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Point de vue

Le monde change !

 
2 février 2021 | Par Robert Dion

Je côtoie le monde de l’alimentation depuis plus de 30 ans, et la grande famille des HRI depuis près de 25. J’en ai connu du monde au fil des décennies ! Certaines personnes sont encore actives, d’autres ont pris leur retraite, d’autres encore ont bifurqué vers une autre branche. Toutes à leur manière ont marqué l’évolution de notre industrie.

Ces personnes, nous veillons à les faire rayonner par l’entremise de HRImag et de son site web. Quand je consulte nos archives, je vois comme nous vous avons présenté au fil du temps des histoires inspirantes, qui nous ont motivés à nous dépasser nous aussi.

Encore une fois, notre choix s’est arrêté cette année sur des candidatures passionnantes. Je félicite ces personnalités de notre domaine d’avoir signé tant de réalisations ! Une chose est certaine : cette pandémie et sa gestion vont laisser des traces dans l’histoire de l’humanité et un avenir changé pour le secteur des HRI.

Dès le retour à la réalité, beaucoup des habitudes créées par la COVID-19 demeureront bien présentes. On a notamment appris à manger partout et à se faire livrer de tout… C’est pourquoi nous avons voulu dans notre dossier étudier plus en profondeur la question de la livraison et de son avenir en restauration.

Enfin, en ces premiers jours de 2021, je tiens à vous rendre hommage à toutes et tous pour votre résilience et la capacité d’adaptation dont vous avez fait preuve depuis mars dernier. Vous allez marquer l’histoire à jamais.

Sur ce, mon équipe et moi vous souhaitons une excellente nouvelle année !

Robert Dion, éditeur
[email protected]

 
 
Dossier

Livraison : Quel avenir après la COVID-19 ?

 
3 février 2021 | Par Stéphane Desjardins

La livraison, c’est très 2020. Surtout depuis l’invasion des plateformes comme Uber Eats (qui a avalé Postmates pour 2,7 G$ US en juillet dernier), SkipTheDishes, DoorDash (qui a fait une entrée fracassante de 3,4 G$ US en Bourse début décembre), foodora et les québécoises GOLO, À la Carte Entreprise (ALCE), Eva et RestoLoco. Quelques géants comme Grubhub, EatStreet, Takeaway.com (qui achetait Just Eat pour 7,8 G$ US en janvier), Deliveroo, Swiggy, Zomato, Foodpanda et delivery.com boudent le Québec. Toutes ces plateformes ont complètement chamboulé l’industrie, comme le confirment les chiffres : les revenus mondiaux à partir de commandes en ligne devraient atteindre 136 G$ US en 2020 (+17 % comparativement à 2019) et 1,2 milliard d’usagers, pour une croissance annuelle moyenne de 7,5 % entre 2020 et 2024, selon le portail Statista. La part des plateformes s’établit à 71 G$ US en 2021, la Chine prenant la tête avec 52 G$ US.

ResearchAndMarkets.com affiche plutôt un marché planétaire pour les plateformes, passé de 107 G$ US en 2019 à 111 G$ US en 2020 (+3,6 %), pour atteindre 154 G$ US en 2023. UBS envisage un marché planétaire de 365 G$ US en 2030 (+20 % annuellement). Morgan Stanley estime le marché américain à 325 G$ US en 2020 et à 470 G$ US en 2025 (+13 % par année). À elle seule, Uber Eats aura distribué 10 G$ US de nourriture en 2020, selon son patron Dara Khosrowshahi. Les investisseurs auront misé plus de 200 G$ US sur les plateformes d’ici la fin de 2025, selon Apptunix. Et le marché mondial passera de 500 M$ d’usagers en 2017 à 858 M$ en 2024. Par contre, le site Business Insider indiquait en mai dernier que Grubhub perdait jusqu’à 2,50 $ par livraison. En 2019, DoorDash a perdu 450 M$ US malgré des revenus de 900 M$ US provenant de 300 000 restaurants, rapporte The Motley Fool. DoorDash (50 % du marché américain) enregistrait des ventes de 1,9 G$ US aux 9 premiers mois de 2020 (+226 % comparativement à 2019)… et une perte nette de 149 G$ US.

