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LE COMMERCE DE L’ALIMENTATION ET DE LA RESTAURATION ALIMENTAIRE

Réflexion sur l’évolution et l’avenir de l’Art Culinaire… selon maître Auguste Escoffier

 
3 mai 2011 | Par Christian Latour | Chasseur de connaissances | Mérici Collégial Privé

Je suis toujours surpris lorsque je m’adonne à la lecture des écrits qui date d’une autre époque d’y découvrir comment malgré l’immensité des changements que nous vivons actuellement plusieurs enseignements des pères fondateurs de notre industrie sont toujours on ne peut plus actuels.

Voici pour vous en convaincre un exercice de réflexion sur l’évolution et l’avenir de l’Art Culinaire avec comme source d’inspiration des écrits de maître Auguste Escoffier qui date de 1902 et de 1907. [1]


LES QUESTIONS DE DÉPART DE NOTRE RÉFLEXION :

La montée fulgurante pour l’Art Culinaire, que nous avons constaté depuis quelques années, va t’elle se poursuivre au cours des prochaines années ?

Comment entrevoyez-vous l’avenir de la cuisine ?

VOICI CE QU’A ÉCRIT SUR CE SUJET AUGUSTE ESCOFFIER LE 1er NOVEMBRE 1902 :

L’Art Culinaire, pour la forme de ses manifestations, dépend de l’état psychologique de la société ; il suit nécessairement et sans pouvoir s’y soustraire les impulsions qu’il reçoit de celle-ci. Là où la vie aisée et facile n’est troublée par aucune préoccupation, où l’avenir est assuré et à l’abri des chances de la fortune, l’Art Culinaire prend toujours un développement considérable, parce qu’il contribue à l’un des plus agréables parmi les plaisirs qu’ils soient donnés à l’homme de goûter.

Il a aussi écrit :

Alors que tout se modifie et se transforme, il serait absurde de prétendre fixer les destinées d’un art qui relève par tant de côtés de la mode, et est instable comme elle. Mais ce qui existait déjà au temps de Carême, qui existe encore de nos jours, et qui existera aussi longtemps que la cuisine elle-même, c’est le fonds de cette cuisine ; car si elle se simplifie extérieurement, elle ne perd pas sa valeur, au contraire. Et les goûts s’affinant sans cesse, elle-même s’affine perpétuellement pour les satisfaire. [...] elle deviendra même plus scientifique et plus précise.

Le 1er février 1907, il a écrit :

Le client exigeant d’être servi rapidement, nous n’avons pas d’autres alternatives que de lui donner satisfaction ou de le perdre ; ce que nous lui refuserions en ce sens, le concurrent le lui donnerait. Nous sommes donc obligés de nous plier à sa fantaisie. Si nos méthodes habituelles de travail, et notre genre de service ne se prêtent pas à cette obligation, il nous faut résolument les réformer. Une seule chose doit demeurer immuable, intangible : c’est la qualité des mets ; c’est la valeur « savorique » des fonds de cuisine, base de notre travail. Nous avons déjà commencé la réforme dans le dressage ; une foule d’impédimentas ont disparu ou vont disparaître des services modernes […], etc. On ira plus loin encore dans cette voie […] Nous porterons la simplicité à ses dernières limites ; mais, en même temps, nous augmenterons la valeur « savorique » et nutritive des mets : nous rendrons ceux-ci plus légers, plus facilement digestibles [...] nous les dépouillerons de la plus grande partie de leurs matières inertes.

Nous sommes, au point de vue culinaire, à une période de transition. Les anciennes méthodes ont encore leurs fervents, que nous comprenons et dont, au fond nous partageons les idées.

Nous [devons] simplement suivre la marche en avant de notre art, être de notre époque et obéir à la volonté formelle des convives, des amphitryons ou des clients ; volonté devant laquelle nous ne pouvons que nous incliner.

Nous estimons que c’est rendre un service à nos collègues que de les engager a chercher résolument […] les améliorations susceptibles de concourir à accélérer le service, sans nuire à la valeur des mets. Dans la généralité, nos méthodes sont encore trop largement tributaires de la routine. Sous la poussée de la clientèle dont les exigences sont irrésistibles, il nous a bien fallu déjà simplifier nos méthodes de travail ; mais il semble [que nous devons aller plus loin encore].

Dans les circonstances ordinaires du travail, il faut arriver à simplifier [encore et encore].

En un mot, la cuisine, sans cesser d’être un art, deviendra scientifique et devra soumettre ses formules, empiriques trop souvent encore, à une méthode et à une précision qui ne laisseront rien au hasard.

En conseillant les procédés nouveaux, nous n’avons pas l’intention de condamner les anciens […] : nous désirons seulement engager nos collègues à étudier les habitudes et les goûts des clients, et à conformer leur travail à ces habitudes et à ces goûts.

En matière de cuisine, il n’y a pas des principes : il n’y en a qu’un, qui est de donner satisfaction à celui que l’on sert. C’est à nous de méditer cette réponse. Il est absolument ridicule de prétendre imposer nos habitudes et nos manies à ceux que nous servons : nous devons bien nous persuader que c’est le premier et le plus essentiel de nos devoirs que de nous conformer à leurs goûts.

Cette opinion n’a cessé d’être la nôtre. La cuisine évoluera (comme évolue la société elle-même) sans cesser d’être un art. On admettra bien que les coutumes [et] la manière de vivre, ont bien changé depuis 1850, par exemple : la cuisine doit changer aussi. Les admirables travaux de Dubois et Bernard répondaient aux besoins de cette époque ; mais s’ils sont éternels comme documents, et pour le fonds du travail, la forme qu’ils ont mise en honneur ne répond plus aux exigences de nos jours.

Nous devons respecter, aimer et étudier ces œuvres admirables ; elles doivent être avec celles de Carême, la base de nos travaux. Mais au lieu de copier servilement, nous devons chercher nous-mêmes de nouvelles voies afin de laisser, nous aussi, des méthodes de travail adaptées aux mœurs et aux usages de notre temps.

Le progrès marche, et chaque jour enfante des formules nouvelles.

Pensez-vous, comme moi, que ces écrits de maître Auguste Escoffier même s’ils ont été écrits à une autre époque méritent encore notre étude attentive ?


À lire attentivement [2]


MÉDIAGRAPHIE

Manuel de gestion-réflexion / Christian Latour


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La première version de ce texte a été mise en ligne le 3 mai 2011.


Notes

[1Escoffier A. (1921). Escoffier = le guide culinaire. France ; Flammarion.

[2L’attention est déterminante dans la façon dont nous exécutons n’importe quelle tâche.

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