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LE COMMERCE DE L’ALIMENTATION ET DE LA RESTAURATION ALIMENTAIRE

Pour en savoir un peu plus sur l’entrepreneur / gestionnaire Jean Bédard

 
9 mars 2011 | Par Christian Latour | Chasseur de connaissances | Mérici Collégial Privé

L’ENTREPRENEUR / GESTIONNAIRE JEAN BÉDARD [1]

Déroulement de la rencontre : C’est du sport !

« Les premiers leaders qu’on rencontre dans sa vie, c’est souvent des coachs de sport. »

Période d’échauffement

« Mon père est un individualiste. Moi, je suis plutôt à l’opposé, j’aime être en groupe. Lorsqu’on était jeune, mes frères et moi, mon père se valorisait à travers nos succès sportifs. Il poussait beaucoup pour que l’on réussisse dans ce domaine. Quand on était bon, il était bien fier. Il était toujours présent. Il aime beaucoup le sport et il a en fait aussi beaucoup. Aujourd’hui, il va toujours voir mes garçons jouer… »

Technique de jeu : l’école

« J’avoue que je trouvais le temps long à l’école. J’étais bon, je n’avais pas de difficultés, mais je ne voyais pas l’intérêt d’avoir 95 %. Je me disais que 75 % ou 80 %, c’était suffisant. J’ai toujours eu ce genre de résultats. Le reste du temps, je jouais. J’organisais tout ; j’appelais tous les amis et on sortait dehors. Je sentais que pour mon père, l’école ne paraissait pas comme une priorité. Je ne sentais donc pas de pression en ce sens. Pour lui, le sport, c’était important, mais l’école l’était un peu moins. Ma mère s’assurait que tout fonctionnait bien à l’école, elle vérifiait mes devoirs. Elle a fait ça avec les trois garçons. »

[…] je ne voulais pas passer pour un idiot. Ce n’était pas de l’orgueil, mais j’aime savoir que les gens pensent du bien de moi. »

« Pendant mes études, je ne savais pas si je voulais devenir gestionnaire ou encore avoir une entreprise. Je me disais que j’étais un gars polyvalent et que je pouvais exceller. J’étais à l’aise avec tout ce qui touchait la gestion, pas juste la comptabilité. En entrant à l’université, je m’étais dit que je voulais devenir comptable agréé. Je trouvais que c’était un emploi sûr. Je n’ai jamais entendu un comptable dire qu’il n’avait pas de travail. Connaître les chiffres était aussi une bonne arme et ça ne m’empêchait pas de développer autre chose plus tard. Et j’avais aussi en tête tous les gars que je connaissais qui avaient fait leur comptabilité et qui réussissaient bien. »

« J’ai tout de suite su que je voulais faire partie d’une petite entreprise afin d’être le plus près possible du patron. Je savais que le seul moyen d’être en contact avec lui serait de devenir mon propre patron. J’ai alors voulu partir mon propre bureau afin de garder le contrôle. Stéphane avait une maîtrise en fiscalité. Moi, j’avais fait des cours d’informatique parce qu’on commençait à en parler en 1986. J’étais un des seuls comptables à maîtriser l’informatique. J’avais pris des cours et j’en donnais aussi. On avait donc, Stéphane et moi, de bonnes armes contre nos concurrents. »

Mise au jeu : Bédard, Magnan, c.a.

« Alors que j’étais en deuxième année de baccalauréat, mon grand-père Alidor Bergeron est mort. C’était le père de ma mère. C’est de lui que me vient mon côté entrepreneur. Il était entrepreneur en construction ; il a, entre autres, fait plusieurs des viaducs sur l’autoroute 20. Puis il a vendu sa compagnie alors que j’étais très jeune. Il habitait dans une grande maison avec une piscine sur le bord de l’eau et un terrain de tennis. La maison était grande ouverte pour tout le monde. C’était un rassembleur. Il y avait aussi un vent de respect pour mon grand-père ; il était sévère et il faisait un peu peur, et ce, malgré le fait qu’il était petit. Lorsqu’ils jouaient tous aux cartes et que quelqu’un trichait, Alidor se fâchait. Un jour, un dimanche, Laurent Beaudoin est venu en hélicoptère voir mon grand-père. M. Beaudoin était le frère de ma marraine. Ils se sont assis dans le salon et ont jasé. Guy Lafleur venait le voir, même le lieutenant-gouverneur du Québec, Hugues Lapointe, visitait mon grand-père. Moi, je restais et je les écoutais. Mon grand-père était un modèle pour moi : généreux, accessible. C’est à sa mort que j’ai compris que c’était à mon tour, qu’il fallait que je prenne sa place. C’est aussi à ce moment-là que j’ai commencé à avoir de meilleurs résultats à l’université. »