Au Canada, le marché de la livraison totalisait 2,5 G$ US en 2020 selon Statista et il sera de 4,5 G$ US en 2024 (+8,6 %). La croissance sera de 25,3 % entre 2020 et 2027, selon ResearchAndMarkets. La pandémie a en fait exacerbé le marché du ramassage et de la livraison : 26 % des Canadiens y font appel de plus en plus souvent (29 % ont augmenté leur pourboire), selon un sondage de Paiements Canada.

UNE TENDANCE DE FOND

Mais les livreurs seront-ils aussi occupés après la pandémie ? « C’est une tendance de fond, qui était là bien avant la COVID-19, estime Christian Latour, professeur en gestion de la restauration au Collège Mérici. La chaîne Normandin vient de commencer la livraison de petits déjeuners, et c’est révélateur. Dans 10 ans, on décrétera impossible qu’un restaurant ne livre pas à sa clientèle. » Quand le professeur a quitté sa Joliette natale il y a 20 ans, une poignée de restaurants offraient la livraison ; aujourd’hui, on peut s’y faire livrer presque n’importe quoi. Mais le rythme actuel se maintiendra-t-il ? « Dès que les restaurants rouvriront leurs portes, les gens vont y retourner massivement, affirme Jean-François Ouellet, professeur agrégé au Département d’entrepreneuriat et innovation à HEC Montréal. Les gens sont tannés d’être enfermés, télétravail ou pas. Croire le contraire est un leurre. »

« Le portrait de la restauration a changé pour toujours, commente Jean Bédard, président et chef de la direction du Groupe Sportscene (La Cage, Brasserie sportive). La livraison représentera entre 10 % et 15 % de notre chiffre d’affaires post-COVID-19, contre 5 % avant la pandémie. On ne bâtira pas notre modèle d’affaires sur ça. C’est complémentaire. »

La livraison a toujours fait partie de l’industrie. Il y a un demi-siècle, St-Hubert faisait un tabac avec ses coccinelles Volkswagen. De nos jours, Hugues Philippin recrée ce buzz à l’échelle de sa pizzeria Chic Alors ! avec ses voitures électriques : « Je livre depuis 30 ans. Avec les plateformes, c’est irréversible parce que les gens sont plus branchés qu’avant. » Une étude récente de la banque Morgan Stanley confirme toutefois que les livraisons téléphoniques vont chuter annuellement de 3 % jusqu’en 2025, au profit du numérique.

De plus, une facture effectuée en ligne est en moyenne 20 % plus élevée que par téléphone, signale Axel Lespérance, président fondateur de la nouvelle application québécoise RestoLoco. La livraison se prête davantage à certains mets, mais l’offre s’est élargie. « On sert des restos comme Le Pois Penché ou le Mélisse, qui n’ont jamais fait de livraison », révèle Axel Lespérance. En mars, Eva, une coopérative québécoise lancée en 2017 pour concurrencer Uber, se diversifiait dans la restauration. « En quelques semaines, on a fait adhérer 300 restaurants à Montréal et en périphérie », explique Dardan Isufi, cofondateur et chef d’orchestre opérationnel, citant des dizaines d’adresses branchées ou prestigieuses. RestoLoco et Eva, qui collaborent à Québec et Saguenay, préparent leur expansion partout au Québec et même ailleurs au pays.

Après la pandémie, le nombre total de livraisons effectuées par l’industrie va augmenter. Paradoxalement, les livraisons par restaurant vont chuter, estime Peter Mammas, président de Foodtastic (Au Coq, Benny, La Belle & La Bœuf, Carlos & Pepes, Nickels, etc.). « En 2021, entre 2 % et 4 % de notre chiffre d’affaires viendra des livraisons, dit-il. De mars à mai 2020, c’était entre 20 % et 30 %. » La livraison sera rentable pour ses franchisés qui auront profité de la pandémie pour renégocier leurs baux à la baisse. « Même si nos ventes totales auront chuté de 2 % à 5 %, ils feront de meilleurs profits », ajoute l’homme d’affaires. Certaines chaînes (St-Hubert ou McDonald’s) réduisent la taille de leurs salles à manger pour maximiser la livraison. Peter Mammas va dans la direction inverse : « Tous nos nouveaux Benny auront 40 places en salle. La part de la livraison varie selon les perceptions du public envers chaque bannière. Mais elle représente 55 % du chiffre d’affaires de Foodtastic, ramassage compris. »

