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40 ans de Kéroul : « On tend la main aux professionnels plutôt que de les chicaner ! »

 
15 octobre 2019 | Par Pierre-Alain Belpaire

Fondé en 1979 par André Leclerc, l’organisme à but non lucratif Kéroul souffle donc ses 40 bougies. Malgré de nombreux gains et de nettes avancées en matière d’accessibilité, notamment du côté des restaurants et des hôtels de la province, les futurs défis et prochains combats ne manquent pas. Mais Isabelle Ducharme, présidente du C.A. depuis 2010, l’assure : ses troupes sont prêtes !
 
 
HRImag : Kéroul célèbre son 40e anniversaire et la plupart des professionnels des HRI connaissent aujourd’hui ses actions. Mais comment définiriez-vous, en quelques mots, votre organisme et ses principales missions ?

Isabelle Ducharme : Kéroul, c’est tout simplement un organisme qui a pour objectif d’améliorer l’accessibilité aux personnes avec des capacités physiques restreintes dans les domaines touristique et culturel. Ce qui est assez rare, voire exceptionnel, c’est que notre organisme s’adresse tant aux professionnels de l’industrie qu’aux personnes en situation de handicap.

Quel mot utiliseriez-vous pour résumer le rôle de Kéroul ?

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« Fondamental ». Par exemple, moi, après mon accident, si je n’avais pas su qu’il m’était encore possible de voyager et de découvrir, je ne sais pas où j’aurais trouvé l’énergie de me battre. C’est ça aussi, Kéroul. Dire que tout a commencé voici 40 ans sur un coin de table et qu’aujourd’hui, Kéroul est reconnu à l’international...

Une des particularités de Kéroul est de ne pas se contenter de mettre le doigt sur les problèmes mais d’arriver avec des solutions.

Tout à fait ! Nous sommes sans doute les mieux placés pour voir ce qui ne fonctionne pas ou ce qui pourrait être amélioré, mais nous veillons à amener des solutions ou, du moins, des pistes, à proposer des formations et des ateliers, … On a toujours fonctionné ainsi : évaluer les besoins, évaluer les problèmes, évaluer les solutions. Notre philosophie, c’est de tendre la main aux professionnels, aux entités, aux responsables et de travailler avec eux plutôt que de les chicaner.

Dans le document édité pour les 40 ans de Kéroul, vous dites, dans votre mot d’introduction, qu’il s’agit là d’« un organisme unique ». Au Canada ? Au monde ?

Nous sommes la seule province canadienne à disposer d’un tel outil, d’un organisme dédié à améliorer l’accessibilité dans le tourisme et dans la culture. Sur la scène internationale, on trouve évidemment des organisations qui ont des missions semblables, mais souvent, elles sont découpées en deux entités : l’une s’occupe de l’évaluation, l’autre se charge de répondre aux appels. Nous, on fait les deux !

En quatre décennies, quelles ont été les principales victoires de Kéroul ? Ses plus beaux combats ?

On a d’abord dû se battre pour obtenir de la visibilité. À ce titre, la parution du premier ouvrage sur l’accessibilité au Québec a démontré tout notre sérieux. La première édition de la Route Accessible, en 2006, est aussi une date importante : ce n’était pas uniquement notre projet, mais celui d’Associations Touristiques Régionales (ATR) qui ont embarqué dans cette aventure. Elles n’étaient que trois ou quatre au début ; désormais, toutes les régions sont représentées et s’activent dans le dossier Le Québec pour tous. Enfin, je dirais que les honneurs, et notamment le prix que nous a remis l’Organisation Mondiale du Tourisme, nous auront permis de gagner en crédibilité au fil du temps.

Et dans les prochaines années, quels seront les principaux chantiers ?

On veut obtenir une déclaration officielle du gouvernement afin que tout ce qui se bâtit au Québec soit totalement accessible. Il y a déjà le Code du Bâtiment mais il n’y a pas de vérification ultérieure, il n’y a pas d’inspection concrète après la construction. Résultat : on a encore, en 2019, quelques personnes qui, en construisant, font volontairement le choix de ne pas aménager les lieux parce qu’ils ne veulent pas de nous, de « cette clientèle-là ».

Faudrait-il donc prévoir et imposer des sanctions ?

Il faudra peut-être en arriver là. Malheureusement… (Elle soupire) Les États-Unis se sont dotés de l’Americans with Disabilities Act, qui fixe des normes strictes et des sanctions particulièrement sévères pour ceux qui ne respectent pas les règles. Résultat : l’accessibilité s’y est grandement améliorée.

