, en août, j’ai eu seulement 16 élèves en Cuisine. Je n’ai jamais eu ça ! J’ai toujours eu un groupe plein de 22 élèves, en plus d’une liste d’attente pour le groupe de janvier. »

Grâce à des enveloppes régionales fermées, elle a réussi à démarrer des petits groupes, mais un minimum de six élèves est requis. La baisse des inscriptions se fait sentir depuis six ans, mais la pandémie a accentué la tendance : les salles à manger ont été les premières à fermer et les serveurs se sont retrouvés au chômage avec l’impossibilité de se projeter dans l’avenir. Pour Julie Marcoux, la profession manque d’attrait à cause des horaires et des salaires, voire de la nature du travail, qui ne répondrait pas aux intérêts de la génération actuelle.

Même constat du côté du Collège Laflèche : le manque d’inscriptions en août n’a pas permis de démarrer de cohorte pour le programme double DEC en Techniques de gestion hôtelière et de restauration. « C’est très inquiétant, insiste le professeur Luc Gélinas. On avait déjà connu une baisse ces cinq dernières années, marquées entre autres par la dénatalité et le manque d’intérêt. Les jeunes ne sont pas nécessairement portés à venir étudier dans ces domaines parce que l’image n’est pas bonne. »

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Il préconise alors une meilleure communication et une implication des intervenants du milieu. « Il y a un manque de notoriété des métiers de l’hôtellerie et de la restauration. La perception des gens est que ces métiers sont bas de gamme, ce qui n’était pas le cas il y a peut-être 10-15 ans. À ce moment-là, ils étaient hyper en vue. » Il imagine la promotion des programmes scolaires par les différents intervenants du milieu et ce, tant à destination des jeunes, notamment à travers les réseaux sociaux, que de leurs parents qui ont de l’influence sur leurs choix. Luc Gélinas évoque aussi les bas salaires. « C’est souvent dans les grandes chaînes qu’ils sont corrigés un peu à la hausse. Dans un restaurant street business, ça n’a pas augmenté tant que ça. En plus, il y a des baisses pour les travailleurs dans métiers de service parce qu’ils doivent maintenant partager les pourboires ; ça aussi, c’est un irritant. »

Miser sur les formations rémunérées

L’apprentissage en milieu de travail est développé au Collège Laflèche : les étudiants passent trois jours à l’école, puis deux jours en entreprise grâce à des partenariats développés avec des hôteliers de la région qui les rémunèrent pour leur travail. « On pense accueillir et intégrer beaucoup plus d’étudiants avec cette formule, affirme le professeur. Les jeunes seront payés pour venir à l’école. » Pour les restaurateurs, les étudiants qui peuvent rester travailler les fins de semaine représentent une solution pour pallier le manque de main-d’œuvre. Pour les employés déjà présents sur le marché du travail, la formule permet de parfaire leur formation, surtout en gestion, tout en gardant un revenu.

Le Centre 24-Juin mise aussi sur une formation entièrement rémunérée en participant au Programme de formations de courte durée (COUD). « En Boucherie de détail, il y a une année où je n’ai pas pu lancer de cohorte par manque d’inscriptions, puis j’ai trouvé un promoteur collectif et j’ai pu offrir une formation entièrement rémunérée, raconte la directrice adjointe. Depuis, ça fait deux cohortes que je lance avec 18 élèves ! » La Commission des partenaires du marché du travail (CPMT), qui gère l’enveloppe budgétaire, octroie un pourcentage pour faire de la promotion, par exemple à la radio. Lors des dernières journées d’exploration intitulées Élève d’un jour, qui offrent la possibilité d’être jumelé avec un élève en formation afin d’aider à valider un choix de carrière, 42 élèves ont fait connaître leur intérêt pour 7 places.

Recherche de promoteurs collectifs

Julie Marcoux souhaite avoir la même approche pour les programmes Cuisine et Service de la restauration : « Il arrive que des élèves soient en stage chez un employeur, mais pour payer leur loyer, ils doivent travailler dans un autre restaurant, ce qui les empêche de faire toutes leurs heures de stage. » Malgré différentes démarches entreprises, elle ne trouve pas de promoteurs collectifs - un regroupement de restaurateurs, une association ou encore une coopérative -, une obligation pour faire une demande au COUD. « Le secteur de la restauration a de la difficulté à trouver des gens qui veulent s’investir pour aider le secteur de l’éducation », lâche la directrice adjointe, qui se dit que les promoteurs doivent aussi faire face au manque de main-d’œuvre.

Elle explique toutefois que le CPMT octroie un budget au promoteur. Celui trouvé en Boucherie de détail paie ainsi son salaire et il est prêt à former ceux qui accepteraient de se joindre au Centre 24-Juin. La responsabilité consiste entre autres à trouver au besoin des restaurateurs qui prendraient des stagiaires, à rembourser les restaurateurs qui versent les salaires aux étudiants et à faire le suivi. « Notre promoteur est une association qui, par son engagement, a doublé son nombre de membres », souligne Julie Marcoux. En attendant, l’alternance travail-études a été mise en place cette année. Un sondage a été émis à mi-parcours aux employeurs et aux élèves pour s’assurer de la satisfaction de tous.

Les apports des formations scolaires

Parmi les critiques qui ont été faites au Centre 24-Juin, celle d’un restaurateur qui a dit ne pas croire en la formation donnée. « Peut-être qu’il y aurait lieu de refaire une analyse de situation de travail avec le ministère de l’Éducation pour déterminer les compétences requises en s’appuyant sur les employeurs comme les restaurateurs », offre la directrice adjointe. Elle assure être dans l’adaptation depuis plusieurs années, « pour avoir une clientèle diversifiée et attrayante ». Par exemple, la mouture du DEP Réception en hôtellerie sera revue avec la conseillère pédagogique et une formation semi-individualisée sera proposée avec plus d’alternance travail-études pour permettre des entrées continues.

Autre critique : celle d’un restaurateur qui a incité un élève à quitter sa formation en cuisine en lui affirmant qu’il s’en chargerait lui-même. « Les restaurateurs sont en souffrance, donc ils engagent des gens pas formés, pas diplômés... J’imagine qu’avec le temps, ça doit les rattraper », se méfie Julie Marcoux. Un avis partagé par Luc Gélinas, qui rappelle que les programmes techniques comme celui auquel il participe sont axés sur la gestion avec des cours de gestion des stocks, de ressources humaines ou encore de marketing. Ces compétences visent entre autres à rejoindre des postes de superviseurs. « Ce n’est pas vrai que l’employeur peut montrer tout ce qu’un jeune apprend à l’école, sinon on n’aurait personne dans les écoles. Notre formation est hyper complète et compétente parce qu’on a des enseignants qui viennent du milieu et ont des dizaines d’années d’expérience. »

Et de conclure : « Vous n’avez pas idée comment on travaille pour aller chercher de nouveaux étudiants. On passe à peu près 5 à 6 heures par semaine uniquement sur cette problématique, et ce depuis un an et demi... »

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Mots-clés: Formation
École
HRI - Général

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