« JE CRAINS L’ÉPARPILLEMENT »

La livraison, ce n’est pas pour tous. « Ce n’est pas une priorité pour moi, explique Louis Desjardins, propriétaire du Spago de Sainte-Adèle. Je le fais pour dépanner, mais je me concentre sur l’expérience en salle. Je crains l’éparpillement. La livraison est un couteau à deux tranchants : si la qualité n’est pas au rendez-vous, tu ternis ta réputation. Je me vois mal livrer mon plat d’agneau dans des conditions optimales… » Comme bien des restaurateurs, Louis Desjardins doit aussi composer avec la pénurie de main-d’œuvre. Il a travaillé fort pour stabiliser ses équipes en salle et en cuisine. Il dit rejeter la livraison par respect pour son personnel. « Et si je livre à Sainte-Marguerite, ça représente un déplacement de 30 minutes, dit-il. Est-ce rentable ? »

« Sauf une minorité, les restaurants qui ne livreront pas vont disparaître », tranche Christian Latour, qui parle même de darwinisme. « C’est toutefois un défi de maintenir la ligne de chaud, de froid ou l’esthétique jusque chez le client, reprend-il. Il faut oublier l’improvisation. » Quelles sont les conditions de succès ? Un bon système de commandes, de facturation et d’encaissement est incontournable, que le restaurateur livre lui-même ou par l’entremise de plateformes, soutient-il. Ceux qui maîtrisent mal la technologie n’ont qu’à consulter des collègues expérimentés, les experts de l’Association Restauration Québec ou ceux d’une école hôtelière.

Jean Bédard mentionne que ses clients utilisent l’application Club Cage : « Certains de nos établissements ont leur propre service de livraison, d’autres utilisent les plateformes. L’implantation de ce nouveau canal de distribution a cependant compliqué notre vie : on a dû engager un gestionnaire et ajouté un chapitre complet au manuel d’opération. Nous aussi, on bâtit l’avion en plein vol. »

Alain Giguère, propriétaire de La Voie Maltée, une microbrasserie présente à Chicoutimi, Jonquière, Québec et Sainte-Foy, travaille avec des coops de taxis, qui connaissent le territoire, l’achalandage, les chemins les plus rapides… Le rendement de chaque commande est maximisé. Il a conservé SkipTheDishes, mais éliminé DoorDash, dont la plateforme, tout comme celle d’Uber Eats, ne permet pas d’interaction avec le client. Ses chauffeurs ont suivi une formation en livraison de nourriture et ils disposent de sacs thermiques. À Chicoutimi, on livre en moins de 10 minutes. Il a surtout implanté le système UEAT, une technologie de commande en ligne qui permet à la clientèle de consulter les menus affichés sur son site web. « On contrôle notre marque et notre image », dit-il.
Hugues Philippin a lui aussi UEAT. « Je me suis débarrassé de trois de mes cinq terminaux cellulaires de point de vente, qui coûtaient entre 50 $ et 60 $ par mois, dit-il. En raison de la pandémie, j’ai éliminé les commandes par téléphone et libéré deux postes à plein temps. Avec le web, tu peux servir 200 clients à la fois. Et le prépaiement accélère le service. » Avant la pandémie, 2 % des commandes étaient passées en ligne. Avec UEAT, elles ont grimpé à 10 %. Avec le confinement, le pourcentage est monté à 95 %. Les trois quarts des clients viennent ramasser leur repas et, selon lui, cette proportion demeurera après la pandémie. Dans les temps morts, les livreurs assemblent les boîtes de pizza et passent la serpillière… Des plongeurs sont aussi livreurs.

CUISINE FANTÔME

Chic Alors ! facture au client un coût fixe de 4,88 $. Du côté de Foodtastic, chaque commande coûte entre 6 $ et 12 $ (environ 18 % à 25 %), sans surcharge au client. Le client de La Voie Maltée paie pour le moment 4 $ à 6 $ selon le territoire, soit la moitié du coût de la livraison. Nombreux sont les restaurateurs qui estiment trop élevées les commissions des plateformes, soit de 20 % à 30 % selon la distance et l’achalandage. Le New York Times a calculé que ces frais pouvaient faire bondir de 25 % à 91 % le coût d’un repas. Certains s’en accommodent. D’autres préfèrent gérer livraison, véhicules, amortissement ou allocation au kilométrage, assurances, emballages thermiques… Hugues Philippin ne peut plus se passer de ses Mitsubishi Miev et Kia Soul : « C’est zéro entretien, ça coûte 10 % du prix de l’essence, on a des subventions pour la borne, et les clients trouvent ça sympa… »