De telles sanctions, est-ce en discussion au Québec et/ou au Canada ?

On en a déjà souvent parlé. Là, on attend de voir quel mordant aura la nouvelle loi canadienne sur l’accessibilité. On observe aussi ce que fait l’Ontario avec l’Accessibility for Ontarians with Disabilities Act, on veut voir comment s’en inspirer.

En 40 ans, Kéroul aura vu défiler plusieurs gouvernements. Quels rapports entretenez-vous avec eux, et notamment avec le ministère du Tourisme ?

Ils nous donnent des fonds, ce qui assure notre fonctionnement, mais ils nous font aussi confiance, ce qui nous permet, selon moi, d’avoir une meilleure écoute de la part des divers intervenants de l’industrie. Quand le ministère vous soutient, ça aide à convaincre… De façon générale, quel que soit le parti au pouvoir, on n’a pas à se battre pour être écoutés. Ça ne bouge peut-être pas autant et aussi vite qu’on le souhaiterait, mais je dois saluer le fait que les élus, et surtout le ministère du Tourisme, nous impliquent, nous consultent. Ça nous offre une tribune que peu d’organismes ont la chance d’avoir.

Vous dites rêver du jour où Kéroul n’aura plus besoin d’exister. Est-ce possible ? Ou est-ce un vœu pieu ?

J’aimerais vous dire que c’est possible… Ce qui m’inspire, c’est que pendant des années, on a cogné aux portes des entreprises sans avoir de réponses, on avait de la difficulté à les joindre ; maintenant, ces mêmes entreprises, ces hôteliers, ces restaurateurs nous contactent, nous posent des questions avant de bâtir ou de rénover, nous demandent des conseils. Ça me donne espoir.

Malgré ces avancées, malgré les aides qui ont explosé (la subvention maximale dans le cadre du Programme d’accessibilité des établissements touristiques (PAET) est ainsi passée de 20 000 $ à 50 000 $), certains professionnels estiment encore qu’améliorer l’accessibilité coûte (trop) cher. Que leur répondez-vous ?

Qu’ils se trompent ! C’est une fausse idée. Si vous installez une rampe plutôt que des marches à l’entrée de votre restaurant, si vous équipez votre salle de bains de barres d’appui, si vous libérez un peu d’espace dans une chambre, on ne parle pas là de sommes astronomiques. Et avec 50 000 $, on peut en faire, des aménagements !

Qu’est-ce qui freine encore alors ?

La peur de l’inconnu, sans doute. Certains se demandent comment ils doivent réagir face à une personne en fauteuil, comment ils doivent aborder et accueillir un non-voyant. Et ils préfèrent parfois ne rien faire plutôt que d’affronter leurs craintes. Avant d’investir dans des rénovations, d’autres semblent se demander s’il y a tant de gens qui vivent en situation d’handicap. Pour dire ça autrement : « Est-ce que ces aménagements et investissements en valent vraiment la peine ? »

On parle pourtant de 15 % de la population québécoise…

Oui, et avec le vieillissement de la population, ce chiffre devrait rapidement doubler ! La génération des boomers a l’habitude de sortir, de profiter, de voyager, de consommer. Dans quelques années, ils vont souhaiter poursuivre leurs sorties, même s’ils ont des besoins spéciaux. Aux hôteliers et aux restaurateurs de leur offrir ces services particuliers.

Voyez-vous, en termes d’ouverture, des différences selon la taille ou la nature de l’établissement, selon l’environnement dans lequel il se situe ?

Non. Que vous soyez en ville ou au fond d’une campagne, chez un indépendant ou au sein d’une grande chaîne, vous pouvez voir de superbes choses… ou des choses très vilaines. Ce qu’on a constaté, c’est que si le propriétaire, les responsables ou les employés ont connu des personnes en situation d’handicap, qu’ils savent ce qu’est notre quotidien, ils vont nous offrir une meilleure écoute.

Comment le quarantième anniversaire de Kéroul est-il célébré ?

Notre 40e assemblée générale annuelle s’est tenue, de manière très symbolique, à l’ITHQ, qui avait jadis accueilli notre première AGA. Le 29 octobre, on organise une fête pour réunir les collaborateurs, les (anciens) employés, tous ceux qui croient en notre cause. Enfin, la biographie du fondateur de Kéroul, André Leclerc, devait être prête en même temps que cet anniversaire mais elle a pris un peu de retard. Ce n’est que partie remise et ce sera l’occasion de célébrer André comme il se doit.

(Crédit photo : Kéroul)

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Mots-clés: Québec (province)
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