« On avait ciblé les clients qu’on voulait avoir. On s’était positionné. Je ne me sentais pas à l’aise avec les agriculteurs. Je ne suis pas un gars de ferme, je ne comprends donc pas très bien leurs affaires. Je n’aimais pas non plus les rapports d’impôt personnel. Ce que j’aime, c’est les PME. J’aime savoir que je peux aider des dirigeants. Pas seulement dans son entreprise, mais aussi au niveau de la planification. On pouvait rendre service et c’était rentable ; et on avait un bon personnel formé pour servir ce type de clientèle. On aurait même pu grossir encore plus, mais il vient un moment où tu grossis pour grossir et tu sers moins bien. Notre méthode de positionnement, je l’ai apprise par instinct. Les cours que j’ai suivis à l’université m’ont aidé, mais je ne peux pas dire que je suivais un modèle en particulier. J’ai beaucoup lu sur le sujet, mais c’est très intuitif. Maintenant, c’est Stéphane qui a tout ça entre les mains. »

Première période : sur la glace

« Le franchiseur, Sportscene, était mal organisé. La structure n’était pas encore bien établie. Au départ, mon groupe d’amis avait prévu que la franchise leur coûterait 800 000 $ ou 900 000 $. Puis finalement, la facture a grimpé à environ 1,2 million de dollars. Ils leur manquaient beaucoup d’argent. À cette époque, je sortais de l’université et mon associé Stéphane, aussi. Mais on avait deux de nos clients qui avaient pas mal d’argent et qui étaient intéressés par le projet. On a donc eu l’idée de former un groupe avec nos deux clients pour nous permettre d’être de la partie. On était 18 à faire partie de l’achat de la franchise. Dans ce groupe, il y avait un comptable, un notaire, bref, des gens qualifiés pour ce genre d’entreprise. Mais on avait oublié de trouver un exploitant pour s’occuper du restaurant. Le jour de l’ouverture, l’exploitant qu’on avait trouvé a fait une dépression. Il n’est jamais entré dans le restaurant. Six mois plus tard, on n’avait toujours pas de gérant et je pense qu’on avait perdu 200 000 $. Ça n’allait pas bien. On travaillait comme des fous, Stéphane et moi, et on se disait que l’argent du bureau allait payer le restaurant. En plus, on n’avait pas de soutien du siège social. »

Le Groupe Les Restaurants Sportscene inc.

Deuxième période : mise en échec

« J’étais, avec Stéphane Magnan, le plus jeune du groupe d’investisseurs. On avait réussi à faire deux bons coups. En 1994, il y a un congrès avec tous les franchisés de La Cage aux Sports au Mont Sainte-Anne, près de Québec. Les franchisés n’avaient pas un bon service de la part du siège social Sportscene et c’était le moment de l’exprimer au fondateur de l’entreprise, George Durst. La rencontre est corsée et le ton monte entre le franchiseur et les franchisés. Le fondateur désire placer son avocat sur la chaise du président. Nous sommes sortis, de cette rencontre, découragés, nous demandant ce qui allait arriver à nos investissements. Il faut dire aussi que la chaîne de restaurants St-Hubert prenait de l’expansion et faisait des rénovations. Plusieurs pensaient abandonner leurs franchises pour partir autres choses. Quelque temps plus tard, M. Durst m’a téléphoné pour me rencontrer. Il savait que ça n’allait pas très bien et il voulait que je vienne leur donner un coup de main au siège social. Il trouvait que j’avais acquis une bonne crédibilité avec les franchisés. J’étais donc engagé pour faire le ménage. Au début, le boulot ne me tentait pas du tout. J’avais mon bureau de comptables qui fonctionnait bien et je ne me voyais pas passer six mois à contrat pour le siège social. En plus, je venais tout juste d’avoir mon premier garçon et faire le trajet de Saint-Hyacinthe à Montréal, c’était beaucoup. Il a fait venir un chasseur de têtes à mon bureau. Le type m’a dit de mettre mes conditions sur la table. Je savais qu’il allait s’arranger pour me garder après les six mois. J’ai donc exigé qu’il déménage le siège social si je restais après deux ans. J’ai pris mes affaires en me disant que je pouvais quitter à 24 heures d’avis si ça ne me convenait pas. Toutes mes conditions avaient été acceptées. »