Les plateformes abusent-elles de la crise ? En mai, le Washington Post parlait de rébellion des communautés et de capitalisme de prédation. Des villes comme San Francisco, Seattle, Boston, Los Angeles, New York, Jersey City et Toronto ont plafonné (et réduit) les commissions. Mais quand Washington D.C. a imposé 10 %, Uber a répliqué avec des frais de livraison de 3 $. RestoLoco facture aussi 3 $, plus une commission variant entre 15 % et 20 % du repas, soit environ la moitié d’Uber Eats. Et la transaction est effectuée par le restaurateur. « Il contrôle sa relation avec son client, explique Axel Lespérance, président fondateur de RestoLoco. On est plus abordables parce qu’on n’a pas à plaire aux financiers de la Silicon Valley. » Le 22 décembre, la Colombie-Britannique instaurait sa propre limite de 15 % à Uber Eats à cause de la COVID-19. La BC Restaurant & Food Services Association a loué le timing de cette mesure, qualifiée de « cadeau de Noël » par le milieu de la restauration sur la côte Ouest, où la livraison représente 50 % des revenus des restaurants depuis le début de la pandémie.

Les restaurateurs apprécient également Eva : « On facture zéro commission ; seulement des frais de livraison moyens de 8 $. En tant que coop de solidarité, on applique notre mission sociale, qui est d’améliorer la condition économique de nos membres et de nos partenaires. On aime affronter les multinationales car, à terme, on va prendre le dessus », affirme Dardan Isufi Eva, cofondateur d’Eva. Eva qui utilise une technologie blockchain, compte plus de 1000 chauffeurs membres et aura livré 9000 repas en décembre.

Des restaurateurs indépendants poussent plus loin la livraison en se dotant d’une « cuisine fantôme ». Le concept, connu des grandes bannières, permet d’importantes économies d’échelle. C’est qu’ont fait Annie Clavette et Stefan Jacob, propriétaires du Gras Dur au Central, de Mamm Bolduc et de Das Food Truck. Le couple s’est associé à leurs amis Kamal et Élise Chami, qui possèdent une cuisine centralisée à Saint-Eustache pour leurs bannières Nachos’s, Oui mon Colonel, Ailes et BBQ, SAJwich et Le Pain Saj Express. « Avec la pandémie, on roule à perte au Central, malgré les subventions salariales, explique Annie Clavette. On a triplé l’achalandage en déménageant la production chez Mamm Bolduc. On a poussé le concept plus loin en misant sur la cuisine fantôme. On peut servir 15 clients à la fois avec une équipe de cuisine réduite. On livre avec SkipTheDishes et Uber Eats. On a lancé ce projet sans dépenser une fortune. On bénéficie d’une cuisine industrielle inspectée par le MAPAQ et on se rapproche de marchés prometteurs : c’est le meilleur des mondes. » Annie Clavette juge les commissions des plateformes trop salées et demande à Pierre Fitzgibbon, ministre québécois de l’Économie, d’imposer un plafond de 15 %. Mais elle n’arrêtera jamais la livraison, qui lui a permis de survivre à la pandémie.

 
 
Personnalité HRI

Personnalités 2021

 
25 février 2021 | Par Sophie Suraniti, Laurence-Michèle Dufour, Marie Pâris, Pierre-Alain Belpaire, Alexandra Duchaine
« Quand on a un personnel bien formé, on a un impact direct sur la clientèle »
« La famille de la restauration, ce sont aussi des producteurs ! »
« C’est le moment de trouver des solutions créatives pour s’adapter à la situation »
« La Gaspésie est un magnifique attrait du Québec - et pas mal moins coûteux qu’un voyage à l’étranger ! »
« L’innovation, c’est un peu notre deuxième nature »
« Il y a des écoles de sport, de musique, etc., mais on oublie l’essentiel : on mange tous trois repas par jour »
« Je me suis toujours vu comme un consommateur et non comme un entrepreneur »
« On est beaucoup plus efficaces maintenant ; mais les attentes sont plus grandes »
« Notre produit, on ne peut pas le mettre dans une boîte et le vendre en ligne »
« Quand on lance un restaurant, c’est dur d’imagine qu’on va avoir ce succès-là ! »
« Les restaurateurs ? Des gens très exigeants et extrêmement reconnaissants »
« Le virtuel ne peut pas pour l’heure remplacer l’aspect social d’un congrès »
« On est des artisans plus que des commerçants »
« Il faut montrer à la relève ce qu’est vraiment l’hôtellerie »
« Maintenant, la fierté, c’est quand le produit vient d’ici »
 
 
Personnalité HRI

la relève

Isabelle Leblond

L’entrepreneuriat en réalité accélérée

 
15 février 2021 | Par Sophie Suraniti

Le contexte : vous travaillez en cuisine. Le problème : la friteuse prend feu. La question : que faites-vous ? Bienvenue dans un module de formation en réalité augmentée sur la prévention des risques au restaurant ! Dans une formation signée Happy Réalité, l’employé se frotte à des situations réelles tout en restant sur son lieu de travail, avec des lunettes connectées comme simple équipement. En appliquant la réalité augmentée à la formation, la fondatrice de Happy Réalité, Isabelle Leblond, met le doigt sur un besoin criant et plus que pertinent à l’heure actuelle dans de multiples secteurs professionnels.

L’aventure a commencé à l’automne 2018, quand elle a fait un retour aux études dans le programme de Hautes Études en gestion hôtelière internationale de l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec (ITHQ). À la première session, elle découvre la réalité augmentée dans le cours sur les technologies de l’information et de la communication des établissements hôteliers. Gros coup de cœur pour ce procédé, qui permet l’intégration d’éléments virtuels en 3D au sein d’un environnement réel. « En réalité augmentée, les lunettes ne sont pas à 100 % opaques. L’environnement reste réel, mais certains éléments en 3D sont ajoutés », mentionne l’entrepreneure. À la session suivante, le cours sur la gestion de l’accueil sera pour elle l’occasion de trouver une application directe pour cette technologie de réalité augmentée.

L’exercice demandé par le professeur est le suivant : les étudiants doivent proposer une technologie qui n’existe pas encore dans le milieu hôtelier pour améliorer l’accueil de la clientèle. L’étudiante décide de prendre le contrepied des directives : « Selon moi, si tu améliores l’expérience employée, tu améliores l’expérience client. Quand on a un personnel bien formé, on a un impact direct sur la clientèle. »

Elle en sait quelque chose. Pendant plus de 10 ans, elle a travaillé dans le milieu de la restauration comme serveuse et barmaid. Le personnel incompétent qui forme les nouveaux, elle connaît ! « Je l’ai vécu sur le terrain. Des gens qui doivent vous montrer le travail mais qui ne savent pas faire, parce qu’ils ont été eux-mêmes mal formés. » Or, en matière d’attraction et de rétention de la main-d’œuvre, tout se joue dans les premières semaines. Pour la future conceptrice d’outils virtuels, il ne faut donc pas s’étonner que les taux d’engagement dans l’industrie touristique soient si bas.

APPRENDRE SANS SUBIR LES HUMEURS DU FORMATEUR

À partir de ses expériences et de ce qu’elle apprend en cours, elle commence à travailler un prototype de module de formation en réalité augmentée. Direction le MT Lab. Cet incubateur de jeunes pousses consacré au tourisme, à la culture et au divertissement a été mis sur pied en 2017 par l’Université du Québec à Montréal et Tourisme Montréal. Isabelle Leblond y rencontre l’équipe d’Ohrizon, alors installée dans l’espace de travail collaboratif de l’organisme incubateur. Cette jeune entreprise est notamment spécialisée en création de contenus de réalité augmentée pour le domaine culturel. Isabelle Leblond pose des questions, se fait aider quand un aspect lui échappe et relie très vite tous ces champs du possible.

« En réponse à la problématique du cours, j’ai présenté un prototype de réalité augmentée dont le sujet était Comment bien plier les serviettes ? » Ce prototype a pour décor une petite salle de bain. Lorsqu’on met les lunettes connectées, on peut voir le lavabo en 3D, les serviettes et un employé virtuel qui montre comment bien les plier. L’apprenant peut le faire en même temps. Le professeur d’Isabelle est soufflé par ce qu’il voit : son étudiante tient là une intéressante occasion d’affaires.