« Je dirige alors les assemblées des franchisés pour bien leur faire comprendre nos idées. C’était comme leur expliquer la recette du pâté chinois – steak, blé d’Inde, patate. On centre nos activités sur la gang, le sport et le plaisir. On ne peut donc plus faire de soirée des dames, un lundi soir tranquille. Tout le monde était un peu mélangé parce que la direction n’était pas claire. C’était un peu de notre faute parce qu’on avait eu beaucoup de choses à régler. On avait perdu la nature de notre positionnement. Maintenant, il est clair et bien identifié par les consommateurs. Notre « job », c’est de leur livrer cette expérience-là. Aujourd’hui, on peut plus innover parce qu’on connaît bien notre positionnement. Au niveau de nos événements, on va un petit peu plus loin que seulement les présenter. On demande à nos exploitants de créer des événements, de faire de l’animation, de décorer, de faire venir un DJ. »

Vice-président exécutif

« Alors qu’on faisait notre nouvelle stratégie, on est arrivé à la conclusion que ça me prenait un gars fort pour me soutenir au niveau des opérations. On se demandait si je devais me trouver quelqu’un à l’extérieur ou à l’intérieur de l’entreprise. On pouvait trouver un gros calibre de l’externe, mais il aurait pu avoir une gang, avec ses codes à lui, et pas ceux de La Cage. Finalement, on s’est dit que le mieux serait de trouver un jeune de l’entreprise, avec un bon potentiel, et de le faire monter tranquillement. On a choisi François. Il a cinq ans de moins que moi. Je lui ai confié des dossiers un à un. Et tout va bien. Il a pris de l’expérience et s’occupe vraiment de l’exécution et il pense comme moi. »

« L’information, on l’a. Moi j’appelle ça avoir la Cage dans la peau. On la sent, on la suit toute la journée. Ce système est très important pour moi, c’est mon pouls. J’ai des rapports d’opérations le lundi matin sur tous les restaurants, je peux ainsi mieux réagir. Et bien avant les états financiers qui reviennent aux 15 mois. »

« C’est l’agence de publicité qui est arrivée avec cette idée. Ils pensaient qu’il y avait quelque chose d’intéressant là-dedans, que je correspondais à l’image qu’on se fait de La Cage. Au début, j’étais loin d’être convaincu. »

« Pense à ton affaire comme il faut avant de venir me la présenter. Veux-tu que je t’aide à régler un problème, veux-tu mon opinion ? J’aime l’efficacité. Je n’aime pas perdre mon temps parce que j’essaie autant que possible que ce temps soit de qualité. Je ne veux pas travailler pour rien. Je veux être disponible, mais je ne veux pas faire stagner les choses ; il ne faut pas que mes employés attendent après une réponse, que ça les empêche d’avancer parce que ça, ce n’est pas efficace. Le lundi matin, je rentre toujours très tôt au bureau. Lorsqu’ils arrivent, j’ai tout lu leurs affaires et je peux leur donner des réponses. Après, la machine doit se mettre en marche. »

Être patron, être entraîneur

« Tout le monde est embarqué dans le jeu, je n’ai supplié personne. Les gens savent que ça va être plaisant avec moi, que le travail va être fait dans le plaisir. Il y a quelque temps, je suis tombé par hasard sur mon album de finissant au secondaire. Mon meilleur ami m’a écrit que j’étais toujours prêt à embarquer dans n’importe quel projet si je savais qu’il y avait de la rigolade. »

L’entraîneur de demain


À lire attentivement [2]

La Cage aux Sports... un exemple de positionnement stratégique bien réussi.

Comme Jean Bédard apprenez à diriger votre équipe comme si vous étiez son entraîneur.

Jean Bédard et La Cage aux Sports
Cas produit par Anne-Catherine Rioux, Bernard Chassé et le professeur Laurent Lapierre, Centre de cas HEC Montréal.

MÉDIAGRAPHIE

Manuel de gestion-réflexion / Christian Latour


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Notes

[1Extrait de : Jean Bédard et La Cage aux Sports (2005), cas produit par Anne-Catherine Rioux, Bernard Chassé et le professeur Laurent Lapierre, Centre de cas HEC Montréal.

[2L’attention est déterminante dans la façon dont nous exécutons n’importe quelle tâche.

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