« Je réalise que mon idée est encore plus pertinente lorsque je me rends en France au printemps 2019 pour effectuer mon stage de gouvernante dans un grand hôtel », souligne Isabelle. Là-bas, les employés de première ligne sont fatigués physiquement et mentalement. En plus d’accomplir leurs tâches quotidiennes, ils doivent former les nouveaux venus, sans aucune reconnaissance pour ce travail, formelle ou financière. « Je suis quelqu’un qui a besoin de voir et de faire en même temps pour apprendre. Or, le stress et la fatigue font perdre patience aux gens. »

Apprendre sans subir les humeurs du formateur est l’une des grandes plus-values de la solution de formation en réalité augmentée qu’imagine Isabelle. Les émotions sont mises de côté, on se concentre sur les gestes. Une constance est aussi assurée dans la formation. De retour au Québec en octobre 2019, l’étudiante peaufine son plan d’affaires. Sa compagnie voit officiellement le jour en janvier 2020 : Happy Hotels. Mais entretemps, un autre projet va germer dans sa tête…

UN NOUVEAU CONCOURS AU QUÉBEC

Alors qu’elle représente l’ITHQ dans le cadre d’un concours international d’hôtellerie organisé aux Pays-Bas (le Smart Hospitality Challenge, ou Genio), la conceptrice revient avec l’idée de créer un événement similaire au Québec ; elle monte rapidement une équipe. « J’ai eu envie de faire connaître ici ce que j’ai vu et vécu à Amsterdam. Mais avant de présenter mon idée à la direction des études de l’ITHQ, je me suis rapprochée de futurs partenaires et commanditaires afin de ne pas me faire dire non. » Ce qui ne devait être au départ qu’un petit projet prend de l’ampleur. Étudiants et direction de l’ITHQ, jeunes entreprises incubées du MT Lab, groupes hôteliers… Isabelle parvient à connecter tout ce beau monde. Le projet est présenté, bien ficelé, il arrive à un moment opportun pour la notoriété de l’école. Et avec l’arrivée de la COVID-19, il devient même prioritaire.

Ce nouveau concours international baptisé MTLHC (pour Most Talented Leaders Hospitality Challenge ou Compétition hôtelière pour les meilleurs talents en leadership) met au défi des étudiants en hôtellerie de niveau universitaire. En tout, 10 équipes de 3 à 4 étudiants issus de partout (Belgique, France, Inde, Luxembourg…) doivent analyser deux études de cas réels soumis par le groupe ÉPIK Collection et le Fairmont Le Château Frontenac. Entièrement gratuit et en ligne, le concours a commencé en novembre pour se terminer à la mi-janvier. Lorsqu’elle se remémore la cérémonie d’ouverture, Isabelle a les yeux qui brillent, très émue : « Ce fut au-delà des attentes de tout le monde. C’était vraiment magique. »

« Le concours international, je l’associe à mon développement personnel, à du temps donné aux autres, du bénévolat. Happy Hotels, c’est mon développement professionnel. La formation ITHQ, c’est réalisé, c’est terminé. » Le questionnement sur l’après ne reste pas longtemps en suspens pour la jeune diplômée : entretemps, le MT Lab a retenu sa candidature parmi les 119 dossiers reçus pour l’année 2020-2021 ! Elle se joint donc à la quatrième cohorte de jeunes pousses innovantes (15 en tout) avec sa compagnie Happy Hotels.

L’évaluation de sa stratégie d’entreprise à mi-parcours du processus d’incubation l’encourage fortement à appliquer sa solution à d’autres secteurs. Happy Hotels devient ainsi une branche sectorielle de la maison-mère nouvellement créée, Happy Réalité. Un associé au solide profil financier vient de se joindre à l’entreprise, et le premier développeur en interne a été embauché. « Je vise le créneau de la relève, conclut la femme d’affaires. Les ressources humaines en tourisme ou dans les épiceries sont très jeunes : il faut savoir les garder. »

 
 
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la relève

Aymeric Halbmeyer

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25 février 2021 | Par Laurence-Michèle Dufour

Français d’origine, Aymeric Halbmeyer fait d’abord ses classes en cuisine sur le Vieux Continent auprès de chefs de renom tels qu’Alain Ducasse et Michel Trama. Séduit par le Québec, le Vendéen décide d’y immigrer en 2009. « J’avais besoin de voir autre chose et je m’y suis plu aussitôt, se rappelle le jeune chef. La scène gastronomique montréalaise n’était pas encore si développée, mais en 10 ans, ça a beaucoup évolué. » Après avoir travaillé en tant que chef pâtissier, enseignant et chef cuisinier, il est épuisé par le rythme effréné du milieu. Comme il est à la recherche d’une certaine stabilité et d’une meilleure qualité de vie, il se joint en 2017 à l’équipe de Sodexo, l’un des plus grands fournisseurs du secteur des services de restauration, à titre de chef exécutif pour le Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM).

Photographe à ses heures, Aymeric Halbmeyer se définit comme un amateur de belles choses ; il apprécie l’art et l’esthétisme de la gastronomie. Il déplore d’ailleurs que son employeur soit parfois perçu comme une référence en matière de nourriture de cafétéria : « C’est une vision un peu péjorative et réductrice de tout ce qu’on peut accomplir. Le sandwich-pas-de-croûte ? Pas trop mon domaine ! » Même si on lui demande d’avoir un menu accessible pour rejoindre le plus grand public au restaurant du MBAM et quelques sandwichs abordables pour celui du bistro, le chef préférera le canard au poulet par exemple. Pour lui, privilégier l’achat local, encourager des entreprises familiales et soutenir des pratiques alimentaires durables vont de soi. « Mettre un visage et une histoire derrière un produit facilite le respect envers ce dernier. Et après tout, la famille de la restauration, ce sont aussi les producteurs ! »

Ses étés passés lorsqu’il était enfant à la ferme de son grand-père agriculteur, là où aucune nourriture ne se perdait, lui ont rapidement inculqué la valeur des aliments. « Aujourd’hui, il y a une déconnexion complète entre ce que ça prend comme ressources pour produire un aliment et le fait que l’on puisse se le procurer si facilement, déplore le jeune chef. On est dans une société de consommation où l’on n’a plus conscience du temps que ça prend pour avoir de la viande ou des légumes. En fait, toute cette nourriture que l’on peut avoir à profusion sur les tablettes du supermarché nous déconnecte complètement de nos racines. » Aymeric Halbmeyer se donne ainsi pour mission d’utiliser au maximum chacun de ses produits. Une grosse quantité de trognons de pomme, qui contiennent naturellement de la pectine, peut ainsi servir à faire une délicieuse gelée. Ou encore, il va déshydrater les framboises flétries pour en faire une poudre au goût concentré qui pourra enjoliver les desserts. « On ne réinvente pas la roue : on ne fait que respecter le produit », précise-t-il.

TOUS AU FRONT !

Si la pandémie a forcé Sodexo à se restructurer et à réaffecter certains de ses acteurs, ce n’est que temporairement que le chef se retrouve à la direction générale des cuisines pour l’entreprise Desjardins. Il travaille activement à la mise en place des menus et bons de commande afin d’en bâtir le modèle. « Dans les mois qui viennent, on va déterminer le programme complet comprenant toutes les recettes en fonction des saisons, se réjouit Aymeric Halbmeyer. Notre objectif est d’avoir un maximum de recettes approuvées par Aliments du Québec. » Il profite aussi de cette période pour faire l’essai dans l’une de ses cafétérias de gobelets à café et de contenants à emporter réutilisables et consignés.

Et cela ne s’arrête pas aux cafétérias de l’entreprise Desjardins. Si le chef salue le travail et les solutions souvent apportées par ses confrères aux fourneaux de tables d’exception, comme Normand Laprise, il considère avoir la chance de faire bouger les choses à plus grande échelle. « Une compagnie comme la nôtre a cette responsabilité de pousser pour que le changement s’opère, indique-t-il. C’est à nous, les gros acteurs de ce monde, de prendre position ; c’est pour cette raison que c’est devenu l’une de nos priorités. Sodexo cherche à ne s’approvisionner que de produits locaux dans les années à venir. »

Selon le chef, il est important de prendre des mesures plus radicales pour faire bouger les choses et, surtout, arrêter de croire que « ça va bien aller ». « Si on est capable de faire mieux, pourquoi on ne le ferait pas, tout simplement ? » Le mantra d’Aymeric Halbmeyer : « Ça ne sert à rien de suivre la tendance : il faut être la tendance. »

 
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